Dans ses interviews, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, se met dans la peau des patrons...
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00:00 Bonjour, je suis très heureuse aujourd'hui d'accueillir Caroline Adam, qui est la
00:06 responsable des centres de contact en France.
00:09 Et pour moi c'est très important, car ce sont des métiers effectivement d'emploi,
00:15 des métiers de service.
00:17 Et donc aujourd'hui, est-ce que Caroline, vous pouvez me dire à quoi correspondent
00:22 ces centres de contact ?
00:23 Alors, l'ESP2C, c'est effectivement le syndicat professionnel des centres de contact
00:28 qui rassemble, je dirais 75% du marché, des centres de relations clients externalisés.
00:35 C'est les experts de la relation client pour les grandes marques françaises ou même les
00:39 services publics français.
00:41 Donc vous sous-traitez ?
00:42 Alors nous on est les sous-traitants, on est les prestataires de services, les experts.
00:47 Alors ça passe par téléphone, par mail, par tchat, par tous les canaux de communication
00:52 qu'on peut avoir avec les consommateurs ou les usagers.
00:55 Et est-ce que vous avez, comme c'était le cas, encore des centres d'appel chez vous,
00:59 des centres d'appel où vous "louez" un centre d'appel de 50 personnes à une entreprise
01:05 pendant 3 semaines ?
01:06 Alors 3 semaines, maintenant c'est plutôt court.
01:08 Les marques ont compris qu'il fallait un service de relation client plutôt sur du
01:12 long terme pour avoir une expertise, une qualité.
01:15 Maintenant, pendant la crise sanitaire par exemple, ce sont mes adhérents qui ont répondu
01:19 à la ligne Covid-19.
01:20 Et là effectivement, on ne pouvait pas savoir quelle était la durée de la prestation puisqu'on
01:24 avait quand même beaucoup d'inconnus pendant cette crise.
01:26 Oui, et ça c'est fondamental.
01:28 Parce qu'il y a un paradoxe aujourd'hui, je ne sais pas si vous êtes comme moi, je
01:32 trouve que personne ne répond plus au téléphone.
01:34 Vous vous appelez dans des standards d'immenses entreprises, vous pianotez des numéros indéfiniment
01:39 avec des voix artificielles.
01:40 Et on a quand même un métier très vivace.
01:43 Et est-ce que ça compense ? Finalement tout est anonyme, on fait tout sur ordinateur,
01:49 y compris les déclarations.
01:50 Donc comment vous vous situez par rapport à ça ?
01:53 Alors nous, notre priorité en tant qu'ambassadeur de marque, on est des prestataires de service,
01:57 la priorité de nos conciers clients en tant qu'ambassadeurs, c'est effectivement aussi
02:02 bien de personnaliser qu'industrialiser la relation, évidemment, pour toucher un maximum
02:06 de consommateurs et d'usagers quand ils en ont besoin.
02:08 Après, la multiplication des canaux, des chatbots, des mails, etc., font qu'on peut
02:14 avoir effectivement de temps en temps l'impression de dépersonnaliser la relation.
02:19 C'est pour ça que nous, on compte beaucoup sur l'humain face au digital.
02:22 C'est un choix de marque.
02:23 Oui absolument, mais justement vous parlez des personnalisations, quid de l'intelligence
02:29 artificielle ?
02:30 Alors l'intelligence artificielle pour nous est une grande aide.
02:32 L'intelligence artificielle va transformer évidemment nos métiers de concier client
02:37 en automatisant ce qui peut être automatisé.
02:39 Pourquoi ça automatise ?
02:43 Par exemple, plutôt que pour accéder effectivement, savoir où est la livraison de son client,
02:50 des fois on est obligé d'ouvrir 10 pages pour trouver la bonne information.
02:54 Aujourd'hui, l'intelligence artificielle avec des RPA, des robots process automation,
02:59 vont fermer automatiquement ces cases.
03:01 Donc voilà, l'intelligence artificielle est plutôt une aide, mais ça va être aussi
03:05 une aide pour la relation avec le client.
03:08 Je prends toujours l'exemple dans l'assurance.
03:09 Vous avez malheureusement un accident de voiture, vous appelez votre conseiller client, gestionnaire
03:15 de sinistre en assurance.
03:16 Aujourd'hui, l'intelligence artificielle, pendant la conversation, va faire le résumé,
03:20 va aller chercher les données principales et les mettre dans l'outil, et va même proposer
03:25 des questions qu'on aurait oubliées.
03:26 Par exemple, y avait-il des témoins ? Et va même aller chercher le rendez-vous avec
03:30 l'expert le plus proche du garage où se trouve votre voiture.
03:33 Donc c'est plutôt une aide.
03:34 Donc ça transforme nos métiers, mais la qualité essentielle pour personnaliser la
03:39 relation, ce que vous évoquiez tout à l'heure, ça va être effectivement le conseiller client,
03:43 la qualité de la relation qui va m'aider.
03:45 Mais ça, c'est passionnant ce que vous dites, parce qu'on a l'impression que les entreprises
03:47 font, y en a beaucoup qui font un peu semblant, l'intelligence artificielle, oui c'est formidable,
03:53 on sait ce que c'est, mais on ne l'a pas vraiment intégré.
03:58 Et donc si je comprends bien, le métier des centres de contact, c'est comme ils l'ont
04:02 toujours fait d'ailleurs, ils ont anticipé sur le nouveau média.
04:06 On est passé du Minitel à l'intelligence artificielle, c'est incroyable.
04:11 Et donc là, vous vous en servez vraiment.
04:14 Vous êtes pionniers en France ?
04:16 Alors je pense qu'on est un des secteurs d'activité qu'ils utilisent le plus et qu'ils
04:19 développent le plus.
04:20 Ce sont des grosses structures qui ont des capacités d'investissement extrêmement importantes.
04:24 Je pense notamment à Téléperformance, à Armatis, à Jorel, à Webel, on a de très
04:29 belles entreprises en France dans ce secteur d'activité et qui ont les moyens d'investir
04:33 et qui se doivent d'investir pour répondre aux besoins de tous les secteurs d'activité
04:37 pour lesquels elles sont en prestation de service, puisqu'elles travaillent aussi bien
04:40 pour l'assurance, la banque, l'État, comme je le disais tout à l'heure, mais les télécoms,
04:45 les énergies, etc.
04:46 Donc elles ont besoin d'investir là-dedans, elles investissent énormément là-dedans
04:50 et on a déjà des résultats, nous, après 6-9 mois, assez intéressants à partager.
04:55 Mais alors dites-moi, pourquoi, parce que ça a été dans une partie de ma vie un moment
05:01 important, comment se fait-il qu'en France, finalement, on ait contraint les centres d'appel
05:07 à délocaliser ? Parce que c'est vrai, j'ai moi-même eu un centre d'appel, j'avais
05:10 été en Tunisie, contrainte, on a supprimé les CDD, on a mis pas mal de barrages.
05:17 Et comment aujourd'hui se situe la France par rapport au nombre d'adhérents et par
05:22 rapport aux autres pays ? Est-ce que ça fonctionne mieux dans d'autres pays ? Est-ce qu'on
05:26 est au niveau ? Qu'est-ce qui se passe ?
05:28 Alors, on a un très bon niveau relationnel en France, après on a des contraintes, je
05:33 dirais plutôt économiques.
05:35 En France, aujourd'hui, c'est 55 000 emplois en France.
05:39 Donc ça reste quand même un secteur extrêmement important pour la partie externalisée.
05:44 Si je prenais l'ensemble des acteurs, puisqu'il y a aussi des services clients internes, plus
05:48 les fournisseurs de solutions, je crois qu'on atteint presque le nombre d'emplois de l'aéronautique
05:52 en France.
05:53 Donc on pèse, on est une filière effectivement très importante en France.
05:56 Alors je vous arrête, comment se fait-il que je reçois des appels, comme tout le monde,
06:01 j'ai des accents très difficiles à comprendre, avec un argumentaire un peu naïf, "Bonjour
06:07 Madame de Menton, je vais vous rendre service", on se dit "stop", on a un appel mécanique,
06:13 etc.
06:14 Ça, on a l'impression que ce sont des appels qui émanent de l'étranger, non ?
06:17 Alors, il y en a aussi de l'étranger, en fait c'est un choix de consommateur.
06:20 À partir du moment où vous prenez un forfait téléphonique à moins de 6 euros par mois,
06:25 évidemment votre service client il aura du mal à rester en France.
06:27 Donc c'est un choix de consommateur et ensuite la marque fait un choix de modèle économique.
06:33 Ceci étant dit, le SP2C en 2019, sous l'impulsion de Bercy, a créé une certification Relations
06:40 Clients France Garantie avec l'AFRC pour effectivement soutenir cet emploi.
06:46 Il y a certaines marques qui l'utilisent comme un vrai moteur de valorisation de leur
06:51 service, je pense à EDF, je pense à Edenret, je pense à la Massif, c'est un choix de
06:55 marque pour leur consommateur.
06:57 Donc on a quand même malgré tout des emplois en France, on en a créé plus de 1200 l'année
07:01 dernière en plus de ce qu'on avait avant.
07:04 Donc après c'est un choix.
07:06 Et je tiens quand même à préciser quand on parle de qualité, malgré tout à l'offshore,
07:13 ce que nous on appelle à l'offshore, on peut des fois avoir un niveau de transfert bien
07:17 supérieur en tout cas à l'écrit malheureusement qu'en France métropolitaine.
07:20 Et troisième aspect que j'aimerais souligner, c'est effectivement certains aspects réglementaires
07:26 qui peuvent être un frein.
07:27 Je pense notamment au travail du dimanche en France.
07:31 C'est un grand combat.
07:33 La dernière loi sur le sujet date de 2005.
07:36 Entre temps, il y a eu quand même quelques nouveaux canaux digitaux.
07:40 Je pense notamment aux réseaux sociaux.
07:41 Et il ne s'arrête pas le samedi à 18h.
07:44 On a aussi besoin de travailler le dimanche et là c'est plus complexe.
07:48 Et alors parce qu'on n'a pas le droit d'avoir le Covid le dimanche ?
07:51 Alors là exceptionnellement c'était possible, évidemment.
07:55 Mais ça reste effectivement des autorisations qu'on est obligé de demander tous les ans.
08:00 Et en plus ça dépend des régions.
08:02 Imaginez une inondation comme aujourd'hui l'Est de la France qui est terrible.
08:07 Est-ce qu'on a besoin, s'il y a besoin d'aider les gens samedi dimanche compris, vous pouvez ?
08:12 Alors on peut mais il faut une autorisation du préfet.
08:14 Et combien de temps ça prend ?
08:15 Alors dans le cas de gestion de crise c'est assez rapide.
08:18 Maintenant si vous avez un contrat commercial à anticiper, ça peut prendre un peu plus de temps.
08:23 Et dans tous les cas c'est limité à un an.
08:24 Donc il faut faire la demande à chaque fois tous les ans pour bénéficier éventuellement du travail du dimanche.
08:30 Et est-ce que vous voyez cette profession se développer plus en France ?
08:34 Ils sont conscients que c'est une opportunité formidable.
08:37 Est-ce que vous la voyez, malgré ces petits problèmes, ces fraises administratives, vous la voyez se développer ?
08:43 Oui parce qu'effectivement la multiplication des canaux fait qu'il y a une multiplication des interactions
08:48 avec les consommateurs, les clients qui veulent une réponse immédiate, les réseaux sociaux etc.
08:53 Donc plus il y a de canaux de communication, plus il y a d'interactions,
08:56 plus effectivement on a de la chance de pouvoir intervenir.
08:59 Et en plus comme nous nous sommes des experts de la relation client,
09:02 on est aussi des intégrateurs de solutions avec l'intelligence artificielle,
09:06 tous les nouveaux outils qu'on peut voir apparaître.
09:07 Donc on est vraiment en mode conseil pour les grandes marques françaises
09:10 qui de plus en plus je pense comprennent l'importance d'un bon service client.
09:14 C'est un vrai métier ça, je pense qu'on a malheureusement négligé.
09:17 Alors ça c'est la question parce que moi je vois tous les patrons que je rencontre,
09:23 le recrutement, vous faites comment ? On a tellement de mal à recruter.
09:27 Alors oui, on a toujours fait partie des métiers en tension très clairement.
09:31 La chance qu'on a c'est...
09:32 Et pourtant vous avez délocalisé justement en partie.
09:35 Voilà, malgré tout il y a plusieurs choses qui nous ont aidé dernièrement.
09:39 La première chose c'est qu'on est un métier très inclusif.
09:43 Nous les seniors, on n'a pas attendu qu'il y ait la loi effectivement qui passe.
09:48 Nous on recrute 17 à 20% selon les entreprises de seniors.
09:53 On a même des entreprises, je pense à Connecta,
09:55 qui ont eu un label emploi 45+ pour valoriser leur recrutement
09:59 et pour dire aux seniors "Venez postuler chez nous,
10:01 nous ce qui nous intéresse c'est votre savoir-être, vos compétences relationnelles".
10:05 Et d'ailleurs par rapport à ça, j'ai entendu dire qu'une entreprise de votre secteur
10:09 prenait des retraités pour expliquer les plans retraite,
10:12 pour expliquer les assurances.
10:14 Ils ont pris des retraités qui avaient 60 ans et qui se parlaient entre eux
10:18 et le dialogue et la conversation étaient...
10:20 - Absolument. - Formidables.
10:22 - Absolument, ça apaise le dialogue social en interne.
10:24 Contrairement à nous, on n'a pas de chocs des générations
10:26 puisque nous on recrute aussi 30% de personnes
10:29 dont c'est la première expérience professionnelle.
10:31 Nous ce qui nous intéresse c'est le potentiel relationnel de la personne.
10:36 Donc on a un bassin d'emploi plus facile.
10:38 Il y a un deuxième axe qui nous a aidé, c'est le télétravail.
10:41 Étonnamment, puisque c'est un métier de relation client à distance,
10:44 on peut toucher des bassins d'emploi plus ruraux
10:48 et les personnes se déplacent moins en entreprise mais peuvent travailler pour nous.
10:52 - Et formation, pour terminer par la formation, parce que c'est quand même fondamental
10:56 et on n'est pas forcément obligé d'être diplômé.
11:00 - Absolument.
11:01 - Et donc, il peut y avoir une formation intéressante.
11:04 Qu'est-ce que vous faites en termes de formation ?
11:06 - Alors nous déjà...
11:07 - Vous recrutez du quoi ? Du bac plus quelque chose ?
11:09 - On a un tiers de nos recrutements, c'est infrabac,
11:12 un tiers bac à bac +2 et un tiers au-delà de bac +2.
11:16 Nous ce qui nous intéresse, encore une fois, c'est la compétence relationnelle,
11:19 le savoir-être.
11:20 Et donc en formation, on forme énormément.
11:22 On voit nous une courbe de plus en plus forte sur la formation.
11:25 On forme sur les techniques relationnelles, par exemple la gestion des conflits.
11:29 On forme sur le français, c'est pas la même chose de répondre sur Twitter,
11:33 nouvellement X, que par mail par exemple.
11:37 On va former sur l'orthographe, énormément, énormément.
11:42 Sur les produits, c'est pas la même chose d'être un ambassadeur d'un produit de luxe
11:46 que gestionnaire de sinistre dans l'assurance, par exemple.
11:50 On forme également sur la nouvelle technologie, on en parlait tout à l'heure.
11:54 Il faut quand même noter que 23% de nos collaborateurs chaque année
11:57 bénéficient d'une mobilité sociale.
11:59 On est encore un des rares secteurs, je crois,
12:01 à pouvoir proposer des vraies carrières, des vraies mobilités sociales verticales.
12:07 Mais aussi à l'extérieur, c'est-à-dire que je crois que c'est la région Haute-France
12:10 qui a fait une très belle étude sur le sujet.
12:12 Après deux ans d'expérience chez nous,
12:14 vous avez plus de 360 métiers qui s'offrent à vous différents.
12:18 Et alors justement, finalement pour conclure, ça semble un métier d'avenir.
12:24 Et est-ce que c'est pas une solution, puisqu'on passe notre temps à se demander
12:29 ce qu'on va faire de ces gens au chômage, qui pourraient travailler mais qui ne trouvent pas ?
12:33 Il n'y a pas besoin à la base de compétences.
12:36 Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a un potentiel à Pôle emploi que vous pourriez prendre ?
12:40 Absolument. Moi j'expliquais à Thibault Gris,
12:42 avant qu'il soit nommé directeur de France Travail,
12:45 une coiffeuse qui ne peut plus rester debout,
12:48 qui ne peut plus toucher de produits chimiques.
12:51 On serait ravie de l'accueillir chez nous,
12:53 tout simplement parce qu'elle a déjà développé son sens du service client.
12:56 Et elle est assez payée pour ça ?
12:58 Alors, les salaires, effectivement, on est en pleine négociation des minimas de branches.
13:02 Sur les deux dernières années, on a augmenté nos minimas de plus de 11 %,
13:06 alors même que la vente de nos produits, elle, n'a augmenté d'après l'INSEE que de 6 %.
13:12 Et qu'est-ce qu'il faudrait pour que vous puissiez les augmenter plus ?
13:15 En dehors du fait que le client paie plus, bien sûr.
13:17 Évidemment.
13:18 Est-ce que vous avez un problème de charge, de plutôt payer les gens par prime ?
13:23 Qu'est-ce qu'il faudrait pour les augmenter plus ?
13:24 Alors, évidemment, on le sait tous, le coût du travail en France reste important.
13:29 Ça, c'est une vraie différence.
13:31 Le plus important, d'après vous, dans ce secteur, de tous les pays ?
13:35 Dans toute la prestation de services en général.
13:37 75 % des emplois créés en France ces dix dernières années ont été faits dans les services.
13:43 Et pourtant, quand vous prenez le plan d'investissement qui a eu lieu après la crise sanitaire,
13:48 on a beaucoup parlé d'industrie, mais on a beaucoup oublié les services.
13:52 Eh bien, écoutez, c'est le mot de la fin, parce que figurez-vous que,
13:55 je me souviens avoir été rencontrer lui-même et j'avais dit, il faudrait l'industrie des services.
14:00 Absolument.
14:01 Et je pense que le mot industriel est un très beau mot
14:05 et que c'est vrai qu'il y a une industrie du service.
14:08 Très important.
14:08 Et vous la représentez très bien.
14:09 Très bien, merci Sophie.
14:10 Merci.
14:11 Merci.
14:13 [Musique]
14:17 [SILENCE]