IVG dans la Constitution, lutte contre les violences sexuelles, #MeToo, actes antisémites... Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, est l'invité de Amandine Begot.
Regardez L'invité de RTL du 04 mars 2024 avec Amandine Bégot.
Regardez L'invité de RTL du 04 mars 2024 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43, Amandine Bégaud, vous recevez donc ce matin le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti.
00:11 Un garde des Sceaux qui n'est plus ministre de la justice
00:14 mais ministre de l'impunité. Ces mots, Eric Dupond-Moretti, ce sont ceux de Marine Le Pen hier à Marseille,
00:20 premier meeting du Rassemblement National à trois mois des élections européennes.
00:23 Et la patronne des députés RN a eu des mots très durs, contre vous, contre le gouvernement,
00:28 ministre de l'impunité, c'est violent. Que lui répondez-vous ce matin ?
00:31 Que je suis l'une des cibles préférées de madame Le Pen depuis depuis toujours.
00:39 C'est même obsessionnel chez elle, sauf que
00:44 la surpopulation carcérale, qui est un vrai problème,
00:48 démontre à l'évidence que la justice n'est pas laxiste. J'invite d'ailleurs madame Le Pen,
00:53 l'impératif m'est interdit lorsque je m'adresse à elle,
00:57 je l'invite à lire ce que la Cour des comptes a écrit là-dessus.
01:00 La Cour des comptes dit "la justice est de plus en plus sévère" et tous les chiffres le démontrent, mais
01:04 ils ont inventé une espèce de syllogisme fou
01:07 qui consiste à dire
01:10 la justice est laxiste, ce qui est totalement bidon, et la justice laxiste génère de la délinquance.
01:16 Et vous avez bien compris, oyez, brave Jean, si madame Le Pen arrive au pouvoir, il n'y a plus de délinquance dans notre pays.
01:23 D'ailleurs, à propos de justice, elle pourrait commenter
01:26 l'arrêt de la Cour d'appel qui a été rendue au mois de mars 2023,
01:31 qui condamne toutes les petites officines du Rassemblement National. Le Rassemblement National a été condamné pour recel.
01:38 Monsieur Valerand Saint-Just, qui est le comptable du Rassemblement National, a été condamné.
01:43 Le micro-parti de madame Le Pen, qui s'appelle Jeanne, a été condamné pour escroquerie, madame.
01:50 Voilà, je sais pas, est-ce qu'elle a hurlé, là, pour dire que la justice était laxiste ? Je sais pas. Tout ça,
01:56 tout ça, voyez-vous, c'est du Le Pen dans le texte. D'ailleurs, j'ai regardé hier
02:00 un peu ce qui s'était passé à Marseille, et pour ne rien vous cacher, ça m'a fait plaisir d'une certaine façon.
02:06 Ça m'a rajeuni de 20 ans.
02:09 Figurez-vous que le "on est chez nous", on entendait déjà ça
02:12 quand monsieur Le Pen perd, prenez la parole, dans les meetings,
02:17 "on est chez nous". C'est chouette pour les étrangers qui sont ici, qui participent à l'économie de notre pays,
02:23 qui n'ont rien fait de mal, c'est toujours les mêmes rengaines.
02:27 Et,
02:29 plutôt que de me critiquer,
02:31 eh bien, il ferait mieux de nous dire quel est leur bilan
02:35 au Parlement européen.
02:38 Monsieur Bardella, monsieur Selfy.
02:40 - Monsieur Selfy, c'est comme ça que vous l'appelez ? - Ah oui, oui, ah oui, parce que c'est totalement creux.
02:45 Il est d'une arrogance absolument incroyable, il a déposé sur toute la législature 21 amendements.
02:51 Voilà, tout ce qu'ils ont fait. Donc, vous voyez, critiquer,
02:56 vendre la Lune, vendre du sable, ils savent faire, pour le reste c'est zéro et zéro pointé.
03:02 - Si l'on en croit les derniers sondages, cette liste RN arriverait très largement en tête le 9 juin prochain, à 30% d'intention de vote,
03:08 selon la dernière enquête BVA pour RTL qui était publiée vendredi. 12 points devant la liste Renaissance.
03:13 Vous pensez sincèrement encore pouvoir inverser la tendance, vraiment ?
03:16 - Mais écoutez, moi je vais me battre comme un chiffonnier, madame, pour rappeler ce qu'est Sparty.
03:21 Parce que Sparty, il a une histoire. Alors, les jeunes l'ont à l'évidence oublié.
03:27 Monsieur Bardella, il n'arrive pas à dire aujourd'hui que Jean-Marie Le Pen est antisémite. Vous vous rendez compte de ça ?
03:32 On participe à la marche contre l'antisémitisme,
03:35 et on oublie qu'en 2017, madame Le Pen,
03:39 qui change d'avis comme deux chemises,
03:42 demandait aux franco-israéliens de choisir leur nationalité. Et, je dois à la vérité de dire qu'elle ajoutait
03:48 que pour ceux qui choisiraient la nationalité israélienne,
03:51 ils pourraient rester en France. Mais, madame,
03:55 c'est un changement de pied sur tous les sujets. Il suffit d'attendre six mois et elle sera d'accord avec vous.
04:01 C'est pas compliqué. - Eric Dupond-Moderetti, vous n'avez jamais caché votre combat contre le RN.
04:07 Ça fait des années que vous vous battez contre, et depuis des années, j'ai envie de dire,
04:12 on les voit grimper dans les sondages. Est-ce que ce n'est pas ça, finalement, l'échec numéro un d'Emmanuel Macron, justement, ne pas avoir réussi
04:18 à affaiblir le RN ? - Mais, madame, je pense qu'il y a une espèce de banalisation
04:23 de la violence. D'abord, de la violence verbale.
04:26 Monsieur Bardella
04:29 dit à propos du président de la République qu'il est paranoïaque et schizophrène. Et la députée Borde,
04:36 qui est députée du Gard, ajoute qu'il est sous stupéfiance ou psychotrope.
04:40 Je ne sais pas si vous imaginez. Moi, je souhaite à monsieur Bardella, qui se voit déjà Premier ministre,
04:45 je lui souhaite d'avoir la même compétence que le président de la République sur l'ensemble des sujets qui doivent être traités
04:53 par un potentiel Premier ministre. Enfin, vous avez vu ce qu'ils ont organisé au salon de l'agriculture ?
04:58 - Mais, sauf qu'ils sont élus, j'allais vous dire, Eric Dupond. Ils sont élus.
05:04 - Oui, non, non, mais quand vous dites "on les banalise", ils sont élus,
05:08 représentant de millions de Français qui ont voté pour eux. Qu'est-ce qu'on fait ?
05:11 - On n'est pas dans une dictature, que je sache. On est dans une démocratie. On retournera aux élections.
05:17 Il faut que les gens regardent de près ce qu'ils ont fait.
05:21 Monsieur Bardella,
05:23 européen convaincu, 21 amendements, c'est-à-dire rien, strictement rien. Ils n'y sont jamais.
05:29 C'est de l'absentéisme. C'est ça qui les caractérise au Parlement européen. Au salon de l'agriculture,
05:35 ils ont fait mettre le président dans une nasse,
05:37 pardon de le dire, avec une violence inouïe.
05:41 Et le lendemain, ils sont arrivés comme des sauveurs. Ils ont fait des selfies, ils ont été bien reçus. Mais ça, ils l'ont orchestré.
05:48 Mais c'est les bonnes vieilles ficelles de l'extrême droite.
05:52 Tout est là, et pardon de le dire, mais dans ceux que j'ai cités, là, qui ont été condamnés, il y a
05:59 les dudards,
06:01 ultra-violents, les néo-nazis. Madame Le Pen, d'ailleurs, devait déposer de contre-moine.
06:05 - Elle avait dit qu'elle déposerait plainte.
06:06 - Bah oui, mais signe encore de sa compétence.
06:08 Elle ne sait pas que les propos tenus dans l'hémicycle ne peuvent pas faire l'objet, Madame, de poursuite.
06:14 M'a-t-elle interpellé pour me demander les noms ? Puis je trouve qu'il y a une forme de complaisance qui fait que
06:19 on a parlé davantage du nom de ses chats que du nom de ses amis.
06:22 - Complaisance de qui ?
06:25 - On aurait quelques frayeurs.
06:27 - Complaisance de qui, Eric Dupond-Moretti ?
06:29 - Pardon ?
06:30 - Complaisance de qui ?
06:30 - De tout le monde, Madame.
06:32 De tout le monde.
06:33 Personne ne s'est élevé
06:35 pour dénoncer ce qui s'est passé au Salon de l'agriculture. Je trouve ça absolument monstrueux.
06:41 - Elle a indiqué hier qu'elle souhaitait inscrire dans la Constitution la dissuasion nucléaire.
06:45 Est-ce que c'est possible et est-ce que c'est souhaitable ?
06:47 - Écoutez, j'en sais rien. Elle avait dit qu'il y aurait un référendum sur la peine de mort, et puis
06:53 quelques temps après on peut retrouver tout ça sur Youtube. Elle a dit que c'était pas possible, que c'était pas constitutionnel. Alors, ce que dit Madame Le Pen,
06:58 vous voyez, moi je m'en méfie beaucoup, je pense qu'elle changera d'avis dans six mois.
07:02 - Ce qui va être inscrit en revanche dans notre Constitution, et ça c'est une quasi-certitude, sauf bien sûr que théâtre, c'est l'IVG,
07:07 congrès cet après-midi à Versailles. On vous a senti, Eric Dupond-Moretti, très ému la semaine dernière lors du vote au Sénat.
07:14 - Oui, Madame, je l'étais. Je trouve que c'est un moment
07:19 historique, c'est un moment important pour les femmes de notre pays. - Ça va pas changer leur quotidien, concrètement ?
07:24 - Non, mais il faut pas attendre qu'un droit soit menacé pour le protéger. Et d'ailleurs, la menace vient de l'extrême droite.
07:31 Je le rappelle,
07:34 le sénateur Ravier, qui est aujourd'hui zémouriste ou zémourien, c'est pas comment on dit,
07:39 vient de changer d'écurie. Il était avant chez Madame Le Pen.
07:42 Il s'est très clairement prononcé contre l'avortement. Je parle même pas de la constitutionnalisation de l'avortement.
07:49 Contre. Mais la menace, elle est là. - Vous pensez vraiment que si certains arrivaient au pouvoir,
07:54 l'IVG pourrait être remise en cause aujourd'hui dans notre pays ? - Je redis que
07:58 pour protéger un droit, faut pas attendre qu'il soit menacé. Mais regardez ce qui s'est passé en Pologne,
08:02 regardez ce qui s'est passé en Hongrie.
08:05 Pologne, j'allais dire ancien régime, c'est-à-dire à 1000, là encore,
08:08 du Rassemblement National. Vous savez ce qu'on faisait, Madame ? On faisait entendre les battements de coeur du foetus
08:15 pour dissuader une femme d'avorter. Et je veux rappeler que toutes les neuf minutes,
08:20 dans le monde, il y a une femme qui meurt parce qu'elle a été contrainte de subir un avortement clandestin.
08:27 Alors c'est une grande avancée pour le droit des femmes, et moi ça m'émeut particulièrement.
08:33 Et c'est
08:35 un message universel que la France envoie au monde entier. Nous serons le premier pays
08:43 à graver dans notre Constitution
08:45 cette liberté fondamentale
08:48 pour les femmes de disposer de leur corps, tout simplement.
08:51 Et on sent une très grande fierté quand on vous entend. Cette inscription dans la Constitution, elle se fera officiellement
08:55 vendredi avec cette cérémonie à la chancellerie pour sceller la nouvelle Constitution, le 8 mars. Donc j'imagine que ce n'est pas un hasard à l'occasion
09:02 de la journée des droits des femmes.
09:05 Est-ce que ce n'est pas aussi un moyen, vous allez me dire que je polémique, mais pour Emmanuel Macron de se rattraper,
09:10 si j'ose dire, en la matière, après ses propos très contestés concernant Gérard Depardieu par exemple ?
09:15 Mais pas du tout madame, parce que le président de la République
09:17 m'a demandé de trouver une voie de passage entre les deux assemblées. Vous savez que
09:21 préalablement au Congrès, et pour que le Congrès soit possible, il faut que les deux assemblées, l'Assemblée Nationale et le Sénat,
09:27 votent exactement dans les mêmes termes. Ça c'est la mission qui m'a été confiée par le président de la République
09:32 depuis très longtemps déjà. Bon, et je rappelle que c'est un projet de loi, ça n'est pas une proposition de loi.
09:39 Donc ça vient du gouvernement, et je vous informe, le président de la République l'a dit ce matin,
09:44 qu'il sera présent, parce que l'épilogue, ça n'est pas le Congrès, c'est vendredi prochain, le scellement de ce texte.
09:53 - D'où le titre de garde des Sceaux, on a parfois l'obligé. - Et le président sera présent.
09:59 - Juste un tout petit mot sur
10:02 ces déclarations, ces accusations de Judith Godrej contre Benoît Jacot et Jacques Doyon.
10:07 C'est dans ce contexte là que va se tenir cette journée du 8 mars cette année.
10:10 On sait à quel point, Éric Dupond-Moretti, vous êtes attaché à la présomption d'innocence. Est-ce que par exemple,
10:15 à titre personnel au moins, vous avez été choqué que la sortie du film de Jacques Doyon soit reportée ?
10:22 - Madame, moi je pense que
10:25 on ne peut pas confondre l'homme et l'œuvre.
10:27 Ou alors vous allez enlever de toutes les bibliothèques de ce pays
10:31 les écrits de Céline,
10:36 qui est considéré par certains comme l'un des grands auteurs du 20e siècle.
10:40 Ensuite, chacun est libre de ne pas lire Céline, chacun est libre de ne pas aller voir un film
10:46 dans lequel joue Gérard Depardieu ou je ne sais qui d'autre.
10:51 Moi je dis une chose simple,
10:54 tant mieux si les femmes disent, et si les hommes disent également,
10:58 mais ensuite le bûcher médiatique c'est non.
11:04 Ensuite c'est la justice qui doit faire son travail dans une temporalité
11:07 qui est celle de la justice. Et la présomption d'innocence est évidemment au cœur de nos préoccupations,
11:12 comme d'ailleurs la façon dont on recueille la parole des plaignants, des plaignantes. On a fait beaucoup d'efforts là-dessus.
11:20 On a formé les gendarmes, on a formé les policiers, on a formé les magistrats. Il n'est pas question
11:26 qu'une de ces plaintes passe à la trappe.
11:30 Mais il faut aussi que la justice puisse faire son travail.
11:32 Merci beaucoup monsieur le ministre.
11:34 Pour protéger un droit il ne faut pas attendre qu'il soit menacé, vient de nous dire Eric Dupond-Moretti.
11:38 Merci.
11:39 - Merci à vous. - Merci à vous.