Quelle approche faut-il avoir quand l'on veut investir dans le secteur de l'immobilier de bureaux ? 2023 a été marquée par une baisse des investissements et des acquisitions et 2024 semble être dans la continuité de cette année précédente. Ghislaine Seguin, directrice générale déléguée de Nexity Immobilier d'entreprise, et Vincent Danis, président de Savinianne soulignent les enjeux de ce secteur.
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00:00 Et nous continuons avec une thématique immobilière dans Enjeu Patrimoine.
00:08 Nous allons nous demander ensemble en ce début d'année 2024, quelle approche il faut avoir sur l'immobilier de bureau.
00:13 Et nous allons surtout tenter de comprendre ensemble quel est le contexte économique en ce qui concerne l'immobilier de bureau.
00:18 Un sujet qui revient régulièrement, que ce soit en lien avec l'essor du télétravail
00:23 ou en lien peut-être avec des performances un peu moins bonnes sur certains actifs d'immobilier de bureau l'année dernière.
00:28 Pour en parler, nous avons le plaisir d'avoir sur le plateau de Smart Patrimoine Gisleine Seguin.
00:32 Bonjour Giseline Seguin.
00:33 Bonjour.
00:34 Bienvenue sur le plateau de Smart Patrimoine.
00:35 Vous êtes directrice générale déléguée de Next City Entreprises.
00:38 Et nous avons le plaisir d'avoir à vos côtés également Vincent Danis.
00:40 Bonjour Vincent Danis.
00:41 Bonjour.
00:42 Président de Savignan.
00:43 Alors on va commencer avec vous Giseline Seguin pour comprendre un petit peu le contexte économique de l'immobilier de bureau en ce début d'année 2024.
00:51 J'ai regardé un petit peu les chiffres qu'on pouvait trouver, notamment pour l'Île-de-France sur 2023.
00:57 Et on constate toujours une baisse locative mais qui résiste quand même.
01:03 Et par contre sur le côté investissement, c'est-à-dire nouveaux investissements dans l'immobilier de bureau,
01:08 là on a l'impression qu'on a plus de mal à trouver des gens qui sont prêts à réaliser des acquisitions.
01:12 C'est ce que vous constatez également ?
01:14 Absolument.
01:15 Alors vous savez, comme dans l'immobilier de logement, nos investisseurs sont impactés par la hausse des taux de financement.
01:20 D'accord.
01:21 Puisqu'en fait tous nos investisseurs professionnels, que ce soit des institutionnels, ils se financent grâce à de la dette, pour une partie, puisqu'on ne les fait de levier.
01:31 Et donc c'est cette dette qui d'un coup s'est mise à augmenter d'une manière extrêmement considérable.
01:37 Parce que maintenant on est à un EURIBOR qui est à 3,50, même un peu plus, 3,90 hier je crois.
01:43 Alors qu'on s'était habitué à un certain moment à un EURIBOR négatif.
01:48 Donc on était dans une période où on a cru pouvoir penser que l'argent finalement ne coûtait rien.
01:57 Et donc à ce moment là on avait de très importants volumes monétaires sur le marché et des investisseurs qui du coup s'endettaient avec un coût très limité.
02:07 Bien sûr.
02:08 Et tout ça alimentait beaucoup l'investissement et notamment l'immobilier tertiaire, donc le bureau et les autres produits tertiaires.
02:16 Ça veut dire qu'on a beaucoup investi sur 2019, 2020, 2021 ?
02:20 Oui tout à fait. Le mouvement a commencé à partir de 2015-2016, quand les taux ont commencé à baisser.
02:28 Et puis effectivement le point d'or, ça a été 2019, où là c'est une année qui a battu tous les records en termes d'investissement.
02:36 Ensuite il y a eu le Covid. Donc là on a eu un premier effet d'abord sur un redémarrage de l'inflation.
02:44 Bien sûr.
02:45 Donc l'inflation dit hausse des coûts de construction.
02:48 Donc le phénomène a commencé à gripper un peu du côté des promoteurs qui construisent.
02:55 Et on a eu un effet un peu difficile pour eux.
03:00 Mais sur le volume de l'investissement finalement avec le redémarrage post-Covid, l'année 2020 s'est quand même relativement bien passée.
03:07 L'année 2021 aussi. Et ce qui a vraiment arrêté l'investissement, c'est la hausse des taux de financement.
03:15 D'accord. Parce qu'on pourrait se poser la question, et je vous la pose franchement,
03:18 est-ce que ces reculs d'investissement sont dus à juste un sujet de financement
03:24 ou un manque de confiance dans l'actif immobilier de bureau en lien par exemple avec l'essor du télétravail,
03:29 comme on peut l'entendre depuis les mois de confinement qu'on a connus en 2020 ?
03:33 Alors c'est certain qu'on est dans une conjoncture pour l'immobilier tertiaire qui va subir une profonde mutation.
03:41 D'abord, vous le soulignez, il y a l'effet du télétravail.
03:44 Alors ceci dit, l'effet du télétravail, c'est vrai que les entreprises ont tendance à réduire
03:50 parce qu'ils tablent sur du flex office, des 20% d'absence régulier,
03:57 donc on va pouvoir organiser différemment les effectifs.
04:00 Donc les locataires sont toujours là mais ils louent des surfaces moins grandes.
04:02 Ça c'est ce qu'on a constaté tout à fait, c'est que les surfaces avaient tendance à se réduire.
04:07 Ceci dit, cette année on a vu qu'il y a pas mal d'entreprises, le mouvement est aussi venu des Etats-Unis,
04:12 où on était allé très très loin dans le télétravail et on voit que même des entreprises comme Zoom,
04:18 par exemple, demandent à leurs collaborateurs de revenir au bureau.
04:22 Parce que finalement cet effet, c'est assez délétère tout de même sur la productivité, la culture d'une entreprise.
04:29 Et ça c'est quelque chose que nous, nous constatons quand nous parlons à nos clients.
04:33 On le voit aussi en France, c'est-à-dire ce qu'on voit aux Etats-Unis de retour au bureau,
04:36 on commence à le voir aussi en France dans certaines entreprises.
04:38 Oui, d'ailleurs dans l'immobilier, il y a un investisseur institutionnel qui, constatant la complexité du marché,
04:44 a dit à ses collaborateurs "ben écoutez, maintenant on revient tous au bureau travailler".
04:48 Parce qu'on a besoin d'être ensemble, on a besoin de brainstormer.
04:51 Donc cet effet télétravail, il existe, probablement les volumes seront un peu moins importants,
04:56 mais l'immobilier de bureau, comme on a pu l'entendre parfois, pour moi ne va pas disparaître.
05:00 Ce n'est pas du tout ce que je constate.
05:02 Ensuite, on a un deuxième effet qui va transformer notre métier et notre segment d'actifs,
05:08 c'est l'environnement et l'empreinte carbone.
05:14 Bien sûr, et la transition énergétique des flammes bien.
05:17 Parce qu'il y a le décret tertiaire qui arrive.
05:19 Et donc deux effets, un, les actifs existants, les investisseurs doivent mettre beaucoup de CAPEX dedans.
05:25 Donc il va y avoir beaucoup d'actifs qui vont être réhabilités, restructurés lourdement.
05:30 Et puis deuxièmement, une volonté pour les utilisateurs d'être dans des bureaux
05:38 qui vont être parfaitement aux dernières normes, etc.
05:41 Et ça, ça va avoir par contre un effet plutôt positif sur la production de bureaux neufs.
05:47 Vincent Danis, si on change de manière d'aborder le sujet,
05:51 et qu'on regarde ça plutôt d'un point de vue épargnant, qui a un large choix d'investissement face à lui,
05:57 mais qui regarde aussi des véhicules qui peuvent proposer de l'investissement dans l'immobilier,
06:02 et pourquoi pas de l'immobilier de bureau, comment est-ce qu'on regarde cette classe d'actifs ?
06:06 C'est vrai qu'on a l'impression qu'il y a quelques années, l'immobilier de bureau, c'était sûr.
06:09 C'était des grandes entreprises qui payaient, c'était des emplacements où globalement on savait que ça allait.
06:15 Là, depuis quelques mois, il y a des questionnements sur l'immobilier de bureau, à quoi ressemblera-t-il demain ?
06:20 Dans la tête de l'épargnant français, il y a une valeur bien ancrée, c'est la solidité de la pierre,
06:25 même si de temps en temps il y a des crises, ça reste une activité cyclique.
06:29 Mais ce qu'on a vu apparaître en 2023, certes la remontée des taux de financement,
06:34 mais aussi par cette remontée des taux globalement, la création d'alternatives nouvelles pour l'épargnant,
06:40 qui peut se dire pourquoi resterais-je par exemple investi dans un contrat d'assurance vie multi-support
06:45 sur un produit immobilier de rendement qui me rapporte habituellement 2-3%
06:50 mais sur lequel je commence à voir qu'il y a des difficultés, alors que je peux trouver dans le même contrat
06:55 des fonds obligataires datés avec des rendements embarqués de l'ordre de 5%.
06:59 L'épargnant peut arbitrer à l'intérieur des contrats comme ça et passer d'une classe d'actifs à une autre.
07:04 Donc nouvelle concurrence d'un certain nombre de produits financiers ou autres,
07:08 là on parle du fonds euro ou de fonds obligataires effectivement qui proposent des rendements plus efficaces.
07:11 - Et effectivement avec les fonds euro bonussés en 2024 on va avoir exactement la même chose,
07:15 puisque l'épargnant qui ne veut pas prendre beaucoup de risques a des solutions qui lui sont proposées
07:20 qui vont lui rapporter entre 4 et 4,5%.
07:23 Et il commence à voir apparaître dans la presse, dans les médias, des difficultés sur l'immobilier de bureau,
07:28 des immeubles alloués à vendre, il peut se demander légitimement ce que ça va donner.
07:33 D'autant que si lui-même est salarié, comme vous le disiez, on voit un certain nombre d'entreprises
07:38 qui n'ont pas encore complètement réadapté leur mode de fonctionnement.
07:41 Moi je suis frappé quand je vais dans les bureaux d'une compagnie d'assurance
07:44 et que je vois des réunions dans lesquelles il y a la moitié des gens présents et la moitié derrière écran.
07:48 Certes ça interagit mais pas de la même manière qu'on le voyait par le passé.
07:52 Alors il y a un élément très perturbateur dans l'univers des placements immobiliers qui est la liquidité.
07:58 Et ça risque de perturber encore pas mal en 2024 tout cet horizon-là.
08:03 On a vu en fin d'année dernière...
08:05 Donc liquidité des parts de sociétés de gestion de fonds immobiliers, notamment SCI ou SCPI ?
08:09 SCI, SCPI, EPCI.
08:11 D'accord.
08:12 La SPIM vient de sortir les chiffres de collecte ou de décollecte de ces fonds
08:16 et on voit que ça peut avoir un impact fort y compris sur le marché directement derrière
08:21 parce qu'il y a aujourd'hui plusieurs dizaines ou centaines de millions d'euros
08:25 qui représentent des parts en attente de retrait.
08:28 À un moment donné pour les gérants de ces fonds, il faut bien qu'il y ait une adéquation entre l'actif et le passif.
08:33 Et globalement, ça veut dire qu'il y aura des cessions d'actifs dans un marché où globalement
08:37 il y a peut-être déjà quelques vendeurs mais il n'y a pas beaucoup d'acheteurs.
08:41 Une question quand même.
08:43 Alors effectivement il faut regarder au cas par cas en fonction des investissements
08:46 qu'on a déjà réalisés en tant qu'épargnant ou ceux que l'on souhaite réaliser.
08:49 Mais votre vision, Vincent Dany, sur l'immobilier de bureau, est-ce qu'on est face à un changement de cycle ?
08:54 Est-ce qu'on est aujourd'hui, 2024-2023, sur des années après des années fastes
08:59 où en fait globalement le marché se réduit mais ça ne veut pas forcément dire qu'il faut tout jeter non plus ?
09:04 Comment est-ce qu'on l'analyse avec le temps qu'on a envie d'y consacrer quand on est épargnant ?
09:08 Il y a une vision court terme et une vision long terme.
09:11 Sur la vision long terme, on sait qu'on est myope mais on essaye de comprendre ce qui peut se passer.
09:15 Moi le point sur lequel je me sens totalement myope et je vous écouterai volontiers aujourd'hui,
09:19 c'est de voir à quoi ressemblera l'immeuble de bureau d'un grand groupe dans 5 ans, dans 10 ans.
09:25 Pas d'un point de vue gérant immobilier de l'immeuble mais d'un point de vue salarié, voire d'un point de vue DG et RH.
09:31 Comment est-ce que je motive mes collaborateurs ?
09:33 Comment est-ce que je recrée un jeu collectif à l'intérieur de l'entreprise ?
09:36 Si j'avais cette vision claire, je pourrais être plus pertinent, y compris dans mes choix court terme,
09:41 pour me dire dans quel type d'immeuble de bureau aujourd'hui j'essaye d'orienter mes épargnants
09:45 parce que certains sont déjà en phase avec ces exigences futures.
09:48 En tout cas, ils sont en voie d'amélioration pour le devenir.
09:51 Et d'autres, effectivement, il y a des critères serfs, il y aura des travaux d'amélioration énergétique.
09:55 Mais on voit aussi des emplacements dans lesquels les gens rushing à revenir au travail,
09:59 rushing sur le temps qu'il leur faut pour rejoindre les bâtiments où ils sont censés travailler.
10:04 Donc ça, ce sont des freins importants.
10:06 Pour le moment, les taux d'occupation sont bons dans les placements immobiliers.
10:10 Donc je voudrais quand même apporter un point positif.
10:13 C'est que tant que les taux d'occupation sont bons, que les loyers sont bien payés,
10:16 que les loyers sont indexés, pour les motivations d'un épargnant
10:20 qui cherche avant tout un rendement à long terme et sans avoir à gérer le locataire,
10:24 ça reste une solution parfaitement adaptée.
10:26 - Gisèle Seuger, Vincent Denys, vous a posé une question.
10:28 À quoi ressemblera l'immobilier d'un grand groupe ?
10:31 C'est ça, l'immobilier de bureau d'un grand groupe, demain, déjà, est-ce qu'il est forcément en centre-ville ?
10:35 - Alors ça, oui, je pense.
10:37 Il y a vraiment une demande aujourd'hui de nos clients de centralité.
10:40 Ce qu'ils veulent, c'est une connexion extrêmement aisée au transport.
10:46 Donc ça, c'est un point qui est très important.
10:49 Ce qu'ils souhaitent aussi, c'est avoir des services à proximité.
10:52 Donc le salarié, s'il vient au bureau, il faut qu'il vienne facilement.
10:57 Et le midi, il faut qu'il puisse bouger, faire des courses, etc.
11:00 Ça, c'est un point important.
11:01 Ce qui est aussi important, c'est qu'il trouve des services dans l'immeuble lui-même.
11:05 Donc aujourd'hui, ce qu'on nous demande, comme on veut favoriser ce retour à une culture d'entreprise
11:11 où les gens brainstorm, ils se parlent, on est dans le collectif, on sait combien c'est important,
11:15 eh bien, ils veulent vraiment avoir des immeubles où on favorise ces échanges entre les collaborateurs.
11:21 Donc on nous demande de plus en plus de salles de réunion.
11:24 On a le sentiment que finalement, il n'y en a jamais assez.
11:26 Beaucoup de salles de réunion, beaucoup aussi d'endroits qui sont plus petits,
11:31 c'est-à-dire un endroit qu'on appelle parfois cabine où on peut être deux, quatre, pour échanger
11:35 et ne pas le faire sur le plateau parce que désormais, le plateau de bureau,
11:39 vous savez qu'il n'y a presque plus de bureaux individuels, c'est très très rare.
11:42 Donc on est plutôt sur du plateau.
11:44 Alors en flex office ou pas ?
11:46 Parce que certains se mettent complètement en flex office, après on voit que le flex office quand même,
11:51 il y a des résistances parce que finalement, l'être humain aime bien avoir son bureau.
11:57 Il sait qu'il va arriver, il va trouver un endroit où se plugger.
12:01 Son mug de café ou autre.
12:04 Voilà, je pense que nos petites habitudes, on est finalement, on a ce côté un petit peu animal aussi,
12:08 vouloir avoir son territoire.
12:10 Donc je pense que l'immeuble de bureau de main, il existera toujours.
12:13 Ça sera un point très important pour les grands groupes
12:16 parce que c'est aussi partie de l'image que véhicule ce grand groupe
12:20 et de l'intérêt qu'il suscite pour recruter des collaborateurs.
12:24 Et nous on voit que les jeunes collaborateurs notamment,
12:27 ils sont extrêmement sensibles à la qualité de l'immeuble de bureau dans lequel ils vont évoluer.
12:31 Si je comprends bien et on finira avec vous Vincent Danis,
12:34 en fait ce qu'il faut regarder c'est un immeuble de bureau où on ne va pas travailler mais on va se rencontrer.
12:38 C'est globalement ce qui ressort un petit peu de ce que vous nous dites.
12:41 Mais quand on se rencontre, on travaille.
12:43 Oui c'est vrai, bien sûr.
12:45 Ça c'est pour la vision long terme et pour la vision court terme.
12:47 Attention aux évaluations, attention aux expertises.
12:50 On a vu des publications, des résultats, des foncières cotées là depuis le début de l'année,
12:54 type ICAD ou Gécina.
12:56 Et les évaluations des actifs de bureau vont bien au-delà pour le moment
13:01 de ce que prévoient les sociétés non cotées comme les SCPI.
13:05 Ça peut être une menace sur l'évolution à court terme.
13:08 Soit ils sont trop pessimistes, soit ils sont en avance.
13:11 Donc vérifiez quand même d'un côté ce que disent les foncières cotées,
13:13 de l'autre ce que disent les SCPI.
13:14 Normalement ils devraient avoir le même discours.
13:16 Il n'y a pas de raison pour que la valeur d'un immeuble dépend de la nature de son propriétaire.
13:20 Donc si à un moment donné il y a une divergence de vue,
13:23 c'est que l'un des deux se trompe ou que la vérité est entre les deux.
13:26 Mais ça veut dire que c'est plutôt un signal d'achat pour celui qui est sous-estimé
13:30 et plutôt un signal de vente pour celui qui serait sur-estimé.
13:32 Merci beaucoup Vincent Dany, ce président de Savignan.
13:35 Merci Giseleine Seguin, directrice générale déléguée de Nexity Entreprises,
13:38 de nous avoir accompagné dans Smart Patrimoine.
13:39 Et quant à nous on se retrouve tout de suite dans l'œil du CGP.