• il y a 11 mois
100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:00 [Générique]
00:00:10 Bonjour, bonjour à tous, merci d'être avec nous dans 100% Sénat.
00:00:14 Aujourd'hui, la rédaction parlementaire de Public Sénat vous propose de suivre une audition,
00:00:19 celle du professeur en criminologie Alain Bauer,
00:00:22 par la Commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France.
00:00:25 Une commission d'enquête présidée par le sénateur socialiste Jérôme Durin
00:00:29 et dont le rapporteur est Étienne Blanc.
00:00:31 Je vous propose de suivre leurs échanges et je vous retrouve tout de suite après.
00:00:34 Il est toujours intéressant de revenir dans cette maison,
00:00:38 parler de la politique du trafic de stupéfiants,
00:00:40 puisque au moment où l'État en France était le principal dealer public du pays,
00:00:47 avec la régie française de l'opium qui était la version Seita des stups,
00:00:51 au moment où dans nos territoires coloniaux,
00:00:55 le chemin de fer de l'Indochine allait de Champaveau en Champaveau,
00:00:59 c'est dans cette maison que les parlementaires radicaux et médecins,
00:01:04 de toutes origines et de toutes obédiences,
00:01:07 ont décidé de mettre en cause la pratique qui visait à faire de l'argent sur le trafic des stupéfiants,
00:01:13 au nom de problématiques de santé publique et de médecine.
00:01:17 Je vous renvoie tout ceci au «Dragon domestique de feu»,
00:01:20 mon collègue Christian Bachmann, qui est l'ouvrage le plus abouti,
00:01:23 et hélas inabouti du fait de sa disparition,
00:01:26 sur l'historique de la manière dont la problématique des stupéfiants
00:01:31 a d'abord été considérée comme un outil naturel de développement de business et de commerce.
00:01:37 Et pour tous ceux qui ont vu les «55 jours de Pékin»,
00:01:40 je voudrais le rappeler qu'il s'agit d'une œuvre de pure fiction
00:01:43 et que la première coalition internationale de l'histoire du monde,
00:01:46 entre des pays qui ne s'étaient jamais fait que la guerre avant et après,
00:01:50 a eu lieu pour imposer à l'empire du milieu
00:01:53 la fin de la prohibition contre le trafic et la consommation des stupéfiants,
00:01:58 au bénéfice de l'ensemble des puissances coalisées
00:02:02 qui allaient des États-Unis au Japon,
00:02:03 en passant par la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et quelques autres.
00:02:08 Donc nous avons une vision aujourd'hui du problème des stupéfiants,
00:02:12 qui est une vision pénale.
00:02:14 Il y a un peu plus de 100 ans, c'était fort heureusement une vision médicale
00:02:19 et elle répondait à plusieurs problématiques.
00:02:21 Un, l'addiction, et une addiction massive sur des populations nombreuses,
00:02:27 dont une très grande partie avait été gazée dans les tranchées en 14-18.
00:02:33 Le préfet de police expliquait qu'il y avait 100 000 addictés aux stupéfiants à Paris,
00:02:40 en 1920, et que c'était un problème majeur,
00:02:43 qu'il faudrait traiter une bonne fois pour toutes.
00:02:47 Il se trouve qu'à l'époque, les stupéfiants étaient un médicament utilisé pour...
00:02:53 Et si le Coca-Cola s'appelle "Coca", ce n'est pas juste pour faire plaisir,
00:02:56 c'est parce que l'essentiel de sa composition,
00:03:00 comme le vin Mariani, qui fut son ancêtre,
00:03:02 et dont le brevet a été volé par les Américains au détriment des Français,
00:03:06 était un produit purement stupéfiant, basé sur de la cocaïne.
00:03:10 Alors certes, pas exactement traitée comme celle qui est vendue actuellement,
00:03:15 mais qui avait des effets dits bénéfiques pour toute une série d'activités,
00:03:20 notamment de haute intensité ou en altitude.
00:03:25 Nous avons une relation avec les stupéfiants beaucoup plus complexe,
00:03:28 beaucoup plus difficile à traiter et beaucoup plus incompréhensible
00:03:32 que celle que nous avons depuis la loi de 1970,
00:03:35 qui a totalement modifié l'approche de la question des stupéfiants en France
00:03:40 pour des raisons pénales, alors que jusque-là,
00:03:42 la question médicale avait été considérée comme essentielle.
00:03:46 Nous avons donc eu des phases de traitement de la gestion des stupéfiants,
00:03:50 là je parle de la consommation,
00:03:52 accessoirement de la production et de l'exportation,
00:03:55 puis du trafic, qui ont amené à des modifications majeures d'approche,
00:03:59 donc de culture, une culture médicale,
00:04:01 puis une culture pénale, pour répondre à un ultimatum américain
00:04:05 du président Nixon, qui impliquait que nous arrêtions
00:04:10 de submerger les États-Unis de production de très bonne qualité,
00:04:15 mais qui posait un certain nombre de gros problèmes,
00:04:18 ce qui explique d'ailleurs l'apparition du Narcotics Bureau
00:04:20 en cette de l'ADEA à Marseille.
00:04:22 Et donc, si vous voulez avoir une idée à peu près précise de l'évolution
00:04:26 du temps, avec des docufictions qui n'avaient pas encore ce nom,
00:04:29 et bien vous regardez Borsalino-Enco pour comprendre ce qu'a été
00:04:33 Carbone et Spirito s'imposant et créant le premier quiste criminel français
00:04:38 à Marseille, et puis la French Connection expliquant ce qu'a été
00:04:42 l'industrialisation du trafic et l'effet imprévu, secondaire,
00:04:48 pervers de la loi de 1970, qui, ne sachant pas faire le tri
00:04:54 entre consommateurs, consommateurs, dealers et gros trafiquants,
00:04:57 a créé, un peu comme notre code pénal d'ailleurs,
00:05:00 une idée qu'il fallait tout réprimer de la même manière,
00:05:02 et donc prison pour tout et pour tous, ça ne marche pas.
00:05:05 Donc nous sommes dans un processus sans aucun sens,
00:05:08 sans aucune cohérence, et où nous traitons en permanence
00:05:11 de conséquences liées à des injonctions contradictoires qui
00:05:14 n'ont jamais fait l'objet d'une mise à plat par le gouvernement,
00:05:18 alors même, je tiens à le souligner,
00:05:19 que les assemblées, et notamment l'Assemblée
00:05:21 nationale l'année dernière, a réussi,
00:05:24 d'une manière assez intelligente, à avoir un dialogue construit,
00:05:27 intelligible, cohérent, sur la question de la gestion
00:05:31 de la problématique des subventions.
00:05:32 Le fait de savoir si on est d'accord ou pas avec les conclusions
00:05:34 est une autre affaire.
00:05:35 Je précise simplement que le débat a eu lieu,
00:05:37 qu'il a abouti à une forme de mise en cohérence de la manière
00:05:41 dont vous pouvez aborder la question,
00:05:43 et d'un certain nombre d'outils proposant de les traiter.
00:05:46 Alors, je le précise bien, moi je suis contre toutes les addictions,
00:05:49 donc j'apparais plutôt comme un répressif,
00:05:52 mais quand une politique de prohibition donne des résultats
00:05:55 aussi inverses à toute politique de prohibition qui a eu lieu
00:05:59 dans l'histoire, qu'elle soit celle de l'alcool ou les autres,
00:06:02 nous avons un souci quant à la cohérence de la politique.
00:06:06 Un, une politique de prohibition, ça se traduit par une raréfaction
00:06:09 du produit, une baisse de la qualité et une augmentation du prix.
00:06:12 En France, nous avons exactement l'inverse.
00:06:15 Une augmentation de la qualité, une augmentation de la quantité
00:06:19 et une baisse des prix. Il y a quand même un sujet.
00:06:21 Et quand une politique de prohibition aboutit à l'effet
00:06:23 économique exactement inverse à celui recherché,
00:06:26 c'est donc que la politique est mauvaise ou qu'elle est mal appliquée.
00:06:28 En France, c'est les deux.
00:06:29 La politique est mauvaise parce qu'elle est incohérente
00:06:32 et elle est mal appliquée parce que, bien évidemment,
00:06:34 avec le nombre de consommateurs que nous avons,
00:06:36 le nombre de consommateurs réguliers que nous avons,
00:06:38 le nombre de jeunes consommateurs que nous avons et le changement
00:06:42 de la nature des produits par une augmentation massive du taux de THC
00:06:47 dans les produits de type cannabisoïdes,
00:06:50 l'arrivée de produits de synthèse dont certains sont extraordinairement
00:06:56 dangereux, Nitazen, Kétamine et autres produits de fabrication
00:07:03 dans son arrière-cuisine ou dans son labo,
00:07:05 la capacité désormais à avoir des relations directes du producteur
00:07:08 au consommateur par la surmultiplication des champs de production
00:07:14 ou des petits labos chimiques à petites zones de chalandise,
00:07:20 le développement massif de la consommation dans des zones qui
00:07:25 sont passées de la banlieue à l'agglo et de l'agglo à la petite
00:07:29 ou à la moyenne ville.
00:07:30 Tous ces éléments-là, accumulés, montrent que la politique,
00:07:33 s'il y en avait une, de lutte contre les stupéfiants est un échec
00:07:36 conceptuel, structurel et opérationnel.
00:07:39 Donc, il y a un souci générique qui nécessite de reprendre le
00:07:43 problème depuis le début.
00:07:45 Un, qui consomme ? Deux, pourquoi on consomme ?
00:07:47 Trois, comment on consomme ? Qu'est-ce qu'on consomme ?
00:07:49 Et qu'est-ce qu'on peut faire pour reprendre la problématique,
00:07:52 d'abord médicale, qui est paradoxalement la plus simple,
00:07:55 par la désaddiction, y compris par des mesures fermes
00:07:59 de désaddiction, jusqu'à la politique de lutte
00:08:03 contre les grands trafiquants et notamment sur un certain nombre
00:08:07 d'espaces qui nous sont proches et qui sont des paradis fiscaux
00:08:11 ou des blanchisseuses, bien connus des produits stupéfiants,
00:08:15 y compris des endroits où on retrouve beaucoup d'influenceurs
00:08:18 qui ont basé leur arrière-cour.
00:08:23 Nous avons ça comme problématique générale,
00:08:26 le reste est bien connu.
00:08:27 L'OFDT, comme l'OEDT, font très bien leur travail.
00:08:31 Les problématiques de connaissance et des substances et de
00:08:35 l'évolution des substances, des zones de développement des
00:08:38 substances, de la quantité de personnes incriminées,
00:08:40 de l'augmentation relativement forte de ce qu'on appelait
00:08:45 overdose ou surdose en français.
00:08:47 L'arrivée rapide et attendue d'un côté du captagon et de l'autre du
00:08:52 fentanyl vont nous amener à des problématiques médicamenteuses
00:08:55 encore pires que celles qui ont pu être connues dans des
00:08:59 problématiques récentes sur le détournement du médicament.
00:09:03 Je pense au Mediator en particulier,
00:09:05 mais ce n'était qu'un épiphénomène par rapport à ce qui est face à nous.
00:09:08 Le fait que nous soyons désormais entourés par deux,
00:09:12 voire trois narco-États, Belgique, Pays-Bas,
00:09:15 ils détestent quand on dit ça, mais c'est quand même comme ça que c'est,
00:09:17 du point de vue policier en tout cas et même du point de vue des
00:09:20 magistrats qui n'hésitent plus à dire les choses.
00:09:23 La situation de notre frontière avec l'Espagne est extrêmement préoccupante.
00:09:29 Les problématiques guyanaises atteignent des degrés absolument
00:09:35 invraisemblables, à la fois d'acceptation de l'ampleur du trafic,
00:09:40 puisque désormais une circulaire pénale avait même prévu qu'en
00:09:42 dessous d'un kilo, on poursuivait plus, ce qui est inattendu.
00:09:45 J'avais vu jusqu'à 100 grammes.
00:09:48 Je dois dire très honnêtement que le niveau en grammage de ce qui
00:09:52 était poursuivable ou pas était une nouveauté.
00:09:54 Je n'avais pas vu que le parlementaire avait été aussi précis.
00:09:56 Je crois qu'il avait provoqué une sorte d'interdit absolu.
00:09:58 Mais bon, on s'adapte comme on peut.
00:10:00 Mais là, on a face à ce département en particulier,
00:10:04 une problématique particulière et extrêmement inquiétante,
00:10:07 de la même manière que sur le Crac,
00:10:09 on a des situations dans les DOM tout à fait inquiétantes,
00:10:14 avec un développement assez important et des espaces qui sont plutôt
00:10:20 limités sur le territoire métropolitain, Stalingrad, etc.,
00:10:23 mais extraordinairement développés dans d'autres espaces qui doivent
00:10:27 être considérés comme la métropole,
00:10:29 puisqu'ils appartiennent au territoire national.
00:10:32 Donc, une situation générale de dégradation,
00:10:35 une problématique d'augmentation de la consommation,
00:10:37 de contournement, d'augmentation de l'intensité des produits consommés.
00:10:44 Et face à cela, des postures, des mouvements,
00:10:47 des tours de bras, des déclarations, des sommations,
00:10:51 assez peu de réflexion, assez peu de contenu et une incohérence
00:10:56 absolue entre la proclamation, l'action, l'accompagnement,
00:11:00 et donc un saupoudrage généralisé qui amène mécaniquement,
00:11:03 à force de vouloir tout faire sans rien vraiment faire,
00:11:06 de ne pas savoir exactement ce qu'on fait et donc de ne pas répondre
00:11:09 à la problématique, ni de l'expansion du trafic,
00:11:12 ni de son intensification, ni de l'augmentation des règlements
00:11:15 de compte, particulièrement développée spécifiquement à Marseille,
00:11:20 mais c'est une tradition.
00:11:21 Mais quand on parle beaucoup de Marseille,
00:11:23 on oublie de parler de ce qui se passe autour de Montpellier,
00:11:25 autour de Grenoble, un peu autour de Toulouse,
00:11:28 évidemment à Sevran et dans la banlieue parisienne, à Valence.
00:11:34 Donc, j'ai découvert moi-même que c'était une ville qui,
00:11:38 aujourd'hui, avait basculé de l'autre côté du miroir,
00:11:43 avec des listes de gens à éliminer,
00:11:45 des problématiques inédites dans la manière dont on s'exprime sur la question.
00:11:49 Et comme nos amis trafiquants ont pris l'habitude de nous raconter
00:11:52 sur YouTube ou TikTok à peu près tout ce qu'ils veulent faire,
00:11:55 font ou devraient faire, il ne faut pas sous-estimer,
00:11:59 au-delà du matamorisme ambiant, une problématique de dégradation
00:12:04 forte, je veux dire même de désagrégation,
00:12:07 des effets de la logique des stupéfiants,
00:12:13 et donc de ces effets aussi en termes de violence,
00:12:16 de mortalité, d'enlèvement, de torture,
00:12:18 de barbarie diverse qui amène.
00:12:21 Il suffit d'aller dans les tribunaux et pas seulement à Bobigny
00:12:24 pour se rendre compte de ce qu'est l'apparition d'un État parallèle,
00:12:29 qui est un État narco, même si la France n'est pas encore un narco-État.
00:12:33 Voilà, si vous vouliez une option optimiste,
00:12:35 ce n'était pas moi qu'il fallait inviter en ce début d'année.
00:12:37 Un peu optimiste, mais c'est stimulant.
00:12:40 Et du coup, Etienne Blanc va rebondir.
00:12:42 Merci beaucoup.
00:12:43 Est-ce que vous pouvez nous détailler un petit peu cette loi de 70,
00:12:47 les conditions dans lesquelles elle a été adoptée,
00:12:50 les raisons pour lesquelles elle a été adoptée et l'influence des États-Unis ?
00:12:54 C'est un coup de téléphone du président Nixon au président de la République
00:12:58 qui lui a dit qu'il en a marre.
00:12:59 Donc si vous ne prenez pas des mesures pour démanteler les labos,
00:13:03 les réseaux et la distribution,
00:13:05 il y a eu une affaire majeure qui était l'affaire,
00:13:07 je ne vais pas dire une bêtise, mais Angèle Vins,
00:13:10 je crois, un présentateur de télévision qui avait caché,
00:13:12 vous avez la version drôle dans le corneo.
00:13:15 Tout ça est une histoire vraie,
00:13:17 alors drôle dans le corneo et pas drôle du tout,
00:13:20 si vous avez des Américains, qui décident de faire la lutte à la drogue.
00:13:23 Les Américains font la guerre à à peu près tout.
00:13:25 Ils la font plus ou moins bien, au terrorisme, quand il faut la faire.
00:13:29 Là, ils ont décidé de faire la guerre à la drogue parce que la
00:13:32 diffusion des produits stupéfiants de très haute qualité,
00:13:35 produits par les labos Corso Marseillais français,
00:13:38 avait amené à submerger le marché américain et donc pour des raisons
00:13:44 légitimes, qui est de lutter contre le trafic et lutter contre les effets
00:13:48 du trafic, parce que la pureté des produits amenait évidemment déjà un
00:13:53 début d'overdose ou de surdose considérable.
00:13:56 Donc des raisons médicales en France ont amené à une politique visant à
00:14:00 lutter contre les addictions et pas à lutter contre le trafic,
00:14:03 ce qui avait donné de meilleurs résultats et par ailleurs prenait en
00:14:06 compte le problème des gazages dans les tranchées,
00:14:08 qui est un sujet qu'il faut prendre en considération.
00:14:10 On ne savait pas comment traiter.
00:14:11 Voilà, et puis les stupéfiants, le cannabis ou le reste,
00:14:15 ça a des effets médicaux qu'il ne faut pas du tout sous-estimer.
00:14:18 Le problème, c'est que nous faisons tout trop.
00:14:20 La France aime les extrêmes.
00:14:22 C'est soit tout, soit rien.
00:14:24 Et donc, on n'a pas pris en compte les dimensions médicales et utiles de
00:14:28 toute une série de médicaments dont certains sont liés aux produits
00:14:31 stupéfiants.
00:14:32 Les OPC sont des produits médicaux comme d'autres.
00:14:34 Mais au lieu de traiter de la question d'un point de vue médical,
00:14:38 le coup de téléphone du président Nixon a amené un bouleversement dans
00:14:42 la politique française et la loi de 1970,
00:14:44 qui est apparue sur injonction américaine pour des raisons de
00:14:48 politique intérieure, de lutte contre les stupéfiants et
00:14:51 d'absence totale d'action de la France,
00:14:54 qui considérait que si on pouvait les exporter,
00:14:56 ce n'était pas très grave.
00:14:57 C'est un peu comme les Anglais avec le Londonistan.
00:14:59 Tant que les terroristes djihadistes qui étaient à Londres commettaient
00:15:02 des attentats hors d'Angleterre, on ne s'en occupait pas.
00:15:05 Il y avait une sorte de non-deal.
00:15:07 D'ailleurs, le refus d'extrader l'un des principaux financiers du
00:15:11 terrorisme international pendant des années n'a débouché qu'après que
00:15:14 des attentats aient eu lieu à Londres,
00:15:16 où les Anglais considéraient que puisque c'était comme ça,
00:15:19 on pouvait faire de la coopération internationale puisqu'on n'était
00:15:22 plus immune d'une activité intérieure.
00:15:25 Voilà, c'est un problème habituel.
00:15:27 On l'a vu avec l'ETA entre les Espagnols et l'arrière-base française.
00:15:32 Ce sont des sujets récurrents.
00:15:33 Le président Nixon a demandé une injonction,
00:15:37 elle est connue, elle a été détaillée d'ailleurs dans un certain
00:15:40 nombre d'ouvrages sur les relations franco-américaines.
00:15:42 Et donc, nous avons produit une loi écrite avec les pieds,
00:15:45 d'urgence, n'importe comment, qui est la loi de 1970,
00:15:49 qui malheureusement ne traite pas de manière différenciée des
00:15:52 problématiques différentes.
00:15:53 Une problématique d'addiction qui est une problématique médicale
00:15:56 et qui doit se traiter de manière médicale.
00:15:59 Une problématique de dealer-consommateur,
00:16:02 mais de petite envergure, qui en fait produit pour lui-même
00:16:06 et se paye pour d'autres, et qu'il faut traiter avec,
00:16:10 je dirais, une sorte d'aménagement,
00:16:13 parce que ce n'est pas Pablo Escobar.
00:16:14 Et puis Pablo Escobar, qu'il faut traiter comme Pablo Escobar.
00:16:17 La loi de 1970 traite tout le monde de la même manière,
00:16:19 dans son intention.
00:16:20 Évidemment, dans son implication, c'est impossible.
00:16:23 Quand on arrête 60, 80, 100 000 consommateurs pour faire du
00:16:26 chiffre, on ne les renvoie pas tous devant les juridictions,
00:16:29 parce que ça ne marche pas.
00:16:30 Donc on fait de l'injonction thérapeutique,
00:16:32 il ne faut pas recommencer, ou de la saisie avec destruction
00:16:37 des éléments par l'usage de la chasse d'eau,
00:16:38 voire réutilisation pour les indicateurs divers et multiples,
00:16:43 parce qu'il faut bien trouver un moyen de compenser leur activité
00:16:48 au bénéfice de la société.
00:16:50 Bref, on a inventé toute une série de petits aménagements
00:16:54 légitimes et normaux, parce que c'est comme ça que ça fonctionne.
00:16:56 La réalité est la réalité.
00:16:59 Mais on n'a pas tranché sur décriminalisation,
00:17:03 dépénalisation, contraventionnalisation,
00:17:05 libéralisation, le CBD est-il ou n'est-il pas.
00:17:09 Vous voyez d'ailleurs dans les décisions du Conseil d'État
00:17:12 ou de la Cour de cassation, une sorte de grande incertitude
00:17:15 générale sur la problématique de ce qui peut être médicalement
00:17:18 accepté et de ce qui doit être pénalement réprimé.
00:17:22 Donc, ne sachant pas faire du sur mesure,
00:17:25 nous avons fait du prêt-à-porter.
00:17:27 Et donc, c'est soit trop grand, soit trop petit,
00:17:29 mais ça ne taille jamais juste.
00:17:31 Vous avez parlé de désaddiction.
00:17:33 Comment vous voyez pratiquement une nouvelle politique sur la désaddiction ?
00:17:39 D'abord, l'injonction thérapeutique pourrait être une vraie injonction
00:17:42 thérapeutique, c'est-à-dire une obligation de soins.
00:17:45 Ceci existe d'ailleurs dans le Code de la santé publique,
00:17:47 pour toute une série d'éléments.
00:17:49 Évidemment, pour que quelqu'un décide de la désaddiction,
00:17:53 il faut évidemment qu'il fasse partie du programme.
00:17:55 Mais vous aviez, avec le Dr Olivenstein,
00:17:58 à Marmottan, des programmes extrêmement innovants qui
00:18:02 avaient pris en compte des choses, mais qui sont restées.
00:18:03 Des programmes innovants, perdus au milieu de rien,
00:18:06 qui étaient une sorte d'excuse.
00:18:07 On a un truc là-bas.
00:18:09 Évidemment, ça ne peut pas traiter l'ensemble des,
00:18:11 je ne sais plus combien, 4 millions de ceux qui ont un jour
00:18:14 ou l'autre consommé, du 1,5 million qui doivent le faire
00:18:17 plus ou moins régulièrement.
00:18:19 Évidemment, qu'ils ne savent plus traiter la différence qui
00:18:22 existait entre du THC à 1,5, 2 et du THC à 15 en intensité,
00:18:29 puisque il n'y a plus de...
00:18:30 J'ai été auditionné il y a quelques temps par le Parlement belge,
00:18:34 et on avait un débat "Drogue douce, drogue dure".
00:18:36 Alors, j'ai dit, d'abord, ça n'existe plus,
00:18:38 ce concept a disparu.
00:18:39 Mais en plus, ce qu'on appelait drogue douce avant et qui pose
00:18:42 des tas de problèmes aux parents des années 70 vis-à-vis de leurs enfants.
00:18:47 On ne peut pas leur expliquer que "non, j'en ai pas consommé",
00:18:50 parce qu'ils en ont tous consommé ou beaucoup,
00:18:51 mais qu'ils ne parlent plus du tout du même produit.
00:18:54 Derrière le mot "cannabis", etc., en fait,
00:18:58 on ne parle pas du tout de la même substance et de la même
00:19:00 intensité de la substance et de ses effets secondaires.
00:19:07 Donc, on a un vrai souci par rapport à la capacité de ça.
00:19:10 Mais moi, je crois à l'injonction thérapeutique,
00:19:12 une vraie injonction thérapeutique, comme l'élément 1 d'une politique
00:19:16 de santé publique,
00:19:18 d'une politique de santé publique qui touche l'essentiel des personnes
00:19:22 qui sont directement victimes, parce que ce sont des malades.
00:19:26 Et je pense qu'il faut que nous réintégrions cette dimension.
00:19:29 À la suite de quoi, il y a une petite partie de cette
00:19:33 population qui sont des consommateurs-dealers,
00:19:35 c'est-à-dire qui produisent pour eux, consomment, mais revendent.
00:19:39 Et disons qu'il y a là une adaptation à faire,
00:19:41 notamment avec les services de police,
00:19:43 mais aussi de santé publique, pour avoir une réponse mixte,
00:19:45 qui est liée à la réitérance ou à la récidive,
00:19:49 comme dans tout processus normal de pénalité.
00:19:52 Et puis, il y a un problème de trafiquants majeurs.
00:19:54 Et donc, au lieu de continuer à essayer de vider la mer avec une
00:19:58 petite cuillère trouée et d'occuper les forces de police à
00:20:02 des missions qui ne servent à rien,
00:20:03 dont ils savent qu'elles ne servent à rien et qui ne produisent rien,
00:20:07 les reconcentrer sur...
00:20:08 On a le même problème avec la criminalité ordinaire.
00:20:11 Dans mon métier, la criminologie,
00:20:13 on s'occupe essentiellement de savoir qui fait quoi.
00:20:16 70 % des primo-auteurs ne recommenceront jamais.
00:20:20 Jamais.
00:20:21 Mais on ne le sait pas la première fois,
00:20:23 puisqu'ils sont primo.
00:20:24 30 % vont recommencer au moins une fois.
00:20:27 Cela, il faut les traiter différemment des premiers.
00:20:29 Mais déjà, dès les premiers, il faut indiquer qu'il faut s'arrêter.
00:20:32 Il y a donc un besoin d'expression de l'interdit et d'expression
00:20:36 rapide de l'interdit.
00:20:37 Contrairement à une idée largement répandue,
00:20:39 les courtes peines ou les mesures éducatives immédiates et rapides,
00:20:44 notamment pour les mineurs, sont extrêmement positives.
00:20:47 Elles donnent d'extraordinaires effets dans les pays anglo-saxons,
00:20:50 protestants ou du Nord,
00:20:52 parce qu'on intervient vite et on casse le dispositif rapidement.
00:20:56 Il reste 30 %, ces 30 %, il faut les traiter,
00:20:59 évidemment, avec des mesures renforcées.
00:21:01 Et ensuite, on a environ 5 % qui produisent 50 % de l'activité
00:21:06 criminelle. Vous ne pouvez pas les traiter comme les 70 autres %,
00:21:09 ni même contre les 95 autres %.
00:21:11 Chacun doit être traité en fonction du niveau de glissement
00:21:15 de vieillesse technicité dans l'activité criminelle.
00:21:17 Et donc, il faut qu'on s'adapte au mode opératoire.
00:21:20 Le mode opératoire, c'est le besoin, l'envie, le plaisir.
00:21:22 Le besoin "je n'ai rien et je veux quelque chose",
00:21:25 c'est un besoin en général utile, c'est celui qui nous a permis de
00:21:27 passer du statut de sujet à celui de citoyen.
00:21:30 C'est la révolte sociale, c'est la révolution,
00:21:32 c'est l'expression d'une violence contre une violence plus grande
00:21:35 encore. Celle-là n'est pas du tout contamnable.
00:21:37 Elle nous a permis d'avoir un Parlement,
00:21:39 une représentation démocratique des citoyens.
00:21:41 Parfois, c'est excessif, parfois c'est même extrêmement excessif.
00:21:45 Mais, grosso modo, l'histoire a montré plutôt la légitimité
00:21:50 de la révolte et du droit à la résistance à l'oppression,
00:21:53 qui est d'ailleurs dans notre Constitution.
00:21:54 La deuxième partie, c'est l'envie.
00:21:57 J'ai envie d'avoir ce que quelqu'un a et qui n'est pas.
00:22:00 C'est un effet publicitaire en général,
00:22:01 c'est l'effet de la marque, c'est l'effet de la lisibilité de
00:22:04 l'ordre, c'est l'effet des influenceurs,
00:22:06 c'est l'effet de l'inutile et du présent.
00:22:08 Mais, en général, il n'y a pas mort d'hommes.
00:22:10 Et puis, le troisième élément, c'est le plaisir.
00:22:12 Le plaisir de l'agression, de la possession,
00:22:14 de la violence sexuelle, de la violence physique,
00:22:17 de cette augmentation massive de l'homicide et des homicidités,
00:22:21 dont je traite d'ailleurs dans mon dernier bouquin,
00:22:25 parce que c'est impressionnant de voir à quel point nous avons
00:22:28 inversé une tendance qui était la réduction à la violence ultime,
00:22:31 qui est l'indicateur le plus stable dans une société.
00:22:34 L'homicide, le meurtre, l'assassinat.
00:22:35 Nous sommes passés de 150 homicides à moins de deux en 500 ans.
00:22:39 C'est un gigantesque succès.
00:22:41 Et en 20 ans, nous avons inversé le processus.
00:22:43 Quand même un petit sujet qu'il va falloir traiter.
00:22:47 Or, une partie de cette inversion est liée au trafic de stupe pour les
00:22:50 règlements de comptes et à l'augmentation de la violence
00:22:53 physique comme élément de régulation de la vie,
00:22:55 parce qu'on ne fait plus confiance à l'État dans sa capacité d'être un
00:22:59 régulateur, un intermédiateur ou
00:23:03 un objet répressif, puisque comme on ne sait pas ce qu'il
00:23:06 fait et que lui-même ne connecte des injonctions contradictoires,
00:23:09 ça ne fonctionne pas.
00:23:11 Tout le monde s'engouffre dans les brèches laissées par l'État en
00:23:14 France, puisque l'État en France a créé la nation.
00:23:17 Dans tous les autres pays occidentaux et autres,
00:23:20 la nation a créé l'État.
00:23:21 On a plutôt des États fédéraux avec "c'est le territoire qui fait la loi".
00:23:24 En France, l'État a créé la nation.
00:23:26 L'État est censé tout faire, tout faire à la place de tout le monde
00:23:29 et mieux le faire que les autres.
00:23:30 C'était vrai jusqu'à l'année 1970-1975,
00:23:33 au moment où l'État en France a décidé de devenir un État libéral,
00:23:37 au sens américain ou anglo-saxon du terme, protestant.
00:23:41 Je n'ai rien contre.
00:23:42 Mais c'était un changement de culture d'État.
00:23:45 Et ce changement de culture a amené un dépérissement de l'État,
00:23:48 y compris sur ses fondamentaux,
00:23:50 que vous me pardonnerez de signaler en quelques instants,
00:23:52 l'État social, l'État médical, on l'a vu durant le Covid,
00:23:56 l'État militaire.
00:23:57 J'ai l'impression que nous n'avons plus vraiment d'armée,
00:24:00 en tout cas du point de vue de ceux qui la font.
00:24:01 Nous avons une armée échantillonnaire
00:24:03 et expéditionnaire, mais enfin, elle n'est pas prête à des défenses
00:24:05 opérationnelles du territoire.
00:24:06 L'État sécuritaire a une grande difficulté à gérer le problème des
00:24:11 violences, et notamment des violences physiques,
00:24:13 un peu partout.
00:24:14 Nous sommes lyonnais tous les deux, je peux vous faire la liste.
00:24:17 Voilà, on lit les mêmes journaux, on voit à peu près ce qui se passe,
00:24:21 etc.
00:24:22 Et donc, ce dépérissement de l'État,
00:24:24 il amène à ce que la nature ayant horreur du vide,
00:24:27 la violence s'engouffre, et notamment la violence
00:24:29 criminelle et la violence criminelle liée aux stupéfiants.
00:24:33 Qui, par ailleurs, a une curiosité en France,
00:24:36 c'est qu'il n'y a pas de crime organisé centralisé.
00:24:38 Depuis Farid Bérama, le Spartacus des cités et la mort de Jean-Jé
00:24:42 Colonna, le dernier parrain du crime organisé français,
00:24:45 nous avons une décentralisation par le caïda localo-régional,
00:24:50 donc des frictions, des problématiques de zones
00:24:52 de chalandise qui sont extrêmement difficiles.
00:24:55 Marseille en est l'expression la plus emblématique,
00:24:57 mais on peut en parler aussi à Lyon et dans la banlieue lyonnaise,
00:25:01 et même à une expansion assez forte dans des territoires
00:25:06 régionaux dont on n'aurait pas l'idée.
00:25:09 Alors, je parlais de Valence tout à l'heure,
00:25:11 ce n'est pas la ville qui vous vient naturellement à l'esprit,
00:25:13 mais vous pouvez en choisir toute une série d'autres.
00:25:15 Et d'ailleurs, la carte des émeutes,
00:25:17 de ce point de vue-là, a ressemblé d'une manière assez forte,
00:25:20 on en parlait encore avec Jérôme Fourquet il y a quelques semaines,
00:25:23 avec la carte du développement des points de deal,
00:25:26 la carte des 4 000 points de deal.
00:25:28 Elle est très intéressante parce qu'elle est parfois extrêmement surprenante.
00:25:31 Voilà, donc ce sont ces éléments-là qui sont importants.
00:25:35 Et donc la cohérence d'une politique,
00:25:36 pour moi, pour répondre définitivement à votre question,
00:25:39 elle commence par une politique d'injonction médicale forte,
00:25:42 puissante et accompagnée,
00:25:43 donc un réinvestissement très puissant sur la question médicale.
00:25:47 Le réinvestissement est générique, mais celui-là en fait partie.
00:25:51 Deuxièmement, une adaptation aux politiques territoriales de lutte
00:25:54 contre les trafics en intégrant le fait justement du caïda plutôt
00:25:58 que le crime organisé, même à Marseille.
00:26:01 Et puis, troisièmement, évidemment,
00:26:03 un réinvestissement contre le dealer trafiquant majeur et surtout
00:26:09 le blanchisseur, parce que quand on tape au
00:26:11 fortefeuille, c'est encore là qu'on a les meilleurs résultats.
00:26:13 Ce que vous voulez dire, c'est que l'amende farfétaire
00:26:16 est un électuel, c'est une vision répressive et que sur les consommateurs,
00:26:22 ça n'aura pas d'effet ?
00:26:23 Déjà, il faudra que je lis des rapports extrêmement contradictoires
00:26:27 sur l'utilisation de l'amende.
00:26:29 Ça ne nous a pas échappé.
00:26:30 Voilà. Donc déjà, c'est une crachon douanière adaptée
00:26:34 d'une manière plus ou moins compliquée,
00:26:35 mais c'est une réponse immédiate dès lors qu'un, on paye,
00:26:40 ce qui n'est pas garanti, et donc si on ne paye pas,
00:26:42 que se passe-t-il ? Rien.
00:26:43 Parce qu'il ne se passe rien.
00:26:47 Ça marche pour ceux qui veulent payer.
00:26:48 Parce que dans l'autre cas, on revient au système ordinaire
00:26:52 qui ne sait pas gérer les 60, 80 ou 100 000 GUS qui sont
00:26:57 interpellés pour consommation.
00:26:59 Donc, en fait, la consommation, ce n'est pas un sujet.
00:27:01 Ce n'est pas un sujet. Ce n'est pas un sujet pénal.
00:27:04 Le deal est un sujet pénal, pas la consommation.
00:27:07 Donc, il faut arrêter de s'occuper des consommateurs pour le gérer
00:27:10 d'une autre manière, c'est-à-dire les transférer
00:27:12 dans des conditions sur est-ce qu'on peut vous aider ?
00:27:15 Qu'est-ce qui justifie votre machin ?
00:27:17 En général, d'ailleurs, il y a des polyconsommations qui sont
00:27:19 un peu plus compliquées avec l'alcool et d'autres types
00:27:22 de produits addictifs.
00:27:23 L'OFDT, d'ailleurs, avait été créé pour ça,
00:27:25 pas de la toxicomanie, mais des toxicomanies.
00:27:28 On avait eu un débat extrêmement violent sur le fait de,
00:27:31 est-ce qu'on pouvait traiter la drogue comme le tabac et l'alcool ?
00:27:34 Mécaniquement, oui, ce n'est pas une question.
00:27:36 La question, c'est de traiter le malade.
00:27:38 On s'en fout de savoir de quoi il est malade.
00:27:40 Si c'est une addiction, ça se traite comme une addiction,
00:27:42 quelle que soit l'addiction.
00:27:43 Mais il faut la traiter, pas seulement en parler,
00:27:46 ni pas seulement la constater.
00:27:49 L'avantage de l'OFDT, c'est qu'on travaille beaucoup avec
00:27:52 Michel Gandillon, conservateur des arts et mitiés,
00:27:55 donc c'est un très bon observateur des problématiques de stupéfiants
00:27:58 en France et à l'étranger.
00:28:00 On s'est rendu compte assez rapidement,
00:28:02 à la fois que le territoire du deal,
00:28:04 le développement du deal et les problématiques du deal,
00:28:06 n'étaient pas des problèmes de consommateurs,
00:28:08 c'est un problème de réseau de distribution.
00:28:09 Et qu'il faut taper le réseau de distribution.
00:28:13 Sauf que le réseau de distribution,
00:28:14 il importe de moins en moins et il autoproduit de plus en plus.
00:28:17 Il va y avoir un moment où la France va devenir exportatrice.
00:28:21 Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle du point
00:28:24 de vue du commerce extérieur,
00:28:25 mais en tout cas, la capacité que nous avons à modifier
00:28:28 les conditions dans lesquelles on peut produire une partie des
00:28:32 produits "naturels" et de plus en plus de produits chimiques,
00:28:36 les labos, nous ramène à l'avant 1970.
00:28:42 J'avais une question sur le dossier coffre.
00:28:44 Une des difficultés que nous avons repérées aujourd'hui,
00:28:47 c'est la capacité des réseaux puissants français et
00:28:52 internationaux,
00:28:53 avec l'intelligence artificielle notamment,
00:28:58 à comprendre comment les services de police ont réussi à obtenir
00:29:04 un certain nombre d'informations pour les mettre en difficulté et les juger.
00:29:11 Ces éléments-là, qui sont des éléments techniques,
00:29:14 sont souvent dans le dossier procédural.
00:29:17 Par les avocats et par une étude très précise du dossier,
00:29:22 on arrive à savoir ce qui s'est passé.
00:29:23 Une des réponses, ça peut être le dossier coffre,
00:29:26 c'est-à-dire que l'autorité poursuivante n'indique pas,
00:29:30 dans le dossier pénal, de manière transparente,
00:29:34 les conditions dans lesquelles les informations étaient recueillies.
00:29:37 Qu'est-ce que vous en pensez ?
00:29:38 Vous êtes très attaché à la protection et des libertés individuelles.
00:29:42 Oui, je suis attaché au fait que la défense existe.
00:29:45 Ce pays qui a beaucoup de retard du fait du très faible nombre de
00:29:50 ses instructions et du trop grand nombre de ses enquêtes préliminaires
00:29:55 qui n'offrent aucune garantie sur à peu près rien,
00:29:57 et dont la France qui se proclame défenseuse des libertés,
00:30:00 qui n'a même pas réussi à afficher l'Habeas corpus,
00:30:02 toujours pas, nous ne sommes toujours pas un pays d'Habeas corpus.
00:30:07 2024 est une interrogation permanente.
00:30:09 Non, je ne crois pas que ce soit le problème.
00:30:11 D'abord parce que ce n'est pas l'intelligence artificielle qui va
00:30:15 résoudre ou ne pas résoudre les choses.
00:30:16 L'intelligence artificielle accélère.
00:30:18 D'abord, elle n'est pas intelligente, elle est très artificielle,
00:30:20 elle le sera un jour, mais ce n'est pas le cas.
00:30:22 Elle accélère simplement des processus qui passent,
00:30:24 pour l'instant, essentiellement par des informateurs et des indicateurs,
00:30:27 plus ou moins payés, plus ou moins rémunérés,
00:30:31 plus ou moins manipulés et plus ou moins manipulateurs,
00:30:34 comme on le voit à chaque fois qu'un policier,
00:30:36 un douanier ou un gendarme est mis en cause pour des livraisons
00:30:39 contrôlées dans des conditions qui ne satisfont pas toujours à juste titre les magistrats.
00:30:44 Donc, je ne crois pas que le secret de l'instruction finale,
00:30:50 au moment de la partie, je dirais,
00:30:53 jugement, doivent empêcher l'accès à la défense,
00:30:57 au dossier de l'accusation.
00:30:59 Au contraire même, je pense simplement qu'il y a un
00:31:03 certain nombre d'éléments qui peuvent, de par la loi, prévoir,
00:31:07 et c'est d'ailleurs le cas, l'anonymat d'un certain nombre
00:31:09 d'informateurs, mais pas des informations.
00:31:12 Quant à l'utilisage d'un certain nombre d'outils,
00:31:16 disons qu'ils relèvent plutôt du monde du renseignement.
00:31:19 Dans le cadre de procédures judiciaires avec le pseudo informateur X27,
00:31:22 c'est déjà largement le cas et ça ne donne pas beaucoup accès à la
00:31:27 défense dans la manière dont elle peut gérer ce type d'affaires.
00:31:32 Enfin, le nombre d'erreurs procédurales qui amènent à la
00:31:36 libération de trafiquants ou de criminels du fait de
00:31:40 l'encombrement massif de nos juridictions,
00:31:43 du faible moyen notamment des greffes,
00:31:45 du fait que les magistrats n'arrivent plus à s'en sortir tellement ils ont
00:31:50 de dossiers à traiter, est un problème bien plus important que le
00:31:54 fait de cacher des éléments à la défense.
00:31:57 La défense est largement pourvue en faute de procédure sans qu'on ait
00:32:01 besoin en plus de lui cacher le contenu des dossiers.
00:32:04 Voilà qui est clair.
00:32:06 Nos collègues Marie-Arlette Carlotti et Catherine Conque nous ont rejoints.
00:32:14 Marie-Arlette Carlotti.
00:32:15 Merci.
00:32:16 Je suis désolé pour Marseille.
00:32:17 Oui, mais on est habitués.
00:32:19 D'autant que je vais revenir un peu sur Marseille.
00:32:23 Finalement, ce n'est pas démoralisant ce que vous dites,
00:32:27 parce que vous avez dit quand même qu'en 1970,
00:32:29 avec un coup de fil de Nixon,
00:32:31 on a pu arrêter tous les dégâts qu'avait fait la French avec les
00:32:35 labos de qualité qui étaient à Marseille.
00:32:37 De très grande qualité.
00:32:38 De très grande qualité qui étaient à Marseille.
00:32:39 Donc ça veut dire qu'il y a une volonté politique,
00:32:42 avec une loi qui ne donne certainement pas satisfaction,
00:32:45 mais qui est sortie d'un coup de téléphone et d'une volonté politique.
00:32:48 Et c'est bien ça qui nous importe à nous dans cette commission d'enquête,
00:32:52 c'est de porter derrière une volonté politique pour attaquer ce sujet.
00:32:58 Alors, à l'autre du spectre, moi, qui m'importe beaucoup,
00:33:01 mais ce n'est même pas là-dessus que je vais vous poser une question,
00:33:03 c'est sur la question du traitement médical et des addictions.
00:33:06 Je sais que vous n'êtes pas médecin,
00:33:07 mais vous avez quand même fait référence à quelque chose que
00:33:09 j'avais lu quand j'étais très jeune, d'Oliven Stein,
00:33:11 qui a écrit "Il n'y a pas de drogue heureux".
00:33:13 Et il y avait des expériences qui étaient en cours,
00:33:16 notamment à Marseille, par le Dr Pratt,
00:33:18 qui menaient ces expériences.
00:33:20 Je ne sais pas si on s'en souvient bien,
00:33:21 moi, je ne m'en souviens pas trop.
00:33:22 Peut-être que vous les avez en tête,
00:33:24 mais est-ce que ces expériences, qui étaient quand même assez
00:33:26 libertaires, malgré tout, sur certains plans,
00:33:28 parce qu'ils disaient qu'il n'y avait pas d'accroc à la cocaïne, etc.
00:33:32 La drogue n'était pas la même à l'époque.
00:33:33 Est-ce que vous pensez qu'on peut s'inspirer des propositions qui
00:33:37 ont lieu, qui étaient à titre expérimentaux,
00:33:39 qui n'ont jamais été vraiment soutenues ?
00:33:41 Ça, c'est ma première question.
00:33:42 Même si vous n'êtes pas médecin, donnez-moi une piste là-dessus.
00:33:44 Et l'autre question, c'est concernant les petits
00:33:48 dealers de quartier.
00:33:49 Vous disiez tout à l'heure, une courte peine pour les mineurs,
00:33:52 c'est très efficace.
00:33:54 Une courte peine très rapide.
00:33:56 Ce n'est pas la courte peine, c'est la cassure.
00:34:00 Préciser, parce que moi, je vois tellement des jeunes,
00:34:04 qui ne sont peut-être pas des mineurs d'ailleurs,
00:34:05 qui ont un bracelet, qui remontent le survêt pour qu'on
00:34:07 voit le bracelet, ça leur donne au contraire.
00:34:09 Donc, j'ai besoin de précision sur ces deux points.
00:34:11 Oui, alors, pardon si je réponds ferme,
00:34:15 d'abord, oui, il y a eu beaucoup d'expériences.
00:34:19 Aucun bilan.
00:34:21 Aucun.
00:34:22 Autant le rapport Perfit, juste avant 1981,
00:34:28 avait fait en 20 volumes le plus beau et le plus impressionnant
00:34:32 bilan de l'état de la criminalité, de la délinquance,
00:34:34 des problèmes urbains.
00:34:36 Un diagnostic absolument remarquable,
00:34:39 qui n'a provoqué ni pronostic ni thérapeutique.
00:34:41 Mais au moins, c'était fait.
00:34:43 Après 1981, on a eu un certain nombre de propositions qui ont
00:34:50 été réalisées sur un nombre important de secteurs,
00:34:53 mais qui ont amené une problématique complète de ne pas
00:34:58 se montrer trop complaisant parce qu'il y avait un procès en
00:35:04 incompétence et en philobanditisme,
00:35:09 qui s'est arrêté après l'affaire Action Directe.
00:35:12 Les attentats ont créé les conditions d'un retour à l'ordre,
00:35:16 O majuscule.
00:35:18 Et on est revenu à un projet à peu près intelligent qui était
00:35:22 des citoyens libres dans des villes sûres,
00:35:24 colloques dits de ville peinte,
00:35:25 issus anciennement du rapport Bonne Maison.
00:35:28 Alors, c'est à peu près tous les 15 ans.
00:35:29 La gauche a eu une épiphanie.
00:35:32 Elle découvre, parce qu'elle est aux affaires de la plupart des
00:35:35 collectivités territoriales, que cette question doit être traitée.
00:35:38 Et d'ailleurs, c'est assez intéressant parce que c'est une gauche Janus.
00:35:41 Alors, je dis ça avec facilité, parce que j'en ai connu beaucoup.
00:35:43 J'étais collaborateur de Michel Rocard pendant très longtemps.
00:35:46 Ils étaient extrêmement rationnels et normaux au sens de la
00:35:50 normalité de la prise en compte du problème au niveau local.
00:35:54 Et arrivés à Paris, une transformation avait lieu et on
00:35:58 avait des négationnistes culturels.
00:35:59 C'est-à-dire, en fait, le problème n'existait pas et c'était une invention de la droite.
00:36:02 Ça, évidemment, ça pose un problème.
00:36:04 C'est que ça construit l'opposition sur le thème,
00:36:07 un, voilà, la France est le pays de négation, minoration, éjection.
00:36:10 Un, ce n'est pas vrai.
00:36:12 Deux, ce n'est pas grave.
00:36:13 Et trois, ce n'est pas de ma faute.
00:36:14 Ce qui fait que le citoyen lambda, pour qui c'est vrai, c'est grave,
00:36:17 et il fallait bien trouver quelqu'un qui s'en occupe,
00:36:19 décide de s'adresser aux extrêmes.
00:36:21 Parce qu'au moins, les extrêmes lui donnent une réponse.
00:36:22 Certes, elle n'est pas bonne, mais il y en a une.
00:36:24 Et puis, surtout, elle ne commence pas par dire que ce n'est pas vrai,
00:36:26 ce qui est quand même un vrai problème quand vous le subissez tous les jours.
00:36:30 C'est un sentiment, alors qu'en fait, nous vivons un climat.
00:36:33 Ce n'est pas la même chose, le sentiment, c'est un truc évaporé.
00:36:35 Le climat, c'est ce qu'on rend compte tous les jours.
00:36:37 Que ça soit plus ou moins grave, c'est un peu comme les gens qui n'aiment pas l'obscurité.
00:36:41 Vous avez le droit de vous moquer d'eux, mais vous ne pouvez pas penser que ça n'existe pas.
00:36:45 La reconnaissance du réel est un élément majeur.
00:36:48 Dans mon métier, c'est une science clinique, on fait un diagnostic,
00:36:51 et le diagnostic doit être partagé.
00:36:52 On le fait assez peu.
00:36:54 Ensuite, on établit un pronostic, il doit être discuté.
00:36:57 Évidemment, si on n'a pas de diagnostic, c'est complexe.
00:36:59 Ensuite, on a un droit à un débat thérapeutique qui peut être extrêmement disputé.
00:37:04 Et on s'engueule.
00:37:05 Nous avons le pays des meilleurs thérapeutes du monde sans diagnostic.
00:37:08 Ça ne marche pas terrible, terrible.
00:37:10 Et ce n'est valable pas seulement pour les questions criminelles ou le trafic de stupes.
00:37:13 Donc, la vraie question qui existe, c'est quel bilan on a de toutes ces expériences à Marmottan et ailleurs ?
00:37:18 Et alors, je peux vous en citer, elles sont anciennes.
00:37:22 Il y en a qui survivent.
00:37:24 Ici et là.
00:37:26 Mais pas de bilan, pas de proposition.
00:37:27 Le seul qui a tenté vraiment un travail de fond, c'est la mission de l'Assemblée nationale l'année
00:37:32 dernière sur la question de la dépénalisation.
00:37:36 Je vais le faire brutalement.
00:37:38 On a chez nous une revue à l'intérieur de notre centre de recherche au CNAM qui s'appelle "Politique des drogues"
00:37:44 où cohabitent à peu près tous les points de vue.
00:37:46 Les répressifs comme moi.
00:37:47 C'est-à-dire, le problème n'est pas la libéralisation, mais la désaddiction.
00:37:50 La désaddiction, c'est une mesure visant à s'en sortir.
00:37:54 Ce n'est pas une mesure en disant "Allez-y, youpi".
00:37:56 Vous voyez ce que je veux dire ?
00:37:57 Mais qui dit que ce n'est pas un sujet pénal, c'est un sujet médical.
00:38:00 Mais l'injonction fait partie des moyens médicaux.
00:38:03 On peut vous donner des injonctions à des tas de choses.
00:38:06 Vous vaccinez, par exemple, pour prendre un exemple pas si lointain.
00:38:09 Donc l'injonction comme un élément de politique médicale, élément structurant d'une politique de
00:38:14 réponse aux fléaux de la consommation et par ailleurs de réponse aux réseaux et aux trafics.
00:38:21 Dans cet ordre-là, pas à l'inverse.
00:38:24 Voilà.
00:38:24 Donc ça, c'est une réponse à ça et on pourrait faire un bilan.
00:38:27 D'ailleurs, le Sénat a tous les moyens de faire un bilan des expériences menées pour les
00:38:33 politiques de désaddiction avec tout ce qui a été utile et tout ce qui était totalement farfelu.
00:38:39 Parce qu'il y a eu des choses très farfelues, vous avez raison, mais c'était valable aussi pour
00:38:43 toute une série de mesures des années 70.
00:38:46 Mais justement, le bilan s'est fait pour faire le tri entre ce qui était utile, ce qui aurait pu
00:38:51 marcher, ce qui aurait pu être généralisé, ce qui aurait pu être modulé, ce qui aurait pu être
00:38:55 proposé et puis ce qui n'avait aucun sens et qui s'est terminé comme...
00:38:58 Voilà.
00:38:59 C'est comme les politiques de santé publique en matière de psychiatrie.
00:39:02 L'idée de fermer, laissant de fermer pour dire qu'on allait tout régler en milieu ouvert, a
00:39:07 amené le désastre de la psychiatrie nationale.
00:39:09 Les psychiatres ayant eux-mêmes participé à leur propre auto-extinction, mais ils en sont
00:39:14 revenus. Donc on peut avancer en faisant le bilan qui est neutre de ce qui a été fait.
00:39:19 Deuxièmement, il y a une série de propositions et de dispositifs qui peuvent parfaitement
00:39:24 fonctionner sur la base de ce qui a été bien fait et qui avait donné des résultats.
00:39:30 Et à Marmottan et ailleurs, puisqu'il y a eu des bilans régionaux, locaux, de
00:39:37 subventions publiques.
00:39:38 Il y a quelques années, mon collègue Sébastien Rocher a été financé par une mutuelle pour
00:39:46 faire des enquêtes d'auto-incrimination où les auteurs d'actes délinquants expliquaient
00:39:52 pourquoi ils le faisaient.
00:39:54 Ce n'est pas inintéressant de demander aux gens pourquoi ils décident de devenir des
00:39:57 délinquants ou des criminels, notamment des gens qui étaient dans le trafic de stupes.
00:40:02 Enfin, pour ce qui est de la réponse pénale, elle n'est pas liée aux trafiquants de
00:40:05 stupéfiants en tant que telle.
00:40:06 Elle dit simplement que dans mon dispositif de 70 sur 100 primo 30 secondo et 5 hyper
00:40:17 productif, le moment où on décide de casser le rythme de la carrière criminelle, du
00:40:22 glissement, vieillesse, technicité criminelle, de la progression criminelle, c'est le
00:40:26 moment où on la casse le plus vite possible, le plus rapidement possible et de la manière
00:40:30 la plus rapide possible.
00:40:31 Ce n'est pas avec un bracelet, ce n'est pas avec un isolement, un moment où justement
00:40:34 on n'a plus de téléphone.
00:40:35 Bref, un moment où tout d'un coup, on est face à soi-même et il y a un accompagnement
00:40:40 qui dit qu'il va falloir s'arrêter tout de suite parce que ça ne va marcher que dans
00:40:45 70 % des cas, pas 100 %.
00:40:47 Et ensuite, ça remarchera dans 30 % plus ou moins vite.
00:40:51 Et à la fin, il restera les 5 % sur lesquels on peut mobiliser massivement les forces de
00:40:55 répression pénale pour isoler 50 % de l'activité criminelle pour 5 % des auteurs.
00:41:01 Vous imaginez la reconcentration de moyens sur le noyau dit dur ?
00:41:06 Alors, entendons-le bien, les 5 %, c'est une représentation.
00:41:09 Ce ne sont pas les mêmes 5 % quels que soient les types d'activités criminelles.
00:41:13 Je précise pour tous mes collègues qui vont regarder ça et qui vont dire « Oui, mais
00:41:17 tu n'as pas précisé que… » avec la note méthodologique de 27 pages qui accompagne
00:41:20 toutes les statistiques qui se respectent.
00:41:22 Donc, je le fais pour dire que oui, je sais.
00:41:24 Mais pour vous donner cette image, la reconcentration des moyens sur le noyau dur
00:41:29 de l'activité criminelle, de l'activité d'un camp, de l'activité stupéfiante,
00:41:32 elle a des effets.
00:41:32 Elle a des effets.
00:41:34 Simplement, on ne laisse pas perdurer l'emmerdement quotidien des deux dealers
00:41:40 qui sont en bas de chez vous parce qu'on est en train de remonter la filière et que
00:41:42 pendant ce temps-là, on ne s'occupe pas des deux qui sont là.
00:41:44 On s'occupe des deux qui sont là, mais d'une manière plus intelligente que
00:41:46 d'habitude. On sature le terrain parce que ça, c'est important.
00:41:49 Et de revenir à une police de présence, visibilité, proximité qu'on a oubliée.
00:41:53 Ce n'est pas la police de proximité, je précise bien.
00:41:55 Ça n'a rien à voir.
00:41:56 La police de proximité, ça marche dans les États fédéraux où le maire est le
00:41:59 patron de sa police et décide de ce qu'il fait là où il a envie de le faire.
00:42:02 C'est une police qui sature le terrain.
00:42:04 Ce n'est pas une police d'intervention qui vient de temps en temps.
00:42:06 Mais on peut trouver des moyens et les adapter, y compris en termes de
00:42:11 répression et de sanctions rapides, efficaces, limitées dans le temps,
00:42:16 mais qui ne fait pas durer 117 interpellations, 90 présentations au
00:42:23 juge et au dernier moment, nul ne sait pourquoi, trois enfers.
00:42:26 Parce que c'est incompréhensible pour tout le monde.
00:42:29 Le système, les victimes et les auteurs.
00:42:32 C'est donc qu'il y a un souci dans l'application du dispositif.
00:42:35 Le fait de vouloir systématiquement trouver des alternatives à tout ne
00:42:39 règle rien s'il n'y a pas un contenu à l'alternative.
00:42:42 Aujourd'hui, l'alternative, c'est classement sans suite,
00:42:45 injonction, il ne faut pas le refaire.
00:42:47 Des choses qui n'ont pas d'effet dans la réalité,
00:42:50 en tout cas pour une partie importante des acteurs qui sont
00:42:53 ceux qui sont les plus perturbateurs et les plus hors du système pénal
00:42:58 et surtout du respect de règles de vie ensemble,
00:43:01 que tout le monde aime le vivre ensemble, moi aussi.
00:43:03 Une question de Catherine Conconne.
00:43:07 Merci, merci Président.
00:43:10 Merci Alain Bauer pour ces éclairages.
00:43:12 Catherine Conconne, sénatrice de Martinique,
00:43:14 sujet préunion à la drogue.
00:43:16 Ça passe par la création de nouvelles filières de formation,
00:43:20 de nouveaux métiers.
00:43:22 Parce que ces personnes que vous destinez à être prises en charge
00:43:27 autrement avec une alternative, avec du contenu,
00:43:30 qui va faire ça ?
00:43:32 Quels sont ces métiers qu'il faudra désormais créer,
00:43:36 amplifier, performer pour qu'on puisse s'occuper de ce petit monde ?
00:43:41 Parce que ce n'est pas un policier qui va le faire,
00:43:43 ce n'est pas un juge.
00:43:44 Ce sera des travailleurs.
00:43:46 Il y a une telle nébuleuse dans le milieu de la médiation, etc.
00:43:50 Donc qui et comment ?
00:43:52 Alors vous savez, quand je viens ici au Parlement,
00:43:56 je suis toujours en train de me demander si je suis une espèce
00:43:59 en voie d'aspiration ou disparition.
00:44:00 Parce qu'en France, sur l'ensemble du territoire national,
00:44:04 d'hommes et tomes compris, il y a un professeur de criminologie.
00:44:08 Pas deux, un.
00:44:10 Pourquoi ?
00:44:12 Parce que la criminologie est considérée comme un outil
00:44:14 patate chaude.
00:44:16 Les sociolâtres, je ne parle pas des sociologues,
00:44:18 pour qui j'ai le plus grand respect, mais c'est un culte la sociolâterie,
00:44:22 considèrent qu'en fait, il n'y a pas de mal.
00:44:23 La société est mauvaise et les individus sont bons.
00:44:26 C'est une sorte de rousseauisme étrange.
00:44:28 Voilà.
00:44:29 Les pénalistes pensent que seul le droit va répondre à cette question.
00:44:32 Et en fait, chacun fonctionne en tuyau d'or, sans jamais se parler,
00:44:34 ni se rencontrer, ni se concerter.
00:44:36 Et au nom de la sacro-sainte indépendance médicale, pénale, judiciaire, etc.
00:44:41 Et puis sur le terrain, vous découvrez subitement que des tas de gens
00:44:46 s'occupent du sujet.
00:44:46 Amartes motants, des acteurs de terrain, des associations,
00:44:51 des gardiens de prison, des magistrats, des avocats, des défenseurs des droits.
00:44:56 Mais ils le font, voilà, à la petite semaine, dans leur coin, etc.
00:45:01 Et puis quand vous leur offrez un terrain d'apprentissage et surtout
00:45:06 de partage, de retour d'expérience, de reconnaissance.
00:45:10 Moi, j'ai 330 étudiants cette année, je n'en ai pas deux.
00:45:13 Je n'ai pas qu'un doctorat résiduel pour répressif extrémiste.
00:45:21 Donc pourquoi ?
00:45:22 Parce qu'il y a une extraordinaire demande.
00:45:23 Et mes étudiants, ils sont très sociaux, très médicaux, très pénaux,
00:45:28 très policiers, très magistrats, très avocats, très défenseurs des droits,
00:45:31 très journalistes, parce qu'ils ont besoin d'apprendre et de partager et de comprendre.
00:45:36 Et donc, les espaces existent paradoxalement.
00:45:39 Les populations concernées existent parce que ce sera beaucoup plus de
00:45:43 formation permanente, d'accompagnement supplémentaire à ce qu'ils savent déjà
00:45:48 faire, ce qu'ils ressentent sur le terrain, que de formation initiale.
00:45:52 Mais le jour où on créera de la formation initiale, vous aurez des centaines de
00:45:56 candidats. Après, il faudra créer des supports d'emploi.
00:45:59 Et là, vous allez entrer dans un débat budgétaire, quoi qu'il en coûte,
00:46:02 quoi qu'il en coûte plus.
00:46:03 Ça dépend des jours, il faut voir.
00:46:05 Vous connaissez cette histoire aussi bien que moi.
00:46:07 Mais dans la réalité, la quasi-totalité des moyens existent, invisibles, non
00:46:15 coordonnées, non concertées, non reconnues, non respectées aussi.
00:46:20 Tout le monde se fout de ce qu'ils font.
00:46:22 Éventuellement, on fait un petit chèque de subvention.
00:46:24 Si vous créez une conférence, par exemple, la France n'a pas de
00:46:27 conférence nationale de criminologie.
00:46:29 On ne s'est jamais rencontrés pour parler des affaires criminelles.
00:46:32 Jamais.
00:46:33 Il m'arrive d'aller faire cours dans un endroit formidable qui est
00:46:37 Quai aux Fleurs.
00:46:37 Il y a une rencontre où des policiers, des gendarmes et des magistrats se
00:46:41 parlent de politique pénale.
00:46:42 Comme il n'y a pas de journalistes, personne ne s'engueule.
00:46:45 Les flics ne sont pas fascistes, les magistrats ne sont pas laxistes et on
00:46:50 discute.
00:46:51 Certains de mes collègues sont invités à venir faire des conférences qui
00:46:55 permettent le débat sur les conditions dans lesquelles s'exerce ou pas la
00:47:00 politique pénale.
00:47:01 En liberté.
00:47:02 C'est un truc formidable.
00:47:04 C'est une annexe de l'École nationale d'administrature.
00:47:05 Je n'en dis pas toujours du bien, mais je profite de ce moment pour dire
00:47:09 qu'il y a des endroits, l'École nationale supérieure de police fait
00:47:12 la même chose.
00:47:13 On a les mêmes activités assez régulièrement pour la manière dont on
00:47:18 forme les analystes du renseignement, parce que dans le renseignement,
00:47:21 il y a aussi le renseignement criminel.
00:47:22 Ce n'est pas seulement l'espionnage international.
00:47:26 Et donc, on fait passer des idées.
00:47:28 En fait, il y a d'extraordinaires compétences de terrain.
00:47:30 Elles sont partout.
00:47:32 On les rencontre partout.
00:47:34 Je suis allé l'autre jour à une conférence des personnels d'assistance
00:47:41 psychologique des départements qui avaient connu un drame parce qu'une
00:47:45 d'entre elles s'était fait assassiner par quelqu'un qui était plus perturbé
00:47:49 que d'autres.
00:47:49 Mais il y avait plusieurs dizaines.
00:47:52 On a eu un débat d'une richesse, d'une qualité avec des interrogations,
00:47:57 la diversité, des expériences, mais qui ne sont reconnues par personne
00:48:01 ou en tout cas seulement dans le petit circuit professionnel du petit
00:48:05 morceau du tuyau où on discute.
00:48:07 En fait, la ressource, elle est là.
00:48:09 Elle ne demande qu'à émerger, comme toujours.
00:48:11 Le lendemain de mon élection comme professeur de criminologie,
00:48:15 j'ai découvert que j'avais 40 collègues clandestins,
00:48:19 sans papier de la criminose, ce que j'appelle,
00:48:21 qui exerçaient sous des titres et des noms divers dans des tas
00:48:24 d'universités et qui, enfin, maintenant qu'ils avaient un point
00:48:27 de référence, sont tous arrivés pour dire qu'est-ce qu'on peut faire
00:48:30 pour aider le conservatoire à se développer ?
00:48:33 Moi, je pensais être tout seul.
00:48:34 En fait, on était 40, mais je suis le seul émergé, on va dire.
00:48:38 Donc maintenant, il y a un institut de criminologie à Lille
00:48:40 qui assume totalement sa vision.
00:48:42 Il y a de la victimologie à Pau qui assume totalement son point de vue.
00:48:45 Il y a de la médecine légale de très bonne qualité,
00:48:48 Psy, Psy, Psy, à Dante et Rennes.
00:48:51 Il y en a à Poitiers.
00:48:52 On commence à voir apparaître des pôles non centralisés,
00:48:56 puisqu'on n'arrive pas à avoir de reconnaissance des carrières,
00:49:00 parce que c'est ça qui pose problème à mes collègues.
00:49:02 Ils en font de la crimino, sans le dire,
00:49:05 en attendant que, sans que personne ne les voie,
00:49:07 des fois que ça leur nuise en termes de carrière.
00:49:10 Moi, j'ai atteint le plus haut niveau, donc avant la retraite,
00:49:13 bientôt, sauf si vous la repoussez.
00:49:17 Mais la reconnaissance du niveau,
00:49:20 il suffit de faire une conférence nationale ouverte,
00:49:23 ouverte à consensuel, ouverte, sans journaliste,
00:49:27 parce que c'est l'élément perturbateur, désolé.
00:49:29 Ce n'est pas que je ne veux pas que les médias soient là,
00:49:31 c'est que les médias doivent être là après, pas pendant,
00:49:34 où chacun va pouvoir enfin se parler,
00:49:36 de savoir comment on règle une partie des questions qu'on vient de voir.
00:49:39 Et vous allez voir à quel point la compétence du terrain
00:49:43 est exceptionnellement développée en France,
00:49:46 et à quel point la structure centralisée,
00:49:49 nationale, parisienne, bureaucratique de l'État est totalement,
00:49:53 c'est les trois singes en un seul, sourd, aveugle, muet.
00:49:57 Vous décrivez un paysage où on a privilégié de manière confuse,
00:50:04 maladroite, désordonnée, une répression tout azimut,
00:50:07 au détriment du soin.
00:50:08 Dans la réalité de la consommation des stupéfiants,
00:50:12 est-ce qu'il y a une place à part pour quelque chose qui échappe
00:50:15 aux soins qui seraient de l'ordre du récréatif ?
00:50:17 Et puis, deuxième question, dans l'approche que nous avons
00:50:23 actuellement répressive, vous dites qu'on tape de la même
00:50:28 manière indistinctement sur le consommateur,
00:50:31 le consommateur, le dealer et le trafiquant.
00:50:34 Y a-t-il une solution, une voie,
00:50:37 par la modification de l'échelle des peines ?
00:50:42 D'abord, le problème du récréatif, c'est qu'il peut être addictif.
00:50:45 Le récréatif m'indiffère.
00:50:47 C'est l'addiction qui me pose problème.
00:50:49 Alors, quand c'est un médicament extrêmement addictif,
00:50:54 mais qui permet de résoudre la question de la douleur,
00:50:57 ça ne me dérange pas qu'il soit addictif,
00:50:59 parce qu'il est traité d'une manière médicale,
00:51:01 sous contrôle médical et pour régler un problème médical,
00:51:03 ce qui explique d'ailleurs les référendums aux États-Unis,
00:51:06 où tous étaient extraordinairement favorables à la libéralisation,
00:51:11 à la dépénalisation, à la décriminalisation,
00:51:14 à tout ce que vous voulez, de tout ce qui était justement
00:51:17 lié à des processus médicamenteux, liés notamment au cancer
00:51:21 et à des maladies extrêmement douloureuses et qui sont
00:51:25 considérées comme des médicaments,
00:51:27 comme toute une série d'opiacés qui sont devenus des médicaments
00:51:30 et dont on a oublié qu'ils étaient des médicaments,
00:51:33 comme des tas de médicaments détournés de leur usage,
00:51:36 genre des fentanyl, je ne prends pas le Mediator,
00:51:38 qui n'est pas addictif, mais qui est dangereux,
00:51:40 mais toute une série de médicaments détournés d'usage,
00:51:44 qui permettent par des mélanges de devenir des produits dangereux
00:51:49 et addictifs.
00:51:50 Donc moi, le récréatif, pas le récréatif,
00:51:52 ce n'est pas le sujet, c'est l'addiction qui me pose problème.
00:51:54 Et de ce point de vue-là, l'addiction doit être traitée
00:51:57 d'un point de vue médical, même si dans la tête des gens,
00:51:59 elle est récréative, comme non, je ne suis pas alcoolique,
00:52:02 mais j'en suis à mon quatrième apéro.
00:52:04 C'est une addiction, c'est tout, je n'ai rien contre l'apéritif,
00:52:08 mais il y a des moments où il faut intégrer le niveau d'alcoolimisation
00:52:12 et du risque que ça représente.
00:52:14 Par exemple, dans le Colorado, territoire que je connais bien
00:52:17 aux États-Unis, où c'est un référendum populaire qui a décidé ça,
00:52:20 l'augmentation du nombre d'accidents de personnes sous influence
00:52:24 de cannabis ou de produits cannabinoïdes, etc.,
00:52:28 ou de champignons hallucinogènes, a augmenté de manière massive.
00:52:31 Ils sont dangereux pour les autres, parce qu'ils ont des accidents de voiture,
00:52:35 mais c'est valable aussi pour l'alcool.
00:52:36 Et d'ailleurs, la plupart d'entre eux sont aussi alcoolisés.
00:52:39 Donc pour moi, c'est un problème d'addiction,
00:52:41 ce n'est pas un problème de pénalisation, même s'il faut les punir,
00:52:44 surtout s'ils blessent ou tuent quelqu'un d'autre.
00:52:46 Mais la question, elle est différente.
00:52:48 Récréatif par récréatif, je ne le prends pas en considération.
00:52:52 J'entends bien la différence que vous faites, mais pour moi,
00:52:55 ça ne change pas.
00:52:56 Quant à échelle des peines, si les peines étaient effectives,
00:53:01 et donc si on appliquait la loi de 1970, ce que plus personne ne fait,
00:53:05 parce qu'elle est inapplicable,
00:53:07 oui, bien sûr, il faudrait, mais déjà, il faudrait commencer par changer
00:53:10 le texte pour indiquer ce qu'est la réalité d'un processus qui doit
00:53:14 commencer par le médical et pas le pénal.
00:53:16 Donc ce n'est pas l'échelle des peines qui est l'élément majeur,
00:53:19 parce que moi, je suis pour un grand Africain responsable de plusieurs
00:53:23 centaines de morts parce qu'il a surdosé un produit,
00:53:25 s'il peut prendre 30 ans sans autorisation de sortie,
00:53:29 je n'y vois pas d'inconvénients.
00:53:30 Je précise que je suis abolitionniste,
00:53:32 donc je n'ai pas d'option peine de mort.
00:53:35 Mais juste en dessous,
00:53:37 je n'ai aucun problème avec la répression massive des trafiquants,
00:53:41 des recelleurs, des blanchisseurs et de tous ceux qui,
00:53:44 sachant ce qu'ils vendent, sachant ce qu'ils vendent,
00:53:47 prennent la responsabilité de la mortalité de ceux qui le consomment.
00:53:51 Aucun problème. Mais ce n'est pas ça la question.
00:53:53 La question, ce n'est pas l'échelle des peines,
00:53:55 c'est une question secondaire.
00:53:56 Ce n'est pas ça la question initiale, pour être plus précis.
00:53:58 C'est une question secondaire. La question initiale,
00:54:00 c'est quel est l'ordre de priorité ?
00:54:02 L'ordre de priorité, c'est de s'occuper des malades.
00:54:05 Ensuite, c'est de s'occuper des entre-deux,
00:54:07 les dealers consommateurs.
00:54:08 Et enfin, c'est de réprimer, j'allais dire sauvagement,
00:54:12 avec la plus grande force de la loi, comme disent les Américains,
00:54:16 les trafiquants et ce qui va avec.
00:54:18 Merci. Marie-Arlette Scarlatti.
00:54:22 Oui, excusez-moi de réintervenir.
00:54:23 Justement, je voudrais parler de cela,
00:54:27 des gros trafiquants et du haut du spectre.
00:54:29 Les réseaux criminels, on le sait,
00:54:31 ils font feu de tout bois pour faire de l'argent.
00:54:33 Ils font de l'argent sur tout ce qui bouge, en quelque sorte.
00:54:36 C'est le principe.
00:54:37 C'est ça. D'après vous,
00:54:39 quels sont les liens entre les trafics de drogue et aussi les
00:54:42 autres formes de trafic ?
00:54:43 Est-ce qu'il y a des porosités entre le trafic d'armes ou le trafic
00:54:46 d'êtres humains, par exemple ?
00:54:48 Est-ce que c'est un traitement spécifique pour suivre les réseaux
00:54:52 sur le trafic de drogue ?
00:54:53 Par rapport aux autres formes de trafic,
00:54:55 il y a un gros travail qui est fait sur la question du terrorisme,
00:54:57 beaucoup moins sur les trafiquants de drogue.
00:54:59 Alors, en fait, dans les années 60-70,
00:55:02 le système criminel et notamment le système mafieux,
00:55:06 qui est beaucoup moins développé, parce qu'en France tout est
00:55:10 mafieux, mais en fait ce n'est pas vrai.
00:55:11 Les mafias, il y en a relativement peu.
00:55:13 Elles sont très puissantes, mais en France,
00:55:15 on a du crime organisé qui avait tenté d'avoir des relations avec
00:55:20 la mafia, mais qui en a relativement peu.
00:55:21 Dans la réalité, le système était très sectorisé.
00:55:26 Chacun avait sa petite spécialité.
00:55:29 Et puis, après l'apparition de l'Andrangheta et de la Camorra,
00:55:34 ça a tout changé.
00:55:35 Il y a eu une modernisation massive et donc tout le monde fait tout.
00:55:39 Il n'y a plus de spécialité.
00:55:41 Par exemple, vous prenez les centres de prostitution
00:55:47 le long de la frontière espagnole.
00:55:49 Ce sont des centres de prostitution et de distribution de stups.
00:55:53 Désormais, on est multi-services.
00:55:57 Les réseaux de blanchiment d'argent, à 90 %,
00:56:02 servent à la fraude fiscale, ce qu'on appelle l'optimisation fiscale.
00:56:06 Dès lors que vous avez un truc offshore quelque part,
00:56:09 il est illégal, dangereux et devrait être interdit.
00:56:13 Point. Ça ne sert qu'à la fraude.
00:56:16 Sur ces tuyaux se branchent plein d'autres choses.
00:56:22 Le blanchiment, la rétrocommission,
00:56:24 l'argent du terrorisme, c'est très petit.
00:56:27 Et évidemment, l'argent des stups.
00:56:29 L'argent des stups, c'est estimé à vue de nez, tout compris
00:56:35 trafic et stups, 5 % du PIB mondial et 20 à 25 % des dépôts
00:56:40 et à peu près 70 %, 50 à 70 % des offshore.
00:56:45 Cumulativement, pas en rythme annuel,
00:56:49 parce que c'est assez difficile d'en faire quelque chose.
00:56:51 Puisque la lutte anti-blanchiment fonctionne quand même plus ou moins
00:56:54 bien, parce que les cryptos ont créé un nouvel espace de liberté
00:57:00 au blanchiment.
00:57:01 Mais aujourd'hui, tout le monde fait tout,
00:57:03 pour des raisons que vous avez parfaitement indiquées,
00:57:05 c'est le gain.
00:57:06 Et donc, si je peux faire ça et en même temps faire autre chose
00:57:09 et rapporter plus à la fin, pourquoi pas ?
00:57:11 Et nous avons d'aujourd'hui une intégration.
00:57:15 En fait, le crime et notamment le trafic de stups,
00:57:18 c'est le modèle le plus abouti de l'économie de marché.
00:57:24 Intégration verticale, intégration horizontale,
00:57:27 investissement dans la recherche et développement,
00:57:30 développement des zones de chalandise,
00:57:32 petit incentive pour le petit personnel,
00:57:35 seule la gestion de la concurrence est plus définitive que dans le
00:57:38 commerce traditionnel.
00:57:39 Dans les questions que vous avez posées,
00:57:49 on vous a parlé de l'ubérisation du trafic.
00:57:53 Et vous avez fait quelques propositions,
00:57:57 notamment l'identité numérique.
00:58:02 Vous pouvez détailler un petit peu tout ça ?
00:58:04 Nous avons, grâce à François Premier,
00:58:07 à qui je tiens à rendre hommage depuis 1539,
00:58:09 un état civil qui nous permet d'avoir une identité.
00:58:12 Je crois que vous vous appelez Étienne Blanc et si je regarde
00:58:15 votre numéro national d'identité, vous êtes un quelque chose,
00:58:18 quelque chose, quelque chose. Je ne donnerai pas l'année.
00:58:19 Et puis, c'est votre numéro, c'est votre identité.
00:58:24 On sait que vous êtes né, on sait où vous êtes né,
00:58:25 le mois où vous êtes né. Et puis, par la suite de votre vie,
00:58:28 ce numéro va permettre de savoir toute une série de choses de votre
00:58:31 vie sociale. Et au moment d'une éventuelle disparition,
00:58:34 la plus lointaine possible, on pourra même savoir comment
00:58:37 et dans quelles conditions vous êtes disparu.
00:58:40 Parce que l'identifiant de l'hôpital ou du médecin légiste,
00:58:45 ou bref, va permettre de savoir ces éléments là.
00:58:48 Et donc, ça nous donne une idée qui permet d'avoir une analyse
00:58:50 démographique de la vie des individus et du fait qu'on est
00:58:53 70 millions d'habitants dans telles conditions,
00:58:55 avec un âge moyen qui... une natalité qui baisse, etc.
00:59:00 Et quand on a ouvert l'espace numérique, pour des raisons étranges,
00:59:03 on a décidé qu'on n'aurait pas d'identité numérique parce que
00:59:06 c'était une atteinte à nos libertés.
00:59:08 C'est un peu le concept de...
00:59:10 On va créer des autoroutes, mais pas de code de la route.
00:59:13 Ou le Far West sans shérif.
00:59:16 Or, le seul moyen d'avoir une garantie de compréhension de
00:59:22 l'ensemble de l'activité numérique, notamment illégale,
00:59:24 de la ragiosphère, des trolls, des agresseurs, des hurleurs,
00:59:34 des menaceurs, des dingues qui s'expriment sur Internet comme si
00:59:39 on était en pleine liberté et qu'il n'y avait aucun risque,
00:59:41 c'est de garantir non pas qu'il n'y ait pas de pseudo,
00:59:44 mais que leur identité numérique garantisse le fait qu'on sache
00:59:48 que pour avoir accès à Internet, leur première adresse,
00:59:51 c'est etienne.blanc@france.gouv.fr.
00:59:54 Et que tout le reste ne puisse découler que de cette adresse-là.
00:59:59 Quels que soient les 27 pseudos que vous allez décider d'utiliser,
01:00:05 du genre "Gone de la Croix-Rousse".
01:00:07 Parce que ça va permettre de résoudre une partie importante
01:00:12 de l'excès de violence et de trollisation et de ragiosphère
01:00:18 sur un espace que nous n'avons pas voulu réguler et que nous
01:00:20 ne savons pas toujours réguler.
01:00:21 Ceci est donc aussi valable pour les services offerts sur Internet
01:00:25 dans le cadre de l'ubérisation, où en commandant sa pizza,
01:00:29 on peut aussi se faire livrer sa dosette ou ses dosettes,
01:00:32 parce que tout ça passe par des messages qui eux-mêmes passent
01:00:35 sur des réseaux, qui d'ailleurs, contrairement à ce que tout le
01:00:37 monde raconte, sont beaucoup moins sécurisés qu'on l'imagine.
01:00:41 Parce que dès lors que, notamment les services de police,
01:00:43 gendarmerie décident d'y mettre vraiment,
01:00:45 on sent bien qu'on n'est pas exactement dans ce qu'on croit
01:00:50 et que les dispositifs peuvent être contournés ou cassés,
01:00:55 et fort heureusement d'ailleurs, pour l'instant.
01:00:56 D'ailleurs, le jour où on passera aux quantiques,
01:00:59 on est à peu près sûr que plus aucun système de cryptographie
01:01:03 ne pourra résister à quoi que ce soit,
01:01:05 ce qui est à la fois une interrogation,
01:01:06 une inquiétude et une satisfaction.
01:01:08 Ça dépend de quel point de vue on se passe.
01:01:10 Mais en contrepartie, on a le plus grand mal à identifier l'auteur.
01:01:13 On casse les messages, mais on a encore plus de mal
01:01:16 à identifier les auteurs parce qu'ils utilisent des identités
01:01:20 numériques qui ne sont pas obligatoires.
01:01:21 Or, le fait d'avoir une identité numérique est un élément
01:01:24 qui peut parfaitement faciliter, ça n'empêchera pas tout,
01:01:29 mais ça va réduire massivement l'ampleur du développement,
01:01:33 notamment des réseaux de contournement, de distribution.
01:01:36 Je rappelle que par ailleurs, il n'empêche pas les points de deal,
01:01:38 il se rajoute aux points de deal.
01:01:41 Et au lieu de résoudre une partie du problème de la nuisance de proximité,
01:01:46 vous avez une nuisance de proximité plus le livreur à la maison,
01:01:49 ce qui n'est pas terrible.
01:01:50 Vous l'avez dit tout à l'heure, c'est en tapant au portefeuille
01:01:57 qu'on est efficace.
01:01:58 Qu'est-ce qui fait défaut aujourd'hui au Code pénal,
01:02:03 au Code de procédure pénale sur la poursuite contre le blanchiment ?
01:02:07 Qu'est-ce qui fait défaut dans l'organisation de nos services,
01:02:09 le mixte judiciaire,
01:02:12 services douaniers, services fiscaux ?
01:02:16 Comment voyez-vous les choses ?
01:02:19 Il a fallu les attentats de 2015 et de 2016 pour enfin avoir une
01:02:23 coopération antiterroriste efficace entre services qui ne se
01:02:27 coopéraient pas beaucoup, pour des raisons à la fois légitimes,
01:02:30 à la protection des sources, et pour moins légitimes,
01:02:32 c'est à moi, c'est pas à toi, pour des problèmes de judiciarisation
01:02:35 aussi, car une partie du renseignement disponible n'arrive
01:02:39 par des voies impénétrables, celle du seigneur, sans doute.
01:02:44 Et donc, il y a un même enjeu pour la coopération au stup' que
01:02:49 pour la coopération terreau, mais à condition de s'occuper
01:02:54 des choses essentielles, de ne pas noyer l'activité
01:02:58 antistupéfiante dans le consommateur du coin.
01:03:02 Donc, il faut réorienter en donnant plus de moyens.
01:03:05 L'OFAS, c'est une bonne idée,
01:03:06 quant à un réemballage de l'idée précédente,
01:03:10 qui elle-même est un réemballage des gires, qui elle-même...
01:03:13 Voilà, on n'a pas manqué d'idées, on est meilleur dans les idées
01:03:17 que dans l'application, c'est le drame du pays et c'est valable
01:03:20 pour la police ou la gendarmerie ou ce que vous voulez, que pour
01:03:24 la plupart des services publics.
01:03:25 Mais en tout cas, on ne manque pas des moyens.
01:03:28 Le fait d'avoir une incitation forte et un outil puissant qui
01:03:32 permet de donner des résultats, y compris sur les cryptos,
01:03:36 moi, je regarde avec beaucoup d'intérêt les résultats.
01:03:39 Je travaille beaucoup avec les no-IPDO aux Etats-Unis,
01:03:41 mais aussi avec les services fédéraux.
01:03:43 Alors moi, c'est plutôt l'antiterrorisme.
01:03:45 Mais du coup, on parle un peu de tout quand on est en réunion.
01:03:47 Je vois les nouveaux outils de suivi des cryptomonnaies,
01:03:51 qui sont extrêmement efficaces et ça démontre que, en fait,
01:03:54 quand on veut, on peut identifier qui a pris quoi et où ça va.
01:03:58 Quitte même d'ailleurs à le faire disparaître de temps en temps
01:04:01 au grand dam des opérateurs criminels.
01:04:04 Et après tout, je veux dire, une arrivée soudaine d'une recette
01:04:10 extra budgétaire dans notre pays ne ferait de mal à personne,
01:04:13 notamment pour financer des gens pour s'occuper des problèmes médicaux.
01:04:17 Une question complémentaire au fil de nos auditions,
01:04:20 on nous a parlé des techniques les plus récentes, les cryptos.
01:04:25 On nous a aussi parlé de techniques beaucoup plus anciennes
01:04:28 et rudimentaires, type AWALA.
01:04:29 Est-ce qu'il y a des façons de s'en prémunir ?
01:04:32 Parce que ça a l'air d'être plus compliqué à gérer pour la puissance publique.
01:04:35 D'abord, il faut gérer des problèmes auxquels nous avons nous-mêmes
01:04:40 donné la main, c'est-à-dire les centres de transfert d'argent non
01:04:44 contrôlés, dont même, il fut un temps,
01:04:47 La Poste était un opérateur bienveillant.
01:04:51 De la même manière qu'on pouvait transformer de l'argent liquide
01:04:56 en virements pour payer ses loyers, puisque tout ce qui tombe du
01:05:00 camion ne finit pas uniquement dans des loisirs.
01:05:04 Il y a une dimension sociale aux petites mains du trafic qu'il
01:05:08 ne faut pas sous-estimer.
01:05:09 Ça permet aussi de payer le permis de conduire,
01:05:11 ça permet de payer les loyers, ça permet de payer des tas de
01:05:13 trucs beaucoup plus créatifs ou en tout cas auxquels on ne pense
01:05:16 pas et où nous avions toute une série d'opérateurs qui,
01:05:20 pour des raisons d'activité naturelle de business,
01:05:24 considéraient qu'il ne fallait pas regarder où venait l'argent et où il allait.
01:05:28 Et donc, par exemple, dans le secteur des HLM,
01:05:31 vous aviez trois éléments indicateurs d'une crise, rotation,
01:05:35 vacances impayées/payement en liquide,
01:05:38 qui étaient des éléments qui permettaient, quand le taux de rotation
01:05:41 s'accélérait, que le taux de vacances grandissait,
01:05:43 que le taux d'impayés croissait, vous aviez une crise dans votre
01:05:47 secteur HLM. Et par ailleurs, quand le pourcentage de
01:05:50 paiement en liquide ou sous mandat devenait trop important,
01:05:53 c'est donc que les modes de règlement des loyers changeaient de nature.
01:05:57 Ce sont des indicateurs fiables, stables,
01:06:00 comme les indicateurs médicaux des urgences,
01:06:02 qui sont plus fiables et plus stables que le nombre de coups et
01:06:05 blessures volontaires enregistrés par les services de police ou de
01:06:08 gendarmerie, parce que tous ne le sont pas,
01:06:11 tous ne sont pas déclarés, mais tout le monde va aux urgences.
01:06:13 Donc, il faut toujours se doter de plusieurs outils dont certains ne
01:06:16 sont purement pas sécuritaires pour avoir une vision plus précise de
01:06:21 la réalité, comme nous avions fait des enquêtes de victimation,
01:06:24 pour avoir une vision plus précise de la réalité,
01:06:26 alors que les dépôts de plaintes ne suffisaient pas,
01:06:31 ou les mains courantes ne suffisaient pas à avoir un état de ce que les
01:06:35 gens subissaient. Vous découvrez par exemple qu'on est mieux informé sur
01:06:39 les bris de véhicules et la manière dont votre rétroviseur a été cassé
01:06:43 parce que vous avez besoin de déclarer aux assurances,
01:06:45 que sur les violences intrafamiliales,
01:06:47 67% dans l'un, 9% dans l'autre.
01:06:49 Et donc, quand vous n'avez que 9% de déclarations de violences
01:06:51 intrafamiliales régulières, récurrentes, où les gens vivent ensemble,
01:06:55 c'est un peu plus important qu'un rétroviseur,
01:06:56 sauf qu'on ne s'est jamais occupé de l'un et on s'est beaucoup occupé,
01:06:59 enfin on ne s'était. C'est un processus lent.
01:07:03 MeToo est arrivé, la civise est arrivée sur les questions d'inceste,
01:07:09 etc. Mais on se rend compte du retard.
01:07:10 Nous sommes en 2023-2024, pas 1923-1924, hélas.
01:07:14 Donc c'est un sujet qui est simplement mécanique, je dirais.
01:07:19 Mais tous les processus en question sont connus.
01:07:21 Nous les avons aidés, facilités pour des raisons de business.
01:07:25 Nous pouvons parfaitement y remédier.
01:07:27 Ceci dit, les banquiers lombards, ça date de Philippe Lebel.
01:07:29 Et ils ont été très utiles à Lyon.
01:07:33 Oui.
01:07:35 Vous avez parlé des divergences européennes.
01:07:38 Vous entendiez quoi par ces divergences ?
01:07:40 Belgique, Pays-Bas versus les autres.
01:07:44 Sur quelle...
01:07:45 Libéralisation.
01:07:47 Libéralisation de la consommation et puis...
01:07:50 De tout.
01:07:51 Et sur la poursuite ?
01:07:52 Il n'y a pas de poursuite.
01:07:54 De facto.
01:07:55 Qui a pris le contrôle ?
01:07:57 Qui prend le contrôle des coffee shops aux Pays-Bas ?
01:08:00 La mafia.
01:08:02 Parce que le problème n'est plus de faire de la prohibition,
01:08:06 c'est de prendre le contrôle du réseau de distribution.
01:08:08 Les organisations criminelles savent toujours où trouver l'argent qu'il leur faut.
01:08:13 En Californie, le grand problème qui est aujourd'hui vécu,
01:08:17 c'est que les pharmacies du cannabis,
01:08:20 qui s'appelle comme ça,
01:08:21 sont aujourd'hui contrôlées par les criminels.
01:08:25 Tous les petits gérants ont été éjectés.
01:08:28 Le contrôle a été...
01:08:29 Donc il y a toujours un moment où le dispositif pêche par le réinvestissement criminel
01:08:36 pour prendre le contrôle de quelque chose.
01:08:38 Et donc les Pays-Bas, d'un côté,
01:08:43 mais nos amis belges sont en grande difficulté,
01:08:45 nos amis espagnols, les Portugais ne savent plus à quel sens vouer
01:08:48 par rapport à leur politique de décriminalisation,
01:08:50 dont ils sentent à la fois les difficultés et les excès.
01:08:54 C'est-à-dire qu'il y a toujours un moment où tu vis l'effet pervers de l'excès qui a eu lieu.
01:08:59 Et donc tout le monde se rend bien compte que quand on n'anticipe pas
01:09:03 la problématique et la cohérence d'un choix,
01:09:06 eh bien on a un sujet.
01:09:08 Il y a un État américain qui a tout décriminalisé en stupéfiant, tout.
01:09:12 Qui vit aujourd'hui une crise médicale, sanitaire, majeure,
01:09:16 puisque le monde entier vient chez eux,
01:09:18 puisque tout est autorisé.
01:09:19 Donc tous les excès étant autorisés, tous les effets excessifs se retrouvent là-bas.
01:09:24 Et donc vous avez un sujet qui est que, comme ce n'est pas un État fermé,
01:09:28 des États des États-Unis,
01:09:30 ils sont en train de se poser le problème du surcoût de gestion
01:09:33 des overdose, surdose, criminalité, etc.,
01:09:38 dû à l'importation massive de consommateurs de produits
01:09:41 qui ne sont même pas autorisés dans les 37 autres États
01:09:45 qui ont plus ou moins décriminalisé, dépénalisé, contraventionnalisé
01:09:50 ou libéralisé la production de divers types de stupéfiants.
01:09:53 Et je ne parle pas seulement de gestion de stupéfiants
01:09:57 pour des raisons médicales, où là il y a un vrai enjeu.
01:10:00 Mais le reste...
01:10:01 J'entends bien ce que vous dites sur la libéralisation de la consommation
01:10:04 et je voulais parler aussi sur la poursuite des réseaux,
01:10:07 sur la poursuite contre le blanchiment.
01:10:09 Mais on ne poursuit plus rien.
01:10:11 Qu'est-ce qu'on peut poursuivre ?
01:10:12 On poursuit encore les trafiquants en Belgique et aux Pays-Bas.
01:10:16 En Belgique, oui, aux Pays-Bas, quasiment pas.
01:10:19 Qu'est-ce qu'on poursuit ? C'est quoi l'incrimination ?
01:10:21 Quand la drogue arrive sur un port, on saisit et on poursuit.
01:10:26 Ah, on saisit et on poursuit.
01:10:27 Mais quand elle arrive sur le port et quand on la saisit sur le port,
01:10:31 le problème c'est que comme la consommation est autorisée...
01:10:35 Après la consommation...
01:10:36 Le réseau... Bah oui, mais si la consommation est autorisée,
01:10:38 il faut bien qu'il y ait un réseau de distribution.
01:10:40 Les coffee shops sont autorisés.
01:10:42 Donc on peut importer légalement.
01:10:43 Et les réseaux de distribution non autorisés,
01:10:45 je pense notamment sur la cocaïne.
01:10:47 Est-ce que, selon vous, l'harmonisation européenne
01:10:50 est suffisante sur ces sujets-là ?
01:10:51 Elle est inexistante.
01:10:53 L'harmonisation, elle est inexistante.
01:10:55 Nous n'avons pas de politique.
01:10:56 Déjà chez nous, elle n'est pas très cohérente.
01:10:58 Avec les pays de l'Union européenne,
01:11:00 il y a de très grandes différences,
01:11:01 pays du Sud, pays du Nord, et nous au milieu.
01:11:05 J'avais une dernière question sur ce qui se passe à Dubaï,
01:11:08 au Maroc, en Algérie, où viennent se réfugier les trafiquants
01:11:11 qui ont pignon sur rue, qui se constituent un patrimoine.
01:11:14 Selon vous, c'est un sujet absolument essentiel
01:11:16 aujourd'hui pour lutter contre le narcotrafic.
01:11:18 Et quelles sont les mesures que vous pourriez préconiser ?
01:11:21 L'Algérie et le Maroc ont des relations complexes avec la France,
01:11:27 ce qui n'est pas le cas de Dubaï ou des Émirats.
01:11:29 Avec les Émirats, il est possible d'avoir une relation directe,
01:11:33 carrée, opérationnelle, parce qu'ils tiennent beaucoup,
01:11:37 de plus en plus d'ailleurs, à leur réputation.
01:11:42 Dans les autres cas, la question relève du remords colonial,
01:11:46 et elle est extraordinairement compliquée à traiter,
01:11:50 pour des tas de raisons diverses, y compris d'histoire,
01:11:54 du processus de consommation, de constitution des régions internes.
01:12:02 Il y a une histoire coloniale ancienne et compliquée,
01:12:06 à l'intérieur du pays concerné, le Maroc, par exemple,
01:12:09 mais pas seulement, et puis avec l'Algérie,
01:12:11 encore plus qu'avec le reste, parce que tout est hypersensible
01:12:14 et que c'est assez compliqué.
01:12:16 Mais eux-mêmes ont de temps en temps eu des politiques
01:12:19 répressives majeures.
01:12:21 J'ai noté, par exemple, depuis un mois,
01:12:23 que la Turquie était passée d'une indolence locale à une
01:12:30 répression féroce contre un très grand nombre de réseaux
01:12:33 de trafiquants, de stupéfiants.
01:12:36 Alors pour des raisons que je ne traiterai pas ici,
01:12:40 de cette manière-là, mais pour des raisons diverses,
01:12:44 notamment de rejet d'une concurrence externe par rapport
01:12:49 à leurs organisations criminelles internes.
01:12:51 Il n'y a pas que de la bonne volonté dans cette affaire,
01:12:54 mais en tout cas, c'est impressionnant de voir
01:12:56 le retournement de tendance et le processus répressif
01:13:00 extrêmement puissant qui a été entamé en Turquie.
01:13:03 Donc, il est possible de voir la même chose à Dubaï.
01:13:06 En tout cas, c'est très possible à Abu Dhabi,
01:13:07 c'est-à-dire au niveau central des Émirats.
01:13:09 À Dubaï, ça nécessite un peu de travail puisque Dubaï
01:13:14 est un opérateur qui ne dispose pas de ressources naturelles,
01:13:16 il ne dispose que du commerce.
01:13:18 Donc, c'est compliqué de gérer ce type de problème
01:13:23 parce que le réinvestissement et la blanchisserie
01:13:26 est un sujet qui existe et qu'on ne peut pas sous-estimer.
01:13:30 C'est comme expliquer tout d'un coup que les voitures diesel,
01:13:35 c'est subventionné et l'année d'après,
01:13:37 que le gasoil, c'est mal.
01:13:38 Vous voyez, ça provoque des réactions un peu compliquées
01:13:41 quand c'est un peu brutal.
01:13:42 C'est la même chose dans les relations internationales.
01:13:45 Mais ça manque d'agriculteurs à Dubaï.
01:13:47 Dernière question,
01:13:50 en termes de cette audition passionnante.
01:13:53 Marie-Harlète Carlet.
01:13:54 Merci, Président.
01:13:55 Est-ce qu'on sait mesurer la prise en main de ces mafieux réseaux,
01:14:01 on les appelle comme on veut, peu importe,
01:14:03 sur l'économie locale, rachat d'entreprises,
01:14:05 de gré ou de force, etc.?
01:14:07 Est-ce qu'on sait le mesurer dans notre pays?
01:14:09 Quand on veut, oui.
01:14:10 Quand on veut, quand on fait un groupe local d'intervention
01:14:14 qui fait une enquête approfondie, qui utilise les douanes,
01:14:18 le fisc, le renseignement, l'intelligence artificielle,
01:14:21 Bercy, le renseignement douanier, qui est très puissant
01:14:25 et dont on ne parle pas suffisamment.
01:14:26 Et parfois, le renseignement extérieur,
01:14:29 quand les relations passent par du crypto, etc.,
01:14:33 on a des idées d'imprégnation locale.
01:14:35 Voilà. D'un point de vue global, on a des estimations.
01:14:39 Mais quand on veut vraiment savoir
01:14:41 quel est l'état d'imprégnation du crime organisé,
01:14:44 qu'il soit stupéfiant, mafieux ou ordinaire,
01:14:48 entre guillemets, bien sûr.
01:14:49 Voilà pour cette audition de la commission d'enquête
01:14:52 sur le narcotrafic, commission qui doit mettre en lumière
01:14:55 les nouveaux enjeux que pose l'extension du narcotrafic
01:14:59 dans des zones jusqu'à présent épargnées
01:15:01 et qui doit rendre ses travaux au plus tard fin mai 2024.
01:15:05 Merci d'avoir été avec nous.
01:15:08 Si vous voulez aller plus loin,
01:15:09 je vous propose de retrouver les articles
01:15:11 de notre rédaction web sur notre site internet
01:15:13 www.publicsenat.fr.
01:15:16 Très bonne suite des programmes sur les chaînes parlementaires.
01:15:18 [Musique]

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