Ils sont l’objet de tous les fantasmes, de tous les mystères, on a peut-être tous rêvé secrètement d’avoir un jour une double vie, sous couverture… Mais qui sont, que font les agents de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) ? Dans quel but et pour quel résultat ? Alors que le monde est en proie à des conflits d’une rare intensité, alors que les grandes puissances forment des alliances qui les placent au bord de l’affrontement, quel est la place et l’impact des services de renseignements français ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :
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00:00DGSE, la fabrique des agents secrets, signé Théo Ivanès et Jean-Christophe Nottin.
00:06On est vraiment là, au cœur de la machine du renseignement français, et c'est toujours assez fascinant.
00:11Mais au-delà du mystère, quels enjeux et puis quelle efficacité réelle ?
00:15On va se poser toutes ces questions avec nos invités. Gisèle Jourdat, bienvenue.
00:18Vous êtes sénatrice socialiste de l'Aude, vice-présidente de la délégation parlementaire au renseignement,
00:24vice-présidente de la commission des affaires européennes,
00:27membre de la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées,
00:30et co-auteur avec Pascal Alizar du rapport Environnement et prospectives de la politique de défense.
00:36Vincent Crouzet, bienvenue à vous également.
00:39Vous êtes ancien agent de la DGSE, rattaché à ce qu'on appelait le service clandestin.
00:43Vous avez effectué beaucoup de missions en Afrique, notamment.
00:46Vous êtes aussi romancier, auteur de romans d'espionnage,
00:49statut qui a pu, parfois, vous servir aussi de couverture.
00:52Vous êtes un expert en géostratégie.
00:55Vous venez de publier Comment vivre dans un monde en guerre chez la martinière jeunesse.
00:58Et vous êtes aussi l'auteur de Le chevalier de Jérusalem aux éditions Robert Laffont
01:02sur le service Action de la DGSE.
01:05Florent Vadillot, bienvenue.
01:06Vous êtes directeur de la revue d'études française de renseignement et de cyber,
01:10spécialiste des questions de renseignement, enseignant à Sciences Po,
01:13ancien conseiller spécial de l'ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas,
01:17et puis co-auteur du livre Les espions de l'Élysée,
01:20consacré aux coordinateurs nationaux du renseignement.
01:23Antoine Isambard, bienvenue.
01:25Grand reporter international pour le magazine Challenge,
01:28co-auteur avec Jean-Michel Cognouault dans Deux,
01:31dans l'œil du FSB, qui vient d'être édité en poche,
01:34et co-auteur avec Franck Renaud de Trahison à la DGSE,
01:37les secrets de famille du vrai bureau des légendes paru chez Stock.
01:41Merci beaucoup à tous les quatre d'être ici.
01:43Il me semble que c'est très rare que la DGSE ouvre ses portes comme cela aux caméras.
01:49Ça semble assez exceptionnel.
01:51Qu'est-ce que ça peut vouloir dire de la part de la DGSE ?
01:54Est-ce que ça vous a surpris, Vincent Crouzet ?
01:56Est-ce que c'est une envie de plaire, une opération séduction,
01:59un besoin de recruter, de créer des appétences ?
02:03À l'instar des services de renseignement anglo-saxons,
02:05qui font ce qu'on appelle du campaigning,
02:07donc ils communiquent énormément, à la fois sur leurs capacités,
02:11et aussi sur leurs résultats, ce que ne fait pas la DGSE,
02:14qui n'assume ni ne revendique en fait ces opérations.
02:17En fait, la DGSE commence de plus en plus à communiquer,
02:20directement ou indirectement,
02:22notamment en soutenant des fictions audiovisuelles
02:25comme le Bureau des légendes de Rochamps.
02:28Et puis de plus en plus, on a également la communication
02:31de ses directeurs généraux, Bernard Rémier dans le film,
02:34et puis Nicolas Lerner au cours des derniers jours,
02:37des dernières semaines, avec son interview dans Le Point.
02:39Donc cette nécessité de communiquer pour montrer
02:41que le service est présent au service de la nation.
02:44Pourquoi, d'après vous, Florent Vadiot, ça peut paraître surprenant ?
02:47Pourquoi ne pas rester dans ce culte du secret
02:49qui était le cas ces dernières années ?
02:51Il y a plusieurs raisons.
02:52La première, c'est que la DGSE a besoin de communiquer
02:54sur sa place dans l'appareil d'État,
02:56pour montrer qu'elle est importante, qu'elle collabore,
02:58et que ce à quoi elle participe entre dans le processus de décision.
03:03Il y a évidemment la nécessité de revenir sur une image
03:06qui était un peu sulfureuse dans les années 90-2000,
03:09où il y avait eu une multiplicité de scandales,
03:11donc c'est aussi faire oublier ce passé.
03:13Et puis, il y a un enjeu de recrutement qui est majeur.
03:16La DGSE recrute des personnels d'analyse,
03:20des ingénieurs, des techniciens,
03:22des personnes qui parlent des langues,
03:24notamment des langues rares.
03:26Ce sont des viviers sur lesquels il y a une très grande tension,
03:28puisqu'ils sont recrutés à la fois par les autres services de renseignement
03:30et par le privé.
03:31Donc il faut montrer les avantages comparatifs de cette maison,
03:34à la fois le cadre assez exceptionnel,
03:36la matière exceptionnelle,
03:37et puis le cadre d'action qui est important.
03:39Donc c'est une démarche assez globale
03:41qui a été initiée à partir de 2010,
03:43puisqu'elle a créé le poste de chargée de communication
03:45et qui est montée en puissance.
03:47Et on peut vraiment dire que dans les cinq dernières années,
03:49la communication s'est extraordinairement densifiée
03:52et c'est sans doute le service qui communique le plus
03:54de manière directe et indirecte.
03:56Ça pourrait surprendre, non, cet enjeu de recrutement ?
03:59On pourrait se dire que plein de gens seraient volontaires,
04:01auraient envie de tenter leur chance.
04:03Finalement, non, pas tant que ça.
04:04Il y a une question d'image.
04:05C'est vrai que Florent l'a dit,
04:07le Rainbow Warrior,
04:09c'est un tas d'affaires qui étaient apparentés
04:11à une image un peu barbouzarde.
04:13On plombait la DGSE.
04:14Et c'est vrai qu'aujourd'hui, Rocham a fait beaucoup,
04:16mais ça date un petit peu maintenant, finalement.
04:18Et donc Bernard Hémier, l'ancien directeur général,
04:21avait aussi une volonté, lui,
04:23d'avoir aussi son documentaire,
04:27de marquer un peu son mandat avec un documentaire
04:30qui est à la fois très pédagogique
04:33et qui va un petit peu aussi,
04:35c'est vrai que le fait de revendiquer
04:37l'affaire d'Ackmy en 2007-2008
04:40et de raconter ça est quelque chose
04:42qui n'était pas du tout dans les mœurs.
04:44Il y a les enjeux de recrutement.
04:46Et puis, ce n'est pas présent dans le film,
04:48mais la DGSE est aussi un tournant de son histoire
04:51puisqu'elle va déménager.
04:52Elle quitte les locaux du boulevard Mortier
04:54dans le 20e arrondissement de Paris,
04:55qui date de 1949,
04:57direction Vincennes dans le Val-de-Marne,
04:58objectif 2031.
05:00Et l'État met 1,3 milliard d'euros.
05:03Qu'est-ce qu'il faut se dire, Gisèle Jourdat ?
05:05Il était temps.
05:06Il était temps, effectivement,
05:10pour plusieurs raisons.
05:12Parce que je pense que, plus que jamais,
05:14les services de renseignement se doivent
05:16d'être performants,
05:18puisque ce sont nos yeux à l'extérieur.
05:20C'est tout un réseau d'influence.
05:23Et à mon sens,
05:25il faut bien pouvoir travailler,
05:28avoir des conditions optimales.
05:30Et je crois que cette nouvelle construction
05:32va répondre aux attentes,
05:34va permettre une sorte de nouvel essor
05:38pour que chacun se sente bien
05:40à lieu et place.
05:42Avec les nouvelles techniques dont on a parlé,
05:44que ce soit le cyber,
05:46que ce soit toute cette révolution, finalement,
05:49qui a modifié les modes opérationnels,
05:53je crois qu'il est bon d'avoir les outils adéquats.
05:561,3 milliard d'euros,
05:57peut-être qu'on a un peu de mal à se rendre compte,
05:59mais est-ce que c'est une enveloppe bienvenue,
06:01à la hauteur ?
06:02Je vous vois sourire, oui, Vincent Crozet.
06:04Ce n'est jamais assez.
06:06Ce n'est jamais assez, évidemment.
06:07En ce qui concerne le rôle d'un service
06:09de renseignement extérieur,
06:11dont la mission est de prévenir le danger,
06:14il est normal que l'État
06:16mette des moyens conséquents.
06:19Maintenant, c'est très relatif.
06:22On l'a vu, le rôle que joue le service
06:25pour prévenir les menaces,
06:27pour protéger la nation,
06:29donc ce rôle de bouclier qui est essentiel.
06:32Les budgets sont encore très en deçà
06:34des budgets anglo-saxons en matière de renseignement.
06:36Il faudrait combien pour être niveaulé ?
06:39C'est difficile à dire,
06:41mais sous l'impulsion de Bernard Rémier
06:43et aujourd'hui de Nicolas Lerner,
06:45on est en train de rattraper le temps perdu.
06:481,3 milliard d'euros.
06:49Pour un siège, c'est très conséquent.
06:51C'est un projet immobilier assez inédit.
06:53Le président de la République a d'ailleurs
06:55lancé concomitamment le siège de l'ADGSE
06:57et de l'ADGSI, qui sera à Saint-Ouen.
06:59C'est un programme immobilier d'ampleur
07:01sur 20 hectares, dans le bois de Vincennes.
07:03On est loin de l'idée d'un service
07:06repoussé dans les limbes de la région parisienne.
07:09Un endroit extrêmement symbolique
07:11à côté du château de Vincennes,
07:13dans un cadre avec un projet architectural
07:15qui sera extrêmement ambitieux.
07:171,3 milliard d'euros sur un siège,
07:19c'est colossal.
07:21Ça montre un effort majeur.
07:23Ça va permettre aussi, vis-à-vis des autres pays,
07:25d'avoir un siège
07:27avec une très forte identification.
07:29On connaît le siège du MI6 à Londres,
07:32on connaît le siège du BND,
07:34le siège de la CIA,
07:36donc on a des images bâtimentaires.
07:38Il est vrai que le boulevard Mortier,
07:40c'était moins le cas, c'était plutôt un nom,
07:42le boulevard Mortier, plus que la caserne
07:44qui n'a pas d'aspérité particulière.
07:46La caserne Mortier était vraiment
07:48en train d'exploser sous le poids des effectifs
07:50qui ont été recrutés, puisque les budgets
07:52augmentent depuis au moins l'année 2009,
07:55avec un service qui a recruté
07:57près de 2000 personnes en 20 ans,
07:59donc c'est colossal
08:01comme marge de progression,
08:03et donc il fallait lui offrir
08:05désormais une enveloppe à la hauteur.
08:07C'est un enjeu d'image aussi,
08:09on entre dans la cour des grands, c'est un tournant ?
08:11Oui, je dirais qu'on l'est déjà,
08:13la DGSE, beaucoup de gens du renseignement
08:15disent qu'on a un outil qui finalement
08:17est au-delà, au-dessus de notre rang réel
08:19de puissance moyenne.
08:21On a un service qui est très puissant
08:23et nous, on avait fait un challenge
08:25il y a trois ans, une enquête,
08:27il y avait eu l'Ukraine où la DGSE a été décriée,
08:29il y avait eu l'affaire AUKUS, les sous-marins australiens,
08:31où également on avait accusé la DGSE de ne pas avoir vu
08:33venir la trahison
08:35australienne, britannique et américaine.
08:37Il y avait également les coups d'État au Sahel,
08:39donc on s'était posé la question, on avait mené une enquête
08:41pour savoir est-ce que la DGSE est
08:43si mauvaise que certains veulent le dire,
08:45est-ce qu'elle est faillible et tout.
08:47Au final, on avait posé la question
08:49notamment à Gina Aspel,
08:51l'ancienne patronne de la CIA sous Donald Trump,
08:53qui nous avait dit que c'était pour elle
08:55l'un des trois meilleurs services de renseignement au monde.
08:57On avait parlé à John Brennan,
08:59qui était le prédécesseur de Aspel à la CIA,
09:01qui nous avait dit que,
09:03en termes notamment de lutte contre le terrorisme,
09:05la DGSE était probablement l'un des tout meilleurs.
09:07Donc on est sur un service de renseignement
09:09qui est bon, qui sait faire du renseignement
09:11humain depuis très longtemps, c'est dans l'ADN,
09:13depuis sa création,
09:15depuis le BCRA et la Deuxième Guerre mondiale.
09:17Donc voilà, je dirais,
09:19la DGSE aura enfin un siège
09:21qui va être à la hauteur de sa réputation.
09:23À la hauteur de ce qu'elle est.
09:25Est-ce que tout de même, ce qu'on vit en ce moment,
09:27cette instabilité politique que nous vivons
09:29ces dernières semaines, ces derniers mois,
09:31évidemment, je pense à la dissolution,
09:33je pense à ce vote
09:35de confiance qui n'a pas été
09:37accordé au gouvernement,
09:39cette instabilité-là, Vincent Crozet,
09:41est-ce que ça peut avoir un impact sur
09:43les effectifs, les moyens,
09:45ce qui se passe autour de la DGSE ?
09:47Ça n'est jamais très bon parce que généralement,
09:49les grandes catastrophes du renseignement dans le monde,
09:51les grandes catastrophes contemporaines du renseignement
09:53ont eu lieu quand il y avait des périodes de défiance
09:55entre le décideur politique
09:57et les services de renseignement.
09:59Là, en l'occurrence, ça ne touche pas les services de renseignement français
10:01où tout de même,
10:03il y a une réelle permanence
10:05du travail, quel que soit
10:07de toute manière, et des gouvernements
10:09et éventuellement une crise
10:11de régime, et au contraire, c'est un élément
10:13rassurant
10:15dans l'architecture de l'État.
10:17C'est un pilier ?
10:19Comme les armées, c'est un pilier
10:21de la démocratie.
10:23Tout le monde est rassuré, Gisèle Jourdain ?
10:25Vous n'êtes pas inquiète de cette instabilité politique ?
10:27Non, je ne suis pas inquiète
10:29parce que nous avons pour volonté, en tout cas au Sénat,
10:31les membres de la DPR,
10:33de bien
10:35« sacraliser »
10:37l'augmentation
10:39des fonds
10:41puisqu'à un certain moment donné, il ne faut pas
10:43que s'exprimer, il faut poser
10:45des actes et
10:47au fond, malgré
10:49l'instabilité politique
10:51dont vous parlez, mais qui est
10:53conjoncturelle,
10:55ça ne grève en rien
10:57donc la trajectoire que nous avons
10:59amorcée, qui est une
11:01trajectoire croissante.
11:03Et quel que soit le Premier ministre que
11:05nous aurons à l'issue de cette instabilité
11:07politique, quel que soit le gouvernement
11:09que nous aurons, quel que soit peut-être le nouveau président
11:11ou la nouvelle présidente
11:13que nous aurons, la DGSE restera
11:15stable ? Il n'y a pas de lien politique DGSE ?
11:17J'ai deux sujets
11:19de préoccupation.
11:21Effectivement, il y a un très fort volontarisme
11:23politique qui a été porté par l'exécutif
11:25relayé très fortement par
11:27le législatif et le Sénat en particulier
11:29mais il y a une différence entre
11:31le budget voté et le budget exécuté
11:33et il y a eu déjà en septembre
11:352024 une petite alerte
11:37qui a conduit sur des sujets de recrutement
11:39à différer certains recrutements
11:41et l'année 2025, pour l'instant, on n'a pas
11:43de budget.
11:45Il y a des besoins de ressources,
11:47en tout cas de coûts budgétaires qui doivent porter
11:49sur l'ensemble des services de l'État.
11:51La question sera de savoir si la DGSE
11:53sera préservée et je pense qu'il est important de relayer ce message
11:55d'une DGSE préservée
11:57y compris dans ce qu'on appelle la technique budgétaire
11:59le gel et le surgel, c'est-à-dire des crédits
12:01qui ne sont pas tout de suite engagés
12:03pour le début de l'année. Donc ça c'est un vrai sujet
12:05et tant que le gouvernement ne sera pas nommé, il y aura
12:07une incertitude et même lorsque le gouvernement
12:09sera nommé, l'ampleur de la réduction du déficit
12:11public ne devra, à mon sens, pas
12:13impacter, évidemment, la DGSE.
12:15La deuxième source de préoccupation, c'est que
12:17l'EDGSE actuel est un proche
12:19du Président de la République, réputé comme tel,
12:21c'est un grand loyaliste, donc il
12:23travaillera avec n'importe quel Premier ministre,
12:25mais la proximité
12:27de facto entre l'EDGSE et le
12:29Président de la République, dans un gouvernement
12:31de pseudo-cohabitation
12:33ou de cohabitation douce, de coexistence
12:35pacifique, il peut y avoir des
12:37questions de circuit, de processus de décision
12:39qui nécessitent des réglages.
12:41Il y a encore une petite inconnue, de ce
12:43point de vue-là, il n'y a eu que deux cohabitations
12:45et à chaque fois, les deux DGSE avaient été
12:47nommés d'un commun accord entre le Président de la République
12:49et le Premier ministre de cohabitation.
12:51Là, ce n'est pas le cas, le Premier ministre héritera
12:53d'un DGSE, même s'il est très républicain,
12:55très loyal, il n'y a pas de sujet là-dessus, mais
12:57à mon avis, il y a des habitudes de travail qui devront être
12:59reprises. Antoine Isambard ?
13:01Là, on a vu de manière immédiate avec les Jeux Olympiques
13:03que les budgets, et notamment alloués
13:05aux services de renseignement, ont été un peu
13:07impactés, parce que les services ont bossé
13:09quasiment à 100% durant l'été,
13:11parce qu'il y a eu beaucoup de primes.
13:13Aujourd'hui, on a déjà certaines missions,
13:15notamment, par exemple, pour la direction
13:17technique à la DGSI, mais à la DGSE,
13:19ça doit être la même chose,
13:21qui manquent un peu d'argent et de financement.
13:23On est sur un calendrier
13:25qui est un peu serré budgétairement. Après, je dirais
13:27que sur l'alternance
13:29politique, aucun homme ou aucune femme
13:31politique a envie de se faire reprocher
13:33de ne pas avoir augmenté un budget
13:35des services de renseignement s'il y a un attentat antiterroriste.
13:37Depuis 2015,
13:39c'est vrai que les budgets ont explosé
13:41et c'est un peu une sorte de garde-fou,
13:43d'ailleurs, qui profite
13:45au contre-espionnage.
13:47Tout le monde profite
13:49du fait qu'on a envie de
13:51lutter contre le terrorisme avec des moyens importants.
13:53Bien sûr, comme pour tout service gouvernemental
13:55qui demande des investissements publics colossaux,
13:57se pose la question de l'efficacité.
13:59Efficacité qui est quand même assez difficile
14:01à mesurer quand il s'agit de la DGSE.
14:03Le film évoque par exemple la neutralisation
14:05de terroristes et donc des attentats
14:07évités, mais cela peut aller jusqu'à
14:09une guerre évitée. L'une des premières
14:11séquences de ce film est
14:13à cet égard très éclairante.
14:15On va la revoir ensemble et on en parle après.
14:17Un missile Scud,
14:19c'est un tube métallique
14:21de 88 cm de diamètre.
14:23Un pipeline
14:25pour le pétrole,
14:27c'est un tube de 80 cm.
14:33Qu'est-ce qui ressemble plus à un tube de 80 cm
14:35qu'un tube de 88 cm ?
14:45On nous disait, regardez là,
14:47dans ce bâtiment-là,
14:49il y a des corps de missiles.
14:51Et en fait, pas du tout.
14:53C'était une usine de tapis.
14:57Alors moi, ce que je comprends avec cet extrait,
14:59c'est que le nom français
15:01à la guerre en Irak, c'est grâce
15:03au renseignement. C'est à ce point-là
15:05l'efficacité de la DGSE ?
15:07Oui, alors là, le terme
15:09intelligence, tel que le qualifient
15:11les anglo-saxons, tel que les
15:13anglo-saxons qualifient le renseignement,
15:15prend tout son sens et
15:17tout son honneur.
15:19Et je trouve, et ça,
15:21on ne le souligne pas assez, mais souvent,
15:23un service de renseignement est facteur
15:25de paix. Et les objectifs d'un service
15:27de renseignement, c'est d'oeuvrer pour la
15:29stabilité du monde. Et c'est très important.
15:31C'est très important. On a
15:33souvent l'impression qu'un service de renseignement, en fait,
15:35est engagé pleinement dans des objectifs
15:37de guerre ou de combat.
15:39Ou d'entrave. Mais souvent, la plupart du temps,
15:41les efforts sont engagés
15:43pour pacifier. Là, c'est une efficacité
15:45redoutable. Moi, je trouve que là, on est
15:47sur l'interprétation de l'image
15:49et du renseignement. Et qu'il faut être
15:51très vigilant dans la manière dont on
15:53interprète les images. Moi, j'aurais
15:55toujours chevillé dans ma mémoire
15:57les armes de destruction
15:59massive qui n'existaient pas.
16:01Et on a pris
16:03pour argent comptant, ça a été
16:05diffusé dans le monde entier,
16:07quelque chose qui n'était pas la réalité.
16:09Donc, je crois que...
16:11Et c'est tout à l'honneur de la DGSE.
16:13Il y a ensuite
16:15l'interprétation de l'image et
16:17il faut relativiser
16:19toujours et se mettre en surplomb.
16:21Est-ce que ce que je vois
16:23est la réalité ou est-ce que c'est
16:25la réalité qu'on veut me faire croire ?
16:27Qui est une réalité ?
16:29– Efficacité rarement mesurable
16:31à ce point-là, quand même. Et du coup,
16:33parfois un peu frustrante, j'imagine, pour les agents de la DGSE.
16:35Là, c'est l'exemple incroyable
16:37de l'efficacité de la DGSE.
16:39Et puis, ce n'est pas tous les jours comme ça, évidemment.
16:41– Il y avait aussi un peu l'aide de la Direction du renseignement militaire,
16:43mais la Direction de la DGSE n'en parle pas.
16:45– C'est bien que vous en parliez.
16:47– La difficulté, en fait,
16:49c'est qu'il y a effectivement
16:51une partie offensive
16:53et une partie défensive.
16:55La partie défensive, on peut communiquer
16:57dessus une fois que
16:59les événements sont stabilisés.
17:01Et ça, finalement,
17:03dans l'exercice de communication des services,
17:05est en train d'advenir de plus en plus.
17:07Y compris dans les mémoires des anciens directeurs des services
17:09de renseignement. Je prends un exemple très ancien,
17:11Claude Silbersan, qui était patron de la DGSE
17:13en 1989, qui est le grand réformateur
17:15avant Bernard Rémier,
17:17a évoqué les missions de médiation
17:19que la DGSE a conduites en Afrique pour éviter des conflits locaux.
17:21Donc tout ça, on peut
17:23en communiquer avec le temps passant.
17:25On peut également communiquer sur le contre-terrorisme,
17:27Antoine Isambard le disait,
17:29et effectivement, le dire combien
17:31de cellules ont été démantelées,
17:33combien de chefs djihadistes
17:35ont été tués, c'est ça la réalité.
17:37Tout ça, ce sont
17:39des éléments qu'on a vus dans nos journaux télévisés
17:41de manière régulière. La question
17:43sur laquelle on a vraiment des difficultés
17:45à savoir si c'est efficace ou pas, c'est normal,
17:47c'est toute la partie offensive, c'est-à-dire
17:49en quoi la DGSE participe-t-elle
17:51à la sécurisation
17:53ou au développement de notre patrimoine économique,
17:55par exemple, c'est-à-dire dans le renseignement économique.
17:57Comment aident-on nos entreprises
17:59à l'export ? On a plutôt
18:01parlé plus, et Antoine le rappelait, des échecs
18:03que des succès, ce qui est normal.
18:05Et puis, dans les matières
18:07qu'Antoine rappelait également sur le cyber
18:09et le contre-espionnage, là, pour le coup, c'est quasiment
18:11impossible de l'évoquer parce que,
18:13en particulier sur le cyber, il y a la question de l'attribution
18:15et que la France a décidé
18:17de ne pas attribuer les attaques et donc de ne pas
18:19revendiquer elle-même des attaques.
18:21Donc, il y a toute une partie sur laquelle il faut
18:23accepter qu'il n'y a pas de communication
18:25et qu'il y ait une relation de confiance
18:27qui se noue entre la DGSE
18:29et le pouvoir exécutif, mais également la délégation
18:31parlementaire au renseignement dans laquelle
18:33siège la sénatrice, et c'est très important
18:35qu'il puisse y avoir ces sénacles de discussion
18:37pour que les services puissent justifier
18:39leurs actions, reconnaître leurs échecs
18:41comme leurs succès, et c'est en cela que les deux
18:43pôles, l'exécutif et la délégation
18:45parlementaire au renseignement, sont si importants
18:47parce que tout n'est pas média.
18:49Mais ça doit être tellement frustrant, parfois, pour les agents, non ?
18:51Dans un crousette, il n'y a pas de communication
18:53sur des réussites, mais qui ne se disent pas,
18:55pour lesquelles on ne peut pas communiquer.
18:57Alors, chacun est dans son couloir de nage.
18:59Moi, je me suis souvent retrouvé projeté
19:01sur des théâtres d'opérations, sachant que
19:03d'autres camarades étaient présents,
19:05mais même, à la limite, si j'en croisais
19:07un dans un avion,
19:09ou je ne sais où, dans un aéroport,
19:11évidemment, hors de question, ni de se parler,
19:13ni de raconter ce que fait l'autre.
19:15D'accord.
19:17Ça peut arriver de croiser un Français sur une zone de guerre
19:19et comprendre qu'il est un petit peu
19:21multimédia, entre guillemets,
19:23mais évidemment, personne
19:25ne se parle.
19:27Maintenant, ce qui est intéressant,
19:29et on le voyait dans le documentaire,
19:31la fierté d'un agent, aussi, c'est de voir
19:33son travail récompensé par une diffusion
19:35auprès des autorités politiques,
19:37à travers ces notes jaunes, ce qu'on appelle aussi
19:39les télégrammes, dans notre jargon.
19:41Et moi, il m'est arrivé
19:43de traîner dans des cabinets mystérieux
19:45et de voir une note jaune avec, effectivement,
19:47un papier que j'avais généré
19:49sur le terrain.
19:51Et ça, c'est une vraie satisfaction personnelle.
19:53Ça vient compenser le fait qu'il n'y ait pas de communication.
19:55Oui, énormément, et même si on se dit
19:57que sur notre production,
19:59il y a un renseignement sur 10
20:01qui est utilisé, en fait,
20:03par le décideur politique,
20:05c'est déjà un succès, et pour le service et pour soi-même.
20:07Et est-ce que, pour que la DGSE
20:09soit efficace, il faut que
20:11le politique suive, évidemment et forcément,
20:13les renseignements donnés
20:15par... Et ce n'est pas le cas
20:17quand le politique ne suit pas
20:19les renseignements, du coup, il y a un problème
20:21d'efficacité ?
20:23Ça dépend de l'appétence du dirigeant. C'est vrai que nous,
20:25dans l'histoire, je dirais qu'on a peut-être plus eu des présidents
20:27qui n'étaient pas des fanas de renseignements,
20:29et Chirac disait notamment que
20:31le renseignement, au mieux,
20:33ça ne sert à rien, au pire,
20:35c'est un lien en merde. Mais on était
20:37à une époque où on sortait aussi
20:39du Rainbow Warrior. Je dirais que
20:41Nicolas Sarkozy avait quand même une appétence
20:43pour le renseignement, avec certaines
20:45déviances qu'on a vues, notamment à la DGSE
20:47sous Bernard Scorsini.
20:49François Hollande a eu une utilisation,
20:51on l'a vu beaucoup, notamment
20:53dans les opérations homo,
20:55et il diligentait
20:57des opérations assez ardues, mais
20:59il n'était pas non plus un fana de
21:01renseignements. Emmanuel Macron,
21:03c'est vraiment l'inverse. On a quelqu'un
21:05qui, je pense, c'est probablement même peut-être plus
21:07que Nicolas Sarkozy, quelqu'un qui aime beaucoup le renseignement,
21:09qui lit... Il y a toute
21:11une sorte de littérature sur les retours
21:13de notes nocturnes d'Emmanuel
21:15Macron. On lui livre
21:17une note à 19h. En fait, tous les soirs,
21:19à 19h, le président reçoit le
21:21bulletin quotidien du renseignement qui agrège
21:23les notes des services. Ça fait à peu près
21:25deux pages, et
21:27très souvent, le lendemain, ça revient
21:29à griffonner avec des annotations
21:31très précises
21:33auprès des agents de renseignement.
21:35Donc c'est quelqu'un qui aime ça, qui a
21:37augmenté les budgets, et qui,
21:39de ce qu'on sait,
21:41suit pour le coup
21:43les préconisations du renseignement. Je dirais peut-être
21:45un bémol sur la Russie, où c'est vrai
21:47qu'il a relancé fortement
21:49en 2019 les liens avec la Russie. Il a voulu
21:51dialoguer avec Poutine.
21:53J'imagine, et je sais qu'il y a eu un débat
21:55dans le renseignement. Beaucoup de personnes disaient
21:57que c'est peut-être un peu chimérique
21:59de penser qu'on va réussir à retourner
22:01ou d'influencer Poutine.
22:03Mais globalement, c'est quelqu'un qui aime le renseignement et qui a
22:05fait confiance aux services.
22:06Intéressant. Ça n'aura échappé à personne,
22:08mais nous traversons une époque extrêmement
22:10tendue sur le plan géopolitique, justement.
22:12Les crises sont multiples, les conflits puissants
22:14sur plusieurs fronts. Est-ce que
22:16la DGSE est dimensionnée
22:18pour y faire face ? Le renseignement
22:20français est-il parfois un peu dépassé ?
22:22On va en parler ensemble. Vous allez me répondre
22:24à cette question. On va d'abord écouter cet intervenant du film.
22:26Une crise surprend toujours,
22:28par définition. Donc on n'est
22:30jamais tout à fait préparé.
22:32Dès qu'une crise survient,
22:34on va dire, l'histoire de la DGSE,
22:36c'est une succession de crises plus ou moins
22:38importantes. Le jour où il n'y a plus de crise,
22:40il n'y a quasiment plus de DGSE.
22:42...
22:44La particularité
22:46des années 2010-2020,
22:48c'est l'accumulation.
22:50C'est la difficulté, pour ne pas dire
22:52l'impossibilité à prioriser.
22:54On ne peut pas dire que le contre-terrorisme
22:56est moins important
22:58que les politiques de puissance,
23:00que la contre-prolifération.
23:02Tout a atteint un niveau
23:04d'intensité très élevé.
23:08Ce qui n'est pas forcément très rassurant à entendre,
23:10alors est-ce que la DGSE
23:12est à la hauteur, est-ce qu'elle peut faire face
23:14aux crises multiples auxquelles nous faisons face
23:16aujourd'hui ?
23:18Elle peut faire face aux menaces
23:20qui concernent la France,
23:22aux intérêts que la France
23:24développe, ça c'est évident.
23:26Elle est calibrée pour répondre à ces deux éléments-là.
23:28Savoir si elle peut
23:30faire face à l'ensemble des crises
23:32et donc apporter un renseignement stratégique
23:34qui permette à la France de conduire une politique
23:36de puissance ou une politique extérieure
23:38efficace, c'est plus compliqué
23:40parce qu'on ne peut pas avoir
23:42une vision panoptique de tout ce qui
23:44se passe sur la planète et donc il y a
23:46des priorisations à apporter. Le président
23:48Macron, par exemple, a beaucoup fixé
23:50sur l'Indo-Pacifique. En fait, c'est
23:52une vraie question de calibrage et donc d'orientation du
23:54renseignement. Et c'est en cela que
23:56votre question précédente est aussi importante.
23:58Si le couple entre l'exécutif
24:00qui oriente le renseignement et les services
24:02de renseignement ne fonctionnent pas de manière
24:04réciproque des orientations
24:06et une remontée d'informations,
24:08on ne pourra pas dire que le service est calibré
24:10parce qu'il ne répondra pas aux attentes des politiques,
24:12il ne répondra pas aux politiques conduites.
24:14Elle ne risque pas d'être dépassée, Gisèle Jourdat,
24:16la DGSE ?
24:18Moi, je ne le poserai pas comme cela
24:20parce que je crois, fondamentalement,
24:22en tout cas nous, en ce qui nous concerne
24:24au niveau du SINA, nous avons
24:26des points de vigilance. Et ces points
24:28de vigilance, nous avons
24:30compris et bien
24:32ressenti qu'il fallait
24:34à certains moments avoir des budgets
24:36liés à l'innovation pour qu'on
24:38puisse avoir, et que la DGSE
24:40ait les armes voulues
24:42pour pouvoir appréhender ces nouvelles
24:44problématiques de collecte
24:46de renseignements, de protection,
24:48etc. Je crois que ça, c'est
24:50quand même un point essentiel. Il y en a
24:52un autre, on a évoqué diverses
24:54dimensions, mais
24:56parlons du terrorisme.
24:58C'est quand même important qu'on ait la DGSE
25:00présente dans toutes les
25:02parties du monde pour voir comment évolue
25:04ce terrorisme. Présente, c'est-à-dire
25:06sous forme d'infiltration ? Tout à fait.
25:08Avec toutes les techniques
25:12qu'elles ont au quotidien,
25:14mais de pouvoir avoir cette
25:16présence et ce suivi. Moi,
25:18j'en parle profondément. Je suis d'un
25:20département où jamais nous n'aurions cru
25:22avoir un attentat terroriste
25:24dans une petite ville de 6 000
25:26habitants qui était trêve, dont
25:28faisant écho aux attentats qu'il y avait
25:30eu à Toulouse et qu'on a
25:32eu par la suite à Paris.
25:34Et ça a frappé, mais ça n'a pas frappé sur
25:36le local. Ça a frappé via
25:38tous les nouveaux
25:40médias, par rapport aux
25:42réseaux informatiques, à tout
25:44un tas de choses. Puisqu'aujourd'hui,
25:46c'est le réseautage qui
25:48marche et je crois que plus que jamais, on
25:50se doit de voir où sont les
25:52sources à l'extérieur.
25:54Et la DGSE me paraît être l'outil le plus
25:56adapté pour être justement
25:58pour répondre à nos
26:00attentes sur ce côté-là. Mais est-ce que c'est le cas ?
26:02Est-ce qu'elle le fait ? Est-ce qu'elle est vraiment présente partout
26:04dans le monde, Vincent Crouzet, la DGSE ?
26:06Ah oui, je pense qu'elle ouvre un spectre assez géographique,
26:08assez global. Après, maintenant, elle est
26:10obligée de s'adapter. La plus belle fille du monde ne peut
26:12donner que ce qu'elle a en termes d'effectifs.
26:14Je pense notamment aux
26:16officiers traitants et au nombre
26:18de postes. Si on a réduit le nombre de postes dans le
26:20monde, on est en train d'en réouvrir.
26:22Moi, je me souviens, j'ai vécu la période
26:24du relâchement sur l'Afrique au
26:26profit des prismes
26:28indo-pacifiques et puis proches
26:30et moyens orientaux.
26:32Ça a laissé la place aux Russes et aux Chinois ?
26:34Pas nécessairement.
26:36Ce n'est pas un effet de bascule aussi
26:38automatique. Mais c'est vrai qu'on a
26:40abaissé notre vigilance sur certaines zones.
26:42Mais on a été obligés dans la mesure où,
26:44effectivement, le pouvoir politique avait
26:46décidé que des priorités géographiques
26:48étaient ailleurs. Géographique et géopolitique
26:50étaient ailleurs. Maintenant, vous savez,
26:52avec un petit poste,
26:54avec un poste avec peu d'éléments,
26:56on peut faire beaucoup aussi en matière
26:58de captation
27:00de renseignements humains. D'ailleurs, c'est un des aspects
27:02que j'ai beaucoup aimé dans le documentaire. C'est la dimension
27:04humaine, en fait,
27:08qui demeure à la DGSE.
27:10Donc, en fait, le service, alors,
27:12effectivement, doit se calibrer, comme le disait
27:14Florent, mais doit s'adapter en permanence
27:16aux menaces du monde. Mais comment on se situe par rapport
27:18aux services de renseignements américains,
27:20russes, israéliens ? Est-ce que
27:22la DGSE est capable d'opérations
27:24comme celles qu'on a pu voir avec les beepers
27:26des membres du Hezbollah, des cadres du Hezbollah
27:28au Liban, ou des trolls russes
27:30qui s'infiltrent et qui interviennent dans des campagnes présidentielles ?
27:32Est-ce que, nous, on a ce niveau-là ?
27:34Nous,
27:36déjà, par rapport à certains services, la DGSE
27:38a à la fois une structure technique
27:40qui fait un peu comme la NSA, et puis
27:42du renseignement humain, donc est capable,
27:44normalement, de tout faire. On a eu
27:46sur le cyber le peu de choses qu'on sait,
27:48notamment sur le développement de
27:50malware par la DGSE.
27:52Elle est capable de le faire et elle a eu des résultats.
27:54Renseignement humain,
27:56ce qui est plutôt le savoir-faire
27:58originel, c'est plutôt bon.
28:00Je dirais qu'aujourd'hui,
28:02les moyens sont là, la compétence
28:04est là, mais... La formation est là ?
28:06La formation est là. Peut-être une des difficultés,
28:08mais ce serait vrai pour d'autres services occidentaux, c'est
28:10que vous n'avez évidemment pas les mêmes règles,
28:12vous êtes une démocratie, donc vous respectez
28:14aussi un cadre que n'ont pas
28:16les Russes, que n'ont pas les Chinois, que n'ont pas
28:18les Coréens du Nord.
28:20Et donc, pour mener des opérations,
28:22la DGSE le dit,
28:24elle mène plutôt des opérations
28:26pas en Chine ou en Russie, mais
28:28plutôt dans des pays périphériques et elle
28:30essaie d'attirer à elle...
28:32Parce qu'encore une fois, il y a un agent de la DGSE
28:34ou américain
28:36qui est pris en Chine ou en Russie,
28:38il peut être exécuté.
28:40En 2010, une dizaine d'espions américains
28:42de la CIA ont été...
28:44ont disparu subitement parce que la Chine
28:46avait débusqué un petit peu leurs moyens
28:48de communication.
28:50Et donc ça, c'est vrai que c'est un peu, je dirais,
28:52une frustration. Moi, dont m'ont fait part
28:54plusieurs agents d'enseignement,
28:56c'est que, par moments,
28:58ils aimeraient aller plus loin.
29:00Et il y a aussi la question, nous, qu'est-ce qu'on est prêts
29:02à assumer démocratiquement en France ?
29:04Qu'est-ce qu'un directeur de la DGSE
29:06peut assumer devant
29:08les citoyens français ?
29:10C'est intéressant, cette question des valeurs qui, peut-être,
29:12nous freinent, même si on les revendique et on les assume,
29:14évidemment, on veut les garder, mais ça ne nous met pas
29:16à jeux égals avec nos adversaires, si je comprends bien.
29:18Oui, et Antoine a raison de rappeler
29:20que la différence fondamentale
29:22entre démocratie et régime autoritaire,
29:24voire dictatoriaux, elle est importante,
29:26parce qu'en Russie, en Chine, vous avez
29:28un appareil d'État qui est sécuritaire.
29:30C'est-à-dire que les services sont
29:32conjointement menés
29:34à l'exercice du pouvoir. Ils sont frappés
29:36de gigantisme, mais ils sont aussi la projection
29:38de puissance. Donc, moi, je trouve que c'est compliqué
29:40de comparer la DGSE avec un service russe
29:42ou chinois.
29:44Les bons services à regarder,
29:46c'est les Américains, mais là encore,
29:48c'est le gigantisme qui fait
29:50qu'on décroche assez rapidement. Mais enfin,
29:52on arrive à tenir la compétition.
29:54Et puis, les services européens.
29:56Le modèle auquel on doit se comparer,
29:58c'est le modèle britannique, parce que c'est un modèle
30:00ancien, performant, très intégré.
30:02Et de fait, je pense qu'on est
30:04largement à hauteur
30:06des britanniques. Et il y a une particularité
30:08israélienne, qui est l'opérationnalité.
30:10Il n'y a pas de service au monde
30:12qui soit capable, comme le Mossad,
30:14de mener des opérations
30:16loin de leur base de distance, ou très
30:18élaborée et très rapide.
30:20Je pense que le Mossad reste, de ce point de vue-là,
30:22le service opérationnel qui fait rêver tout le monde,
30:24mais qui est incomparable. Je rappelle qu'il a été créé
30:26avant même l'État d'Israël. C'est le seul
30:28service de renseignement créé avant l'État.
30:30Et il y a des liens entre ces services-là et les services français ?
30:32On communique ?
30:34On se donne des
30:36tuyaux, des façons de faire ?
30:38On se forme ?
30:40Bien entendu, il y a des synergies évidentes,
30:42comme parfois il y a des concurrences aussi
30:44et redoutables entre services.
30:46Pour revenir juste au sujet précédent,
30:48il ne faut pas être trop angélique non plus.
30:50Un service de renseignement,
30:52c'est pour accomplir
30:54des tâches illégales.
30:56Tous les jours, le DGSE
30:58prend des décisions qui sont parfaitement illégales.
31:00Espionner, c'est illégal. Passer une frontière
31:02sous identité fictive, c'est illégal.
31:04Voler des documents, c'est illégal.
31:06Je ne parle pas du sabotage
31:08et des entraves physiques.
31:10Tous les jours, le service français,
31:12en fait, développe une série
31:14d'opérations qui pourraient être
31:16répréhensibles
31:18moralement, en quelque sorte.
31:20Mais, voilà,
31:22la force
31:24des événements
31:26veut que nous développions
31:28ce type d'action.
31:30Pour conclure, dernier
31:32petit tour de table, vu le contexte actuel,
31:34vous ne diriez pas d'inquiétude
31:36particulière sur le DGSE,
31:38sur les services de renseignement français ?
31:40Moi, je dirais, effectivement,
31:42confiance,
31:44confiance dans
31:46les services, et surtout,
31:48je souhaite rebondir sur quelque chose,
31:50c'est la prise de conscience collective
31:52de la nécessité des services
31:54de renseignement dans
31:56l'époque actuelle que nous vivons.
31:58Je dis que l'ADGSE, aujourd'hui,
32:00nous, personnellement,
32:02je parle de moi-même et de mon
32:04engagement au sein de la délégation
32:06à laquelle j'appartiens, ce sera
32:08toujours pour
32:10faire que les crédits parviennent,
32:12parce qu'il n'est pas le ton
32:14de les voter avec une trajectoire
32:16dans la LEPM, mais il faut bien voir,
32:18j'ai entendu, que c'était pas tout à fait
32:20les crédits n'étaient pas au rendez-vous.
32:22Donc, cette vigilance
32:24qui montre, justement, le lien
32:26de la nation, des parlementaires
32:28aux services de renseignement, et toute la
32:30confiance, donc, dans nos services,
32:32DGSE, notamment.
32:34Pleine confiance, je pense que la maison
32:36est réformée, elle est en
32:38adéquation avec la modernité.
32:40Un point de vigilance, mais qui n'est moins pour le service
32:42que pour l'opinion publique, il faut faire attention de ne pas
32:44trop attendre d'un service de renseignement.
32:46Un service de renseignement, ça n'est pas l'alpha et l'oméga
32:48d'une politique extérieure, ça n'est pas
32:50un bouclier absolument infaillible.
32:52Donc, c'est bien de communiquer sur ces services,
32:54mais, disons-nous, quand même
32:56que ces services ne peuvent pas, à eux seuls,
32:58nous protéger, de la même manière qu'on ne peut pas
33:00accuser l'ADGSE, à elle seule, d'avoir
33:02créé la situation française en Afrique.
33:04Je pense qu'il faut que chacun soit à sa juste place.
33:06Il est important de dire tout le bien
33:08qu'ils font, et il est important aussi de rappeler
33:10qu'ils ne sont pas les seuls acteurs.
33:12Le point de vigilance, c'est
33:14par rapport à ce qui se passe aux Etats-Unis,
33:16avec Donald Trump, par exemple.
33:18Nous, on va avoir une sorte de stress test
33:20si jamais on a un parti
33:22autoritaire
33:24qui est arrivé en France, et qu'il nomme
33:26un directeur général à sa main.
33:28Je dirais que
33:30l'administration, et encore l'ADGSE,
33:32c'est quasiment 7 000 agents, donc c'est puissant.
33:34Il y a des capacités de résistance,
33:36mais il y a aussi un risque
33:38assez grand d'instrumentalisation.
33:40On a vu avec Donald Trump
33:42que les enquêtes du FBI,
33:46ce que pouvait penser la communauté du renseignement,
33:48il ne s'en souciait pas,
33:50et qu'il n'en a pas tenu compte.
33:52Aujourd'hui, ça peut poser un vrai problème
33:54aux Etats-Unis,
33:56de dépendance à l'égard de la Russie.
33:58Je dirais que nous, on verra dans ce cadre-là
34:00comment ça se passe avec un directeur général
34:02qui pourrait être aux ordres
34:04de manière probablement trop subjective
34:06du pouvoir.
34:08Je pense un petit peu au contraire
34:10que la proximité du directeur général
34:12avec le président de la République
34:14est une très bonne chose, parce que quand même
34:16on est sur des sujets régaliens qui permettent
34:18une courroie de transmission extrêmement courte.
34:20J'observe avec
34:22beaucoup de satisfaction la continuité
34:24du travail de ce service
34:26depuis 41 ans, puisque l'année dernière
34:28le GSE a fêté
34:30ses 40 ans.
34:32En revoyant le film,
34:34je me disais qu'à la fois le service n'avait pas
34:36beaucoup changé en matière de méthode,
34:38mais en revanche, c'était énormément
34:40adapté aux crises actuelles
34:42et aux besoins actuels du service.
34:44Et puis surtout, une autre satisfaction,
34:46c'est de voir quand même
34:48l'unité politique
34:50en général autour du service,
34:52comme le disait
34:54Madame la Sénatrice.
34:56Il y a unanimité
34:58de tous les bords politiques, ou presque,
35:00en ce qui concerne le soutien
35:02à son service de renseignement.
35:04Et c'est une bonne chose, vous avez raison.
35:06Merci à tous les quatre d'avoir participé à cette émission.
35:08A retrouver Henri Pley sur notre plateforme
35:10publicsenat.fr, ainsi que le documentaire.
35:12A très vite sur Public Sénat.