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En Corse, à Corte, entre 1969 et 1976, 400 légionnaires sont passés par un camp disciplinaire de la légion étrangère, appelé La Section d'Épreuve. Un lieu où on punissait les déserteurs et les fortes têtes. Dans les faits, ces disciplinaires comme on les appelait, auraient été humiliés, violés, torturés. Peu de temps avant la fermeture du camp, lors d'une enquête de gendarmerie, des squelettes de corps brûlés à la chaux ont été découverts. L'armée française n'a jamais reconnu publiquement ces exactions. Il n'y a eu aucune poursuite. Aujourd'hui, trois anciens détenus du camp et des sympathisants se battent pour rétablir la vérité. Ils réclament la reconnaissance officielle de ce lieu de torture et des horreurs qu'ils y ont subies. Année de Production : 2023

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00:30L'histoire d'Amara.org
01:00L'histoire d'Amara.org
01:30Octobre 2020, la radio relate l'existence d'un camp de discipline de la Légion étrangère en Corse, dans la ville de Corté.
01:40Comment est-ce possible qu'un tel lieu ait existé en France, il y a à peine 50 ans ?
01:50Le journal Le Monde détaille un peu plus sur son site internet ce qu'il s'est passé dans ce camp.
01:57Le journaliste raconte l'histoire d'un détenu, Michel Trouvin.
02:03Il aurait, pendant neuf mois, subi les pires tortures.
02:11Outre les passages à tabac, les privations de nourriture, l'article fait état d'autres actes innommables.
02:27Ce qu'il reste aujourd'hui de la section d'épreuve est situé à deux kilomètres à peine du centre-ville de Corté.
02:34C'est un endroit d'une grande quiétude.
02:37Rien ne laisse supposer qu'ici, un camp de redressement a existé.
02:57Aujourd'hui, seuls de rares vestiges témoignent de ce qui fut le dernier camp de discipline de l'armée française.
03:06Il remplaça celui basé dans le Sahara jusqu'à la fin de la guerre d'Algérie.
03:11Dans ce camp, nommé la section d'épreuve, devait être redressé ce qu'on appelait les disciplinaires, essentiellement des déserteurs.
03:24Les quatre centaines d'épreuves de l'armée française se trouvaient ici.
03:29Le centre-ville de l'armée française était le centre-ville de l'armée française.
03:34Les quatre cents légionnaires qui ont été internés ici purgeaient en moyenne une peine de trois mois.
03:49Aujourd'hui, ils sont trois anciens punis de la Légion à vouloir raconter ce qu'ils ont vécu dans ce camp de redressement.
03:55Daniel, Michel et Luc ont tous été condamnés alors qu'ils avaient à peine vingt ans.
04:26Michel et Luc retournent en Corse sur le lieu de la section d'épreuve.
04:32Depuis sa sortie du camp, Luc n'a jamais remis les pieds en Corse, jusqu'à ce jour.
04:39Depuis sa sortie du camp, Luc n'a jamais remis les pieds en Corse jusqu'à ce jour
05:02où il trouve enfin le courage d'affronter ses souvenirs.
05:05A promettre que là, à l'époque, il n'y avait pas de goudron, c'était de la pierre,
05:29c'était comme ça, avec des gravions un peu plus petits.
05:33Quand j'arrive là, je ne comprends pas, je ne comprends pas.
05:40Pour chaque nouveau disciplinaire qui arrive au camp, le rituel est le même.
05:47Il est conduit en jeep, escorté par plusieurs gradés.
05:52C'était le premier accueil qu'on appelait le chemin de croix, il y avait deux gardiens
05:59de chaque côté, quatre, les conducteurs des jeeps.
06:04Quand on arrivait dans le chemin de croix, qu'on appelait le chemin de croix, qui montait
06:08au domaine Saint-Jean, là on devait ramper avec le pactage.
06:12Et tout pendant qu'on arrivait au domaine Saint-Jean, ils nous frappaient.
06:21Jusqu'en haut, ils nous frappaient, ils nous frappaient.
06:23J'en voyais un, j'en voyais l'autre, et je montais, je rampais.
06:40Quand t'arrivais là-haut, t'étais déjà enceint.
06:44Il y a un endroit, si j'avais jamais mis les pieds, je n'avais pas envie de mettre
07:03les pieds.
07:04J'entendais presque les voix, des cadres, de ceux qui se plaignaient, de ceux qui hurlaient.
07:18La souffrance, c'est fou, c'est fou.
07:25Qu'est-ce que tu ressens, d'en raconter ici ?
07:30J'ai eu l'angoisse, j'ai eu l'angoisse, j'ai toujours l'impression qu'il y en a un qui va sortir,
07:38que je vais me prendre plein la gueule.
07:48Une fois arrivé au camp, le disciplinaire doit se rendre dans le bâtiment de commandement
07:53pour être présenté au chef de section.
07:59Après, on m'a dit, tu vas faire la connaissance de l'adjudant-chef.
08:17Donc je suis passé dans son bureau, et là, il m'a tabassé pendant au moins une demi-heure.
08:21Ensuite, on m'a mis dans la cour, et là, on m'a tendu.
08:29C'est un gros tas de merde.
08:39Ah, putain.
08:47Et nous, on était comme ça.
08:50Enfin, moi, j'étais comme ça.
08:52Et si le nez, il fallait qu'il ait l'épaisseur d'une feuille à papier.
09:00Il fallait que tu sois comme ça ?
09:01Il fallait être comme ça, et au garde-à-vous.
09:03Et si ça touchait ?
09:05Ah ben là, quand le nez touchait le truc, un coup derrière la tête,
09:12il t'écrasait le nez directement sur le ciment.
09:23J'avais peur de rien.
09:25Je me suis dit, ça ne va pas me faire peur.
09:27Je vais pouvoir le faire en trois mois, et puis après, je m'en vais.
09:31Je vais retourner dans une caserne, me faire réformer.
09:34En réalité, ça ne s'est pas passé du tout comme ça.
09:40Là, je peux te le dire, j'étais dans la mer de moutons.
09:44J'ai léché la mer.
09:46Il y avait un berchemin.
09:48Il m'a écrasé la gueule dedans.
10:10En hiver, le disciplinaire passe les premières nuits dans une cellule,
10:15baptisée le frigo.
10:17À la tombée du jour, un gradé jette un seau d'eau au sol pour qu'elle gèle.
10:25Ici, à janvier-février, il fait très très froid.
10:30Il y a un petit versistance.
10:33Ou vers l'extérieur ou l'intérieur, je ne me rappelle plus.
10:37Ils m'ont fait déshabillé et foutu à poil à l'intérieur.
10:42J'avais le caleçon US.
10:45Tu ne te mets pas par terre, il y a la glace.
10:48Tu colles.
10:50Tu l'as toute la nuit.
10:54Tu le fais dans les yeux.
10:58Tu dors, mais c'est ton réflexe pour rester vivant.
11:01Sans boire et sans manger.
11:04Je vais te dire, pendant deux jours, tu te tapais sur le ventre.
11:08Tu cours, mais endormi.
11:12Tu cours.
11:15On m'a mis nu dans un cachot pendant huit jours,
11:19avec un centimètre d'eau attaché aux pieds et une planche pour pouvoir dormir.
11:35Les forçats sont en moyenne une trentaine pour 25 encadrants.
11:40Ils doivent officiellement réaliser des travaux militaires et d'intérêt public.
11:45Dans les faits, ils sont livrés au sadisme des cadres.
11:49Des travaux forcés sans aucune utilité et des humiliations permanentes.
11:54Douze heures quasiment non-stop l'hiver et seize heures l'été.
12:05Depuis qu'il connaît l'existence de la section d'épreuves et de ses hommes qui témoignent,
12:10le journaliste Noël Cruzlin ne cesse de raconter leur histoire, encore ce matin.
12:15Moi, ma conviction, c'est que, comme l'ont dit d'ailleurs et comme l'ont souligné,
12:21c'est qu'il n'y a pas d'épreuve.
12:25Il n'y a pas d'épreuve.
12:29Ma conviction, c'est que, comme l'ont dit d'ailleurs et comme l'ont souligné
12:34certains disciplinaires qui ont pourtant enduré les tortures de ce camp,
12:38la section d'épreuves, ce n'est pas la Légion.
12:41La section d'épreuves, c'est une dérive.
12:43C'est peut-être le plus grand dérapage de ce corps d'élite,
12:46c'est-à-dire des cadres qui se sont emparés de cette entité
12:51pour en faire ce qu'elle n'aurait jamais dû être, c'est-à-dire un endroit de torture.
12:56Alors qu'à la base, ça ne devait être qu'un bagne
13:01destiné à redresser les plus fortes têtes de la Légion.
13:06C'est devenu tout autre chose,
13:08et c'est pour ça que cette histoire a versé complètement dans le drame.
13:14Le nouvel arrivant commence par une épreuve absurde et inhumaine,
13:18qui consiste à taper sur un rocher toute la journée,
13:21plus de 800 coups par heure, avec une masse de 16 kg, surnommée la Johnny.
13:25J'avais ça, j'avais droit à l'enclume.
13:28C'était quoi l'enclume ?
13:29L'enclume, c'est l'enclume des forgerons.
13:3270 kg.
13:34Et tu faisais quoi avec ?
13:35Tu te la mettais sur l'épaule, tu la reposais par terre,
13:38mais avant de la reposer par terre, tu l'embrassais.
13:41Même la masse, quand t'avais fini de travailler avec la masse,
13:44il fallait la nettoyer bien comme il faut,
13:46et l'embrasser avant de la mettre sur le râtelier.
13:52Au bout d'un moment, on est fatigué, on est crevé.
13:54Et là, le cadavre arrive, et là, il nous frappe.
13:56Donc on recommence, et il nous frappe, et on recommence.
14:00Et comme ça, toute la journée, on avait les mains complètement déchiquetées.
14:05Donc on prenait des excréments,
14:07nos excréments pour se servir de pommade.
14:13C'était impensable.
14:15Tu racontes des trucs comme ça maintenant,
14:17mais c'est pas vrai, il est en train d'raconter des conneries, mais c'est vrai.
14:20C'est la réalité, c'est la réalité.
14:24Bon.
14:54Les plantes, ils ont poussé, hein ?
14:56Oui, bien sûr.
14:57Ils ont poussé.
14:59Et le 8, on prenait la locomotive en marche.
15:04Et là, tu tournais.
15:06En 8 ?
15:07En 8.
15:08Combien de temps ?
15:09Il fallait faire, je me souviens plus exactement,
15:12le nombre de tours qu'il fallait faire à l'heure.
15:14Et si c'était pas complet, les tours qu'on devait faire,
15:20on continuait, sans s'arrêter.
15:23Et après, t'es 2 jours dans le frigo, t'as dû tourner pendant combien de temps ?
15:26Là, on devait faire 4 jours, je crois, 4 ou 5 jours.
15:34Quand forcément, des fois, on avait soif,
15:36parce qu'on n'avait pas le droit à l'eau dans la journée.
15:39Donc moi, je me mettais à 4 pattes et je buvais dans un trou comme un chien.
15:43Ça les faisait rire. Ils rigolaient, ils nous frappaient en plus.
15:46Un trou dans la terre ?
15:47Un trou dans la terre, on buvait dans l'eau, on lapait l'eau comme un chien.
15:52Voilà ce qu'on devait faire.
15:54Le 6e jour, je me suis retrouvé à l'hôpital avec Granet.
15:58On avait le genou bloqué, on pouvait plus marcher.
16:01Au bout d'une semaine, une fois qu'on allait un peu mieux,
16:05on arrivait à marcher.
16:07Puis on a fait la cavale, la première cavale.
16:11Puis ça a échoué. On s'est fait arrêter par la gendarmerie.
16:15On se faisait tirer dessus, on a arrêté.
16:18J'ai pas envie de me faire descendre.
16:20On s'est rendus et quand on s'est rendus,
16:24on savait qu'on allait en prendre plein la gueule.
16:27Plein, plein, plein la gueule.
16:34Oh putain.
16:51Ils arrivaient là, au poste de garde, l'entrée, ils rentraient.
16:55Ensuite, je pense qu'ils étaient lâchés ici et ils grimpaient les escaliers
16:59qui sont ici pour aller chez le commandant du camp,
17:02un adjudant ou un lieutenant.
17:05Wilfried et Pierre-Jean connaissent l'histoire de la section des preuves.
17:09C'est la première fois qu'ils y sont allés.
17:12C'est la première fois qu'ils y sont allés.
17:15C'est la première fois qu'ils y sont allés.
17:18Ils connaissent l'histoire de la section des preuves mieux que quiconque.
17:22Ils ont commencé leur recherche il y a plusieurs décennies.
17:26Pierre-Jean a créé une page Facebook pour retrouver les témoins.
17:30Wilfried, cet ancien légionnaire, a écrit un livre extrêmement détaillé sur cette histoire.
17:39Dans le règlement de la section des preuves, à l'article 13,
17:42il est spécifié que seules les punitions réglementaires prévues par le décret
17:47d'octobre 1966 portant le règlement de discipline générale des armées
17:53et donc les punitions peuvent être infligées aux légionnaires de la section des preuves.
17:58Or, ça, c'est le règlement de la section des preuves.
18:03Quand on reprend le décret que tu as là-bas de 1966,
18:08c'est vachement encadré.
18:11Les punitions ne peuvent pas y avoir n'importe quoi comme punition.
18:15Les punitions, il faut que ça reste quelque chose dans le cadre.
18:18Or, taper à la masse, enchaîner des bonhommes, chênes, bouler aux pieds,
18:23tabasser les types, les mettre au cachot, les arroser dans l'eau, etc.,
18:27tout ce que l'on connaît déjà sur la section des preuves, c'est hors du cadre.
18:32Il y a un écart. Il y a quelque chose qui a dérapé, forcément.
18:35Quelque chose qui a dérapé, effectivement.
18:38Quand le disciplinaire a survécu au Grand 8,
18:41il déplace littéralement une colline de terre et de pierre,
18:44rebaptisée la Colline des Hommes Perdus.
18:48Alors, on devait monter la colline avec un seau,
18:52une petite cuillère et remplir le seau avec la petite cuillère.
18:54Monter, redescendre, monter, redescendre.
18:57Faire le tour, déverser, monter la colline.
19:00Plus tu déversais, plus la colline montait.
19:03Je l'ai connue à 6 mètres d'auteur, à peu près.
19:07C'est presque deux étages.
19:15Malgré ce rythme infernal, les nuits sont courtes, voire inexistantes.
19:20Les cadres prennent un malin plaisir à harceler les disciplinaires
19:24jusque dans leur sommeil.
19:26Si tu rentres dans la chambre, t'as des liens et tâches.
19:30Alors là, avant d'aller se coucher, je faisais des pompes,
19:36des séries de 150, tu vois.
19:42Ils nous ont donné l'ordre de se coucher,
19:44mais il fallait être très, très vite,
19:46parce qu'il y avait de l'eau.
19:48Il y avait de l'eau.
19:50Il y avait de l'eau.
19:52Ils nous ont donné l'ordre de se coucher,
19:54mais il fallait être très, très vite,
19:56qu'il n'y ait plus de bruit.
19:58S'il y avait un gros saut, je claquais.
20:00On faisait du bruit.
20:02On sortait, ils viraient tous les matelas,
20:04tout jetaient par terre.
20:06On refaisait les pompes.
20:08La corrida.
20:10Donc la corrida, c'était,
20:12on balançait tout ce qu'il y avait sur les lits
20:14dans le milieu de la pièce.
20:16Et après, on devait refaire les lits.
20:18Et dans la nuit, ils faisaient ça au moins 2 ou 3 fois.
20:21On morflait.
20:23On refaisait nos lits au carré.
20:25On recommençait.
20:27Mais il faut oublier,
20:29on avait 12-13 heures de masse,
20:31de brouettes, de courses.
20:33Avant de se coucher,
20:35on devait dire bonsoir au camarade
20:37qui était à côté, au disciplinaire.
20:39On devait lui mettre un coup de poing
20:41en pleine figure.
20:43Tous les soirs, c'était comme ça.
20:45Moi, la première fois,
20:47j'ai envoyé une patate, mais tranquille.
20:49Il m'en a envoyé une bonne.
20:51Après, j'étais obligé de faire comme lui.
20:53Mais c'était tous les soirs comme ça.
20:55On devait se frapper entre nous.
20:57Et ça, ça fait mal.
20:59Une honte.
21:01Une honte.
21:03Comment est-ce que j'ai pu...
21:05Comment j'ai pu sortir de cette merde ?
21:12Outre les passages à tabac sans motif,
21:14certains doivent vidanger les latrines
21:16et la fosse sceptique.
21:19Il a fallu que je plonge dedans.
21:21Alors...
21:23C'était des grosses plaques de métaux.
21:25Y avait la merde, bien sûr, des machins,
21:27des verres comme ça qui flottaient là.
21:29On l'avait dit à des gamins,
21:31t'as un verre.
21:33Les verres sont dans la bouche.
21:35Machin de fou.
21:37Machin de fou.
21:39Alors, je descendais dans le trou,
21:41dans le trou,
21:43et j'ai vu,
21:45je me suis dit,
21:47je descendais dans le trou,
21:49dans la merde de tout le monde.
21:51Voilà.
21:53J'étais chargé de vider les latrines,
21:55tout le trou qu'il y avait,
21:57ramener ça dans le jardin,
21:59sur l'épaule.
22:01Forcément, j'en prenais partout.
22:03La fameuse merde que je ramassais
22:05avec ma bouche,
22:07c'était dans le passage, là.
22:09C'est quoi, en fait, que tu ramassais ?
22:11La merde du chien.
22:13De Wolf.
22:15Avec la gamate, tu vois,
22:17qui était à côté, enfin,
22:19le pot de peinture.
22:21Il y avait un tas de merde.
22:23J'allais en rampant,
22:25où c'est qu'il y avait le tas de merde,
22:27avec la gamate,
22:29et j'arrivais là,
22:31et je me mettais en position de pompe.
22:33Je faisais les pompes,
22:35et je ramassais la merde,
22:37et je le foutais dans la gamate.
22:39Là-haut, il doit y avoir un poteau.
22:41J'étais attaché à un poteau.
22:43J'ai regardé les autres.
22:45Il est là-dessus.
22:47Il paraît...
22:49Il y a un morceau qui dépasse
22:51de la terre, par là.
22:53Et là, il y avait
22:55l'installation du poteau.
22:57Le mec, il était là.
22:59Toujours la gueule,
23:01face au gardien qui se trouvait ici.
23:03Eh bien, t'es attaché.
23:05T'es attaché avec un poids de...
23:07Tu sais, les horloges.
23:09Ils te tiennent comme ça.
23:11Et tu regardes.
23:13Je regardais.
23:15Première chose que j'ai faite, c'est ça.
23:17Je regardais là.
23:19Et tu voyais tes collègues.
23:23Luc passera deux jours
23:25consécutifs attachés au poteau,
23:27sans boire, ni dormir, ni manger,
23:29et sans être détaché
23:31pour se soulager.
23:35J'espère...
23:41Je voudrais...
23:43que partout de là,
23:45j'ai tellement
23:47de machines de l'air
23:49être vidé de mon énergie.
23:51J'en ai trop.
24:11Sous-titrage Société Radio-Canada
24:41Sous-titrage Société Radio-Canada
25:11Sous-titrage Société Radio-Canada
25:13Sous-titrage Société Radio-Canada
25:41Ton père, il est où, là ?
25:53Celui qui a le chapeau, là.
25:55Et toi, t'es en blanc.
25:57Oui.
25:59À l'époque, nous avions
26:01une étable au bord de la route
26:03avec des vaches laitières.
26:05Et donc, chaque matin,
26:07nous descendions très tôt
26:09et le matin, j'étais absent.
26:11En donnant à manger aux vaches,
26:13dès qu'il est arrivé,
26:15un monsieur est sorti de la mangeoire.
26:17Un monsieur transi de froid,
26:19à l'époque.
26:21Et de suite, il s'est exclamé
26:23« Ne me dénoncez pas ou je me suicide. »
26:25Et mon père l'a rassuré
26:27en lui disant « Écoute, je ne suis pas là pour ça.
26:29Donc, tu vas te calmer.
26:31Tu vas boire un peu de lait chaud
26:33puisque nous allons traire les vaches.
26:35Et après, tu iras où tu veux. »
26:37Le monsieur a pris un peu de lait
26:39et il est reparti.
26:41Et quelques instants plus tard,
26:43mon père a entendu des jeeps et des messieurs
26:45qui le cherchaient, bien sûr,
26:47puisqu'il a dû manquer à l'appel.
26:49Les après-midi, j'allais chasser
26:51le long de la voie ferrée
26:53parce que la chasse était ouverte
26:55avec ma 14 mm.
26:57J'avais 14-15 ans, donc j'avais pas l'âge.
26:59Mais bon, j'y allais déjà.
27:01Et au retour, je m'arrêtais
27:03au camp Saint-Jean
27:05en tant que prisonnier.
27:13Et là,
27:15je me souviens très bien
27:17les avoir vus
27:19parfois à plat ventre,
27:21rampés, avec d'autres hommes
27:23dessus,
27:25qui leur appuyaient dessus.
27:27D'autres fois,
27:29ils portaient des boulets
27:31et ils étaient entravés.
27:33Ils pouvaient aussi construire
27:35avec de lourdes pierres,
27:37les emmener sur un endroit.
27:39Et cette chose-là,
27:41lorsque j'ai vu le film
27:43avec Sean Connery,
27:45La colline des hommes perdus,
27:47je m'en suis souvenu.
27:49Je voyais qu'il y avait des coups de poing
27:51qui partaient par derrière.
27:53Je ne savais pas ce qu'ils avaient fait.
27:55Souvent, on parlait de la Légion
27:57et du camp d'épreuves de Saint-Jean.
27:59C'était un sujet qui revenait souvent
28:01à la Légion de Foucorte.
28:03Les gens entre eux en parlaient ?
28:05Oui, les gens en parlaient beaucoup.
28:07C'est quand même quelque chose.
28:09Vous aviez peur d'y aller
28:11parce que c'était un terrain militaire ?
28:13C'était un terrain militaire
28:15mais les gens pouvaient y aller.
28:17Le camp par lui-même était fermé.
28:19On ne pouvait pas y accéder.
28:21On ne voyait que les abords.
28:23Mais ils faisaient quand même
28:25beaucoup de manœuvres et de travaux
28:27parce qu'ils leur faisaient déplacer
28:29la pierre continuellement.
28:31On voyait quand même
28:33des mouvements assez bizarres
28:35et des gens qui avaient des gourdins
28:37et qui frappaient
28:39les prisonniers facilement.
28:41C'est arrivé.
28:43Des fois, je disais
28:45peut-être que je les ai vus
28:47matraquer, recevoir des coups
28:49mais ça n'allait pas plus loin.
28:51On me disait que ce sont des légionnaires.
28:53C'était ça, malheureusement.
28:55Peu de gens avaient réellement vu
28:57de l'intérieur.
28:59C'était quand même un univers
29:01assez clos, la section d'épreuve.
29:03Ce n'était pas ouvert à tout le monde.
29:05Personne ne pouvait rentrer
29:07dans la section d'épreuve sans y être invité.
29:09Le rapport entre la ville de Corté
29:11et la Légion étrangère
29:13a toujours été
29:15emprunt d'une certaine dualité.
29:17C'est vrai.
29:19Économiquement, il y a encore
29:21des gens aujourd'hui, surtout ceux
29:23qui appartiennent aux générations
29:25les plus anciennes, qui considèrent
29:27qu'économiquement, la Légion étrangère
29:29était plus intéressante que l'université
29:31de Corse.
29:55Oh, putain d'iron !
30:03Moi, j'étais ici.
30:07La largeur de la cellule,
30:09de là jusqu'à là.
30:11Ça fait un peu plus d'un mètre de large.
30:13T'avais le mur.
30:15Ils te passaient la bouffe ici.
30:17Et ici, c'était les
30:19trafics de cigarettes,
30:21trafics de briquets,
30:23trafics de briquets.
30:25Et les petites conneries.
30:27Et t'étais là ?
30:29Quand tu me piquais à fumer, toi.
30:31Une semaine.
30:33Une semaine, 15 jours.
30:35Moi, j'étais violé ici.
30:37C'est plus discret.
30:39Souvent ?
30:41Ici, ils passaient la casserole.
30:43Putain d'iron !
30:47C'est toujours le même ?
30:49J'étais abonné à lui.
30:51T'es violé par mon père
30:53et t'es tombé sur des connards
30:55comme ça.
31:09J'ai pas quoi faire.
31:15Toutes ces putains de gradés,
31:17c'est ça qu'ils devraient subir.
31:19C'est ce qu'on a subi, nous.
31:23Putain d'iron !
31:29On va monter à prendre l'air là-haut
31:31parce que
31:33ça m'angoisse ici.
31:37Ça m'angoisse. Ça fait chier.
31:49Et c'est le cas.
31:51Pourquoi ?
31:52Non, putain.
31:54Pourquoi ?
31:56J'ai eu peur.
31:58Je l'ai fait.
32:00J'avais peur.
32:02Je l'ai fait...
32:07la blessure.
32:09Ça m'a brisé un peu la gueule avant.
32:13J'avais peur.
32:15J'avais peur.
32:179 mois à la section d'épreuve, dont 5, avec chênes éboulés aux pieds.
32:22Après leur passage au camp, Michel et Luc sont renvoyés de l'armée,
32:26pour troubles psychiatriques.
32:29Daniel est un des seuls à réussir à s'échapper.
32:33Après s'être rendu, il passera une année en prison.
32:36...
32:46La section d'épreuve est définitivement fermée en 1976,
32:50après un événement qui bouleverse toute la Corse.
32:54Un légionnaire déserteur de la caserne du centre-ville de Corte
32:58assassine deux bergers, les frères Ruggieri, dans le petit village de Bustanico.
33:04Ce n'est pas la première fois qu'il y a des problèmes
33:07entre les déserteurs de la légion et la population de l'île.
33:12Pour les Corses, ce double meurtre est le crime de trop.
33:18Une vaste enquête est aussitôt lancée
33:21pour savoir pourquoi les désertions sont aussi fréquentes en Corse.
33:28La discipline de ferme est pointée du doigt.
33:34Il n'y a jamais eu aucun problème entre la population corse
33:38et les disciplinaires de la section d'épreuve.
33:41Mais la violence qui y règne revient dans toutes les discussions.
33:47Quel est donc ce lieu qui terrorise tous les légionnaires ?
33:54Les langues se délient, certains parlent de punis
33:58qui seraient morts sous les coups et qui auraient disparu.
34:01Une fois, ils ont sorti un gars du cachot, un jeune légionnaire.
34:05Ils lui ont mis une poutre sur l'épaule.
34:08Ils lui ont dit de chanter la Marseillaise.
34:11Et le gars, il était tellement épuisé.
34:14D'abord, il était dans le cachot pendant une semaine.
34:16Il est tombé. Ils lui ont tapé à coup de ranger dans la tête.
34:19Ils lui ont fait sauter la boîte crânienne.
34:21J'ai vu le sang sortir. J'ai entendu craquer, j'ai vu le sang.
34:24Et là, ils nous ont dit de partir. Ils l'avaient tué.
34:27Toi, tu l'as vu, ça ?
34:28Je l'ai vu, ça. Ils l'avaient tué.
34:30Il y en a des morts. Il y a eu des morts, là-haut.
34:32Comment tu sais, ça, en fait ?
34:34Il y en a qui ne sont pas revenus, que tu les as vus le soir.
34:37Tu les as vus avec le sang et ils sont partis avec l'APM.
34:40Ils ne sont jamais revenus.
34:42J'ai vu les traînées de sang, c'est tout.
34:44Qu'est-ce que tu peux faire ?
34:46Où est-ce qu'ils ont pu enterrer tous ces disciplinaires ?
34:50Il y avait des coins, les outils.
34:52On les retrouvait toujours sales le matin, avant de travailler.
34:54D'habitude, on les bichonnait.
34:56Les pelles et les pioches ?
34:58Les pelles et les pioches. Tu sais, qu'est-ce qui s'est passé ?
35:01Quand les enquêteurs débarquent à la section d'épreuve,
35:04ils ont dans l'idée de chercher des cadavres.
35:07Ce qu'ils découvrent va donner lieu à un procès en interne.
35:11Wilfried et Pierre-Jean détiennent le témoignage d'un gendarme
35:15ayant participé aux recherches.
35:18C'est assez étonnant et j'aimerais qu'on l'écoute.
35:21On était une trentaine de gendarmes.
35:23À l'époque, c'était le code de justice militaire.
35:27Donc, vraisemblablement, les auteurs sont passés à la casserole.
35:33Je peux te certifier que ça a dégringolé au niveau des étoiles.
35:37Là, vraiment, tu m'apprends quelque chose.
35:40Parce que moi, je pensais que c'était les petits gradés.
35:42Il y avait des caporaux, des sergents.
35:44Quand tu tractopèles au camp et que tu déterres des squelettes,
35:47qui ont été brûlées à la chaux, tu m'as compris.
35:50Il y a des généraux qui ont dû transfiler dans la nuit.
35:54Sur la place publique, il n'y a rien eu.
35:57Tu as des journalistes sur la rue, il faut faire gaffe.
36:00D'accord, tu fais bien de me le dire.
36:02Les médias, à l'époque, ils n'étaient pas comme maintenant.
36:05Méfiance.
36:07C'est du bis repetita.
36:09Ça, je l'ai entendu en 77 quand je suis arrivé à Corté.
36:12Tout le monde le disait, tout le monde le disait.
36:14Lui, il l'a vu.
36:16Il y était.
36:19Aujourd'hui, il est prouvé que le déserteur qui a tué les deux bergers
36:23n'était pas indisciplinaire de la section d'épreuve.
36:27Mais ce que les gendarmes ont trouvé là-bas a entraîné la fermeture du camp.
36:33À ce jour, toutes les demandes pour retrouver une trace écrite de l'enquête et du procès
36:38se sont soldées par un échec.
36:39Dès qu'on a tenté de s'adresser à des gens qui étaient supposés avoir mené une enquête
36:45sur ce qui s'était passé dans ce camp,
36:48dès qu'on a cherché à interroger les autorités militaires,
36:53les autorités de gendarmerie aussi,
36:56on s'est heurté, je ne dirais pas qu'on s'est heurté à des refus catégoriques,
37:02mais à des propos très, très évasifs.
37:04Si on pouvait simplement nous dire que les personnes qui ont commandité ce camp,
37:09qui ont commandé ce camp, qui ont travaillé dans ce camp, ont été punies,
37:14si on pouvait nous dire que les légionnaires qui sont décédés dans ce camp,
37:18ceux qui les ont poussés à la mort, certainement par des mauvais traitements,
37:23par du harcèlement et compagnie, ont été punis,
37:26je pense que ce serait un grand pas.
37:28Aller plus loin, en savoir davantage, ça voudrait dire mettre la main sur les documents d'enquête,
37:34recueillir des témoignages des gens qui ont enquêté,
37:37et puis aussi essayer d'en savoir davantage sur ce fameux procès
37:42qui apparemment a bel et bien existé en 78 dans une juridiction marseillaise,
37:49et qui a été mis en place par l'Etat.
37:51Ce procès qui apparemment a bel et bien existé en 78 dans une juridiction marseillaise,
37:59qui a comparu ? Quelles ont été les condamnations prononcées ?
38:04L'armée a quand même le surnom d'une grande muette, c'est bien connu.
38:09Donc ce genre de dossier qui, je pense, a dû être classé secret défense ou secret confidentiel,
38:15plus personne n'en parle, ça a dû être détruit.
38:18Je l'explique tout simplement parce que c'est une honte.
38:31À part les témoignages de Daniel, Michel et Luc, très peu de preuves subsistent de la section des preuves.
38:38Quelques rares photos prises en cachette pour un livre publié en 1977,
38:43et quelques documents que Wilfried et Pierre-Jean ont pu se procurer.
39:05En 1983, sous la pression populaire corse, la Légion étrangère quitte définitivement la ville de Corte.
39:14Aujourd'hui, Luc, Daniel et Michel sont à la retraite.
39:19Ils sont tous pères de famille.
39:22Michel habite une petite ville du sud de la France.
39:26Bonjour, ça va ?
39:28Ça va, oui.
39:32C'est chez toi ici ?
39:34Temporairement, je vis chez mon ex-beau-frère.
39:38Je l'aide à payer le loyer aussi.
39:41Je te laisse tranquille ?
39:53C'est la première entrée du camp.
40:00Elle a été faite tout au début.
40:03J'ai ajouté dessus ici, c'est la première entrée.
40:06Tout au début.
40:08J'ai ajouté dessus ici, c'est l'enfer.
40:13Le fameux poteau.
40:16Il est presque fonctionnel.
40:20Ça, c'est mon matricule 148-910.
40:24La père de chêne, Corté.
40:27Légion, S.E.L.E., le bagne.
40:31Comment t'es arrivé à la Légion, toi, au final ?
40:33On a dépouillé un mec qui est sorti du casino à Lys.
40:41On décide de remonter sur Marseille.
40:47On emprunte une DS21 Palace.
40:53On prend la direction de Marseille.
40:56On s'arrête à un air de repos.
41:01On entend sur la porte...
41:05Toute la bagnole était encerclée par la gendarmerie.
41:09Dans le bureau de la gendarmerie,
41:11on dit qu'on s'engage à la Légion, qu'on viendrait du pays.
41:14C'était la publicité de l'époque.
41:16Là, le mec dit...
41:19Il y en a pour 5 ans, au minimum.
41:22La Légion, c'est combien ? Il me dit 5 ans.
41:27T'as signé direct ?
41:28On a signé direct.
41:47Luc vit dans la Drôme.
41:50Il entretient plusieurs maisons secondaires autour de chez lui.
41:53Luc, c'est d'abord l'histoire d'une jeunesse qui joue avec le feu.
42:24Il m'a fini le bal et...
42:26Basta, tu restes là.
42:54Avant d'être légionnaire,
42:56j'étais assez turbulent, quand même.
43:00Des fois, je picolais un peu.
43:02Des fois, ça allait un peu loin.
43:05Et puis, ça m'a créé des problèmes, forcément.
43:08J'avais des problèmes avec les gendarmes.
43:11Et la Légion, pour toi, c'était quoi ? Un nouveau départ ?
43:14C'était un nouveau départ.
43:16C'était une libération.
43:18C'était...
43:20Je sentais que c'est là que j'allais trouver mes repères.
43:23Mais en fin de compte, je me suis trompé.
43:26Voilà.
43:29Parmi les hommes qui s'engagent dans la Légion étrangère,
43:32certains comme Daniel, Michel et Luc le font pour une disposition de son règlement.
43:37La possibilité de changer d'identité en effaçant leur passé
43:40et les fautes qui allaient avec.
43:43Pour cette raison, dans les années 70,
43:45les rangs de la Légion étaient pour certains,
43:47en majorité,
43:49composés d'anciens enfants de la DAS.
43:56J'ai jamais eu un père derrière moi pour me dire
43:58« Eh, Coco, arrête tes conneries.
44:00Tu vas trop loin. »
44:02T'as pas connu ton père, toi ?
44:04Non.
44:05Ton père est mort, t'avais 6 ans.
44:07Et donc, qui t'a élevé ?
44:10J'ai été élevé... J'ai été plâché chez les Jésuites.
44:13J'ai été élevé... J'ai été plâché chez les Jésuites.
44:17Donc j'ai été quelques années chez les Jésuites et...
44:21Et voilà, quoi. J'ai pas eu de...
44:24J'ai pas eu des conseils d'un père pour me dire
44:27« Arrête de faire des conneries. »
44:29Voilà.
44:31Une maman...
44:33Elle me rend fou, là.
44:35Le père, bon...
44:37J'évite de me parler.
44:39« T'es un accident.
44:41T'es arrivé au moment où t'attendais pas.
44:43En fait, on pensait être tranquille, t'es arrivé. »
44:45Et là, il m'a jamais guidé.
44:50Bon, l'école, c'était mal barré.
44:52Ça, c'est sûr. Alors bon...
44:54J'ai fait un courant italique à 11 ans.
44:58Bon, moi, j'ai pas de chance.
45:00Je me suis beaucoup attrapé.
45:02On m'a beaucoup redressé.
45:04Mon père, c'était un ivrogne.
45:06Il était toujours bourré du matin au soir.
45:08Un ivrogne.
45:11Les passages à tabac...
45:13Moi, j'ai...
45:15Avec lui...
45:17Les souvenirs sont pas tellement bons.
45:19C'est pour ça que je l'ai toujours...
45:21Je l'ai toujours...
45:25Toujours détesté.
45:27C'est pour ça que je suis parti de bonheur
45:29de chez moi.
45:34C'est par la force des choses
45:36que la vie de ces trois hommes a basculé.
45:39Quand ils se sont engagés dans la Légion étrangère,
45:41ils n'avaient sans doute
45:43rien à faire dans l'armée.
45:45Très vite, chacun réalisa
45:47à sa manière
45:49qu'ils n'étaient pas faits pour la discipline militaire.
45:53C'est une erreur de recrutement
45:55magistrale, Michel.
45:57Ils n'avaient rien à faire dans l'armée,
45:59comme beaucoup de disciplinaires.
46:01Les malheureux disciplinaires n'étaient pas faits pour la Légion.
46:03Tu as l'exemple de Luc qui a été emmené par ses parents.
46:05Tu as l'exemple de Michel
46:07qui a été emmené par les gendarmes.
46:09Tout ça, ça a été des erreurs.
46:11Donc, quelque part,
46:13je veux en parler pour que l'on comprenne bien
46:15que la Légion, ce n'était pas ça.
46:17Il ne faut pas oublier que j'avais fait une connerie, quand même.
46:19J'avais déserté.
46:21Donc, c'était pour me punir.
46:23Enfin, je pense qu'il y avait une autre solution,
46:25c'était de me virer de la Légion,
46:27sans me faire subir ça.
46:29Une permission,
46:3124 heures, tous les mois.
46:33Là, j'ai pété le câble.
46:35Je loue mon bateau
46:37et je le pirate.
46:39Étant donné que ce n'était pas la première fois
46:41que j'avais déserté. Enfin, une désertion.
46:43C'était des absences
46:45prolongées.
46:47Et...
46:49Pas sur rapport.
46:51Conseil de discipline.
46:53Et là,
46:55ils envoient
46:57la nouvelle.
46:59Trois mois de section d'épreuve.
47:01Tu penses encore tous les jours à la section d'épreuve ?
47:03Ça revient.
47:13Tu as des moments où
47:15il y a une orage qui sort.
47:17Tu ne comprends pas.
47:19Pendant des années, j'ai sursauté.
47:21J'ai été malade.
47:23J'ai fait des cauchemars.
47:25Mon gamin s'accrochait à moi parce que je collais la nuit.
47:27J'ai eu des copines qui ont eu peur
47:29dans la nuit parce qu'elles voulaient se coller à moi.
47:31Et je réagissais mal.
47:33Je ne suis pas rentré dans les détails
47:35complètement à mes enfants.
47:37Je ne leur ai pas expliqué tout ce que j'avais enduré.
47:39Tous les coups que j'avais pris.
47:41Certains m'ont dit
47:43« Papy, t'as dû t'en baver ».
47:47Voilà.
47:49Moi, j'ai fait
47:51pas mal d'hôpitaux dans la banlieue parisienne.
47:53Dépression nerveuse.
47:55Mais il y avait des mois
47:57où je prenais des sacrés cuits.
47:59Les viols.
48:01Ça, j'ai jamais digéré.
48:21L'article 5 de la déclaration universelle
48:23des droits de l'homme
48:25garantit que nul ne sera soumis à la torture
48:27ni à des peines
48:29ou traitements cruels, inhumains
48:31ou dégradants.
48:33Or, c'est exactement ce que
48:35Michel, Daniel et Luc
48:37et des centaines d'autres ont subi dans ce camp
48:39en France, il y a à peine 50 ans.
48:41Comment est-ce possible ?
48:49Que s'est-il passé dans ce camp
48:51pour qu'on nous le cache
48:53encore aujourd'hui ?
48:57Derrière cette histoire terrible,
48:59il y a la vie de trois hommes.
49:01Michel, Daniel et Luc.
49:03Ils avaient touché le fond,
49:05impossible d'atteindre
49:07une condition humaine plus misérable.
49:09Et pourtant,
49:11ils ont survécu
49:13sans jamais abandonner leur dignité.
49:27Dans quelques années, ça servira.
49:29Déjà, ceux qui veulent le savoir.
49:31Et si c'est reconnu,
49:33il y a beaucoup de choses
49:35qu'on reconnaît après.
49:37De là viendra le pardon
49:39des gens qui ont été
49:41les victimes
49:43de ce camp.
49:45De Michel, de Daniel, de Luc
49:47et de ceux qui ne s'expriment pas.
49:49Parce que je pense qu'il y en a.
49:51Sur le plan humain,
49:53il n'y a pas d'article 5.
49:55Sur le plan humain,
49:57c'est là-dessus que l'armée
49:59devrait dire un mot quand même,
50:01s'excuser auprès de ces garçons-là
50:03et reconnaître qu'il y a eu maltraitance,
50:05qu'il y a eu erreur.
50:07Je ne veux pas qu'on oublie,
50:09c'est pas loin 1969,
50:11il y a plus de 50 ans,
50:13mais quand même, c'est pas si loin que ça.
50:15Je veux que les gens sachent.
50:17Je le fais aussi pour tous les gars
50:19qui sont morts là-bas.
50:21C'est pour ça que je me révolte.
50:23Jusqu'à la fin, j'irai.
50:25Ça, c'est sûr et certain.
50:27Moi, je veux rien.
50:29Je viens juste témoigner, me soulager.
50:31Moi, je veux rien.
50:33C'est ça qui me fait sourire.
50:35Si on est encore vivant,
50:37on est encore là pour parler,
50:39on est encore là pour dire les choses.
50:41Dépêchez-vous les gars de sortir un film,
50:43parce qu'on n'est pas éternels.

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