L'énigme des disparues de Perpignan et ses 2 coupables

  • il y a 7 mois
"Disparues de Perpignan, vingt ans après" / Retour sur la célèbre affaire des disparues de la gare de Perpignan, durant laquelle quatre jeunes femmes disparurent en l'espace de six ans. Pendant longtemps, les policiers étaient convaincus qu'ils avaient affaire à un seul tueur. Mais en juin 2015, trois des disparitions sont élucidées et établissent que deux meurtriers différents étaient impliqués.

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Transcription
00:00 Il explique qu'il se baladait ce jour-là dans Perpignan, c'était un soir.
00:05 Le temps n'est pas vraiment clément, il fait quelques gouttes.
00:08 Il rentre à son hôtel.
00:10 Octavie Chaïbel rentre chez elle, à la cité universitaire.
00:15 Elle est sur l'autre trottoir, il traverse le trottoir,
00:17 et puis là, les choses s'enchaînent.
00:19 Il la menace, il la menace d'une arme, d'un couteau.
00:23 Il la contraigne à le suivre dans un endroit un peu plus isolé,
00:27 puisque là, elles sont dans la rue.
00:29 Et puis voilà, il l'oblige suite à un certain nombre de gestes
00:33 sur lesquels je ne m'étonnerais pas aujourd'hui.
00:35 [Musique]
01:02 On voit que le meurtrier a pris soin, qu'il n'y ait plus aucune trace
01:06 qui permette de l'identifier.
01:08 Il y a la psychose qui se crée.
01:09 Il y avait des similitudes qui permettaient de penser
01:12 qu'il y avait un criminel unique.
01:14 [Musique]
01:17 Je repense à ses corps et là je me dis c'est Tatiana qui a subi le même sort.
01:21 [Musique]
01:23 On touche enfin du doigt la solution.
01:26 Tout le monde s'est posé la question,
01:27 est-ce que nous avions arrêté le tueur dans ces rilles de la gare de Perpignan ?
01:30 [Musique]
01:32 Ce monsieur a énormément de chance.
01:35 Je dis ce monsieur, je ne dis pas ce monstre.
01:38 Ben j'attends qu'il crève.
01:40 Quelle que soit la vérité, aussi difficile soit-elle,
01:44 je préfère savoir la vérité.
01:46 [Musique]
01:56 Tatiana, Mokhtaria, Marie-Hélène et Fatima.
02:01 Quatre femmes brunes, belles et jeunes,
02:04 disparues l'une après l'autre dans un même périmètre,
02:07 le quartier de la gare de Perpignan.
02:10 Une enquête tentaculaire, un casse-tête pour les policiers.
02:14 Des dizaines de suspects, des espoirs déçus
02:17 et un dénouement inespéré,
02:19 vingt ans plus tard, grâce à une trace ADN.
02:22 Un dénouement partiel,
02:24 car l'affaire des disparues de la gare
02:26 conserve aujourd'hui encore une part de mystère.
02:29 Avec Imen Gouali, nous avons décidé de retrouver ces protagonistes
02:34 et d'analyser avec eux les conséquences
02:36 et les répercussions de ce dossier hors normes.
02:39 [Musique]
02:43 - France Bleu Roussillon, Les Infos, avec vous Cyril Manière.
02:45 - Jacques Rançon avait déjà avoué le meurtre de Mokhtaria Chahib,
02:48 une étudiante, elle aussi, mutilée en décembre 1997.
02:51 En garde à vue depuis hier à Perpignan,
02:54 il a donc reconnu être l'auteur de ce second meurtre,
02:56 celui de Marie-Hélène Gonzalès.
02:58 [Musique]
03:00 - Tout commence le dimanche 24 septembre 1995.
03:04 Tatiana Andujar, 17 ans,
03:06 vient de passer le week-end avec des amis à Toulouse.
03:10 Ses parents attendent son retour le dimanche soir.
03:13 Mais Tatiana ne rentre pas.
03:16 Le lundi matin, il signale sa disparition à la gendarmerie.
03:20 Les gendarmes retrouvent des témoins
03:22 qui l'ont aperçu dans le train du retour.
03:24 Tatiana est donc rentrée à Perpignan le dimanche soir à 19h30.
03:29 Puis, plus rien.
03:31 - Elle a voyagé avec un jeune militaire qui s'appelle David,
03:35 un cabaral-chef.
03:36 Ils se sont même fait un petit bisou devant la gare.
03:38 Il y a des témoins qui les ont vus,
03:39 qui les ont trouvés très mignons, en train de se dire au revoir,
03:41 de s'échanger les cordons téléphoniques.
03:44 Et de là, plus rien.
03:46 Elle prend la rue Ribert, qui est juste à 50 m de la gare,
03:50 pour aller vers le Café Figuerre, faire du stop,
03:52 où tous les étudiants de Perpignan font du stop.
03:55 - Mais au Café Figuerre,
03:57 personne ne se souvient d'avoir vu Tatiana ce soir-là.
04:01 L'adolescente s'est volatilisée en sortant de la gare.
04:05 Les semaines passent et toujours aucun signe de vie.
04:12 Une information judiciaire est ouverte pour enlèvement.
04:16 Le juge reprend les témoignages un à un, en vain.
04:20 En mai 1997, un an et demi après la disparition de Tatiana,
04:25 un non-lieu est prononcé.
04:27 Les recherches sont abandonnées.
04:29 - Marie-Josée Garcia, qui était Tatiana ?
04:34 - Tatiana était une jeune très jolie fille,
04:38 très souriante, très sociable,
04:42 très rieuse, pleine de vie.
04:45 Elle aimait danser, elle aimait chanter,
04:49 elle aimait vivre.
04:51 - Lorsqu'elle disparaît,
04:54 quelles hypothèses vous envisagez ?
04:57 - Dans un premier temps, moi, je sais que c'est grave.
05:01 Je sais que c'est grave parce que je connais ma fille.
05:04 Je sais que c'est grave parce que Tatiana nous appelait
05:08 pour nous dire "je rentre, je ne rentre pas, tout va bien".
05:12 Donc je comprends, je comprends, dès lundi midi, que c'est grave.
05:16 - Quelle est votre réaction quand ce non-lieu est prononcé ?
05:20 - Je rentre dans une colère terrible,
05:22 parce que pour moi, un sentiment d'abandon,
05:25 d'abandon de la part de la justice,
05:27 qui nous abandonne, mais qui surtout abandonnait ma fille.
05:31 - L'enquête sur la disparition de Tatiana Andujar est donc classée.
05:36 6 mois plus tard, le 21 décembre 1997,
05:42 on retrouve le corps d'une autre jeune fille
05:45 sur un terrain vague de Perpignan.
05:47 Très vite, elle est identifiée.
05:49 Elle s'appelle Mokhtar Yachaïb, elle a 19 ans.
05:53 - On retrouve ce corps, je vous dis, exposé.
05:57 Alors avec des coupures, des ablations,
06:02 complètement dénudé, exsangue, c'est-à-dire aucune trace de sang.
06:07 Elle a plusieurs coups de couteau dans le coeur, une lame fine.
06:10 Les découpes corporelles sont précises, on dira chirurgicales.
06:16 - L'autopsie révèle que la jeune fille a été vidée de son sang et de ses entrailles.
06:23 Ses seins et ses organes sexuels ont été amputés après sa mort.
06:27 Un meurtre sauvage, barbare, insoutenable pour la famille de Mokhtar Yachaïb.
06:36 - M. Yachaïb, vous avez une idée de qui a pu lui faire ça ?
06:44 - Non, jamais dans la vie. Non.
06:49 C'est une humaine, un monstre.
06:53 - Votre famille, vous, comment vous réagissez ? Vous comprenez ?
06:58 - Vu que j'étais jeune, à l'époque j'avais 12 ans.
07:02 Si je vous dis à l'âge de 12 ans comment réagir à ça, on n'a pas les mots.
07:10 On n'a pas les mots, on sait que c'est grave.
07:15 On sait que ça bouleverse une famille.
07:19 On sait que ça va changer la vie d'une famille.
07:23 - Et votre soeur, Mokhtar, qu'est-ce que vous pouvez nous dire d'elle ?
07:27 - C'était une très belle femme. Très gentille.
07:31 Elle avait la vie de rêve.
07:37 - Elle avait la vie de rêve.
07:40 - Elle avait la vie de rêve.
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09:16 - Elle avait la vie de rêve.
09:19 - Elle avait la vie de rêve.
09:22 - Elle avait la vie de rêve.
09:25 - C'est un bingo dès le départ.
09:28 - Les traces de sang sont parlantes.
09:31 - Il y en a sur les murs, sur les vêtements, dans le lévier.
09:35 - Il y en a partout.
09:38 - Du sang partout, mais aussi d'escalpelles et du matériel chirurgical.
09:43 - Palomino Barrios est placé en garde à vue.
09:46 - Il nie toute implication et explique qu'il était en Espagne au moment des faits.
09:51 - Un alibi qui ne convainc pas les policiers.
09:54 - Il a cherché des preuves pour confondre le Peruvien. Il ne trouve rien.
09:59 - Le premier prélèvement qui revient, le sang, ah oui, c'est du sang, mais c'est du sang de poulet.
10:04 - Sur ses pulls, sur des vêtements à lui, son propre sang.
10:08 - Parce qu'il s'essuyait quand il se rasait et qu'il se coupait avec ses affaires et sans les laver, ses affaires, derrière.
10:13 - Donc forcément, il y avait toutes ces tâches, toutes ces traces, et il y en avait partout.
10:18 Un revers pour les enquêteurs, qui restent pourtant persuadés de tenir leur coupable.
10:24 Palomino Barrios est donc maintenu en détention provisoire et attend d'être fixé sur son sort.
10:30 2 ans et demi après Tatiana Endujar et 6 mois après la découverte du corps de Moctar Yachaïb, une 3e jeune fille disparaît.
10:39 Elle s'appelle Marie-Hélène Gonzales. Elle a 22 ans.
10:44 [Musique]
10:54 - Conception Gonzales, votre fille a disparu le 16 juin 1998.
11:01 - Oui. Elle m'a téléphoné comme quoi elle arrivait avec le train de 9h.
11:07 Et justement, moi je travaillais et je n'ai pas pu aller la chercher. Elle m'a dit "Ne t'inquiète pas maman, je me débrouillerai".
11:14 Comme je sais qu'elle s'est débrouillée par elle-même, et j'avais toujours confiance, donc je ne me suis pas inquiétée.
11:23 A 10h, je suis arrivée et je lui ai demandé à mon mari si Marie-Hélène était rentrée.
11:28 Il m'a dit non. J'ai pris ma voiture, je suis partie à Perpignan et j'ai rodé tout Perpignan.
11:34 Pour voir si je l'ai trouvé ou à quelque part devant un café où j'ai rodé toutes les avenues et je n'ai pas trouvé.
11:44 - Les policiers retracent l'itinéraire de Marie-Hélène. Elle serait arrivée en gare de Perpignan à 21h.
11:52 Ensuite, elle a probablement fait du stop, comme à son habitude.
11:56 - C'est-à-dire exactement ce que devait faire Tatiana. Le même trajet, au même moment et avec la même intention.
12:04 Les enquêteurs reprennent immédiatement le dossier de Tatiana Endujar, disparue presque 3 ans plus tôt.
12:13 C'est alors qu'un chiffonnier fait une découverte macabre près de la sortie du péage de Perpignan.
12:21 - Il découvre une partie du corps. Je dis une partie du corps parce que le cadavre, il manque la tête, les poignées, elle a été éviscérée.
12:30 Ce cadavre, c'est celui de Marie-Hélène Gonzalès, retrouvé 10 jours après sa disparition.
12:44 - Au début, je n'y revenais pas. Je disais "c'est pas possible". Je disais "c'est pas possible que ce soit elle".
12:51 J'avais la colère et tout qui montait. Je ne le croyais pas. Je ne croyais pas mes yeux.
12:58 - Vous avez pu la voir ? - Non. On m'a dit qu'il ne fallait pas que je la voie parce qu'elle était décapitée, les mains tranchées.
13:09 Il était tout... Je ne pouvais pas la voir. - Vous n'avez pas pu lui dire au revoir ? - Non.
13:17 Les enquêteurs en sont persuadés. C'est le même homme qui a tué Moctaria et Marie-Hélène.
13:30 - Le corps n'a pas de tâche de sang, donc apparemment exsangue. Il est dénudé, complètement dénudé, comme Moctaria.
13:40 Et alors la constante aussi entre l'affaire Moctaria et l'affaire de Marie-Hélène, on voit que le meurtrier a pris soin, qu'il n'ait plus aucune trace qui permette de l'identifier.
13:50 Trop de coïncidences. On n'aime pas beaucoup la coïncidence à la police.
13:56 Si c'est le même individu qui a commis les 2 crimes, alors ça ne peut pas être Palomino Barrios.
14:02 Il était en détention provisoire au moment du meurtre de Marie-Hélène. Le Peruvien est donc remis en liberté.
14:09 Marie-Hélène est la 3e jeune fille à disparaître dans le quartier de la gare, la 2e à être assassinée dans les mêmes conditions.
14:17 A Perpignan, l'angoisse s'installe. - Il y a la petite cause qui se crée. Les gens à la gare n'osent plus sortir.
14:24 Alors que c'est l'endroit où le plus vivant peut-être de Perpignan jusqu'à présent, là c'est terminé, c'est fini.
14:29 Et surtout si on est une jeune fille brune, avec des cheveux longs, un peu sportive et jolie.
14:36 La police judiciaire est sur les dents. Tous les immeubles proches de la gare sont fouillés.
14:41 Tous les habitants, tous les commerçants sont interrogés. Le parvis de la gare est surveillé 24h/24.
14:47 - On a également fait une chasse à l'homme, une chasse au détract et sexuel de la région, mais rarement ça a été fait.
14:55 Tous les commissariats et gendarmerie de la région nous indiquaient toute information dès qu'un fait à caractère sexuel était commis.
15:05 A rien, à rien jusqu'au 9 février 2001. Ce jour-là, Fatima Idraou ne rentre pas du travail.
15:12 Elle se volatilise à Perpignan, dans le quartier de la gare.
15:16 - De suite on est allé au commissariat. J'avais pris une photo avec moi.
15:24 Et là, dès qu'ils ont vu la photo, là par contre le commissaire m'a pas caché qu'il avait peut-être une inquiétude
15:31 par rapport justement à la ressemblance avec les autres filles qui avaient disparu.
15:35 - Là ça a été le coup de massue. Parce que notre première pensée c'est de dire ça y est le tueur de la gare a de nouveau frappé.
15:46 Depuis 1995, Fatima est la quatrième jeune fille brune qui disparaît au même endroit à la nuit tombée.
15:55 Cette fois, la chance va sourire aux enquêteurs. Grâce à un témoignage capital, les policiers identifient rapidement une voiture puis un suspect.
16:04 Il s'appelle Marc Delpech, il a 34 ans, marié, père de famille. Il est le patron du San Diego, un bar de jeûne à Perpignan.
16:14 Entendu par les policiers, l'homme passe rapidement aux aveux.
16:19 Marc Delpech raconte qu'il a connu Fatima à la caisse du magasin où elle travaillait. Elle serait devenue sa maîtresse.
16:25 Le soir du 9 février 2001, il aurait pris Fatima en voiture et une dispute aurait éclaté entre eux.
16:32 - Il me dit j'ai perdu complètement les pédales, je sais plus ce qui s'est passé. Elle criait, je l'ai étranglée.
16:42 Et très rapidement, j'ai pris conscience qu'elle était morte. Et là, il me fallait organiser quelque chose.
16:50 Marc Delpech explique s'être débarrassé du corps de Fatima au large du Cap Béhard, à une quarantaine de kilomètres de Perpignan.
16:58 Il l'a transportée tout seul à la nage en pleine nuit. Une version que les policiers ont bien du mal à croire.
17:05 La suite va leur donner raison. Le 13 mars 2001, le cadavre de Fatima Idraou est découvert à moitié enterré au bord de l'étang de Canet en Roussillon,
17:15 à 500 mètres seulement du domicile de Marc Delpech.
17:19 - Tout le monde s'est posé la question, est-ce que nous avions arrêté le tueur dans ces rilles de la gare de Perpignan ?
17:28 Difficile. Certains magistrats, certains policiers pensaient que non, d'autres que oui.
17:34 Parce qu'il y a des différences. Il y a des différences notables, fondamentales, entre le traitement surtout des cadavres.
17:42 Moctaria, elle est exposée avec des découpes corporelles précises et nettes.
17:49 Marie-Hélène est dissimulée sous des détritus, avec des découpes grossières.
17:56 Fatima est enterré sans ablation, sans découpe.
18:01 Des modes opératoires différents. Voilà qui laisse les enquêteurs perplexes.
18:08 Tout comme les déclarations ambigües de Marc Delpech.
18:11 - Il a toujours laissé planer un doute sur d'autres faits qu'il aurait pu commettre.
18:17 - Il y a eu des courriers très énigmatiques où il disait qu'il allait être amené à avouer d'autres choses pour rester en prison et pour ne plus faire de mal.
18:27 - Son co-détenu qui nous avait révélé que Marc Delpech lui aurait dit un soir qu'il se sentait pourchassé ou persécuté par trois femmes.
18:39 De sérieux doutes, mais aucune preuve formelle.
18:44 Les enquêteurs perquisitionnent le domicile de Marc Delpech et font une surprenante découverte dans son ordinateur.
18:51 Une ébauche de roman.
18:54 - Il écrit un petit texte de quelques lignes, une quinzaine de lignes, qui s'appelle "Tatiana"
18:58 et qui raconte la rencontre entre une jeune femme qui fait du stop sur la route de Tuire, à la descente d'un train,
19:06 et qui va rencontrer un éventreur, je crois, un criminel.
19:11 Le héros parlait à la première personne.
19:14 En substance, il racontait qu'il descendait l'avenue de la gare en voiture,
19:20 il prenait à droite la rue Courteline,
19:23 il apercevait sur le trottoir une jeune fille en train de marcher.
19:28 Un coup d'œil devant, un coup d'œil dans le rétro, personne, pas de témoin.
19:34 Je m'arrête, la jeune fille se penche à ma portière,
19:38 je lui demande si elle veut que je l'amène quelque part,
19:41 elle accepte avec un grand sourire.
19:44 Je démarre et je continue.
19:48 Et le chapitre s'arrête quand l'homme prend la route de Tuire avec Tatiana à ses côtés.
19:55 Je dois reconnaître que c'est troublant,
19:58 et je pense que s'il y a eu un meurtrier dans l'affaire Tatiana, il a agi de cette façon.
20:05 J'entends parler de Marc Delpech lors de son arrestation pour le meurtre de Fatima.
20:16 A l'époque, on recherchait un serial killer,
20:20 quelqu'un qui aurait fait disparaître toutes les jeunes filles.
20:23 Donc peut-être, je me dis, peut-être que c'est lui aussi pour Tatiana.
20:26 Puis, au bout de quelques jours, on retrouve dans les affaires de Tatiana une affiche du San Diego.
20:34 Qui est le café que Marc Delpech avait en gérance.
20:39 Et là, c'est un sentiment de panique terrible,
20:42 parce que je me dis, si Tatiana avait cette affiche dans ses affaires,
20:45 c'est qu'elle allait au San Diego et c'est qu'elle a certainement croisé Marc Delpech.
20:50 Un sentiment terrible de peur,
20:55 et puis de dire comment va-t-on faire pour montrer qu'il a rencontré Tatiana, qu'il a croisé Tatiana,
21:02 et que c'est peut-être lui qui l'a fait disparaître.
21:04 Pourquoi ce sentiment de peur ?
21:07 Peur parce que quelque part, on a quand même ce tout petit espoir de dire peut-être qu'elle est dans une secte,
21:17 peut-être qu'effectivement elle est partie au bout du monde et qu'un jour...
21:22 Voilà, on a toujours quand même ce petit espoir, même s'il est minime.
21:26 Et là, lorsqu'on arrête Marc Delpech et qu'on fait le lien avec l'affiche qu'on a retrouvée de Tatiana,
21:31 qu'on découvre chez Delpech une esquisse de roman qui parle de Tatiana,
21:37 là on se dit que c'est lui.
21:39 Et là, on se dit c'est fini, on ne verra plus Tatiana.
21:43 Malgré de fortes présomptions, impossible de confondre Marc Delpech pour la disparition de Tatiana
21:53 et pour les meurtres de Moctaria et Marie-Hélène.
21:58 Le juge d'instruction qui avait repris le dossier à la fin, le juge Boyer,
22:01 lui a passé des mois et des jours et des nuits à la recherche d'un sanctuaire,
22:06 ce qu'il appelait le sanctuaire de Delpech,
22:08 persuadé que Delpech avait un endroit où il avait gardé, conservé tous ses objets et qu'il allait s'y recueillir.
22:18 Des recherches qui restent vaines.
22:21 Marc Delpech est finalement renvoyé devant les Assises uniquement pour le meurtre de Fatima.
22:27 Le procès permet d'établir avec certitude que Fatima et Marc Delpech n'ont jamais été amants.
22:33 La jeune femme a en réalité été étranglée après avoir été violée.
22:37 En juin 2004, Marc Delpech est condamné à 30 ans de prison assorti d'une peine de sûreté de 20 ans.
22:44 Un verdict confirmé en appel un an plus tard.
22:55 Le mystère des disparitions de la gare reste entier.
22:58 L'ombre du tueur en série hante toujours Perpignan.
23:02 Les meurtres de Moctaria et Marie-Hélène sont toujours impunis et le corps de Tatiana reste introuvable.
23:09 Aujourd'hui, à Perpignan, personne n'oublie le dossier des disparus de la gare.
23:22 Les journalistes continuent à faire vivre l'affaire et les enquêteurs ne lâchent rien.
23:27 - José Belmond, cette affaire, elle a feuilletonné pendant 20 ans.
23:41 Et il y a plusieurs générations de policiers qui ont travaillé dessus.
23:44 C'était important de ne pas lâcher l'affaire ?
23:47 - Effectivement, tous les enquêteurs qui sont restés avec moi, nous avons toujours travaillé, travaillé, travaillé sur ces dossiers.
23:55 Et nous n'avons jamais voulu lâcher cette affaire-là.
23:58 Nous nous sommes dit qu'un jour ou l'autre, on aura un nom ou des noms.
24:05 C'est... Les nouveaux enquêteurs qui sont arrivés, quand nous sommes partis, nous leur avons dit, voilà, on vous transmet le dossier.
24:14 Surtout, ne laissez jamais tomber. Faites-le en priorité. Travaillez en priorité dessus. Travaillez tous les jours, tous les jours, tous les jours.
24:22 Travailler pour traquer la vérité, c'est aussi la mission d'Etienne Nicolo.
24:30 Depuis 20 ans, il est l'avocat des 4 familles des disparus de Perpignan.
24:35 - Etienne Nicolo, comment êtes-vous arrivé dans cette affaire ?
24:39 - Alors, de façon indépendante, chaque famille de victimes, au fur et à mesure des crimes qui étaient commis ou des disparitions qui survenaient, m'ont contacté.
24:50 - Une seule de ces 4 affaires a été résolue. Quelle est votre priorité le temps passant ?
24:55 - Il faut faire en sorte d'abord qu'il n'y ait pas de prescription des faits.
24:59 Donc il faut que j'alerte régulièrement les juges d'instruction pour leur demander d'entendre les familles, qu'il y ait donc des actes qui permettent une interruption de la prescription.
25:09 Il faut savoir qu'intelligemment, et la police, et les magistrats, ont fait en sorte qu'il y ait toujours 4 dossiers.
25:17 Et pas un dossier dans lequel on aurait cherché un assassin unique.
25:22 L'avantage aussi, c'est que ces 4 dossiers étaient confiés aux mêmes juges d'instruction, même quand ils se sont succédés, et aux mêmes enquêteurs.
25:30 En sorte que les enquêteurs, les magistrats et les partis civils, ce qui était mon cas, avaient une vision globale des disparitions, même si on cherchait dans chaque dossier un particulier.
25:43 Une veille juridique attentive qui permet aux enquêteurs d'exploiter tous les éléments nouveaux.
25:51 C'est ainsi que le 9 mars 2006, plus de 20 ans après la disparition de Tatiana, s'ouvre une piste inédite.
25:59 On découvre dans un chemin peu fréquenté, au Boulou, à une vingtaine de kilomètres de Perpignan, un crâne.
26:11 Ce crâne est celui d'une adolescente. Il a été exposé à l'air libre environ une dizaine d'années.
26:18 Et la calotte de la boîte crânienne est découpée.
26:21 Et évidemment, les policiers se disent que ça pourrait être le crâne de Tatiana.
26:26 Marie-Josée Garcia, comment apprenez-vous la découverte de ce crâne ?
26:34 J'apprends la découverte du crâne au Boulou par la radio.
26:40 Et c'est terrible. C'est terrible parce que là, j'entends un crâne vieux d'une dizaine d'années, qui appartiendrait à une jeune femme.
26:52 Et là, je me dis que c'est Tatiana. C'est une partie de Tatiana.
26:56 Donc c'est terrible. C'est terrible parce que là, je repense à Moctaria, je repense à Marie-Hélène.
27:02 Je repense à ses corps et là, je me dis que c'est Tatiana qui a subi le même sort.
27:08 Et voilà. Il a fallu attendre beaucoup de mois, très long, interminable, pour arriver à savoir si ce crâne appartenait à Tatiana.
27:17 L'ADN n'étant pas exploitable, vu le séjour qu'il avait fait à l'extérieur, c'était encore plus difficile de savoir si c'était elle ou pas.
27:25 Après, d'après la dentition et d'après différentes faciès, en fait, la police judiciaire m'a dit que ça ne pouvait pas correspondre à Tatiana.
27:37 C'est un soulagement ?
27:39 Oui, c'est un soulagement terrible parce que moi, j'ai très, très peur que ma fille ait souffert.
27:44 J'ai très peur qu'elle ait subi le même sort que Moctaria et que Marie-Hélène.
27:48 C'est un soulagement. Et en même temps, on se dit, on repart à zéro.
27:53 Les policiers ont les indices prélevés sur les corps et les scènes de crimes pour élucider les meurtres de Moctaria et de Marie-Hélène.
28:08 En 2012, les progrès des expertises ADN et la réforme des textes de loi permettent enfin l'exploitation de ces scellés.
28:17 Les enquêteurs décident de s'orienter sur des scellés qui n'ont pas été analysés encore.
28:23 Donc, ils vont faire en tri une sélection de 34 scellés qui vont être envoyés au laboratoire Biomiss à Lyon pour faire des expertises sur lesquelles on compte vraiment parce que c'est vraiment les expertises de la dernière chance.
28:37 En octobre 2013, les résultats tombent. L'acharnement des policiers est enfin récompensé.
28:44 On a deux profils ADN masculin distincts qui proviennent. L'un des restes découverts sur la scène de crime de Marie-Hélène Gonzales et l'autre de traces laissées sur la chaussure de Moctaria.
28:59 Pour les familles, l'espoir est énorme. Elles ont désormais un élément tangible.
29:06 Cet ADN qu'on retrouve, ça vous donne de l'espoir?
29:14 Oui, parce qu'on n'a jamais baissé les bras et puis on avait confiance à la justice.
29:21 Toutes ces années, comment vous les avez vécues? Vous avez été aidé?
29:35 Non, on a eu beaucoup de souffrance, toute la famille. J'ai trois enfants et tout le monde a souffert. Et on a vécu dans la souffrance. Et de pouvoir un jour savoir connaître au moins la vérité.
29:57 Les policiers comparent ces empreintes génétiques au profil de la quinzaine de suspects apparus au cours de l'enquête.
30:05 Parmi eux, Palomino Barrios, le médecin péruvien. Dans son cas, seul l'ADN peut faire jaillir la vérité puisqu'il est mort en juin 2012.
30:15 Cet homme a été retrouvé mort en Espagne, a été étranglé. On ne sait toujours pas à l'heure qu'il est, qui est son assassin et ce qui s'est passé.
30:26 Autre suspect que l'ADN pourrait bien confondre, Marc Delpech, condamné pour le meurtre de Fatima Idraou. Il n'a jamais été poursuivi pour les autres crimes.
30:36 Est-il passé entre les mailles du filet? Des comparaisons génétiques sont opérées. Tous les rapprochements sont négatifs.
30:44 Aucun ADN ne correspond avec les suspects. Palomino Barrios et Marc Delpech sont mis hors de cause.
30:51 Donc, évidemment, à ce moment-là, on passe à l'étape suivante qui est de comparer ce profil génétique avec le fichier national des empreintes ADN.
30:59 L'ADN retrouvé sur les sellées de Marie-Hélène est inexploitable. Il est trop dégradé. Reste celui retrouvé sur la chaussure de Mokhtaria.
31:10 Et là, c'est le coup de théâtre. D'un coup, ça matche et les enquêteurs réalisent que ce profil génétique correspond à celui d'un homme qui a été fiché pour agression sexuelle et qui s'appelle Jacques Ranson.
31:24 C'est quelqu'un qui est passé, on peut dire, à travers les mailles du filet, même si on s'apercevra assez rapidement que pas vraiment, qu'il a quand même un passé judiciaire assez lourd et un parcours de prédateur.
31:38 C'est en Picardie, sa région natale, que Jacques Ranson débute son parcours criminel. En 1974, il a tout juste 14 ans lorsqu'il agresse une adolescente de son village.
31:51 Jacques Ranson lui a sauté dessus. Il a tenté de l'étrangler. Elle a crié. Une voisine est arrivée. Son père est arrivé.
31:59 Et Jacques Ranson a pris la fuite. Le père de la jeune fille l'a rattrapé. Il l'a emmenée jusqu'à la gendarmerie après lui avoir collé une bonne raclée.
32:06 Et finalement, la famille n'a pas porté plainte. Donc l'affaire en est restée là.
32:10 La première plainte contre Jacques Ranson remonte à juin 1992.
32:17 Elle est déposée par une jeune femme de 20 ans qui rentrait de discothèque. Elle est sur la route et Jacques Ranson lui fait une queue de poisson.
32:26 Il l'emmène dans un chemin isolé. Là, il la menace avec un couteau. Il la viole. Il la dépouille de tous ses biens, de son argent et il la laisse partir.
32:37 Cette jeune femme va déposer la première plainte.
32:44 Jacques Ranson, suite à ça, sera incarcéré immédiatement. Et il sera ensuite, en juin 1994, condamné par la cour d'assises d'Amiens à 8 ans de réclusion criminelle.
32:55 Une fois libéré en 1977, Jacques Ranson veut prendre un nouveau départ, loin de sa région natale.
33:05 Il décide de venir dans le sud. Est-ce piquet-il ou hasard ? Il prend un train, il arrive dans la ville le plus au sud de France, qui est Perpignan.
33:13 Il loge dans un hôtel près de la gare de Perpignan, qui est une zone un peu interlope, puisqu'on est quand même la dernière grosse gare avant la frontière espagnole.
33:24 Et sur la route de Barcelone, donc on a beaucoup de marginaux.
33:28 Il vit d'expédient, il vit de petit boulot, il est cariste magasinier, il travaille à Saint-Charles. Il va beaucoup sur Facebook pour occuper son temps libre.
33:37 Il entre en contact avec des jeunes filles via des tchats, etc.
33:40 En 2005, il rencontre Lolita, une jeune fille de 16 ans et demi. Il en a 44. Le couple s'installe, a deux enfants, une vie rangée, mais l'idylle ne dure pas.
33:56 Il semble qu'il soit violent, qu'il la frappe. Et donc, au bout de sept ans de relation, cette jeune femme décide de le quitter. Et il le vit très, très mal et il se met à la harceler.
34:07 Jusqu'au moment où il va manquer de la tuer. Il va tenter de la tuer, elle va sauter par-dessus le parapet d'une route pour s'enfuir et elle lui échappe de justesse.
34:16 Lolita décide de porter plainte et Jacques Ranson est condamné à un an de prison.
34:21 C'est à cette occasion que les policiers prélèvent son ADN et que son profil génétique est versé au FNAEG, le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
34:31 Une opération décisive, puisqu'elle le confondra quelques mois plus tard pour le meurtre de Moctaria Chahib.
34:39 Avec son parcours en plus de l'ADN, Jacques Ranson est le suspect idéal. Le 14 octobre 2014, il est placé en garde à vue.
34:50 Xavier Capelet, vous êtes l'avocat de Jacques Ranson. Qu'est-ce qu'il vous dit quand vous le voyez en garde à vue ?
34:59 Lui, il m'indique qu'à ce stade-là, il ignore tout de cette affaire, qu'il n'est pas au courant.
35:05 Donc ça ne lui évoque rien ?
35:07 Non.
35:08 On le remet dans sa cellule de garde ?
35:10 On le remet dans sa cellule, donc au repos et je m'en vais.
35:13 Et on vous appelle dans la nuit ?
35:16 On me rappelle quelques heures plus tard effectivement, m'indiquant que mon client souhaite faire des déclarations.
35:21 Et comment ça se passe là ?
35:23 Il est assez vasif d'abord. Il essaye de rassembler ses souvenirs. Ce sont des faïtiens qu'il a essayé d'oublier.
35:32 Il donne les grandes lignes, il explique qu'il se baladait ce jour-là dans Perpignan, c'est un soir.
35:38 Le temps n'est pas vraiment clément, il fait quelques gouttes.
35:42 Il rentre à son hôtel, donc à Richaïbelle, il rentre chez elle, à la cité universitaire.
35:48 Elle est sur l'autre trottoir, il traverse le trottoir et puis là, les choses s'enchaînent.
35:53 Il la menace, il la menace d'une arme, d'un couteau.
35:56 Il la contraigne à le suivre dans un endroit un peu plus isolé, puisqu'elles sont dans la rue.
36:03 Et puis voilà, il l'oblige suite à avoir un certain geste sur lequel je ne m'étonnerais pas aujourd'hui.
36:09 Il le donne le motif aussi ?
36:12 Pas vraiment, il explique que c'est un peu l'effet du hasard.
36:15 Il rencontre cette jeune fille, un soir, alors qu'il se balade en ville.
36:19 Et puis voilà, elle a la malchance que ça tombe sur elle, finalement.
36:24 À ce moment-là, il parle de pulsion, il n'explique pas vraiment son geste.
36:28 Il a du mal à expliquer ce qui se passe à ce moment-là, puisqu'il a ce genre de comportement.
36:33 On sent qu'il se passe quelque chose de fort ?
36:35 Oui, tout à fait.
36:37 C'est très fort, parce que c'est 17 ans d'enquête qui trouvent d'une certaine façon une conclusion à ce moment-là.
36:43 Des aveux glaçants.
36:46 17 ans après les faits, le meurtre de Moctar Yachaib est enfin élucidé.
36:51 Mais pour la disparition de Tatiana Andujar et le meurtre de Marie-Hélène Gonzales, Jacques Ranson est formel, il n'a rien fait.
37:01 Le 16 octobre 2014, il est mis en examen pour assassinat et placé en détention provisoire.
37:08 À la une aujourd'hui, les aveux du suspect dans l'affaire des disparus de Perpignan.
37:19 Pour le moment, il n'a reconnu qu'un viol et un assassinat, celui de Moctar Yachaib.
37:23 On en sait beaucoup plus sur la personnalité de cet homme et sur ses précédentes condamnations.
37:29 Mohamed Chaïb, comment avez-vous appris ce qui est arrivé à votre sœur ?
37:33 Par la télévision.
37:37 Par la télévision et après j'ai appelé de suite mon avocat qui m'a bien confirmé qu'ils avaient un suspect.
37:47 Qu'est-ce que vous ressentez quand vous voyez ce visage, cet homme ?
37:56 Déjà un bien-être, ça fait du bien, ça enlève quelque chose.
38:01 Une boule dans l'estomac, ça enlève quelque chose dans le cœur aussi, un gros poids.
38:07 Et ça fait du bien aux yeux parce qu'il y a un visage qui se met en scène.
38:12 C'est quelque chose que vous n'attendez pas de toute façon.
38:15 Et puis en fait vous vivez avec ce mal que vous ne vous rendez plus compte.
38:18 Et le jour où c'est vrai que vous savez que c'est lui, sinon vous ne vous rendez pas compte.
38:24 C'est une nouvelle vie qui commence en vous.
38:27 C'est un nouveau démarrage.
38:29 C'est quelque chose de lourd, une boule que vous portez en vous.
38:33 Que vous ne vous rendez même plus compte.
38:35 Même sur une série psychologique, personne ne peut vous l'enlever.
38:39 Je pense qu'il n'y a que cette étape-là qui peut vous permettre de rebondir et d'être soulagé.
38:50 Vos parents, pendant toutes ces années, comment ils vont ? Et vous, comment vous avez vécu l'attente de ne pas savoir ?
38:55 Il a démoli mon père.
39:15 Mon père, ça l'a démoli.
39:17 Parce que je peux comprendre.
39:20 Ça peut que vous démolir de toute façon.
39:24 Moi je me mettrai à sa place.
39:26 J'ai une fille du Rive-Saint, je pense que ma vie elle est foutue.
39:29 T'as plus le goût de la vie après.
39:31 C'est pas possible.
39:33 C'est pas possible.
39:35 Et vous ?
39:38 Moi ?
39:40 Moi je me suis détruit.
39:42 Pendant pas mal d'années je me suis détruit.
39:45 C'était pas la solution.
39:48 Le jour où Jacques Rançon est arrêté
39:52 L'arrestation de Jacques Rançon est très largement commentée.
40:02 Sa photo s'étale dans tous les journaux et ce visage réveille de douloureux souvenirs chez une femme.
40:07 Une jeune femme, enfin une femme à ce moment-là qui a 36 ans, le reconnaît.
40:12 Notamment à travers le sourire un peu carnassier de Jacques Rançon qui a une dentition en particulièrement mauvais état.
40:19 Ça l'avait frappé à l'époque, reconnaît l'homme qui l'a agressé dans un hall d'immeuble, avenue de la gare, donc à côté de la gare à Perpignan.
40:28 C'était en mars 1998.
40:32 Cette jeune femme rendait visite à sa mère.
40:34 Arrivé devant l'interphone, elle est tombée nez à nez avec un homme complètement ivre, Jacques Rançon.
40:41 Il lui a parlé, il lui a dit que c'était son anniversaire, etc.
40:45 Et d'un seul coup, il a sorti un couteau et il l'a poignardé.
40:48 Et il s'est acharné sur elle.
40:50 Il a continué à la poignarder alors qu'elle était au sol.
40:52 Bien évidemment, elle a hurlé.
40:54 Les voisins sont arrivés.
40:56 Il a pris la fuite.
40:58 La jeune femme restera trois semaines à l'hôpital.
41:01 L'affaire sera rapidement classée et son agresseur jamais inquiété.
41:06 Malheureusement, cette affaire-là, nous n'avions pas été mis au courant.
41:10 Et ça, c'est vraiment dommage.
41:14 - Si vous aviez été mis au courant, vous auriez fonctionné autrement ?
41:17 - Si on avait été mis au courant pour cette affaire, justement, de cette femme agressée,
41:22 de suite, on aurait repris Jacques Rançon.
41:26 Et à ce moment-là, je pense qu'on n'aurait pas lâché du tout cet individu.
41:31 Les enquêteurs n'ont pas fait le lien avec le meurtre de Mokhtaria.
41:37 A cette époque, ils pensaient tenir le tueur, le fameux médecin péruvien Palomino Barrios.
41:43 Voilà pourquoi Jacques Rançon a pu continuer à vivre normalement.
41:48 - C'est assez incroyable de penser qu'il a pu, après ça, rentrer chez lui à quelque part.
41:53 Le lendemain, le quartier était verrouillé par les policiers.
41:56 Et lui était là.
41:59 À quelques fenêtres de là, il voyait les policiers de sa fenêtre.
42:03 La liste des victimes de Jacques Rançon ne s'arrête pas là.
42:06 Une autre jeune femme se manifeste auprès des policiers.
42:09 Elle lui a miraculeusement échappé.
42:12 C'était en septembre 1997, 2 mois avant le meurtre de Mokhtaria.
42:17 Jacques Rançon venait de poser ses valises à Perpignan.
42:21 Alertés, les enquêteurs reprennent les dossiers et procèdent à des vérifications.
42:26 L'étau se resserre.
42:29 - Là, en prison, il est extrêmement isolé.
42:32 Il est coupé de sa famille. Son fils ne vient plus le voir.
42:35 Ses ex-femmes ne viennent plus le voir. Donc il est seul.
42:38 Apparemment, il entend des voix du fond de sa cellule.
42:42 Il est en prison à Béziers. Et donc, à ce moment-là,
42:45 les enquêteurs se disent que c'est peut-être le moment de le faire craquer.
42:48 Donc ils le mettent de nouveau en garde à vue.
42:51 - Devant les policiers, Jacques Rançon reconnaît cette nouvelle agression.
42:56 Mais il ne s'arrête pas là.
42:58 Il avoue spontanément le meurtre de Marie-Hélène Gonzalès.
43:03 - Il reconnaît. Rapidement. Très rapidement, tout de suite.
43:07 - Même mode opératoire, c'est la même chose, encore ?
43:10 - C'est un peu différent, puisque là, il apprend un stop.
43:13 C'est très près de chez lui, là, encore une fois,
43:16 qu'il apprend en charge dans sa voiture.
43:19 Au départ, pour la ramener. Et assez rapidement.
43:22 Et je pense que dès l'instant où il l'a effectivement prise en charge,
43:26 je pense que l'idée de l'agresser, c'est de la ramener.
43:30 Et je pense que l'idée de l'agresser lui vient assez vite.
43:34 - Et à quel moment il la tue ?
43:36 - Dans les minutes suivies, puisqu'il la mène à un endroit un peu isolé,
43:40 à l'extérieur de l'air pignant.
43:43 Et puis là, il l'agresse.
43:46 Il la tue.
43:48 Et ensuite, on sait qu'il l'a effectivement décapité et qu'il a coupé les mains.
43:52 D'après ses explications, pour effacer ses traces.
43:55 - Il les viscère, pourquoi ?
43:59 - Pour accélérer, je suppose, la décomposition du corps.
44:27 Ça me fait un soulagement qu'enfin on peut connaître la vérité.
44:31 Au bout de 18 ans.
44:34 - Qu'est-ce que vous attendez aujourd'hui ?
44:37 - Aujourd'hui, qu'est-ce que j'attends ?
44:40 J'attends qu'il crève.
44:43 J'attends qu'il aille pourrir en prison.
44:49 Et qu'il ne recommencera plus à faire du mal à aucune fille.
44:56 Il a détruit la vie de ma fille.
44:59 Et aussi la nôtre.
45:02 Il a détruit notre vie, elle et ses frères.
45:05 Et pour nous, on va vivre le reste de notre vie.
45:15 Avec l'image et le nom
45:18 de celui qui a enlevé, assassiné notre fille.
45:22 Qu'elle n'ait rien demandé, juste rentrer chez elle.
45:25 Rentrer chez ses parents.
45:28 Rançon a-t-il fait d'autres victimes ?
45:50 La liste pourrait-elle encore s'allonger ?
45:53 D'autant que son parcours contient des zones d'ombre.
45:56 Où était-il entre 1998 et 2005 ?
45:59 Pourquoi arrête-t-il de tuer après le meurtre de Marie-Hélène ?
46:03 - Je pense qu'il est possible que Jacques Rançon ait,
46:08 dans d'autres départements, commis d'autres crimes.
46:11 Je pense d'ailleurs qu'aujourd'hui,
46:14 nombre d'enquêteurs, dans d'autres départements,
46:17 vérifient si Rançon n'est pas passé dans le coin,
46:20 s'il n'y a pas une convergence
46:23 ou une similitude avec les crimes de Perpignan.
46:26 - Qu'est-ce qui vous fait penser ça ?
46:29 - Je sais que les enquêteurs, dans d'autres départements,
46:32 font des vérifications.
46:35 - Ce n'est pas parce qu'ils font des vérifications
46:38 qu'il y a forcément quelque chose ?
46:41 - Non, mais on peut imaginer aussi que Rançon
46:44 n'a pas commis de crimes alors qu'il était sur une trajectoire
46:47 dans laquelle il n'hésitait pas à agresser
46:50 systématiquement des femmes et à les tuer si elles résistaient.
46:53 - On peut partir aussi du principe qu'il n'a strictement rien fait.
46:56 D'ailleurs, j'attends qu'on me dise ou qu'on me montre des victimes
46:59 pour qu'il puisse être accusé de quelque chose.
47:02 Encore fois, il dit qu'il est victime.
47:05 - Vous lui avez forcément posé la question ?
47:08 - Bien entendu. - La réponse ?
47:11 - Non. - Il nous cache encore des choses ?
47:14 - Je ne peux pas vous répondre.
47:17 - Si lui vous disait "J'ai tué telle personne
47:20 à telle époque", qu'est-ce que vous devez faire en tant qu'avocat ?
47:23 - Rien.
47:26 - Vous êtes obligé de le dire, de le révéler ?
47:29 - Je ne pense pas.
47:32 - S'il le faisait, vous le diriez ?
47:38 - Je ne sais pas ce que je ferais si il me le disait.
47:41 Très sincèrement, je ne sais pas. - Il vous l'a dit ?
47:44 - Je ne vous répondrai pas à cette question.
47:47 ...
47:51 ...
47:54 ...
47:57 ...
48:00 ...
48:03 ...
48:06 ...
48:09 ...
48:12 ...
48:15 ...
48:19 - Le dernier mystère de l'affaire des disparus
48:22 de Perpignan a un nom, c'est Tatiana Endujar.
48:25 Où est-ce qu'on en est de ce dossier ?
48:28 - J'ai autant d'espoir aujourd'hui
48:31 que l'on découvre celui qui a fait disparaître
48:34 Tatiana Endujar et qui l'a probablement tuée.
48:37 J'ai autant d'espoir que l'espoir que j'avais
48:40 que l'on découvre les assassins de Marie-Hélène
48:43 et de Montarriat. Pourquoi ?
48:46 Parce qu'on a aujourd'hui déblayé le terrain.
48:49 Les inquièteurs n'ont plus à chercher
48:52 le responsable de trois crimes.
48:55 Ils n'ont plus à chercher que le responsable d'une disparition.
48:58 - C'est le dossier dans lequel ils ont moins d'éléments.
49:01 On n'a pas de corps.
49:04 - On n'a pas de corps, mais il y a toujours eu des pistes
49:07 qui ont été explorées, qui ont été abandonnées
49:10 parce que peut-être aussi, et c'est ce qui me donne l'espoir,
49:13 on les a rattachées aux autres meurtres.
49:16 Aujourd'hui, on va les reprendre, toutes ces pistes,
49:19 les inquièteurs vont les reprendre en cherchant à chaque fois
49:22 à aller plus loin.
49:25 Je pense qu'on peut imaginer qu'un jour
49:28 on découvrira ce qui s'est passé avec Tatiana.
49:31 - J'espère vraiment qu'un jour on aura une réponse,
49:34 qu'on sera soulagé,
49:37 quelle que soit la vérité,
49:40 aussi terrible soit-elle,
49:43 c'est de toute façon mieux que d'attendre
49:46 comme on attend sans avoir de réponse.
49:49 Parce que dans notre cas, dans mon cas,
49:52 je passe des nuits à imaginer ce qu'a pu subir ma fille.
49:55 Et on imagine tout.
49:58 Tout ce qu'il y a de pire, on l'imagine.
50:01 On imagine qu'elle était ennubée, on imagine qu'elle est dans la mafia,
50:04 on imagine qu'elle est prostituée quelque part,
50:07 qu'on la contrainte à se prostituer,
50:10 on imagine qu'elle est dans une secte,
50:13 on imagine qu'elle est séquestrée quelque part,
50:16 on imagine qu'elle est morte, on imagine tout.
50:19 Et ça, c'est terrible.
50:22 Donc, quelle que soit la vérité, aussi difficile soit-elle,
50:25 je préfère savoir la vérité.
50:28 - Aujourd'hui, comment allez-vous ?
50:31 - Je fais...
50:34 Je fais des choses...
50:37 Pour mes enfants.
50:40 Parce qu'ils sont ma raison de vivre.
50:43 Mais c'est très compliqué.
50:46 Il y a des jours où je vais, je vais bien, je travaille,
50:49 j'ai une vie sociale, j'ai des amis, mais c'est très compliqué.
50:52 Si je dois faire un bilan, je dirais que je vais très mal.
50:55 ♪ ♪ ♪

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