• il y a 9 mois
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Transcription
00:00 - Bon, avec Thomas Hill et ce matin, Thomas, vous recevez Clémentine Scellarié.
00:03 - Oui, Clémentine Scellarié qui est au théâtre de la Pépinière,
00:06 dans un seul en scène où vous incarnez Gabrielle de Marmont.
00:09 - Mirmont.
00:10 - De Mirmont, pardon.
00:11 Non, vous avez raison de me corriger, Gabrielle de Mirmont,
00:14 une femme issue de l'aristocratie catholique,
00:17 qui vénère son fils comme son dieu,
00:20 un fils qui devient prêtre et puis,
00:23 visiblement, c'est le plus beau cadeau qu'il pouvait lui faire d'ailleurs,
00:25 en devenant prêtre.
00:26 On la sent très heureuse de ça.
00:27 - La question ne s'est même pas posée pour elle, en fait.
00:29 Elle a une telle foi, cette femme, mais elle n'est pas extrême.
00:34 Elle a une foi absolument infinie et très pure.
00:38 Moi, je l'aime beaucoup, cette femme.
00:40 Enfin, je ne peux pas ne pas l'aimer, de toute façon, sinon...
00:44 Tout est dans le paradoxe, en fait.
00:45 C'est-à-dire que son fils, dès qu'elle l'a conçu,
00:49 parce qu'elle parle de ça,
00:50 elle dit est-ce que les mères souviennent-elles de l'instant
00:53 où elles ont conçu leurs enfants ?
00:54 Elle se souvient de cet instant, du déclic, ce truc ?
00:58 Elle savait que c'était un fils, elle s'est dit c'est un fils, je sais,
01:01 et ce sera le fils de Dieu.
01:04 Donc, c'est quand même...
01:05 C'est un sacré...
01:07 C'est une sacrée charge, on va dire aussi, pour lui et tout ça.
01:11 Et elle s'en rend compte petit à petit.
01:12 Elle est dans un lieu clos.
01:13 Je m'adresse aux gens à l'univers, quoi.
01:17 Et elle raconte toute cette histoire, ce drame qu'elle a vécu
01:22 et qu'elle a...
01:24 Quelque part, dont elle se sent coupable.
01:27 Son fils devient...
01:28 En fait, elle découvre que son fils, c'est un monstre.
01:31 - Elle découvre que son fils,
01:33 donc celui qu'elle appelle désormais "mon père", d'ailleurs,
01:36 a violé des enfants.
01:38 Et là, c'est tout son monde qui s'écroule.
01:40 C'est tout ce en quoi elle a toujours cru, en fait.
01:42 - Oui, et puis qu'est-ce qu'elle fait ?
01:44 Qu'est-ce qu'on fait face à ça ?
01:47 Donc, ça, c'est vraiment extrêmement excessif.
01:52 Mais c'est ça que j'aimais.
01:53 Moi, j'aime les paradoxes comme ça,
01:55 dans l'humanité de quelqu'un, dans son âme,
01:57 de savoir comment...
01:59 Et puis, c'est une femme très courageuse
02:01 parce qu'elle est forte.
02:03 Et en même temps, elle est complètement brisée.
02:07 Enfin, elle est craquelée.
02:10 Mais donc, c'est ça qui est intéressant.
02:12 C'est tout son parcours.
02:13 - Effectivement, très courageuse.
02:15 Moi aussi, j'ai trouvé qu'elle avait beaucoup de courage, cette femme,
02:16 parce qu'elle se confronte d'abord à l'une des victimes de son fils,
02:20 Adrien.
02:22 Et puis, elle se confronte à son fils aussi.
02:23 Elle ne reste pas dans le déni.
02:25 - Oui, oui.
02:26 Et que je fais, moi.
02:27 Parce que comme je suis toute seule,
02:28 elle devient son fils.
02:31 Comme elle se souvient de tout ça,
02:33 elle se souvient de son fils,
02:34 elle se souvient de comment il était.
02:36 En plus, quand elle s'en souvient,
02:38 elle sait que c'est un monstre,
02:39 mais elle a ce souvenir merveilleux de lui.
02:42 Et puis, Adrien, la victime de son fils.
02:45 Et c'est chouette d'incarner les autres personnages.
02:50 Mais à travers elle.
02:52 Ce n'est pas moi qui les incarne, c'est elle.
02:54 Mais c'est chouette parce que du coup,
02:56 ça lui donne une espèce d'humanité,
03:02 puisqu'elle se met dans la tête de la victime de son fils.
03:07 - Elle est surtout prête à tout entendre.
03:09 - Voilà, c'est ça, exactement.
03:10 Tout.
03:10 Ah ben oui.
03:12 Et puis, c'est quelqu'un de vrai qui fait face à cette réalité,
03:16 à ce drame.
03:17 - Évidemment, elle se demande aussi ce qu'elle a fait ou pas fait
03:19 dans son éducation pour que son fils devienne un monstre.
03:22 - C'est terrible.
03:23 - Même moi, quand j'ai joué ça,
03:25 que je l'ai créé à Villeneuve, je me disais
03:27 "Mais est-ce que moi, j'ai bien élevé mes enfants ?"
03:29 Vous vous demandez...
03:30 Mais parce qu'on les influence toujours,
03:32 d'une certaine façon, même inconsciemment.
03:34 Donc, mais...
03:36 Enfin, je n'ai pas des fils qui sont des monstres.
03:39 - Ça va, oui.
03:40 - Non, mais c'est vrai que c'est une question profonde.
03:47 Parce qu'en plus, cette femme, elle voulait le bien.
03:50 Elle ne voulait que le bien, que la beauté, que la pureté,
03:54 mais à un tel point...
03:55 Mais surtout, il y a un truc, c'est que...
03:57 Elle dit d'ailleurs que dans sa famille,
03:59 la tendresse, les câlins, les baisers n'étaient pas
04:02 l'usage de notre famille, c'est ce qu'elle dit.
04:04 Et ça, c'est un vrai problème.
04:07 C'est pour ça, quand son fils se fait ordiner,
04:10 ordiner, je crois que c'est ça qu'on dit en anglais,
04:11 - Donc, il devient un prêtre.
04:13 - Qui devient prêtre.
04:14 Elle l'appelle "mon père" et lui, il lui demande,
04:17 enfin, il lui dit "Mais mère, je suis votre fils"
04:19 et elle ne veut pas, parce que pour elle...
04:21 - Elle dit "C'est la première gifle que je lui donne,
04:23 c'est quand je l'appelle mon père".
04:25 - Mais il y a une question, quand on est parent
04:26 et qu'on vient vous voir, il y a une question
04:28 qui revient souvent en vous regardant,
04:29 c'est jusqu'où on est responsable en tant que parent
04:31 des actes de nos enfants ?
04:34 Qu'est-ce qui peut justifier tout ce qu'on a fait ?
04:37 Même en sortant de la salle, on se pose encore la question.
04:40 - Et en tout cas, vous, Clémentine Salarié,
04:43 j'ai trouvé que vous aviez aussi beaucoup de courage
04:44 chaque soir d'interpréter ce texte.
04:46 Ah si, parce que c'est plein d'émotions
04:48 et puis vous pleurez beaucoup sur scène.
04:51 - Je me suis demandé comment vous arrivez
04:55 à faire ça tous les soirs.
04:57 - Mais alors, je n'ai aucun courage, déjà.
04:59 Mais vraiment, sincèrement, je n'ai pas de courage,
05:02 c'est la passion qui me guide, ce qui m'a toujours guidée.
05:05 De toute façon, c'est un choix.
05:06 Moi, je suis tombée amoureuse de ce roman
05:09 que je conseille à tout le monde.
05:10 "Je suis la mère du bourreau", c'est un roman de David Lolaiello
05:13 qui est un roman absolument incroyable
05:15 et qui est vraiment un coeur ouvert d'une femme
05:18 et de tous ses personnages.
05:20 Donc, je n'ai pas de courage parce que j'ai eu un coup de foudre.
05:23 Donc, si vous voulez, moi, c'est passionnant.
05:25 - Oui, mais ça doit être très éprouvant aussi, non ?
05:27 - Mais non, enfin éprouvant, il faut y aller.
05:30 Il faut donner beaucoup de soi.
05:32 Mais moi, c'est ça que je veux faire.
05:34 C'est comme ça, ne pas donner pour moi, c'est être mort.
05:37 Enfin, j'ai besoin de ça.
05:39 Ça me fait du bien, en fait.
05:41 Ça me vide, mais ça me nourrit en même temps.
05:44 Ça me nettoie parce que d'abord, c'est le monde qui me fait...
05:47 Je trouve qu'il faut être courageux face au monde en ce moment,
05:50 à tout ce qui se passe.
05:51 Mais quand on est dans l'ailleurs, dans l'imaginaire,
05:54 dans la créativité, dans l'artistique, c'est un salut.
05:57 C'est merveilleux.
05:59 En plus, avec les gens, ça se passe d'une façon magique
06:03 parce qu'on parle du sacré.
06:04 Elle parle beaucoup de sacré, cette femme.
06:05 Elle est très...
06:06 Elle est une espèce de ferveur comme ça, magnifique.
06:09 Donc, en fait, les gens, le public,
06:13 il y a quelque chose que je n'ai jamais vécu.
06:15 Je n'ai jamais vécu un truc aussi indescriptible
06:20 d'un pièce de truc.
06:23 Je pense que c'est lié à ce dont elle parle
06:25 et au fait qu'elle est dans un lieu clos.
06:27 Comme ça, c'est une femme d'un certain âge.
06:29 C'est une femme plus vieille que moi.
06:30 C'est chouette de jouer des personnages
06:34 où on ne doit pas être coquette, toujours être coquette.
06:36 C'est chiant.
06:38 C'est vrai, on n'est pas les mannequins, les actrices.
06:40 On est là pour faire des personnages.
06:41 - Le public réagit vraiment et le public est debout à la fin.
06:45 Allez voir "Je suis la maman du bourreau".
06:48 C'est au Théâtre de la Pépinière avec Clémentine Sélarier.
06:51 Jusqu'au 4 mai.
06:53 On va continuer à en parler dans un instant.

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