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Chez lui, l’animal a dépassé le maître. Il a été dessinateur, chroniqueur, écrivain, acteur et même sculpteur, pourtant son nom est indissociable de celui d’un chat. Pas n’importe lequel. Le chat de Geluck ne ressemble à aucun autre, avec son apparence épurée, son nez rond, ses oreilles pointues et son costume trois pièces. Comment cohabite-il avec ce chat depuis plus de 40 ans ? Est-il toujours facile de faire rire aujourd’hui ? En quoi le rire rassemble et peut-il même réparer ? Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit Philippe Geluck dans Un monde, un regard.Une collection de grands entretiens inspirante dans un monde en manque de repères et de modèles. Année de Production :

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00:22C'est assez rare pour être
00:24souligné, notre invité est
00:26souvent, pour ne pas dire tout le temps
00:28associé à un animal, un seul
00:30il est dessinateur, sculpteur
00:32peintre, écrivain, il a été acteur
00:34et chroniqueur mais c'est toujours à une bête
00:36à poil qu'on le ramène, toujours la même
00:38un chat
00:40un chat auquel il a donné un physique un peu ingrat
00:42et un humour faussement naïf et maladroit
00:44mais un chat auquel il a donné une lettre
00:46majuscule, d'ailleurs
00:48avec lui on ne dit pas un chat
00:50on dit LE chat
00:52un personnage qui lui permet de faire rire les autres
00:54de rire de tout, y compris
00:56et même surtout de lui-même
00:58je dois à la culture belge l'amour de l'absurde
01:00et de l'autodérision
01:02dit-il, le rire, faire rire
01:04faire marrer les copains comme il dit
01:06il est là son leitmotiv
01:08son plaisir quotidien, le sens
01:10de toute son oeuvre, une oeuvre
01:12cocasse dans un monde qui l'est beaucoup moins
01:14le contexte social, international
01:16environnemental, tout ça n'empêche-t-il
01:18pas de rire et même de sourire
01:20ou est-ce au contraire
01:22le meilleur des remèdes, posons-lui
01:24toutes ces questions, bienvenue dans un monde à un regard
01:26bienvenue Philippe Geluck, merci d'avoir accepté notre invitation
01:28ici au Sénat
01:30merci de m'avoir invité, bonjour Rebecca
01:32j'ai relevé une très belle phrase que vous avez
01:34prononcée un jour, nous vivons des temps
01:36difficiles, la guerre en Ukraine, les dictatures
01:38d'Iran et d'ailleurs, les graves
01:40problèmes environnementaux, l'inflation
01:42mais pourtant le matin
01:44le ciel est beau, avez-vous dit
01:46et j'ai trouvé ça très poétique
01:48est-ce que c'est une manière d'être un éternel optimiste
01:50êtes-vous un éternel optimiste ?
01:52je suis un éternel optimiste
01:54même si au fond de moi je suis totalement
01:56angoissé par la situation
01:58mais je ne peux pas
02:00je ne peux pas le montrer
02:02je ne veux pas le montrer aux autres
02:04tous les matins j'essaye et j'arrive
02:06à faire rire ma chérie
02:08depuis bientôt 48 ans
02:12et mes enfants
02:14mes petits-enfants et puis à l'atelier
02:16et au-delà de ça les autres
02:18les lecteurs
02:20ceux qui
02:22me font l'amitié de me suivre depuis
02:24maintenant quelques décennies
02:28c'est un petit peu ma mission
02:30en ce bas monde et ça devient mon devoir
02:32c'est la première fois que je vous entends dire
02:34qu'au fond vous êtes quand même un angoissé
02:36c'est effectivement une mission qui doit être un peu lourde
02:38à porter, si au fond on est angoissé
02:40faire rire les autres ça doit être encore plus difficile
02:42non parce que c'est un
02:44médicament que je donne aux autres
02:46et que je prends moi-même
02:50si on n'était pas angoissé
02:52actuellement
02:54aujourd'hui
02:56ça veut dire qu'on serait totalement déconnecté
02:58de la réalité
03:00comment peut-on être serein quand tant
03:02de gens souffrent à travers le monde
03:04quand tant d'injustice
03:06est flagrante
03:08quand tant de
03:10enfin je ne vais pas vous refaire la liste
03:12vous l'avez un petit peu dite
03:14en citant ma phrase dont je ne me souvenais pas
03:16mais qui effectivement je revendique
03:18justement
03:20est-ce que ça peut être aussi lié à cet
03:22ami de vos parents, vous aviez expliqué
03:24qu'un ami de vos parents avait été dans
03:26les camps de concentration pendant la
03:28Shoah et qu'il expliquait que même là-bas
03:30dans l'horreur absolue
03:32il arrivait à rire, est-ce que c'est ça
03:34aussi votre
03:36façon de voir le rire ?
03:38C'est une révélation
03:40qui m'a totalement bouleversé
03:42il m'avait demandé de participer à une
03:44exposition sur le thème
03:46devoir de mémoire
03:48alors chouette merci
03:50du sujet ça va être chouette
03:52pour un dessinateur humoriste de faire
03:54marrer les autres alors j'ai fait trois dessins
03:56et après que l'exposition
03:58ait eu lieu il est venu me les rapporter
04:00en me disant
04:02je savais que je te refilais une patate
04:04chaude voire bouillante
04:06et il dit j'étais stupéfait de voir
04:08comme tu es arrivé à faire
04:10rire malgré tout
04:12faire réfléchir évidemment sur ce sujet
04:14et c'est là qu'il m'a confié
04:16il dit mais tu sais nous dans les camps
04:18c'était pas que lui qui riait
04:20et je vous rassure il passait pas leur journée
04:22non plus à se marrer mais il dit
04:24nous avons continué à rire
04:26entre nous en nous foutant
04:28de la gueule de nos tortionnaires
04:30presque un acte de résistance
04:32le rire comme un acte de résistance
04:34totalement et il dit et ceux qui n'y arrivaient plus
04:36lâchaient la rampe et disparaissaient
04:38et ça m'a
04:40stupéfait de me dire que dans ce
04:42contexte le plus
04:44dramatique
04:46le plus noir
04:48du monde le rire
04:50est resté là comme une petite lumière
04:52comme une petite bougie
04:54dans l'obscurité et face à
04:56l'obscurantisme justement face
04:58à l'horreur la plus absolue
05:00c'est notre ultime
05:02force c'est d'arriver à rire
05:04je sais pas si vous vous souvenez de cette
05:06photo d'un
05:08résistant qui se trouve
05:10devant le poteau d'exécution face
05:12à lui des soldats allemands
05:14et dans quelques secondes il sera
05:16fusillé et là
05:18il a la force de
05:20rire aux éclats
05:22pour dire je vous emmerde
05:24et c'est bouleversant
05:26et alors que certains pourraient dire que la
05:28joie, l'humour, la rigolade
05:30tout cela est très accessoire quand on
05:32meurt de faim, sous les bombes ou dans
05:34des attentats, vous vous citez ce
05:36proverbe africain partage ton gâteau
05:38il diminue, partage ton
05:40toi il ne bouge pas, partage ta
05:42joie elle augmente
05:44on dirait des paroles tirées des évangiles
05:46la joie le rire en fait
05:48c'est loin d'être accessoire c'est ça
05:50le sens de votre oeuvre
05:52merci
05:54c'est très
05:56sympa de le dire
05:58l'oeuvre si on peut appeler
06:00ça comme ça le travail que l'on fait on le fait
06:02d'instinct et au bout
06:04de quelques années et puis de
06:06quelques décennies on se rend compte
06:08d'une part du chemin déjà
06:10parcouru et de l'effet que
06:12son travail a pu avoir
06:14sur les autres, au départ
06:16quand j'étais môme j'ai commencé
06:18à faire des dessins d'humour noir
06:20très noir parce que je lisais
06:22Arakiri que mon père
06:24lisait aussi et que je lui piquais
06:26je lisais pas tellement Tintin et Spirou
06:28mais plutôt
06:30j'étais fasciné par des dessins
06:32de bosque, de topor, de
06:34naval, de ciné, de
06:36Sanpei aussi et
06:38l'humour noir me réjouissait
06:40j'ai commencé à en produire et mon père
06:42qui avait été dessinateur dans une
06:44première partie de sa vie professionnelle
06:46a vu ça il m'a dit tu tiens quelque chose
06:48ne le lâche jamais
06:50et je me suis rendu compte
06:52du pouvoir que j'avais sur les autres
06:54je montrais mes dessins, j'avais 12-13 ans
06:56je montrais mes dessins à des
06:58amis de mes parents et ils explosaient de rire
07:00c'est quelle récompense
07:02il y a quand même un bémol
07:04à tout cela, il y a des rabat-joie
07:06vous dites l'art rigolo est forcément
07:08suspect auprès des tenants de la vérité
07:10certains pensent que la prise de tête
07:12est synonyme d'intérêt et d'intelligence
07:14or je pense le contraire, l'intelligence
07:16réside dans l'accessibilité
07:18dans la capacité à parvenir à se faire comprendre
07:20est-ce que ça veut dire qu'il y a des snobs
07:22de l'humour, est-ce qu'il y a un humour
07:24classe, élégant et puis
07:26un humour populaire qui le serait moins
07:28il me semble que ce que j'avais
07:30dit là c'était plutôt face
07:32à certains tenants de la vérité
07:34dans le monde de l'art plus généralement
07:36parce que comme vous le savez sans doute
07:38j'ai ma production
07:40pour les journaux, pour les livres
07:42mais je réalise aussi
07:44des tableaux, je réalise des sculptures
07:46il y a eu cette exposition sur les Champs-Elysées
07:48au printemps 2021
07:50avec 20 sculptures monumentales
07:52en bronze représentant
07:54le Chade en diverses
07:56postures qui ont visiblement amusé
07:58les 10 millions de visiteurs
08:00au bout de cette étape
08:02qui sont venus voir
08:04qui venaient de plein d'endroits
08:06du monde qui avaient tous les âges
08:08de toutes conditions sociales
08:10et il y a bien sûr les habituels
08:12grincheux qui se sont pincés le nez
08:14en disant mais c'est pas de l'art
08:16ça n'a aucune place
08:18il y a des artistes qui sont
08:20des vrais artistes
08:22qui peuvent être exposés dans les musées
08:24ou dans les galeries
08:26et ça c'est de la rigolade, c'est rien
08:28c'est bullshit
08:30et s'ils savaient comme je m'en fiche
08:32en fait moi si on me dit
08:34c'est de l'art ou c'est pas de l'art
08:36je m'en fous complètement
08:38je fais ce que je ressens
08:40j'exprime le plus profond de moi-même
08:42et après c'est pas à l'artiste lui-même
08:44à dire si c'est de l'art ou si c'est pas de l'art
08:46on fait ce qu'on est
08:48on invente
08:50et puis les autres ont l'air d'aimer
08:52ça veut pas dire que c'est formidable
08:54et que c'est important et quoi que ce soit
08:56mais c'est simplement
08:58que je peux pas faire autrement
09:00après on dit ce que c'est, moi je m'en fous
09:02le rire, le rire toujours
09:04coûte que coûte, même dans la maladie
09:06même quand on n'a pas les mots
09:08tout cela vous le suggérez dans ce livre
09:10Tout est vrai, je le jure, chez Casterman
09:12pas vraiment vos mémoires, plutôt une farce
09:14c'est quand même nourri de plein d'anecdotes
09:16sur votre vie, votre enfance
09:18votre vie de chroniqueur, notamment chez Michel Drucker
09:20j'en ai retenu quelques-unes
09:22celle-ci, pas un mot, je vais la lire
09:24très brièvement
09:26Pendant plusieurs années, lorsque je reprenais mon train
09:28après mes enregistrements télé, je buvais un petit café
09:30au terminus nord face à la gare
09:32à chaque fois j'y retrouvais un groupe de sourds muets
09:34bavardant passionnément
09:36le souvenir magique que je garde d'eux
09:38c'est qu'ils se racontaient des blagues en langage
09:40des signes et explosaient de rire à l'unisson
09:42les muets ne parlent pas
09:44mais ils rient comme vous et moi
09:46et c'était juste magique
09:48j'ai trouvé ça très beau et je trouve que ça veut dire
09:50que le rire est complètement universel
09:52et n'a aucune limite
09:54Vous racontez cette histoire
09:56évidemment je sais qu'elle est dans le livre
09:58où je l'ai écrite
10:00mais j'ai tout à coup la chair de poule en pensant à ces gens
10:02et je termine d'ailleurs le petit récit
10:04en disant, s'ils lisent ces lignes
10:06je les embrasse de tout mon coeur
10:08je n'ai jamais échangé avec eux
10:10si ce n'est un petit signe
10:12mais d'entendre des gens, de voir plutôt des gens
10:14se raconter des histoires
10:16comme ça et puis rire de façon sonore
10:18c'était assez bouleversant
10:20le rire est universel
10:24on rit dans toutes les civilisations
10:26on rit dès ses premières
10:28semaines de vie
10:30d'ailleurs le rire est aussi
10:32synonyme de bonheur et de joie
10:34puisque un bébé qui ne sait pas
10:36s'exprimer autrement
10:38que par le sourire
10:40et le rire, quand il se met à reconnaître
10:42son papa et sa maman
10:44il rit pour exprimer son bonheur
10:46et donc de rire à bonheur
10:48ou de bonheur à rire
10:50il n'y a qu'un pas et je me réjouis
10:52de le franchir allègrement
10:54et puisque j'en suis à citer des passages
10:56de ce livre, je vais aussi lire celui-là
10:58cette fois c'est une blague lancée à David Douillet
11:00dans Vivement Dimanche Prochain sur France 2
11:02vous avez dit, après une victoire importante
11:04la seule chose qui me vient à l'esprit
11:06c'est de remercier Dieu, il m'a aidé
11:08sans vouloir blasphémer
11:10la question que je me pose, c'est pourquoi Dieu
11:12est-il toujours le vainqueur et jamais le perdant
11:14alors évidemment c'est une anecdote
11:16une histoire que vous racontez
11:18qui me permet de revenir sur cette question
11:20de rire de Dieu
11:22c'est jamais un problème pour vous ?
11:24jamais, on est assez
11:26d'ailleurs à David Douillet
11:28à qui je faisais cette remarque
11:30sur sa citation, ça l'a fait rire aussi
11:32et c'était le dieu du judo
11:34mais le rapport que j'entretiens
11:36avec Dieu est excellent
11:38déjà
11:40il s'imagine qu'il m'a créé
11:42donc il doit être fier
11:44de ce qu'il a produit
11:46et puis je me dis que
11:48ça me fait parfois marrer
11:50quand je vois des grincheux dire
11:52on ne peut pas évoquer Dieu dans un dessin d'humour
11:54c'est blasphémé
11:56non, si c'est réellement
11:58Dieu qui nous a créés
12:00ce dont je doute personnellement
12:02mais je respecte la croyance
12:04qu'en ont certains
12:06si c'est Dieu qui nous a créés
12:08il nous a créés avec nos défauts
12:10parmi nos qualités
12:12il y a le sens de l'humour
12:14il y a le rire
12:16le rire est humain
12:18donc Dieu qui crée l'homme
12:20il crée aussi le rire
12:22donc après il ne doit pas s'étonner
12:24que l'on rie aussi de lui
12:26parce que s'il a tout créé
12:28il a aussi créé l'autodérision
12:30et donc il doit être le premier à savoir
12:32qu'il doit accepter les blagues
12:34qu'on fait sur lui
12:36A l'heure où l'on commémore le dixième
12:38magique et monstreux anniversaire
12:40des attentats visant Charlie Hebdo
12:42est-ce que vous diriez qu'aujourd'hui
12:44plus que jamais il faut défendre
12:46la liberté de blasphémer ?
12:48Le sujet sur lequel
12:50nous parlons
12:52est d'une sensibilité extrême
12:54ce que je veux juste dire
12:56c'est que j'ai appris aussi
12:58au fil des ans
13:00que
13:02il faut
13:04être extrêmement vigilant
13:06de ne pas
13:08blesser des gens
13:10qui sont pacifiques, démocrates
13:12des braves gens
13:14parce qu'ils croient en une chose
13:16qu'on leur a
13:18toujours apprise
13:20se sentent
13:22blessés par ce qu'on peut faire
13:26Evidemment, vous imaginez bien
13:28que je suis dans un état
13:30de révolte et de chagrin
13:32depuis ces attentats ignobles
13:34dans lequel j'ai perdu
13:36des amis et des confrères
13:38donc en rien je ne
13:40pourrais les blâmer de quoi que ce soit
13:42c'était des joyeux
13:44des artistes, des créateurs
13:46des bousculeurs
13:48d'idées reçues
13:50la seule chose que je veux dire c'est
13:52prenons garde, encore une fois
13:54nous occidentaux, de ne pas tomber
13:56dans le réflexe postcolonial
13:58de nous dire que la vérité
14:00que nous avons édictée
14:02est universelle
14:04est valable pour tous
14:06c'est pas parce que nous avons dit un jour
14:08dans une patrie des droits
14:10de l'homme et où le blasphème
14:12est autorisé que
14:14le blasphème
14:16doit absolument
14:18on est presque obligé de blasphémer
14:20c'est notre devoir, il faut penser
14:22aux personnes qui ne sont pas
14:24éduquées, à qui on a bourré la tête
14:26de croyances
14:28et qui croient sincèrement
14:30ces choses-là et qui se disent
14:32pourquoi est-ce que
14:34on m'insulte dans ma foi
14:36la plus respectable
14:38et la plus profonde
14:40et ça n'excuse en rien
14:42je ne veux excuser en rien
14:44les massacres ignobles
14:46la manipulation politique
14:48d'une religion
14:50je me battrai toujours contre ça
14:52et je continue de le faire
14:54et dans le livre dont vous avez parlé
14:56j'ai encore des dessins qui dénoncent
14:58la burqa imposée
15:00à des femmes, le sort des femmes
15:02en Iran, en Afghanistan
15:04je continuerai à me battre
15:06bec et ongle et crayon à la main
15:08contre ces injustices-là
15:10bien sûr. J'ai un document
15:12à vous proposer Philippe Gelluck, c'est une archive
15:14qui nous a été transmise par nos partenaires
15:16dans cette émission sur les archives nationales
15:18c'est une photo de la remise à Madame René Coty
15:20d'un couple de chats
15:22par le 4 Club de France
15:24nous sommes à l'Elysée le 20 juillet
15:261954, le 4 Club de France
15:28moi personnellement je ne connaissais pas mais il s'agit d'une association
15:30qui a plus d'un siècle d'existence et qui défend
15:32ces félins. En politique ce sont plutôt
15:34les femmes qui s'affichent avec des chats
15:36on a plutôt eu l'habitude de voir des hommes politiques
15:38s'afficher avec des chiens, notamment
15:40avec des présidents. Il y a quelque chose autour du
15:42genré ou du sexisme
15:44autour du chat, c'est plutôt un animal
15:46féminin que masculin ?
15:48Alors, oh là là, j'ai pas étudié
15:50la question mais quand on le voit là
15:52oui cela dit, j'admire
15:54aussi la coiffure de Madame Coty
15:56mais c'est vrai
15:58que le chat est
16:00un être qui a la réputation d'être
16:02doux, de ne pas trop la ramener
16:04comme beaucoup de femmes dans la société
16:06depuis trop longtemps
16:08les choses sont en train de changer
16:10et tant mieux
16:12d'observer, on ne sait pas à quoi
16:14le chat pense
16:16et peut-être que Madame
16:18Coty avait aussi
16:20ce réflexe là
16:22que les hommes sont souvent des
16:24grandes gueules et qu'ils ont ce côté
16:26mordant
16:28mais n'oublions jamais non plus que
16:30le chien
16:32est un peu servile
16:34qu'il va chercher la baballe
16:36quand vous la lancez et qu'il vous la rapporte
16:38le chat, lui, il dit
16:40va la chercher toi-même et j'aime ça aussi
16:42dans le caractère féminin
16:44Alors le chat, parlons-en, c'est quand même l'animal qui vous a
16:46rendu célèbre au-delà des frontières
16:48de la Belgique, il est né en deux temps
16:50en 1983 et en 1983
16:52et vous dites un détail troublant
16:54j'ai inventé le chat le 3 mars
16:561983 à 22h30
16:58Hergé rend son dernier
17:00soupir dans un hôpital bruxellois
17:02le 3 mars 1983
17:04à 22h30, quel signe faut-il y voir ?
17:06Quel signe y avez-vous vu, vous ?
17:08Le signe d'une réincarnation ?
17:10Alors, évidemment, je n'en savais rien au moment même
17:12mais avec l'encule
17:14on se dit, c'est tout de même
17:16une drôle de conjonction des temps
17:18finalement, c'est le hasard absolu
17:20mais plus tard
17:22je me suis dit, tiens
17:24ça aurait été drôle de croire
17:26à ces choses-là parce que j'aurais pu imaginer
17:28que Hergé, en s'en allant
17:30passait à côté de moi
17:32me mettait la main sur l'épaule et disait
17:34vas-y fiston, maintenant c'est ton tour
17:36Ce serait beau ! Et j'espère
17:38quand ça m'arrivera, pouvoir transmettre
17:40à quelqu'un d'autre de la même manière
17:42Le succès de ce chat, comment vous vous l'expliquez ?
17:44C'est quoi, sa rondeur, sa bonhomie
17:46sa tendance à, justement
17:48voir les événements sombres mais les
17:50renverser pour qu'ils en deviennent drôles
17:52comment vous expliquez ça ?
17:54Honnêtement, je ne sais pas
17:56il a une bonne tête
18:00je pense que les lecteurs s'y retrouvent
18:02se disent, tiens, j'aurais pu dire
18:04il dit aussi pareil, moi aussi
18:06ou une pensée tellement profonde
18:08tiens, j'ai pas réussi
18:10et puis, il y a
18:12on disait ce côté un petit peu
18:14apaisant
18:16ce côté
18:18j'aborde tous les sujets
18:20et puis ce côté, boom
18:22boom apaisant
18:24en fait, je me suis rendu compte
18:26plusieurs fois que certains dessins
18:28pouvaient faire du bien à certaines
18:30personnes
18:32et dans le livre, je raconte
18:34mais je vais le faire très vite parce que l'histoire prend une page
18:36et demie, c'est que j'ai un jour
18:38reçu une lettre d'une dame qui me dit
18:40monsieur, vous m'avez sauvé la vie
18:42elle était partie dans une dépression
18:44calamiteuse
18:46dont elle me disait qu'elle ne sortirait pas vivante
18:48et sa main est tombée par hasard
18:50sur un album du chat, elle s'est mise à lire
18:52ça l'a fait rire, elle a commandé deux autres
18:54albums, elle a guetté le livreur
18:56avec impatience et elle s'est entendue
18:58rire à voix haute
19:00elle a rouvert ses volets
19:02elle s'est levée, elle s'est douchée
19:04elle s'est fait une tasse de thé, elle s'est habillée
19:06elle est sortie et elle a dit
19:08je suis redevenue la femme que je voulais être
19:12elle me remet cette lettre, je lis cette lettre
19:14à ma femme un matin
19:16où on prend un petit déjeuner dans un café
19:18désert
19:20et au moment où je termine
19:22la lettre, j'ai un petit peu
19:24la gorge
19:26nouée, on a des larmes aux yeux et à ce
19:28moment là, il y a une main qui se
19:30pose sur mon épaule et une dame qui me dit
19:32c'est ma lettre que vous êtes en train de lire
19:34je reconnais la dame
19:36qui m'avait remis l'enveloppe, je lui dis
19:38mais qu'est-ce que vous faites ici
19:40elle me dit j'ai un rendez-vous deux rues plus loin
19:42pour un emploi
19:44alors je me suis levé, je l'ai serré sur mon coeur
19:46et je ne l'ai jamais revu ensuite
19:48c'est
19:50ça aussi
19:52que le chat peut nous apporter
19:54des détails troublants là encore
19:56avant le chat, avant le succès de votre
19:58série, il y a eu plein de choses
20:00vous avez été acteur, vous êtes monté sur les
20:02planches du théâtre national de Belgique
20:04vous avez fait un peu de cinéma aussi
20:06un peu de télé, reprenons un tout petit peu
20:08les choses depuis le début si vous le voulez bien
20:10le dessin et la comédie c'est un peu une affaire
20:12de famille chez vous, vous avez parlé de votre
20:14père Didier Guelucq qui a été effectivement
20:16dessinateur de presse, son pseudo c'était Diluc
20:18c'est ça, et puis il rencontre
20:20votre mère dans une troupe de théâtres
20:22amateurs, votre frère aîné est graphiste
20:24et sculpteur lui aussi
20:26c'est lui avec votre père
20:28qui vous initie dès le plus jeune âge
20:30à Semper, ciné, à Raqueri
20:32vous l'avez dit, au sujet d'Araqueri
20:34vous parlez d'une découverte éblouissante
20:36ma grand-mère poussait des hauts cris
20:38laissait lire ses horreurs à un enfant
20:40aussi jeune, c'est ça aussi
20:42qui m'a fait basculer
20:44dans le dessin cruel, vous aviez envie
20:46de faire pousser des hauts cris aux gens en fait ?
20:48Oui, voilà, de faire souffrir ma grand-mère
20:50vous savez que je suis comme
20:52le grand méchant loup, j'arrive
20:54on croit que c'est le petit chaperon rouge
20:56qui va arriver et c'est le loup qui mange
20:58la grand-mère, non, vous entendez bien
21:00on riait beaucoup mais elle avait ce côté
21:02un petit peu prout prout
21:04d'une famille très bourgeoise
21:06alors que mon grand-père lui était un déconneur
21:08de première, et donc
21:10il s'amusait lui à la faire frissonner
21:12et moi j'ai pris sa succession
21:14c'est une tradition familiale
21:16vous savez, on tombe dedans, alors on peut partir
21:18oui, ça peut être
21:20je veux dire, la famille
21:22la famille, le socle
21:24le bain dans lequel
21:26on est depuis l'enfance
21:28et ça nous marque à vie
21:30dans un sens comme dans l'autre
21:32une très jolie anecdote sur votre père
21:34dans ce livre, tout est vrai je le jure
21:36quand mon père est mort, nous avons fait publier un avis de décès
21:38dans le journal, il nous avait demandé de préciser
21:40qu'il avait fait don de son corps à la science
21:42auprès de la faculté de médecine de l'université
21:44libre de Bruxelles et de mentionner
21:46de sa part, comme ça au moins j'aurais été
21:48à l'université
21:50la phrase était dans le journal
21:52et là où il était, ça a dû
21:54le faire marrer qu'on ait tenu parole
21:56et mon grand-père, le père de ma mère
21:58lui avait demandé autre chose, il avait fait
22:00de guerre, il avait terminé colonel
22:02donc un monsieur très sérieux si on veut
22:04mais déconneur comme je l'avais dit
22:06et lui s'appelait Harold
22:08Jacques Oscar Jules Octave
22:10et pour faire simple
22:12il avait demandé que dans l'annonce mortuaire
22:14on mette Harold
22:16le colonel Harold
22:18J-O-J-O, donc Harold Jojo
22:20Bois
22:22et ça le faisait rire anticipativement
22:24à l'allure de celui que vous êtes aujourd'hui
22:26quel conseil donneriez-vous aux petits garçons
22:28qui s'apprêtent à se lancer dans la vie
22:30qu'est-ce que vous lui diriez ?
22:32Crois
22:34en ce que tu fais
22:36prends soin des autres
22:38et
22:40éclate-toi
22:42J'ai des photos à vous proposer
22:44maintenant Philippe Gueduc
22:48Alors, première photo
22:50la voici
22:52il s'agit de Charline Vanhoenacker
22:54chroniqueuse belge sur France Inter
22:56elle a pris votre chat
22:58comme sujet de mémoire de fin d'études
23:00le chat comme sujet universitaire
23:02c'est la consécration, non ?
23:04Surtout par elle
23:06j'ai tout à coup reçu
23:08la visite d'une jeune femme
23:10qui m'a dit voilà je voudrais écrire sur vous
23:12donc je l'ai reçu
23:14elle est venue à l'atelier, on a longuement parlé
23:16et puis j'ai vu la carrière éblouissante
23:18qu'elle fait dans les médias
23:20c'est aussi un bonheur
23:22de voir à mon âge avancé
23:24comme
23:26il y a des tas de gens
23:28qui ont regardé mes émissions
23:30elles regardaient mes émissions pour les enfants
23:32quand elles étaient petites, ça s'appelait Lollipop
23:34ça passait sur les RTBF
23:36donc inconnus en France mais totalement cultes
23:38en Belgique et donc des gens
23:40comme Benoît Poulevorde, comme Marie Gilin
23:42comme Charline, comme Visorek
23:44etc sont des gens qui regardaient
23:46mes émissions quand ils étaient petits
23:48et comme moi j'ai été marqué par
23:50mais j'avais pas la télé
23:52mais j'ai été marqué
23:54par Tintin, par Eyser
23:56et par Zorro
23:58et vous savez ce qui est terrible
24:00c'est quand on lit Tintin quand on est petit
24:02et quand on est un gamin, on pense qu'on est Tintin
24:04on est Zorro, on est Tintin
24:06et un jour dans la rue
24:08pas loin d'ici d'ailleurs
24:10il y a un type qui m'aborde dans la rue
24:12qui me dit
24:14vous savez que vous ressemblez au professeur Tournesol
24:16avec la coiffure
24:18on se croit Tintin, on est Tournesol
24:20Vous avez énuméré le nom de quelques artistes belges
24:22mais c'est vrai qu'ils sont très nombreux
24:24à être très connus et très reconnus en France
24:26comment vous expliquez cela ?
24:28Après une période calamiteuse
24:30des Black Belges
24:32dans laquelle
24:34nous avons ri mais à un moment ça a commencé
24:36à devenir un petit peu trop
24:38on était toujours le con de l'histoire
24:40et puis début des années 90
24:42il y a eu une première péniche de débarquement
24:44qui a débarqué avec Poulevorde
24:46Arnaud, Morane
24:48Michel Raid, Amélie Nothomb
24:50et moi je faisais partie
24:52on était là sur les plages
24:54on débarquait, il y avait les mitrailleuses
24:56les mitrailleuses françaises
24:58qui essayaient de nous canarder
25:00et après sont arrivés tous les autres
25:02et ils sont arrivés par trains entiers
25:04c'est hallucinant
25:06Une deuxième photo, il s'agit de Paul Watson
25:08militant écologiste retenu au Groenland
25:10connu pour des opérations spectaculaires
25:12contre les chasseurs de baleines
25:14il vit sous la menace d'une extradition au Japon
25:16Paris lui a décerné la citoyenneté d'honneur
25:18le chat est un grand défenseur
25:20de la cause animale ?
25:22de toutes les belles causes
25:24la cause animale
25:26la cause écologique
25:28j'ai les yeux qui ont été
25:30ouverts par René Dumont
25:32qui était un des premiers
25:34écologistes
25:36candidat à la présidentielle
25:38oui absolument, il a fait 0,2%
25:4020 ou 1% je sais pas
25:42tout ce qu'il a écrit à l'époque
25:44il faut le relire
25:46et puis
25:48bien sûr l'injustice sociale
25:50la maladie des enfants
25:52le handicap mental
25:54et je n'arrête pas
25:56d'offrir des dessins
25:58de participer à des galas
26:00de récolte de fonds
26:02la semaine dernière c'était pour
26:04le docteur Mukwege
26:06et l'hôpital de Panzi au Sud Kivu
26:08c'est l'homme qui répare les femmes
26:10Prix Nobel de la Paix
26:12les questions justes sont importantes
26:14et j'essaye de me consacrer à chacune d'elles
26:16Une dernière photo
26:18vous allez le reconnaître très vite
26:20il s'agit de Michel Druecker
26:22évidemment pas besoin de le présenter
26:24parfois un peu moqué pour sa longévité
26:26à la télévision
26:28vous avez beaucoup travaillé avec lui
26:30quel regard portez-vous sur l'homme ?
26:32alors j'ai découvert, je connaissais comme tout le monde
26:34l'animateur
26:36la longévité oui
26:38on en rigole
26:40c'est normal aussi
26:42qu'il est toujours là
26:44moi je crois qu'il veut mourir sur son divan rouge
26:46comme Molière l'a fait en scène
26:48j'ai découvert
26:50un homme généreux
26:52attentif
26:54drôle
26:56alors là on ne le connait pas
26:58on sait qu'il est amusant et qu'il aime rire
27:00il aime bien se marrer
27:02mais alors je ne peux pas
27:04je pourrais jamais le raconter
27:06les faux rires qu'on s'est pris lors de dîner
27:08et après les enregistrements
27:10mais il est d'une férocité
27:12et notamment avec des gens qu'il reçoit
27:14avec la plus grande bienveillance
27:16dans ses émissions
27:18mais quand Michel Drucker balance
27:20en toute confidentialité bien sûr
27:22c'est à exploser de rire
27:24Michel c'est une hongarde
27:26et ça restera confidentiel évidemment
27:28j'ai une dernière question qui est en lien avec le lieu
27:30dans lequel nous sommes Philippe Gueluc
27:32nous sommes entourés de 4 statues
27:34qui représentent chacune une vertu
27:36la sagesse, la prudence, la justice et l'éloquence
27:38laquelle de ces vertus
27:40alors là j'ai envie de dire correspondrait au chat
27:42plutôt clairement
27:44la sagesse
27:46la prudence, l'éloquence
27:48la justice
27:50mon vieux fond
27:52de militant pour les bonnes causes
27:54dirait la justice
27:56mais avec le chat
27:58j'aimerais parfois atteindre la justesse
28:00aussi
28:02alors ce sera votre mot et celle du chat
28:04Merci Philippe Gueluc d'avoir été notre invité
28:06Merci à vous de nous avoir suivi
28:08comme chaque semaine, émissions à retrouver sur notre plateforme
28:10mais aussi en podcast
28:12vous le savez maintenant, à très bientôt, merci beaucoup

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