L’agriculture française victime du syndrome Nimby
Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
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00:00 - Emmanuel Ducrox, c'est à vous, on continue à parler des agriculteurs.
00:03 Il y a un besoin d'avoir des perspectives, d'être considéré.
00:07 Vraiment ça ressort aussi du message qu'envoient les agriculteurs qui sont sur les barrages.
00:12 Ils en ont marre d'être traités comme des pestiférés dites-vous ?
00:15 - Est-ce que vous savez ce que j'ai fait hier soir ?
00:17 J'ai fait une revue de presse, un tour de la presse régionale,
00:20 comme Olivier Delagarde, mais évidemment beaucoup moins bien.
00:23 Je me suis concentré sur un sujet particulier, celui des poulaillers.
00:27 Et c'est intéressant ce que j'ai trouvé.
00:28 A Plodrenne et à Langoué-Land, dans le Morbihan, à Variscourt, dans l'Aisne,
00:32 à Bressol, dans l'Allier, à Neuvis-autour, dans l'Yonne, à Stenverk ou à Pittgham, dans le Nord,
00:37 et à Empurany, dans l'Ardèche, au cours des cinq dernières années, toujours la même histoire.
00:42 Un projet d'élevage de volailles qui braque la population, les associations de défense des animaux,
00:47 les écologistes locaux, malistes et non exhaustifs, mais c'est toujours le même schéma.
00:52 Pétitions, manifs, contestations des permis de construire au tribunal administratif,
00:56 actions en justice interminables pour torpiller les projets de poulaillers.
01:01 - Les Anglais parlent du syndrome NIMBY.
01:04 - NIMBY, acronyme pour "Not in my backyard", pas dans mon jardin, c'est ce que disent les Anglais.
01:09 Moi je propose de le franciser, je vous propose le syndrome d'Anpi, d'accord, mais pas ici.
01:15 Il est devenu quasiment impossible de construire ou d'agrandir un poulailler en France.
01:19 Ça prend quatre ans, cinq ans de bagarres sans aucune certitude,
01:22 sans compter l'administration qui après tout ce temps peut demander le formulaire X-327-B
01:27 qu'elle n'avait jamais exigé auparavant.
01:28 - Bon, ceci dit, on peut comprendre les gens, ils n'ont pas tous envie d'avoir derrière chez eux une ferme-usine.
01:33 - Ça c'est un argument déraisonnable et parait ceux qui ne résistent pas aux faits.
01:37 Les faits, les voilà.
01:38 La France a les plus petits élevages de volailles de l'Union Européenne.
01:42 Plus de la moitié de nos élevages ont entre 1000 et 10 000 volailles.
01:46 Un élevage moyen en France, c'est 40 000 poulets répartis dans deux hangars,
01:49 c'est trois fois moins que la moyenne européenne.
01:52 60 000 bêtes dans un hangar.
01:54 L'Ukraine, le Brésil, c'est 1 à 2 millions de volailles par élevage.
01:58 La France, c'est le pays du monde où l'élevage de poulets sous label bio ou en plein air est le plus élevé.
02:03 20% de la production, ça, ça n'existe nulle part ailleurs.
02:06 Le poulailler des choix dans Pyrénées, dont je vous parlais tout à l'heure,
02:09 devait accueillir 12 000 à 15 000 poules.
02:11 Ça n'empêche pas les opposants de le qualifier de méga-élevage.
02:14 C'est délirant. On appelle ferme-usine absolument tout et n'importe quoi.
02:18 Tout est relatif, c'est un peu la leçon.
02:20 En tout cas, ça met les agriculteurs à cran.
02:22 Pour cause, ils constatent la dégradation rapide de la filière volaille
02:25 alors que la consommation, elle, croît rapidement.
02:27 On ne veut plus élever les volailles ici, alors on les achète ailleurs.
02:30 En 2020, on importait 40% du poulet consommé chez nous.
02:34 Deux ans plus tard, 2022, 50%.
02:36 Les trois quarts du poulet qui y sont mangés, au restaurant ou dans les cantines,
02:39 viennent du Brésil et d'Ukraine.
02:40 Ils ne sont pas produits, selon nos standards, ni écologiques, ni sanitaires,
02:44 ni de bien-être animal.
02:45 Et c'est ça que nous acceptons de voir manger à nos enfants
02:48 à cause de notre syndrome d'empie.
02:50 D'accord, mais pas ici.
02:52 - La France refuse de payer le prix de ses exigences, Emmanuelle ?
02:55 - Oui, parce que le modèle d'élevage français,
02:57 celui qui est voué aux gémonies,
02:58 ce sont des petits élevages familiaux avec des poulets qui grandissent plus longtemps
03:01 et qui sont en moyenne 20% plus petits que leurs homologues européens.
03:05 Et puis, on ne peut pas faire d'économie d'échelle avec d'aussi petits poulets.
03:08 Les coûts de production sont 5% plus élevés qu'ailleurs en Europe,
03:11 30% par rapport au Brésil.
03:12 Alors, les petits élevages locaux, en théorie, c'est tout bon.
03:15 Mais même ça, les Français n'en veulent pas.
03:17 Ils sont dans l'illusion collective qu'on pourra nourrir 70 millions de Français
03:21 avec des poulaillers de mémés au fond du jardin.
03:23 Et comme, évidemment, ça ne marche pas,
03:26 eh bien, ils donnent à leurs enfants tout ce qu'ils détestent,
03:28 c'est du masochisme volaillé.
03:30 -Signature repeint Emmanuel Ducrox. Merci Emmanuel.