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00:00:00 [Générique]
00:00:07 Bienvenue dans le Big Five.
00:00:09 Cinq invités exceptionnels réunis pour la première fois sur un même plateau
00:00:13 pour vous accompagner dans votre salon et partager avec vous, bien sûr,
00:00:17 les moments les plus forts de leur carrière
00:00:19 et aussi les plus belles anecdotes de leur carrière en Formule 1.
00:00:21 On les a qu'avec beaucoup de bonheur.
00:00:23 Franck Montagny, salut.
00:00:24 Franck, fidèle parmi les fidèles, bien sûr,
00:00:26 dix ans à nos côtés, évidemment, en Canal+
00:00:28 et aussi sept Grands Prix en Formule 1 et pilote d'essai dans les plus belles années Renault.
00:00:31 À vos côtés, Paul Belmondo, deux saisons en Formule 1, sept Grands Prix.
00:00:34 Bienvenue, Paul.
00:00:35 Jacques Villeneuve, qu'on ne présente plus non plus,
00:00:37 à nos côtés depuis dix ans à Canal+
00:00:39 et champion du monde 1997 de Formule 1.
00:00:42 Jean Alési, à ma droite, recordman français du nombre de départs en Formule 1,
00:00:46 201 pour vous, avec une superbe victoire notamment pour Ferrari en 1995
00:00:50 et à vos côtés un quadruple champion du monde
00:00:52 que vous avez coiffé au poteau sur le nombre de départs,
00:00:54 199 pour vous, Alain, mais évidemment quatre titres de champion du monde.
00:00:57 [Rires]
00:00:59 Bienvenue en tout cas, messieurs, j'espère que vous êtes en forme.
00:01:01 On va passer un bon moment pour évoquer votre carrière en Formule 1.
00:01:04 C'était à ces époques-là, les belles photos que nous avons retrouvées.
00:01:07 - Ça c'est qui ? C'est qui ? Je ne sais pas.
00:01:09 - On ne vous les reconnaissait pas ?
00:01:10 [Rires]
00:01:12 On les reconnaît avec des coupes différentes, des visages différents,
00:01:14 mais en tout cas des moments qu'on a envie d'évoquer avec vous.
00:01:16 Alors, Julien Fébraud sera un petit peu avec nous.
00:01:18 Vous avez un point commun, vous avez tous partagé des moments d'antenne avec lui.
00:01:21 Il sera un petit peu avec nous dans cette émission
00:01:23 parce qu'il aura des questions qu'il vous a concoctées.
00:01:25 Et là, il y en a une première pour vous. Jean, on l'écoute.
00:01:27 - Une question pour toi, Jean, qui n'est jamais avare de souvenirs, d'anecdotes partagées.
00:01:33 Est-ce que justement, aujourd'hui, tu ne partagerais pas avec nous une anecdote un peu croustillante,
00:01:38 un petit peu off-record, comme on dit ?
00:01:40 Pourquoi pas au sujet de quelqu'un qui serait autour de toi, sur le plateau ?
00:01:44 Alain Prost, par exemple. Allez Jean, raconte-nous.
00:01:47 - Je ne sais pas par où démarrer.
00:01:49 - Il y en a trop ?
00:01:50 - Je ne sais pas par laquelle démarrer.
00:01:51 [Rires]
00:01:53 - Bon, voilà, prends ton temps. Vas-y, prends ton temps.
00:01:55 - Je ne sais pas, moi, parce qu'Alain a quand même fait pas mal.
00:01:58 - Ouais.
00:01:59 - En fait, beaucoup.
00:02:00 - La première qu'il a...
00:02:01 - Il m'a énervé beaucoup parce que ça finissait jamais les journées avec lui.
00:02:06 Donc, on faisait, bon, bien sûr, beaucoup de tests.
00:02:09 Et le soir, il me dit "Bon, attends, moi, j'arrive".
00:02:12 Donc, j'arrivais dans la voiture et j'attendais, j'attendais.
00:02:15 Et une fois, on était à Silverstone, tu te rappelles ?
00:02:17 - Oui, ça va, je me rappelle.
00:02:18 [Rires]
00:02:19 - On était à Silverstone, il avait fait attendre un petit peu plus que d'habitude.
00:02:22 Et là, j'ai dit "Bon, il va le payer".
00:02:24 - Oui, et quand je suis rentré dans la voiture, j'ai dit "Je suis crevé, tu fais ce que tu veux,
00:02:28 mais tu fais le plus vite possible pour rentrer à l'hôtel".
00:02:30 Et je n'aurais jamais dû le dire.
00:02:31 [Rires]
00:02:32 - Donc, en fait, on était garés contre un grillage.
00:02:34 [Rires]
00:02:35 Et puis, il y avait les chambres de Silverstone qui étaient sans voiture
00:02:39 parce que c'était des essais libres.
00:02:41 - Aïe, aïe, aïe.
00:02:42 - Donc, j'ai mis la première et là, on a traversé tous les chambres et tous les grillages.
00:02:45 [Rires]
00:02:46 - Donc, c'était vraiment un peu chaud.
00:02:48 - Le grillage était coincé sur la voiture.
00:02:51 [Rires]
00:02:52 - Et moi, je... - On a ramené le grillage.
00:02:54 - Et donc, j'ai resté à fond et tout et on a tout arraché.
00:02:56 On a...
00:02:57 À la voiture, on a cru qu'il y avait des T-Rex qui l'avaient mangé, quoi.
00:03:01 Et le problème, c'est que quand on arrive à la sortie, donc,
00:03:05 il y avait la sécurité qui nous attendait.
00:03:07 Et qui... Alors, les Anglais, bien sûr, ni je pouvais dire "J'ai pas vu".
00:03:12 [Rires]
00:03:13 - C'était gros, oui.
00:03:14 - Ni je pouvais dire "J'étais pressé".
00:03:16 - T'as dû quand même essayer.
00:03:17 - Donc, je me tourne vers Alain et je dis...
00:03:19 - Vous êtes tout de suite censé.
00:03:20 - Et lui, il était mort de rire.
00:03:21 Bon, enfin, ils nous ont fait partir et on n'a pas eu de problème.
00:03:24 - Heureusement, c'était vous.
00:03:25 - Voilà.
00:03:26 - Bon, messieurs, pour commencer cette émission,
00:03:29 on va débuter par une thématique concernant les débuts en Formule 1.
00:03:32 On commence par le commencement, bien sûr.
00:03:34 Un petit mot peut-être sur la difficulté, finalement,
00:03:36 pour accéder à la Formule 1 à des époques différentes qui vous concernent.
00:03:40 Alain, je commence avec vous.
00:03:41 Ces premiers moments...
00:03:42 Alors, on ne va pas repartir jusqu'au karting, mais juste avant d'accéder à la Formule 1.
00:03:47 - Non, parce que si on repart au karting, on s'aperçoit, pour tout le monde,
00:03:51 qu'il y a énormément d'épisodes ou de moments où on peut passer complètement...
00:03:55 - Décisifs.
00:03:56 - Décisifs, qu'on passe au travers.
00:03:58 On a des décisions, des moments à prendre.
00:04:00 Par exemple, la première décision, quand je suis à l'armée,
00:04:03 c'était pas prévu que je parte à l'armée pendant mon école de pilotage.
00:04:06 Quand le colonel, je suis dans un régiment semi-disciplinaire en Allemagne,
00:04:12 donc je ne sais pas comment je vais faire.
00:04:14 L'école de pilotage, le championnat de karting.
00:04:17 Et à un moment, on est tous alignés comme ça.
00:04:19 Il dit, est-ce que quelqu'un s'est tapé à la machine ?
00:04:22 Et je ne sais pas pourquoi.
00:04:23 Je me suis dit, à un moment, il faut sortir du confort normal.
00:04:26 Je dis, moi.
00:04:27 Et je me suis retrouvé secrétaire du maréchal des logis, après du capitaine.
00:04:31 - En n'ayant jamais tapé à la machine.
00:04:32 - J'ai fait les...
00:04:33 Et ça, c'est un exemple pour tout ce qui s'est passé après.
00:04:36 Non, mais en un an, j'ai fait...
00:04:38 En un an, en réalité, j'ai eu 180 jours de permission.
00:04:41 Je me suis un peu arrangé moi-même.
00:04:44 Mais ça commence comme ça.
00:04:45 - C'est comme ça, c'est le premier petit déclic.
00:04:46 - Après, le déclic, oui.
00:04:47 C'est quand j'ai gagné tous les championnats, la Formule 3, etc.
00:04:51 Et à la fin de l'année, je n'ai rien.
00:04:54 Parce que la Formule 2, ça coûte très cher.
00:04:56 Et c'est François Guitert qui m'amène dans le voyage des journalistes au Canada, aux Etats-Unis.
00:05:02 Et là, il se passe des contacts.
00:05:05 Guy Ligier, les gens de McLaren, Bernie Ecclestone.
00:05:09 Et que je ne me rappelle plus, il a pris Zunino.
00:05:12 Mais c'était une question de...
00:05:14 On m'a proposé de rouler à Watkins Glen le dernier Grand Prix pour McLaren.
00:05:19 Et j'ai dit non.
00:05:22 C'était incroyable de dire non.
00:05:24 Mais je me suis dit non, je vais me griller.
00:05:26 Je préfère que vous organisez une séance de test.
00:05:29 Et en fin de compte, sincèrement, je ne sais pas ce qui se passe pendant cette période-là.
00:05:34 Mais j'attends trois semaines.
00:05:36 Et je me dis que je suis con.
00:05:37 Je suis regretté à côté du téléphone.
00:05:40 Il y a plein de moments comme ça.
00:05:42 Mais en tout cas, il n'y a pas l'argent.
00:05:45 Il faut aussi un peu de budget.
00:05:47 Il faut aussi un peu des circonstances favorables.
00:05:49 Et il y en a plein comme ça dans une carrière.
00:05:52 Et c'est ça qui est magique.
00:05:55 Mais qui est en même temps très difficile.
00:05:57 Parce qu'il y en a beaucoup qui sont passés aussi à côté.
00:05:59 - Jacques, vous vous souvenez du moment où vous vous êtes retrouvé devant cette feuille,
00:06:02 ce contrat avec le stylo à la main pour signer votre premier contrat F1 ?
00:06:05 - Non, parce que c'était le premier contrat qui avait plus de 50 pages.
00:06:08 - Non ?
00:06:09 - Donc c'est ça. Je me souviens.
00:06:10 Parce que j'avais déjà eu les gros contrats en Formule Indy, Indianapolis.
00:06:15 De toute façon, ce n'était vraiment pas le parcours…
00:06:17 - C'était anecdotique pour vous ?
00:06:18 - Oui, ce n'était pas le parcours habituel.
00:06:20 Parce que je n'ai pas fait de karting.
00:06:21 J'avais commencé en Formule 3.
00:06:22 Puis après, il n'y avait pas les budgets pour monter en 3000.
00:06:24 Donc j'ai débarqué au Japon.
00:06:25 Et du Japon aux Etats-Unis.
00:06:26 Donc là, la F1, ça semblait farfelu.
00:06:28 Ça n'allait pas arriver.
00:06:30 Et ce qui m'a ouvert ensuite la porte à la Formule 1, c'était de gagner Indianapolis.
00:06:34 C'est là où…
00:06:35 Parce que Bernie, à ce moment-là, voulait ramener des noms en Formule 1.
00:06:40 Pour Franck, gagner Indianapolis, ça voulait dire être capable de performer sous pression.
00:06:46 Et c'est comme ça que les dés se sont bien mis en place.
00:06:49 Après, ça a passé par une séance d'essais.
00:06:51 Et apparemment, d'après ce que j'ai compris,
00:06:53 il y a quand même eu des investissements, des garanties qui ont été mises à l'époque
00:06:57 par Bernie et Norman Legault, pour garantir les trois Premiers Grand Prix.
00:07:02 Si Franck trouvait que finalement, ça ne fonctionnait pas.
00:07:04 Et puis finalement, ça s'est bien déroulé.
00:07:06 Mais ça, je ne le savais pas.
00:07:07 Je l'ai appris quelques années plus tard.
00:07:09 - Même si ce n'était pas un objectif, vous y étiez presque un peu prédestiné, attendu peut-être,
00:07:12 avec votre père, Gilles ?
00:07:14 - En ayant grandi en Europe, il n'y avait que la Formule 1 qui existait.
00:07:17 Les Etats-Unis, pas du tout.
00:07:18 Et puis partir au Japon non plus, ça ne faisait pas partie de mes idées.
00:07:24 Donc après, on prend les opportunités quand elles sont là.
00:07:26 L'important, c'est de rouler et de rouler professionnellement aussi.
00:07:29 Et pas juste de se baser sur la F1, parce qu'après, on peut passer à côté d'un paquet d'opportunités.
00:07:36 Moi, ce qui m'avait beaucoup aidé ensuite pour affronter tout le milieu de la conduite,
00:07:41 c'est de faire de la compétition de ski avant, plutôt que du karting.
00:07:45 - Franck, peut-être ce moment où c'est arrivé, la première fois que vous avez su vous monter dans une F1,
00:07:49 est-ce que vous avez un souvenir de qui vous avez appelé en premier ou l'émotion qui vous a parcourue ?
00:07:54 - Je pense que Jacques. Lui, c'était le ski. Moi, c'était les boules.
00:07:56 Vraiment, ça m'a aidé beaucoup.
00:07:58 Non, je ne me rappelle pas de ça. Moi, je n'étais pas prédestiné à rouler en Formule 1 du tout.
00:08:03 J'étais déjà trop vieux. J'avais eu des accidents. J'étais cassé.
00:08:07 Et puis, voilà, ça ne marchait pas.
00:08:08 Moi, si je suis en Formule 1, c'est un peu grâce à Sébastien Bourdet aussi,
00:08:11 parce qu'il a mis un "ouais" total avec Renaud en France et Flavio Briatore.
00:08:16 Et ça l'avait piqué, Flavio.
00:08:17 Donc, il a fait un test pour mettre 4 pilotes qui étaient Romain Dumas, Thiago Montero, moi et Seb.
00:08:24 Et on se retrouve à faire ça, mais pour être 4e pilote d'essai, genre du camping, quoi.
00:08:29 Donc, ça ne rémarrait rien. Mais bon, ça faisait calmer un peu la presse française.
00:08:34 Et puis, j'ai roulé. Ça a marché.
00:08:37 On signait. Après, j'ai tapé le 3e pilote. Donc, j'ai signé un contrat de 3e pilote.
00:08:40 Mais perso, moi, je ne me rappelle jamais avoir signé un contrat.
00:08:43 - Oui.
00:08:44 - Parce que je ne supporte pas le conflit entre le côté "on te veut, mais on va quand même essayer de te ligoter,
00:08:50 on va quand même essayer". Et puis, d'un autre côté, il faut que tu essaies de chercher un bon budget aussi,
00:08:53 d'avoir un peu d'argent. Donc, ça, ce conflit-là, je ne l'aime pas.
00:08:56 Si on veut dans la voiture, on me fait rouler et je roule. Et c'est peut-être pour ça que je n'ai pas beaucoup roulé.
00:09:00 - Et c'était des contrats à la course pour vous, hein, Flank ? Des contrats à la course ?
00:09:04 - Bien sûr, contrat à la course. Quand j'ai roulé en Formule 1, c'était contrat à la course.
00:09:07 L'histoire vraie, au départ, c'est que je devais rouler toute la saison
00:09:11 avec cette écurie de Super Aguri, qui était l'équipe bis Honda.
00:09:15 Et puis, après Honda, ils m'ont dit "non, c'est une mauvaise idée, on ne va pas mettre deux Français,
00:09:18 on va mettre deux pilotes japonais". Donc là, en janvier, j'ai dit au boss de l'équipe,
00:09:21 qui m'appelle et qui me dit "Francky, désolé, on va changer les plans, en fait,
00:09:25 mais je te garde en tant que troisième pilote". Super ! Ça fait trois ans que je fais ça, j'adore.
00:09:30 Et puis, en fait, après, il y a un pilote, Yuji Ide, qui a fait plein de bêtises.
00:09:34 Donc, ils m'ont mis dans l'auto, mais en me prévenant bien, en fait, qu'ils cherchaient vite
00:09:38 un autre Japonais pour me mettre dans l'auto, quoi. Mais c'était cool, hein, j'ai vraiment apprécié ce moment-là.
00:09:43 - Petit flashback, Nürburgring 2006, regardez.
00:09:47 - Alors, je sais bien qu'on ne va pas gagner la course dimanche, mais je vais faire mon premier GP
00:09:51 et très égoïstement, je vais être très content.
00:09:55 - Moi, j'étais aussi au Nürburgring qu'avant.
00:09:59 - Paul, Alain, elle a évoqué les difficultés des débuts, c'est aussi trouver le budget en Formule 1,
00:10:04 parce qu'à toute époque, ça a été une question d'argent aussi.
00:10:08 - Oui, c'était compliqué. C'est vrai que moi, ça arrivait à un moment donné où je ne m'y attendais plus.
00:10:12 Je m'étais complètement enlisé en Formule 3000, ça faisait 5 ans que j'étais là.
00:10:16 Et je pensais que ma carrière allait se terminer au niveau de la Formule 3000.
00:10:20 Et puis un jour, il y a Jean-Paul Libert qui m'a appelé et qui m'a dit, écoute, il y a peut-être une possibilité
00:10:24 pour que tu puisses rouler chez March. J'ai dit, bon, bah oui, c'est sûr.
00:10:28 Donc, voilà, il fallait beaucoup d'argent, beaucoup moins que ce qu'il faut aujourd'hui.
00:10:32 Je crois qu'à l'époque, il fallait 2 millions de dollars pour faire toute la saison. Je ne les avais pas, bien sûr.
00:10:36 Donc, j'ai réussi à trouver la moitié et j'ai signé le contrat en espérant trouver un peu plus.
00:10:41 Et voilà, donc, je me suis retrouvé 15 jours avant le premier Grand Prix qui était en Afrique du Sud,
00:10:46 à rouler à Silverstone par -10. Et mon rêve était quasi accompli.
00:10:52 Ça allait mettre un petit peu plus de temps pour prendre mon premier départ,
00:10:54 mais j'avais réussi à faire ce que je rêvais depuis que j'étais enfant.
00:10:59 - Et vous avez roulé 7 Grands Prix, mais à l'époque, on pouvait se qualifier pour les Grands Prix.
00:11:03 Donc, vous avez 27 engagements en Formule 1, vous avez roulé sur 27 circuits avec des...
00:11:08 Enfin, pas 27 circuits, mais en l'occurrence, 27 fois avec des Formule 1, c'est plus que juste 7 Grands Prix pour vous, Paul.
00:11:12 Une petite question en général à vous tous. Est-ce que vous vous souvenez de la première fois que vous avez fait une séance d'essai
00:11:18 ou le premier départ ? Est-ce que vous aviez un trac, un stress, voire peur ? Jean ?
00:11:24 - Disons que moi, j'ai fait un tête-à-queue dans le tour de chauffe. Donc, d'entrée de jeu,
00:11:30 parce qu'en fait, je devais remplacer Alboréto, j'avais signé pour faire seulement une course.
00:11:36 Et je savais que c'était la chance de ma vie. Donc, quand je suis sorti des stands, j'ai pas bouclé un tour.
00:11:43 J'ai fait un 360 et j'avais rien touché. À l'époque, il n'y avait pas toute la télémétrie, donc j'avais rien dit.
00:11:49 Et puis déjà, déjà, Gerhard Berger est allé voir Kent Tyrrell en lui disant "Qui c'est qui conduisait la voiture ? Il a fait un tête-à-queue devant moi."
00:11:56 - Il a balancé. Il a balancé ses moches.
00:12:00 - Les émotions, justement, qui vous ont parcouru le corps sur ce premier rendez-vous, est-ce que c'était plein de pression, plein d'espoir ?
00:12:06 Qu'est-ce qui vous a animé, Jacques ?
00:12:08 - De la pression, oui. Par contre, la différence des autres pilotes ici, c'est que je commençais avec Williams,
00:12:15 qui était quand même la meilleure équipe voiture de l'époque. On avait fait des millions de kilomètres d'essai.
00:12:20 Et je partais en pôle. Donc, clairement, c'est... - Oui, c'était un bon début.
00:12:24 - C'était un bon début, mais c'est pas tout à fait la même pression que de se dire "OK, je pars derrière, je vais encore construire ma voiture,
00:12:29 je dois prouver que je mérite ma place en Formule 1". J'y arrivais après avoir gagné le championnat d'Indycar,
00:12:33 après avoir gagné les 500 000 d'Indianapolis. Donc il y avait un bagage qui était différent que d'arriver en ayant gagné la Formule 3, la 3 000.
00:12:41 Et ça, ça m'a permis de bien gérer la pression ce jour-là.
00:12:46 - Un petit mot sur les contrats que vous avez pu signer, justement, en Formule 1.
00:12:50 Est-ce qu'il y a, je sais pas, une petite clause un peu folle que vous auriez demandé, par exemple, à ceux qui vous faisaient signer le contrat ?
00:12:56 - Non, pas vous. - Moi ? Alain ?
00:12:59 - Non, non, vous demandez... - Les clauses.
00:13:01 - Non, mais sincèrement, quand on signe un contrat, moi, je me rappelle le premier contrat que j'ai signé.
00:13:06 Vous pouvez rien demander, sincèrement. Vous avez un papier, vous le signez.
00:13:09 - Oui, on est déjà bien contents de le signer. - On est déjà bien contents de le signer.
00:13:12 Après, tous les contrats, moi, j'ai eu plutôt des clauses, par exemple, de ne pas faire de sport dangereux, même pas de ski.
00:13:17 Toutes les clauses comme ça, je les ai jamais respectées. - Mais vous les avez signées quand même.
00:13:21 - Je les ai signées quand même. J'avais un contrat très dur chez McLaren. Et je m'en rappelle, c'est une anecdote,
00:13:26 mais c'était un peu l'époque où on faisait beaucoup de choses de ce style-là, pour rigoler.
00:13:32 Je voulais faire du parapente. Et bien entendu, donc j'étais à Méribel, et j'avais un copain qui était prof de parapente.
00:13:39 Il me dit « Tiens, on va faire en double ». Et on remonte là-haut, il me dit « Non, attends, en double, fais chier. Fais-moi voir comment on fait ».
00:13:47 Et il y avait un copain photographe qui était là. Je lui dis « Tu fais les photos ». Donc j'ai pris le parapente.
00:13:53 Il a fait des photos de moi en parapente, que j'ai toujours. Elles sont très connues, ces photos. Il a développé les photos.
00:13:59 J'ai fait une enveloppe avec les photos dedans, avec comme une lettre, comme un corbeau. J'ai poussé le truc en découpant des trucs dans les journaux,
00:14:11 en disant directement à Ron Dennis « Regardez ce que votre pilote fait, c'est pas supportable, etc. » et je lui ai envoyé.
00:14:19 – Une petite provocation.
00:14:20 – Et le grand prix d'après, c'était que je ne me souviens plus où on était, et Ron arrive avec le truc, il avait un sourire comme ça,
00:14:27 il dit « Regarde ce qu'on m'a envoyé ». Alors je dis « Putain de merde, excuse-moi ». Voilà, bon, c'était un peu…
00:14:31 – Mais c'est passé.
00:14:32 – Ouais, non, on n'avait pas de problème. Mais c'est vrai qu'il y a eu dans l'histoire les accidents de Patrick Depayet, etc.
00:14:37 et d'autres, même François Sévert, je crois, à l'époque s'était cassé la cheville, il me semble, au ski, et en deltaplane, Patrick.
00:14:44 C'est vrai que ça calmait un peu les… Plus les investissements ont été, bien sûr, élevés, plus les restrictions étaient…
00:14:51 – Est-ce qu'à votre époque, vous aviez une vraie discussion entre pilotes de différentes écuries pour connaître un peu les contrats, ce qu'il fallait signer ?
00:14:58 – Oui.
00:14:59 – Moi, je me rappelle quand je suis arrivé, juste le fait de dire « Oui, mais… » ça me faisait déjà trembler.
00:15:04 Je sais pas ce que je disais, personne ne se parle dans le paddock, en fait, on ne discutait pas de ce qu'on pouvait obtenir,
00:15:09 du montant des salaires, des choses. Donc on y allait un peu à l'aveugle.
00:15:12 – Tout à l'heure, ouais.
00:15:13 – Et puis, si on donnait 500 euros, on était contents.
00:15:15 – Bien sûr.
00:15:16 – Peut-être que la valeur, c'était 5 millions, je ne sais pas.
00:15:18 – Tout à l'heure, on parlait du premier Grand Prix, moi, je me rappelle le premier Grand Prix, et si il y a un souvenir,
00:15:23 c'est pas dans la voiture, c'est en dehors de la voiture. C'est-à-dire que tous les pilotes venaient.
00:15:27 Je me rappelle, enfin, de ton papa, enfin, de tous les anciens, Fittipaldi, Regazzoni, Schecter, etc.
00:15:32 Tout le monde venait vers moi, enfin, vers les jeunes, en disant « Si tu as besoin de quelque chose, d'un conseil, etc. »
00:15:38 – Ah bah, ça n'a pas changé.
00:15:39 – Ça, ça a bien changé. Et déjà en 82, quand il y a eu la grève à Kyalami, on a fait vraiment la grève,
00:15:45 c'était pour des histoires de contrats et notamment de superlicences.
00:15:49 Parce qu'en fin de compte, qu'est-ce qu'ils voulaient faire à l'époque ?
00:15:51 Ils voulaient qu'on signe les superlicences, être encadrés non pas par les équipes, mais par la fédération.
00:15:56 Et avec un côté commercial aussi, en même temps.
00:15:59 On était pieds-poing liés.
00:16:01 Et ils auraient pu dire, en exagérant, « Toi, tu vas chez Ferrari, toi, tu vas chez McLaren. »
00:16:06 – « Elles appartiennent à… »
00:16:07 – Voilà, il n'y en avait plus du tout de contrôle.
00:16:08 Donc on parlait, et on a… Pour la sécurité, il était bien sûr, à l'époque, Jackie Stewart, Didier,
00:16:15 Pironi a fait beaucoup, moi je pense avoir fait beaucoup aussi à l'époque de Balestre.
00:16:19 Tout le monde était impliqué là-dedans et on se parlait beaucoup.
00:16:22 Donc on se parlait aussi des contrats.
00:16:24 Je ne dis pas qu'on savait tout sur les contrats, mais…
00:16:26 – Non, mais tu étais un peu aidé.
00:16:27 – Oui, oui.
00:16:28 – Ce n'était pas un pilote contre une industrie.
00:16:30 – Mais on ne cherchait pas d'avantages.
00:16:31 On cherchait surtout à se protéger un petit peu.
00:16:33 – À être propre.
00:16:34 – Voilà, c'était propre.
00:16:35 – Jean, vous, il y avait une petite clause dans votre contrat, une F40 peut-être ?
00:16:38 – Oui.
00:16:39 – C'était une belle demande, ça.
00:16:41 Ça se faisait aussi parfois, une F40 peut-être, ou une Formule 1 ?
00:16:45 – Une F40, ou une voiture de Grand Prix, enfin…
00:16:47 – Tu as tous une voiture à la maison.
00:16:49 – Chacun, c'est…
00:16:50 – Mais c'est vrai ce qu'Alain vient d'expliquer, c'est-à-dire qu'on se parlait un peu tous.
00:16:55 Moi, je me rappelle quand je suis rentré chez Ferrari,
00:16:58 Mansell, parce que j'avais aussi un contrat avec Williams,
00:17:01 où je ne suis pas allé d'ailleurs, mais…
00:17:04 – C'est bien.
00:17:06 – Alain, Nigel parlait avec moi, me disant, écoute, voilà,
00:17:11 moi, je vais essayer de prendre ta place.
00:17:13 Et on savait plus ou moins ce qui allait se passer.
00:17:18 Sans être méchant, mais celui qui a changé un peu toutes les cartes,
00:17:21 c'est l'arrivée de Michael Schumacher.
00:17:23 – D'accord, c'est dit.
00:17:25 Jacques, une petite demande particulière ?
00:17:27 – Moi, je me suis toujours battu pour avoir le droit de skier.
00:17:30 C'était marqué dans mon contrat, parce que, comme j'expliquais,
00:17:33 c'est comme faire du vélo, j'ai le droit de faire du vélo,
00:17:35 donc j'ai le droit d'ailleurs, plus d'accidents en vélo, non, je crois ?
00:17:37 – Oui, certainement.
00:17:38 – Et donc j'avais le droit de skier.
00:17:40 – Mais pas de demande folle, une voiture, une F1 ?
00:17:42 – Non, j'ai eu la Williams 97 avec le championnat,
00:17:46 mais ça se limitait à ça, non, tant que j'avais mes sous et le droit de skier,
00:17:49 j'étais très content.
00:17:50 – Vous avez toujours vos autos ?
00:17:51 – Hein ?
00:17:52 – T'as toujours ta Williams ?
00:17:53 – Non, parce que ça faisait des années qu'elle pourrissait dans un garage.
00:17:56 – Non, mais j'ai une Tyrell, ma première Tyrell.
00:17:59 – Celle avec les ailes de boîte, là ?
00:18:00 – Oui.
00:18:01 – Elle était superbe.
00:18:02 Je crois que je me rappelle encore de toi au Grand Prix du Castellet,
00:18:04 quand tu roulais avec ça.
00:18:06 – Sympa.
00:18:07 – On évoque, messieurs, les victoires et les échecs maintenant
00:18:10 de vos carrières en Formule 1, celles qui forgent finalement une carrière en F1.
00:18:14 – Moi, victoire, on va passer vite.
00:18:16 – Ça va, on va gagner du temps, là.
00:18:17 – Vous savez, chacun ses victoires, c'est pas forcément monter
00:18:19 sur la plus haute marche du podium, mais on va en parler justement.
00:18:22 En tout cas, gagner, perdre, rater, les plus grands regrets
00:18:24 que vous pourriez avoir dans vos carrières.
00:18:26 Alain, évidemment, les victoires, les titres, bien sûr,
00:18:30 on va commencer par le plus beau, par les victoires,
00:18:32 même si les échecs forgent encore une fois les carrières.
00:18:34 – On a toujours plus d'échecs, même en proportion,
00:18:36 on a toujours plus d'échecs que de victoires.
00:18:38 – Oui, par définition, bien sûr.
00:18:39 – C'est un métier de frustré, c'est sûr.
00:18:42 51 victoires, la première, c'était en 1981 à Dijon.
00:18:45 Est-ce que c'est celle-là qui marque le plus une carrière ?
00:18:47 Ou finalement, c'est, sans parler de titre, mais de victoire ?
00:18:50 – Non, non, c'est pas celle-là qui me revient régulièrement à l'esprit.
00:18:56 Non, non, c'est celle qui est un peu le déclic, il faut gagner une première fois.
00:19:00 C'était une course en deux temps, donc c'était encore un peu différent.
00:19:04 Non, non, il y a eu des victoires, bien sûr, je me rappelle
00:19:07 de certaines très, très belles victoires, comme Monaco 86,
00:19:10 le Grand Prix du Mexique 90 avec la Ferrari,
00:19:15 qui était certainement la plus incroyable,
00:19:18 la plus aboutie aussi sur le plan pilotage et réglage de voiture.
00:19:22 Ça, c'était mon truc, c'est là où j'ai le plus de plaisir.
00:19:25 Après, c'est la globalité, c'est sûr que c'est difficile.
00:19:28 Le titre de 86 aussi est bien plus beau pour moi que les autres,
00:19:33 parce que c'est celui que j'ai obtenu avec la cohésion de l'équipe.
00:19:37 Et on avait une voiture, bien sûr, un peu inférieure au Williams cette année-là,
00:19:41 donc ils l'ont perdu aussi parce qu'ils ne s'entendaient pas non plus très bien les pilotes.
00:19:46 C'est là où on voit que ce soit la course d'hier ou d'aujourd'hui ou de demain,
00:19:50 il faudrait toujours la bonne voiture, la bonne cohésion des pilotes,
00:19:54 le bon management, le budget nécessaire.
00:19:57 Mais quand il y a un élément qui n'est pas là, on ne gagne pas.
00:20:01 Donc en 86, on n'avait pas tout et on a réussi à gagner.
00:20:05 Et Keke, d'ailleurs, à l'époque, en tant qu'équipier,
00:20:08 a joué un rôle pas déterminant, mais important aussi dans l'ambiance.
00:20:13 La dernière course, c'était prévu avec lui qu'il fasse le Lièvre.
00:20:16 À l'époque, on avait quand même le boost, donc la pression de turbo un peu supplémentaire.
00:20:21 Lui, il n'aurait pas terminé la course de toute façon avec les freins.
00:20:24 Donc voilà, c'est ce qui fait la beauté de ce sport.
00:20:27 Et malheureusement, on ne sait pas toujours tout ça dans le détail à l'extérieur.
00:20:32 - C'est pour ça que vous êtes là pour le raconter aujourd'hui.
00:20:35 - Oui, c'est vrai que si j'avais un jour un livre à faire,
00:20:38 je raconterais toutes ces choses-là sur des anecdotes précises.
00:20:41 - Ou un documentaire, par exemple.
00:20:43 - Voilà, un documentaire, je suis en train de le faire,
00:20:47 mais c'est beaucoup plus compliqué quand on s'aperçoit qu'il faut quand même rester dans le sens large.
00:20:52 Mais ça, c'est intéressant.
00:20:54 Et ce n'est pas évident d'avoir une bête victoire ou une bête saison
00:20:58 ou un beau championnat complètement abouti.
00:21:01 Ce n'est pas évident.
00:21:03 - Première saison en Formule 1, première victoire déjà en 1996 au Nürburgring.
00:21:07 Un souvenir ému ou encore une fois, comme Alain, peut-être pas la plus marquante.
00:21:11 Il y a même des pilotes qui ont oublié leur première victoire.
00:21:14 - Pas la plus marquante, mais très importante parce que j'avais Michael collé dans les fesses toute la course.
00:21:21 Et c'est aussi que depuis le début de la saison, à part Melbourne,
00:21:24 qui est une piste qui m'allait bien, où j'étais compétitif,
00:21:27 les deux Grands Prix suivants, Diamond me collait une seconde en qualif à chaque fois.
00:21:30 Donc c'était compliqué.
00:21:32 Et il faut souvent cette première victoire, le déclenchement,
00:21:34 pour qu'après tout commence à mieux fonctionner.
00:21:37 Et ça a énormément aidé à ça.
00:21:39 Et donc, première victoire, c'était en Allemagne.
00:21:40 Et ma dernière aussi.
00:21:41 Donc c'était une piste importante.
00:21:43 Pourtant, c'est une piste que je détestais, où je n'étais pas rapide.
00:21:45 Et c'est surprenant parfois, comme on peut avoir des bonnes surprises sur des mauvaises pistes.
00:21:51 Non, la victoire qui m'a marqué, c'est plus celle à Estoril en 1996.
00:21:56 Parce que c'est celle qui a permis de garder le championnat en vie jusqu'à la dernière course.
00:22:00 Et aussi parce que c'était après un combat contre Michael,
00:22:04 avec un dépassement par l'extérieur, qui n'était pas supposé arriver.
00:22:07 Donc c'est plus ces moments-là qui marquent que la victoire elle-même.
00:22:10 J'ai plus de souvenirs de Tour de Paule que de victoire.
00:22:14 - Et quand on regarde finalement ce qui se passe autour de nous,
00:22:16 avant les premières victoires, ou même si elles n'arrivent pas, ces premières victoires,
00:22:19 est-ce qu'on a en admiration, vous avez évoqué tout à l'heure,
00:22:21 Michael Schumacher, que vous avez tous plus ou moins côtoyé,
00:22:24 est-ce que c'est quelque chose qui inspire, est-ce que c'est quelque chose qui énerve, qui irrite ?
00:22:28 Est-ce que c'est un modèle, Paul ?
00:22:31 - Non, en fait, moi je me souviens que quand je roulais en Formule 1,
00:22:35 j'étais dans mon groupe de pilotes, en fait.
00:22:39 Ma course, elle était face à ceux qui devaient se qualifier.
00:22:42 Il n'y avait que ça, les autres, ils étaient hors de portée, ils étaient très très loin.
00:22:45 On se voyait avec Jean, mais ils étaient à des années-lumières devant.
00:22:49 Donc pour moi, mon ensemble de la Formule 1, c'était ces pilotes-là.
00:22:53 Et le but, c'était d'être 26e le samedi après-midi et après,
00:22:57 de faire le mieux possible pendant la course.
00:22:59 Mais on savait qu'il y avait une limite qu'on ne pouvait pas atteindre avec les voitures qu'on avait.
00:23:02 Donc on était dans ce monde-là.
00:23:04 Alors bien sûr, je me souviens quand Mansell est champion du monde en Hongrie.
00:23:10 Voilà, donc je me souviens de lui, je me souviens de ce tour d'honneur qu'il a fait,
00:23:13 de l'avoir salué, de me dire, bon voilà, c'est incroyable, il est déjà champion du monde.
00:23:17 La saison n'est même pas terminée, qu'il était déjà champion du monde.
00:23:19 Donc c'était juste incroyable.
00:23:21 Mais c'est vrai que j'avais de l'admiration pour ces pilotes-là, pour Ayrton bien sûr aussi.
00:23:27 Mais ils étaient tellement loin de nous que non, c'était ceux qui étaient autour de moi,
00:23:32 où j'avais ma concentration.
00:23:34 - Mais s'ils se retrouvaient en piste, Franck, en même temps qu'eux,
00:23:36 que ces grands champions, où l'est contre ces hommes-là ?
00:23:39 - Alors très sincèrement, c'est plutôt pénible.
00:23:42 - Non mais donc ça peut énerver, c'est vrai ?
00:23:44 - Moi, je voulais dans la Renault avec Alonso pendant 3 ans.
00:23:48 Il est champion du monde, mais bon, j'ai fait quand même 70 000 km dans l'auto,
00:23:52 donc ça fait un peu des bornes.
00:23:54 Des fois, il est plus vite, des fois, je suis plus vite.
00:23:56 Enfin bref, on n'est pas à 2 secondes d'écart, il y a 2, 3, 10.
00:23:59 Quand vous vous retrouvez dans une auto qui est 4, 5 secondes moins vite,
00:24:02 et que déjà au 6e ou 10e tour, vous mettez les drapeaux bleus
00:24:05 et vous voyez votre ancienne voiture, vous arrivez dans les rétro,
00:24:08 ça fatigue un petit peu en fait à un moment de grosse gare.
00:24:10 Votre ingénieur, il vous gueule dessus parce que vous perdez trop de temps
00:24:12 à laisser passer les autres.
00:24:14 Mais il n'y a pas de course.
00:24:15 Comme il dit, on est là pour essayer de faire 16e, 15e, 14e, s'il y a une casse.
00:24:19 Et puis voilà.
00:24:20 Mais si on n'est pas présent à ce moment-là, c'est sûr qu'il n'y a pas de suite.
00:24:24 Donc il faut obligatoirement passer par cette case-là.
00:24:26 Et avec Paul, ce qui nous a manqué, c'est le déclic de la première victoire, c'est tout.
00:24:29 - Oui.
00:24:30 Celui qui compte.
00:24:33 Pour reparler justement de ces hommes qui étaient victorieux à ces moments-là,
00:24:37 encore une fois, vous avez tous couru, tous les 2, notamment contre Schumacher,
00:24:41 un souvenir peut-être de cette époque-là, de cette rivalité-là, de ce que vous partagez ?
00:24:47 - Moi honnêtement, j'ai été plus impressionné par les pilotes
00:24:51 quand je suis rentré en Formule 1.
00:24:53 Michael n'était pas là.
00:24:54 Nelson Piquet, Alain, Nigel Mansell, des garçons qui pour moi étaient mes idoles.
00:25:03 - Les idoles, oui.
00:25:04 - Au Sénat, bien sûr.
00:25:05 Ils avaient tous un caractère très différent.
00:25:09 Et la chance que j'ai eue, c'est qu'au bout d'un an, j'étais avec Alain en tant que coéquipier.
00:25:15 Donc pour moi, c'était génial parce que je me suis dit, bon, mais finalement,
00:25:19 parce qu'on part toujours dans des rêves de mystère, il fait comment pour aller plus vite,
00:25:24 comment il règle sa voiture, donc du coup, en plus, Alain, c'est le seul pilote que je connais au monde
00:25:31 qui ne cache rien.
00:25:33 Parce qu'il est tellement spécial quand il conduit que même si vous êtes là,
00:25:36 vous n'arrivez pas à conduire comme il fait.
00:25:38 Donc, mais c'était des indications, c'était des, comment je pourrais dire, des directions à prendre et à essayer.
00:25:47 Et je me rappelle très, très bien, quand j'arrivais de chez Tyrel, j'étais très vite sur un tour.
00:25:53 Je me dis, bon, Alain, tu vas voir comment je vais le calmer, là.
00:25:56 Et je n'ai jamais réussi à le cacher un calife, surtout qu'à l'époque, on avait des pneus de calife.
00:26:02 Donc, pneu de calife, ça voulait dire nos limites, quoi.
00:26:06 Et je n'arrivais pas à le battre. Je m'énervais, quoi.
00:26:08 - Au début de la saison, il m'avait dit, tu vas voir, parce qu'on rigolait quand même bien,
00:26:12 on était très cool, il me dit, tu vas voir, en calife, tu vas voir, je vais te mettre la misère.
00:26:19 Je dis, écoute, à chaque fois que je serai devant toi en calife, tu te rappelles,
00:26:23 je te montrerai mon nez parce qu'il se moquait toujours de mon nez.
00:26:26 Donc, je sortais de la voiture et devant tout le monde, les ingénieurs savaient ça.
00:26:29 Et donc, ils attendaient que je fasse le signe du nez.
00:26:32 Et c'est vrai que ça décontractait beaucoup l'ambiance.
00:26:37 - Vous l'avez vu arriver, Michael Schumacher, c'était la fin de votre carrière, le début de la sienne.
00:26:42 Vous avez vu arriver ce jeune ?
00:26:43 - Je crois qu'il est arrivé pendant mon année sabbatique, je ne me rappelle plus très bien.
00:26:46 Enfin, il y a eu une année. Et puis après, j'ai couru avec lui en 92 et 93.
00:26:53 93 estory, où il gagne et je fais deuxième.
00:26:56 J'ai vu la largeur de la voiture de Schumacher. Il avait les roues comme baignures, tu sais, qui s'élargissent.
00:27:04 Il a été capable de tout. Mais bon, moi, je jouais mon championnat.
00:27:07 Mais oui, c'était quelqu'un de... Bon, après, moi, je n'ai jamais eu trop de gros problèmes.
00:27:12 Mais on sentait qu'il y avait quand même... J'avais connu Senna.
00:27:18 Je connaissais Senna aussi en même temps. Donc, Senna, Schumacher, ça faisait beaucoup.
00:27:22 C'est marrant parce que quand je vois le podium, on est tous les trois ensemble en Espagne.
00:27:26 C'est quand même... Voilà, oui, c'est même des gens qui ont gagné ou j'ai gagné contre eux.
00:27:32 C'est toujours historiquement quelque chose d'assez incroyable.
00:27:36 Chacun a son style. Après, sincèrement, moi, j'étais avec Senna. Je n'ai pas été avec Schumacher.
00:27:41 Je n'aurais pas aimé être avec Michael dans une équipe, en tout cas, ça, c'est sûr.
00:27:44 - C'est ça que nous entend le rap.
00:27:45 - Mais avec Niki, avec d'autres pilotes, même avec Jean pour les réglages.
00:27:49 Enfin, tout était... Même Ayrton, tout était sur une table. Il n'y avait pas de problème.
00:27:54 Par contre, sur la piste, chacun voit les choses différemment.
00:27:58 - Vous les voyez comment, vous, Jacques, sur la piste avec Michael Schumacher ?
00:28:01 - En fait, on était très rarement sur la piste ou dans le combat ensemble.
00:28:07 Ça s'était arrivé deux fois en 96. J'étais très content parce que les deux fois, je les ai doublés.
00:28:12 Donc, ça, c'était génial. Et en 97, on s'est retrouvés sur la piste une seule fois.
00:28:16 Et c'est lors du dernier Grand Prix.
00:28:19 Donc, on a passé la saison à ne pas se battre, ce qui était quelque chose de très étrange.
00:28:24 - Donc, pas si coriace, alors ? Enfin, moi aussi, pour le faire.
00:28:26 - Si, très, très coriace, très, très coriace. Mais ça, on le savait parce qu'il avait déjà,
00:28:31 avec Damon, tâté le sujet, le territoire. Donc, on savait comment il allait gagner ces championnats.
00:28:39 Et le but, c'était de mettre de la pression pour le pousser à la faute.
00:28:42 Donc, la pression, ça a commencé un mois avant, apparemment, avec les journaux,
00:28:46 en vraiment expliquant tout ce qui s'était passé, à tel point que la FIA, avant la course,
00:28:49 elle a dit que s'il y a une action de la sorte, il y aura une grosse pénalité.
00:28:52 Et quand il a essayé de me sortir, il s'est loupé.
00:28:54 Donc, sans cette pression-là mise au préalable dans les médias,
00:28:58 je pense que ça serait passé très différemment.
00:29:01 Mais on parlait des pilotes avec qui on a roulé. J'ai eu beaucoup de chance parce que j'ai grandi
00:29:04 dans les padocs avec mon père. J'ai connu les pilotes des années 70 jusqu'à ce que je roule.
00:29:09 Et ma première année en Formule Indie, j'ai eu la chance de rouler avec Mansell,
00:29:14 Emerson Fittipaldi et Mario Andretti, tous dans la même saison,
00:29:17 ce qui était quelque chose d'hallucinant.
00:29:20 Et puis, après, j'ai roulé avec tout le monde ici.
00:29:23 Toi et Alain sur la glace, donc c'était pas en F1, mais quand même, on a quand même réussi à...
00:29:27 Un moment ou un autre, c'est quand même génial parce que c'est un paquet de générations,
00:29:31 des héros en grandissant. Et après, d'être capable de se battre sur la piste contre eux,
00:29:35 c'était génial. Et c'était aussi de voir toute cette génération-là, jusqu'à Alain,
00:29:40 peut-être jusqu'à nous aussi, où il y avait un respect entre les pilotes
00:29:42 qui était quelque chose d'hallucinant.
00:29:45 Quand on arrivait, nous, en jeunes pilotes, on regardait ces grands messieurs
00:29:49 avec énormément de respect, de la même manière qu'on respectait nos profs à l'école,
00:29:53 et ainsi de suite. Il y avait un peu cet esprit-là.
00:29:56 Et ils n'étaient pas en train d'essayer de nous écraser parce qu'ils savaient
00:29:58 qu'on avait beaucoup de chemin à faire. Mais c'était une époque aussi
00:30:02 où piloter était très dangereux. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'il n'y a pas ce respect lent.
00:30:09 - Donc oui, voilà, ce respect venait de là, finalement, de la mise en danger de sa vie.
00:30:13 - D'être capable d'aller chercher le plaisir à aller repousser ce risque
00:30:17 et d'être capable de jongler avec ce risque.
00:30:19 - Oui, ça faisait une philosophie de vie qui était vraiment différente.
00:30:21 Ça, c'est une réalité. Franck, on parle des victoires individuelles, là.
00:30:25 Bon, avec l'équipe, bien sûr, derrière, mais il y a aussi des victoires collectives.
00:30:28 Julien Fébroua, une petite question pour vous.
00:30:30 - C'est parti, mon Juju. - Mon Francky, une question pour toi.
00:30:33 Toi qui as été pilote et mérite de développement de l'équipe Renault
00:30:36 à la grande époque des titres mondiaux de 2005 et 2006, tu peux nous le dire maintenant.
00:30:40 Il y a prescription. C'était quoi le truc de cette voiture ?
00:30:43 Qu'est-ce qui fait qu'elle est allée si vite ? Au-delà, évidemment, de tes compétences pour la développer.
00:30:47 - Je travaillais avec l'hypnomatique, mon Juju. Cette année-là, en fait, c'était juste dingue
00:30:51 parce que c'était toujours la même opération. On rentrait d'une course,
00:30:55 on allait trois jours sur un circuit. La première demi-journée, on travaillait sur la voiture.
00:30:59 Donc ça veut dire que les ingénieurs avaient le droit d'apporter
00:31:01 nouveaux moteurs, nouveaux ailerons, nouvelles pièces, nouveaux amortisseurs, une demi-journée.
00:31:04 Le reste des 2 jours et demi était consacré uniquement et seulement aux pneumatiques.
00:31:09 On avait 3 semi-remorques foules de pneumatiques qui étaient adaptées à notre voiture.
00:31:13 - Quel bonheur ! - Il y avait Michelin et Bridgestone.
00:31:15 Bonheur pour le roulage, malheur pour le... - Ouais !
00:31:18 - Et c'est vrai que ça, c'était dingue parce que le Renault marchait incroyablement bien.
00:31:23 On était en tête pour se battre avec la Ferrari.
00:31:25 Et forcément, on avait tous les ingénieurs de Michelin pour nous.
00:31:29 Et moi, en tant que pilote de développement, j'ai récolté tout ça.
00:31:32 C'était un vrai kiff parce que Michelin, français, moi, français,
00:31:37 ça tisse forcément un petit peu des liens.
00:31:39 Et les essais, moi, je m'en rappelle de ces essais pneumatiques
00:31:42 comme les meilleures sensations de toute ma vie dans une voiture.
00:31:45 - Mais tellement de kilomètres accumulés aussi.
00:31:47 - Oui, puis c'est que des essais.
00:31:48 Mais on utilise vraiment la quintessence à 100% de la voiture.
00:31:52 Ça va vite tout le temps.
00:31:54 Il faut vraiment être concentré pour arriver à matcher la vitesse de la voiture,
00:31:58 que ce soit pour les changements de vitesse, pour les passages en courbe.
00:32:00 Toutes les choses très banales qu'on a l'habitude de faire toute sa vie auparavant,
00:32:04 là, il faut se concentrer pour les faire parce que ça va très, très vite.
00:32:07 - Une petite idée des kilomètres accumulés ?
00:32:09 - Moi, je dirais 50, 70 000 par an. - Ouais.
00:32:11 - C'est pas loin. - C'est beaucoup de temps dans une Formule 1.
00:32:14 - Ouais. - Pas du tout.
00:32:15 On a évoqué les victoires aussi, les échecs font partie d'une carrière.
00:32:18 Jean, je me tombe pas vers vous spécialement parce que c'est plus que les autres.
00:32:21 Mais non, mais c'est important de...
00:32:23 Après votre victoire... - Tu te réveilles pas, toi.
00:32:25 - ... gagnée au 91e Grand Prix de votre carrière,
00:32:28 Jean, jusqu'à ce que vous terminez votre carrière, finalement, après 95,
00:32:31 il n'y a plus eu de victoire.
00:32:33 Mais comment on se construit dans ces moments-là ?
00:32:35 Est-ce que l'espoir continue à nous faire vivre ?
00:32:37 Est-ce qu'on a continué à nous animer, bien sûr ?
00:32:39 Comment on gère, finalement, l'après-victoire si on termine sa carrière sans autre ?
00:32:44 - Moi, je sais pas. Je sais pas parce que...
00:32:47 Alors, déjà, quand j'ai gagné, ça n'a pas été...
00:32:50 - Pourquoi ? Je te suis pas venu.
00:32:52 - Non, mais je peux te parler quand même, tu es à côté de moi.
00:32:54 - C'est un petit peu de...
00:32:55 - En plus, j'ai l'impression d'être gros, là, tellement que t'es petit.
00:32:58 Alors... - Alors, gros, c'est comme ça.
00:33:00 - En fait, moi, quand j'ai gagné Montréal,
00:33:06 évidemment, j'avais envie de continuer à gagner des courses.
00:33:10 Mais après Montréal, je crois que j'ai fait 4 Grands Prix d'un filet
00:33:14 où à 6 tours de l'arrivée, je perds une roue.
00:33:19 J'étais en bisbise avec Jean-Thaude, donc j'avais pas d'information.
00:33:24 Un autre Grand Prix, je perds mon dernier Grand Prix à 3 tours de l'arrivée
00:33:28 parce qu'ils m'ont pas fait rentrer changer les pneus.
00:33:29 Enfin, il y a eu plein de situations.
00:33:31 En Monza, je casse aussi la voiture.
00:33:34 À Spa, j'ai un pushrod qui casse.
00:33:38 Et toutes ces... Toutes les courses où j'étais en tête.
00:33:40 Après, quand je suis sorti du Ferrari, on va chez Benetton avec Gerhard Berger.
00:33:45 Là, j'avais plein d'espoir.
00:33:47 Mon staff technique était parti, donc du coup, c'était plus la même histoire.
00:33:51 Donc en fait, les objectifs, c'est par rapport à ce qu'on conduit.
00:33:55 Paul a été très clair tout à l'heure.
00:33:58 À un certain moment, on sait qu'on va se battre pour la victoire.
00:34:01 À un certain moment, pour un podium.
00:34:03 Après, pour les points.
00:34:05 Et puis voilà.
00:34:06 Et puis quand on en a marre, on dit stop.
00:34:08 - C'est simple. - Voilà.
00:34:10 - Jacques, vous aussi, vous avez connu ça, puisque finalement,
00:34:12 après les deux premières saisons où vous devenez champion du monde en 97,
00:34:15 huit saisons s'enchaînent derrière, sans ces succès-là.
00:34:19 Comment est-ce qu'on les traverse, ces années-là ?
00:34:21 C'est plutôt, finalement, le regard que vous avez aujourd'hui dessus.
00:34:23 Parce qu'effectivement, comme vous le dites, Jean, quand on est en plein dedans,
00:34:25 on a toujours des objectifs, selon la voiture que l'on a,
00:34:28 mais le regard que vous portez dessus aujourd'hui...
00:34:30 - Il n'y a pas que la victoire.
00:34:31 Il y a le combat contre le coéquipier, qui est primordial.
00:34:33 Et c'est aussi de savoir, après un week-end, combien on s'est donné,
00:34:37 la manière à laquelle on a fonctionné.
00:34:39 Si on a été au top de la monoplace,
00:34:41 si on a peut-être récolté un peu mieux que ce qui était possible,
00:34:45 ou si on a juste baissé les bras et fait un week-end pas bien.
00:34:50 Voilà.
00:34:51 Donc il y a aussi cette fierté-là du travail accompli qui perdure.
00:34:56 L'année la plus difficile, je pense, c'est peut-être 98,
00:35:00 parce que c'était une Williams ratée, avec le numéro 1 sur le capot.
00:35:03 Quand on a du mal à rouler et qu'il y a le numéro 1 sur le capot,
00:35:06 c'est assez difficile.
00:35:08 Après l'expérience BAR, c'est facile maintenant de juger que c'était un raté,
00:35:14 mais en même temps, c'était mon équipe, je l'ai construite.
00:35:16 - Oui, à bout de bras.
00:35:17 - Donc c'était un challenge qui était quand même génial.
00:35:20 Et aujourd'hui, c'est Mercedes.
00:35:22 Donc à la base, ce n'était pas un projet mauvais.
00:35:26 - Ce n'était pas plutôt...
00:35:27 Oui, bien né finalement, puisqu'ils en sont arrivés là.
00:35:30 Le plus gros revers de votre carrière, Alain, il est identifié ou... ?
00:35:35 - Il y en a plusieurs, c'est sûr.
00:35:38 Mais je pensais à ça en même temps, et la question à Jean.
00:35:42 Quand il est arrivé, Jean, en 91 chez Ferrari,
00:35:45 à part ma première année chez McLaren,
00:35:47 c'était la première année où je n'ai pas gagné une course.
00:35:50 Et c'est vrai que quand on gagne,
00:35:53 on est dans un mouvement de succès qui vous amène énormément de bonheur.
00:36:00 Et là, sans gagner, on regarde les autres devant se bagarrer
00:36:04 et au bout de deux tours, vous êtes à quelques secondes.
00:36:07 Ce n'est pas pareil.
00:36:08 On a envie que ça s'arrête assez vite.
00:36:11 Mais il faut l'accepter, parce que quand on a gagné beaucoup,
00:36:14 on sait qu'il y a un moment ou un autre,
00:36:16 il faut que ça dure le moins longtemps possible, c'est tout.
00:36:19 Mais je n'ai pas considéré plein d'échecs.
00:36:22 Parce que, bien sûr, des courses où on dit,
00:36:24 tiens, si je n'avais pas fait ça,
00:36:26 j'aurais marqué un demi-point, par exemple, en 84.
00:36:30 Non, il ne faut pas raisonner comme ça.
00:36:32 Donc, sur la globalité, mais chacun ici a une vision différente
00:36:36 par rapport à sa carrière.
00:36:39 - Son propre échec.
00:36:40 - Non, parce qu'il faut avoir connu des choses différentes.
00:36:44 Alors, c'est sûr que plus vous avez de succès,
00:36:46 et peut-être que vous pouvez tomber à un moment
00:36:48 quand vous n'êtes pas dans le coup,
00:36:50 avec peut-être encore plus de dépression.
00:36:53 En tout cas, ça n'a pas été mon cas.
00:36:54 Mais en 91 a été, oui, une saison difficile pour moi.
00:36:57 Parce qu'on savait pourquoi ça ne marchait pas.
00:37:00 Enfin, moi, je le savais, en tout cas.
00:37:02 Je pense qu'il n'y a personne ici qui s'en rappelle
00:37:05 parce que ça n'avait jamais été évoqué.
00:37:07 Mais c'est l'essence.
00:37:09 Parce que tout le monde parlait du châssis, de l'ingénieur, etc.
00:37:11 On avait une essence en 90 qui était top.
00:37:13 Parce qu'à l'époque, on avait des essences spéciales.
00:37:16 Toi, tu n'as pas connu ça en 90.
00:37:18 - Je sais.
00:37:19 - Non, parce que en 91, elle était différente.
00:37:21 En 90, on démarrait des voitures.
00:37:24 - J'étais avec toi, là.
00:37:25 - Oui, en 91, mais pas en 90.
00:37:27 Moi, j'étais avec Nadia.
00:37:28 - Moi, je ne te dis pas.
00:37:29 - En 90, je ne te sentais pas si chaleureuse.
00:37:31 - Je te rappelle.
00:37:32 - En 92, on les avait encore.
00:37:33 - On mettait les voitures en route.
00:37:35 On se mettait en combinaison casque, etc.
00:37:38 Et une fois que la voiture en route dans le garage,
00:37:40 on montait dans la voiture et on partait.
00:37:42 Nadia, par exemple, a vomi 2-3 fois.
00:37:45 C'était une essence incroyable.
00:37:47 Et l'année d'après, en 91, elle a perdu entre 25 et 30 chevaux.
00:37:51 Le problème, c'est que Elf avec Renault, à l'époque,
00:37:55 ils ont gagné une vingtaine de chevaux.
00:37:58 C'était énorme, la différence.
00:38:01 C'est pour ça que la polémique à la politique interne à Ferrari,
00:38:04 chacun, "non, c'est le châssis, c'est le machin, etc."
00:38:08 On a coupé le châssis en deux, je ne sais pas si tu te rappelles,
00:38:10 pour faire, mais c'était grotesque.
00:38:13 On ne coupe pas un châssis en deux.
00:38:15 - Vous avez coupé un tube en deux ?
00:38:16 - Non, mais ils ont carrément refait la partie avant.
00:38:21 C'était Jean-Claude Migeot, d'ailleurs, un ingénieur français,
00:38:24 en disant que c'est l'aéro qui vient de l'avant,
00:38:26 en milieu de saison.
00:38:27 - Vous étiez un petit peu perdu.
00:38:28 - Voilà.
00:38:29 Donc, bon, c'est sûr que moi, avec mon caractère,
00:38:31 c'est pas comme ça qu'il faut faire, etc.
00:38:34 C'est là où on a commencé à dire, ils m'ont proposé
00:38:37 d'éventuellement être, pour 92, directeur sportif
00:38:41 en même temps que pilote.
00:38:43 Ça m'a coûté cher à la fin de l'année.
00:38:46 - Paul, peut-être une anecdote sur ça,
00:38:49 sur un moment plus difficile qu'un autre ?
00:38:51 - En fait, c'est deux fois aux Grands Prix de Monaco,
00:38:53 en 92 et 94, en fait.
00:38:55 92, parce que tout se passait très, très bien.
00:38:57 En fait, le jeudi, j'étais largement qualifié.
00:39:00 Et le samedi matin, pareil, j'étais dans les 26.
00:39:04 Donc, j'étais en train de vivre un rêve
00:39:07 avec une voiture fabuleuse.
00:39:08 Et tout le monde sait, ici, lorsque vous avez une voiture
00:39:10 qui fonctionne à Monaco, c'est juste un plaisir énorme.
00:39:13 Donc, j'avais beaucoup de plaisir.
00:39:15 Ça allait vite et j'étais très heureux.
00:39:17 Et malheureusement, au moment de la qualif',
00:39:19 au moment où j'ai enclenché la première,
00:39:21 la boîte a cassé.
00:39:22 Et j'ai pas pu aller défendre mes chances.
00:39:24 On m'a mis dans la voiture de Van Linger
00:39:26 à 10 minutes de la fin.
00:39:27 Il fait 1m87, j'en fais 1m76.
00:39:30 Donc...
00:39:31 - Jouet !
00:39:32 - Il est fou, ouais.
00:39:34 - À Monaco, c'est pratique.
00:39:35 Il n'y a rien à voir.
00:39:36 - Bien sûr, mon temps a été battu,
00:39:39 parce qu'à Monaco, le samedi, ça va plus vite.
00:39:42 Et je me suis retrouvé dehors.
00:39:43 Et après, 94, j'étais qualifié par les circonstances,
00:39:46 parce que suite aux accidents, malheureusement,
00:39:48 de Ratzenberger, d'Ayrton et de Carl, justement.
00:39:52 Et je pense que j'ai vécu le pire week-end
00:39:54 que j'ai eu en sport automobile.
00:39:56 J'ai cassé un moteur à la première libre.
00:39:59 Donc j'ai fait 10 tours.
00:40:00 J'ai cassé le moteur au début de la qualif'.
00:40:03 J'ai cassé le moteur au début de la deuxième libre.
00:40:05 - Tout coûte bien, le goûter, non ?
00:40:06 - Il y avait moins de...
00:40:07 - J'ai cassé le moteur...
00:40:08 - C'est pas de... ça fait un budgettaire, selon moi.
00:40:09 - J'étais pas fini, j'ai cassé le moteur à la qualif'.
00:40:11 J'ai cassé le moteur au warm-up.
00:40:13 - Il était pas terrible, ce moteur, non ?
00:40:14 - Ils ont refait mon moteur.
00:40:16 Avec tous les bouts...
00:40:18 Mais c'est vrai, je vous jure.
00:40:19 Ils ont pris des bouts de chaque moteur.
00:40:21 Ils m'ont refait un moteur.
00:40:22 On me dit ça aux mecs aujourd'hui en Formule 1,
00:40:24 ils y croient pas.
00:40:25 Donc ils m'ont fait ça dans le garage.
00:40:26 Je suis reparti au Grand Prix comme ça.
00:40:28 L'ingénieur, il a eu une idée géniale.
00:40:29 Je sais pas ce qu'il m'a fait sur la voiture.
00:40:31 Et à chaque fois que je sortais du tunnel,
00:40:33 je prenais un coup de marteau sur la tête.
00:40:35 Donc je voyais plus rien.
00:40:36 Et je me disais, mais quand est-ce qu'il va casser
00:40:38 ce putain de moteur ?
00:40:39 Mais quand il va casser ?
00:40:41 Et il a mis je sais pas combien de tours à casser.
00:40:42 J'en pouvais plus.
00:40:43 Je me faisais doubler.
00:40:44 Je me faisais insulter par tout le monde.
00:40:45 Mais je me disais, c'est pas possible.
00:40:46 Il faut que ça s'arrête.
00:40:47 Et ça s'arrêtait.
00:40:48 Et là, ça a été une délivrance.
00:40:49 C'est la seule fois que j'ai eu une délivrance en Formule 1.
00:40:51 J'étais content que ça s'arrête.
00:40:52 Pas dans le meilleur moment.
00:40:54 Les amitiés et les rivalités en Formule 1.
00:40:57 On va évoquer cela tout de suite.
00:40:58 Mais on va commencer par une question de Julien pour vous, Jacques.
00:41:01 Bon Jacques, une question pour toi.
00:41:03 On sait qu'il faut parfois être sans scrupule
00:41:06 pour atteindre les sommets du sport automobile,
00:41:08 notamment avec ses coéquipiers.
00:41:10 Raconte-nous une anecdote où justement tu as été sans scrupule
00:41:14 pour écraser mentalement ton coéquipier et prendre l'avantage.
00:41:18 Ça, c'était 1997, j'imagine.
00:41:22 C'était quand Williams en 1996 cingle Frenzen en disant "c'est lui notre champion".
00:41:27 Alors moi, j'étais déjà en équipe.
00:41:29 Ça s'est mal passé.
00:41:32 Donc là, j'étais plus concentré à massacrer Frenzen psychologiquement
00:41:37 pour ensuite pouvoir me battre contre Michael ou pour le championnat.
00:41:41 Donc il fallait vraiment que je puisse faire ma place dans l'équipe.
00:41:45 Et ça, ça se passait...
00:41:47 Généralement, on passe tout l'hiver à rouler plus lent que son coéquipier
00:41:50 jusqu'aux derniers 5 minutes et à la première qualif.
00:41:52 Et c'est trop tard pour réagir.
00:41:54 On arrive à Melbourne et il avait qualifié deuxième à 2 secondes 2 mois ou 1 seconde 9.
00:41:58 Et ça, ça a un peu malheureusement après, ça s'est arrêté au premier virage en course.
00:42:02 Mais ça a commencé à mettre un peu de pression.
00:42:06 Et il n'était pas au niveau que Williams voulait après ça.
00:42:11 Parce que psychologiquement, il était un peu faible.
00:42:15 C'était le genre de pilote qui était très bon dans les petites écuries.
00:42:17 Mais dès qu'on le mettait dans une grosse écurie, il y en avait trop.
00:42:20 Et Williams l'avait signé parce qu'apparemment en groupe C,
00:42:23 donc en endurance, il était plus rapide que Schumacher quand ils étaient coéquipiers.
00:42:26 Et le travail pour jouer sur la psychologie, ça se passe beaucoup en dehors de la voiture aussi.
00:42:32 Socialement.
00:42:34 Quel que soit l'opportunité, tout marche.
00:42:41 Et une fois qu'après, il dort mal et ainsi de suite.
00:42:44 Et ça a un effet sur le pilotage.
00:42:46 Donc une fois que ça s'est mis en place, la saison a été bien plus facile.
00:42:49 Et l'autre qui m'a aidé sans le savoir, c'est Patrick Head.
00:42:52 Parce que lui, c'était un dur. Il n'était pas facile.
00:42:55 Et moi, je lui tenais toujours tête.
00:42:58 Donc après, il s'en est pris à Frenzen qui l'écoutait.
00:43:00 Et donc nous, on avait le champ libre.
00:43:02 Et ça nous a permis de se concentrer sur Ferrari et Schumacher.
00:43:06 - Ça fait quand même deux fois que Jacques a un délire psychologique avec des autres pilotes.
00:43:09 Schumacher et Frenzen. La presse et...
00:43:13 - Mais ça a payé. Ça s'est terminé par un...
00:43:15 - C'était comme ça aussi à l'époque.
00:43:18 - Vous avez roulé ensemble. - Beaucoup de travail qui se faisait.
00:43:20 Les jeux psychologiques...
00:43:22 - Tout court, bien sûr, mais aussi parce que vous avez roulé ensemble quand même, tous les deux.
00:43:25 - Oui, enfin, alors moi...
00:43:26 - Vous êtes amis dans la vie ? Vous l'étiez déjà à ce moment-là ?
00:43:28 - Ah oui, on était proches.
00:43:30 - Vous étiez copains et vous rouliez en tant qu'élèves.
00:43:32 - Attends, je te coupe la parole, mais quand je suis entré, tu étais le professeur quand même.
00:43:37 - Et vous l'élève. - Eh oui.
00:43:39 - Parce que ça tombait bien.
00:43:41 - Enfin, moi, je sais pas, il peut dire...
00:43:43 - Regardez comme vous êtes beaux.
00:43:46 - Pour moi, Jean, quand il arrivait dans une équipe, je me suis vraiment occupé de toi.
00:43:52 - C'est parce qu'il a dit "toi". - Hein ?
00:43:54 - C'est parce qu'il a dit "toi".
00:43:56 - C'est la présence psychologique de Franck aussi.
00:43:58 - C'est vrai que j'ai eu des coéquipiers, enfin, j'ai eu quand même 5 champions du monde coéquipiers,
00:44:03 donc c'est pas simple, mais vraiment, peut-être vous surprendre,
00:44:07 mais j'ai jamais utilisé le moindre truc merdique, on va dire, entre guillemets, contre un coéquipier.
00:44:13 - Je confirme. - Jamais, jamais, jamais de ma vie.
00:44:16 Et je pense que c'est comme ça que j'aimerais être vu, enfin, si...
00:44:20 Voilà, quand je serais plus là, je dirais "j'étais intègre, j'étais honnête,
00:44:23 par contre, j'ai travaillé, j'ai fait tout ce que je...", mais tout était ouvert.
00:44:27 Vous voyez, par exemple, donner l'exemple de coéquipiers comme Nigel,
00:44:31 qui disait que j'étais politique parce que je parlais italien avec les journalistes italiens,
00:44:35 avec les journalistes, avec les ingénieurs italiens.
00:44:37 Mais ça m'arrivait de parler italien, mais on parlait 95% anglais,
00:44:42 et puis de temps en temps, je parlais italien.
00:44:44 Le problème, c'est que l'après-midi, après les essais, je restais,
00:44:47 souvent, je finissais à 10h, 11h le soir, et lui, il allait jouer au golf l'après-midi.
00:44:51 Donc, on peut pas... Vous voyez, c'est facile de dire après, il est politique
00:44:56 parce qu'il parle italien avec les gens. - Et qu'il travaille plus.
00:44:58 - Et ça, c'est souvent comme ça. Mais même avec Ayrton, quand on était ensemble,
00:45:01 en 88, ça s'est très, très bien passé. Même en 89, quand ça a dégénéré,
00:45:05 après Imola, uniquement après Imola, c'était incroyable,
00:45:08 parce qu'on faisait des briefings, on était 4-5,
00:45:11 c'est pas comme les 40 personnes aujourd'hui avec les écouteurs,
00:45:14 et il y a jamais eu le moindre, en tout cas de ma part,
00:45:17 et je suis à peu près sûr que de sa part aussi, il y a jamais eu la moindre embrouille.
00:45:21 Tout était sur la table, tout était connu, etc.
00:45:24 Et ça, c'était assez... Enfin, magique.
00:45:27 - Mais pareil, quand il y a eu les problèmes avec Ayrton, ça venait un peu de Rondénis aussi,
00:45:30 donc souvent, ça part du... - Non mais souvent, les problèmes venaient...
00:45:35 Ayrton, c'est un peu la période Ayrton, on est passé des automotos, sports-autos,
00:45:43 auto-hebdo, etc. à VSD, Paris Match. Sincèrement, il y a beaucoup de choses qui sont...
00:45:48 La vérité, elle était là, le problème d'Imola, l'après-Imola.
00:45:52 Bon, il y a eu une histoire d'hommage d'un article qui a été fait,
00:45:58 parce qu'il s'est passé après Monaco, où... Voilà, quand il a...
00:46:02 Parce qu'il disait qu'à Imola, c'était moi qui l'avais doublé.
00:46:04 On lui dit... 700 millions de spectateurs qui disent que... Voilà, c'était Ayrton.
00:46:08 Il a été vexé, donc il n'a plus voulu me parler après.
00:46:12 Mais c'est vrai que les choses ont été... - C'était ça, le début ?
00:46:15 - Augmentées, elles ont été augmentées, parce que la notoriété...
00:46:18 Regardez ce qui se passe avec Netflix aujourd'hui, avec la jeune génération.
00:46:21 À l'époque, c'était ça. C'est-à-dire qu'on a pris un événement,
00:46:25 puis on l'a un petit peu... - Transformé ?
00:46:28 - Un peu transformé, mais aussi beaucoup exagéré.
00:46:30 Mais c'est vrai aussi qu'il était l'homme de Honda.
00:46:33 Moi, j'étais un peu plus... - C'était en 89, en 89, bien sûr.
00:46:35 - En 89, oui, et que ça posait des problèmes.
00:46:38 Pour ça, d'ailleurs, il fallait que j'arrête, parce que c'était pas jouable pour moi.
00:46:42 Et quand j'ai arrêté au mois de juillet 89, en disant à Ron,
00:46:46 et surtout à Mansour, d'ailleurs, il m'a dit "Mais tu vas où ?"
00:46:49 J'ai dit "Mais je n'ai rien, j'ai pas de contact".
00:46:51 Et je peux jurer que j'avais aucun contact.
00:46:53 Mais c'était... Voilà. Donc c'était un peu la période,
00:46:56 mais en tout cas sans jamais utiliser que ce soit psychologique ou de méthode sale.
00:47:01 Jamais, jamais de ma vie.
00:47:03 - Franck, à l'inverse, vous avez eu un coéquipier qui vous a offert votre Grand Prix national.
00:47:07 - Oui. - C'est quand même extraordinaire.
00:47:09 - Surtout en Formula, c'était dingue. - Rappelez-nous ça.
00:47:11 - Je travaillais pour l'équipe japonaise, course par course.
00:47:15 Puis au début, on me dit "Tu vas faire le Grand Prix de France".
00:47:19 Il s'avère qu'ils ont trouvé un japonais, Sakon Yamamoto,
00:47:23 qui sortait un peu de ni-dem-ni-da-non, mais il était là.
00:47:28 Famille très fortunée, etc.
00:47:31 Qui récupérait ma voiture, donc qui récupérait aussi une voiture
00:47:33 qui faisait 12 kilos de plus que l'autre, qu'on ne pouvait pas régler les trucs.
00:47:36 Donc qui n'allait pas non plus chercher grand-chose sur cette fin de saison.
00:47:39 Et moi, quand même, pour le délire, j'avais bien envie de faire le Grand Prix de France.
00:47:44 Déjà monter dans une F1, ça arrive rarement.
00:47:47 Faire une course en F1, encore moins.
00:47:49 En faire son Grand Prix national, j'y étais, j'avais envie de le faire.
00:47:53 Et un jour, je me suis dit avec mon manager,
00:47:56 "C'est con quand même qu'on ne lui demande pas, tout simplement."
00:47:59 Alors on est allé lui demander.
00:48:01 Et puis il a réfléchi deux minutes, il a dit "Je comprends, ok."
00:48:04 Je démarre la course d'après.
00:48:06 Pardon.
00:48:08 Le truc absolument improbable qui m'est arrivé.
00:48:11 Donc j'ai trouvé ça génial.
00:48:12 Et je me suis dit "C'est con, ça colle."
00:48:14 Parce que c'était un moment dingue.
00:48:16 Et surtout dans ce milieu-là, ça n'arrive pas.
00:48:19 Ça n'existe pas.
00:48:20 - Oui, on a du mal à laisser son bec et on est d'accord.
00:48:23 Pour revenir sur vous, messieurs, Jean et Alain,
00:48:25 vous avez été équipiers, vous avez aussi été patrons et pilotes.
00:48:29 Vous étiez amis, bien sûr.
00:48:31 Est-ce que cette collaboration-là était plus compliquée à gérer ?
00:48:35 L'histoire nous a prouvé que oui, un moment, c'est...
00:48:37 - Oui, on s'est fâchés.
00:48:38 - Et nous, pourquoi ?
00:48:39 - On s'est un peu fâchés.
00:48:40 - Ça n'a pas duré longtemps. - Non, non, non.
00:48:42 - Et pourquoi ? - 4-5 ans.
00:48:43 - Là, c'est plus à Jean de le dire, parce que, j'avoue,
00:48:47 je veux dire, devant lui, je n'ai jamais compris.
00:48:49 Non, je sais, attention, une équipe, ce n'est pas qu'un patron et un pilote.
00:48:53 Il y a aussi beaucoup d'éléments derrière,
00:48:55 mais maintenant, je préfère laisser Jean dire.
00:48:57 - Non, je crois que si je fais le flashback,
00:48:59 si je reviens un peu à cette période,
00:49:02 il y avait beaucoup d'émotions dans ma façon de conduire
00:49:06 et de chercher le résultat,
00:49:08 parce que, justement, on était amis.
00:49:10 Et puis, on avait une équipe, quand même,
00:49:12 où il y avait des vrais personnages.
00:49:15 Et je voyais qu'autour d'Alain...
00:49:17 Parce que, alors, toi, quand même, tu te fais tourner dans la farine facilement.
00:49:22 (Rires)
00:49:24 - C'est un rôle compliqué d'être patron des sociétés,
00:49:26 patron précuré, proche de Grand Prix, à l'époque.
00:49:29 - Je lui dis, Alain, là, vraiment, ça, ça ne va pas.
00:49:32 Et puis, bon, je veux dire, je parle à Alain Prost,
00:49:34 je ne parle pas à Nana Mouskouri, tu vois.
00:49:36 (Rires)
00:49:38 - C'est pas trop ce que tu sais.
00:49:40 - Non, mais c'est pareil.
00:49:41 Et donc, il comprenait ce que je disais.
00:49:43 Il arrivait quelqu'un d'autre et il disait un truc.
00:49:46 Et puis, moi, j'essayais, je roulais dans la voiture
00:49:49 et on ne m'avait pas écouté,
00:49:51 on avait écouté ceux qui ont fait couler la boîte, quelque part.
00:49:56 Et donc, ça montait, ça montait, ça montait,
00:49:59 jusqu'au moment où j'ai pété les plombs et j'ai dit,
00:50:01 bon, écoute, je m'en vais.
00:50:03 - Donc, c'est le manque de dialogue, finalement, de communication.
00:50:05 - En réalité, on ne dialoguait pas tant que ça à l'époque
00:50:08 parce que moi, j'étais pris par la gestion de l'équipe
00:50:10 et surtout 90% du travail, c'est d'aller chercher des sponsors,
00:50:14 il n'y avait pas assez d'argent.
00:50:16 Le problème des moteurs, on a quand même 45 moteurs.
00:50:19 La dernière année, il ne faut pas l'oublier.
00:50:21 - Moi, j'ai eu 46, peut-être.
00:50:23 - C'est exceptionnel.
00:50:25 Donc, le problème, c'est qu'on n'est plus du tout
00:50:27 dans la gestion de la course et tu n'avais plus
00:50:30 à faire avec Johan Villadelpra, avec des ingénieurs autour
00:50:33 et puis les gens de Peugeot, nous ont même coupé les moteurs
00:50:38 à Manicours.
00:50:39 - Oui, ils ont fait grève.
00:50:41 C'est déjà la mode.
00:50:43 - Et c'est sûr, non, mais là, ce qui est sûr,
00:50:46 c'est qu'avec le recul, le fait d'avoir la personnalité,
00:50:49 d'avoir été un champion avant et d'être directeur,
00:50:52 enfin, patron d'une équipe comme ça,
00:50:54 ce n'est pas directeur, c'est un désavantage.
00:50:57 D'ailleurs, au départ, quand on a fait les curies,
00:51:01 c'était vraiment presque une décision politique.
00:51:04 Ce n'était pas du tout prévu qu'elles s'appellent Prost.
00:51:06 Je ne voulais pas qu'elles s'appellent Prost,
00:51:08 mais ça m'a été un peu demandé pour enlever le nom précédent.
00:51:12 Voilà, donc c'était plus...
00:51:14 Et tout ça, c'est un...
00:51:16 J'aurais jamais dû faire cette icuerie, à ce moment-là.
00:51:19 - Je ne suis pas d'accord.
00:51:20 - Non, non, je n'aurais jamais dû le faire.
00:51:22 Dans l'État actuel, c'était moteur gratuit pendant 5 ans,
00:51:26 c'est passé moteur payant pendant 3 ans tout de suite,
00:51:29 juste avant de signer, 2 jours avant.
00:51:31 Ça commence mal, voilà.
00:51:33 Donc, en réalité, on a payé un peu, on s'est fâchés, c'est vrai,
00:51:38 mais ça n'a pas duré longtemps, et on n'a jamais reparlé de ça.
00:51:41 - C'est vrai.
00:51:42 - On n'a jamais reparlé de ça.
00:51:43 - Ce n'était pas la peine, c'était évacué.
00:51:45 - Ce n'est pas la peine parce qu'on n'est pas dans le rationnel.
00:51:48 Et cette équipe n'avait pas de rationalité.
00:51:51 Je peux raconter, mais je vais faire un livre
00:51:54 sur la période de cette équipe.
00:51:55 C'est certainement la plus frustrante,
00:51:56 la plus compliquée pour moi.
00:51:58 - 5 années, hein.
00:51:59 - J'avais commencé à écrire un livre moi-même
00:52:03 sur l'exemple de Mornay Curie, qui était un exemple français.
00:52:08 - Un petit livre bleu.
00:52:09 - Une PME française avec tous les problèmes politiques,
00:52:11 les lobbies, les courants, tout ce qui se passe
00:52:14 au niveau des constructeurs automobiles,
00:52:16 relation avec la presse, etc.
00:52:18 Je n'ai pas dit que je ne le fasse pas,
00:52:19 parce que je suis encore assez en forme pour le faire.
00:52:21 - Si vous commencez.
00:52:23 - Il faudrait peut-être un jour l'expliquer,
00:52:25 mais au bout d'un moment, on se dit, bon, la vie est longue,
00:52:27 et puis voilà, on est...
00:52:29 - Vous en aurez parlé sur le plateau du Big Five.
00:52:31 - Mais c'est vrai qu'on n'a jamais parlé,
00:52:32 un jour on en parlera peut-être.
00:52:33 - On est un peu à l'école.
00:52:34 - Vous t'étiez là.
00:52:35 - On prend des notes.
00:52:36 - On prend des notes.
00:52:37 - On prend des livres qu'on va acheter.
00:52:38 - Jacques, vous pouvez...
00:52:39 - Non, mais c'est une période intéressante,
00:52:40 parce que la course, ce n'est pas que du volant.
00:52:42 - Ah, à un moment de là, oui.
00:52:43 - C'est pour ça.
00:52:44 - Oui, ça nous intéresse, je suis pas sûr.
00:52:45 - Et vous, vous avez bien connu ça, Jacques, aussi,
00:52:47 avec Johnson & Botton, notamment, avec Bach ?
00:52:48 - Oui, en fait, il y a eu le même souci.
00:52:51 Déjà, c'était mon écurie, donc c'était un peu compliqué,
00:52:54 sauf qu'à l'époque, c'est avec Craig Pollock
00:52:57 qu'on avait monté l'écurie.
00:52:58 - Le juge est parti aussi, vous vouliez.
00:53:00 - Il voulait que ça soit secret que c'était mon écurie
00:53:02 pour que je puisse aller ailleurs,
00:53:03 si jamais il y avait peut-être d'autres raisons.
00:53:05 - C'est ça, oui.
00:53:06 - Et ça, politiquement, ça m'a vraiment mis dans un coin.
00:53:09 Et le problème, quand Botton est arrivé,
00:53:13 c'est David Richards avait repris la tête de l'écurie.
00:53:16 Sans vraiment respecter le fait que j'étais quand même
00:53:20 un des gros actionnaires de l'écurie,
00:53:22 que tous les gens qu'on avait employés,
00:53:24 j'avais fait partie des décisions.
00:53:27 Et c'est comme Fred Zenn.
00:53:29 Ah, voilà, on sing-bottonne parce que c'est notre futur champion.
00:53:32 Alors moi, j'étais déjà champion du monde,
00:53:34 lui, il n'avait pas encore gagné un Grand Prix.
00:53:35 Donc ça, et il faisait tout pour me massacrer.
00:53:39 Donc c'était un peu dur parce que j'avais quand même
00:53:41 pris parti pour protéger Craig dans l'histoire.
00:53:45 Et donc c'est devenu un combat politique comme ça à l'interne.
00:53:48 Donc c'est devenu très, très, très difficile à ce niveau-là.
00:53:51 Si j'avais été simplement un pilote employé,
00:53:55 ça aurait peut-être été plus simple.
00:53:57 Mais donc là, il y avait un déséquilibre qui s'était fait
00:53:59 et ça a rendu la saison très pénible.
00:54:01 - Oui. Paul, est-ce que vous avez des amis ?
00:54:04 On a du mal à vous imaginer avec des ennemis.
00:54:06 Non mais c'est vrai !
00:54:08 - J'en ai.
00:54:09 - Sûrement, mais est-ce que vous avez des amis en Formule 1 ?
00:54:11 - Non, j'ai pas d'ennemis en Formule 1.
00:54:13 Moi, j'étais dans une position...
00:54:14 - Vous avez des amis ?
00:54:15 - J'ai des amis, oui, bien sûr.
00:54:16 J'ai pas beaucoup d'amis, mais j'en ai quelques-uns.
00:54:18 - On n'est que pas.
00:54:20 - Non, mais c'est vrai que pour moi, c'était un petit peu différent.
00:54:24 J'étais tellement content d'être là, d'être en Formule 1,
00:54:27 que j'avais aucune envie de me fâcher avec qui que ce soit.
00:54:30 Mais dans les petites anecdotes aussi, peut-être...
00:54:34 C'est même pas fâcher, c'était comme ça.
00:54:37 C'est quand j'ai signé pour être pilote d'essai chez Benetton
00:54:41 avec Flavio Briatore.
00:54:43 Et c'est vrai, je m'en parlais toujours.
00:54:45 Quand je suis rentré dans son bureau, il m'avait fait tout son speech
00:54:48 en me disant que ça allait être difficile, que j'allais beaucoup rouler,
00:54:51 que ça allait être parfait.
00:54:52 J'ai fait la visite de l'usine, je suis reparti avec tout,
00:54:54 avec les raquettes de tennis prince, la combinaison, le casque, le machin.
00:54:57 - Ça décolle, là.
00:54:58 - Ça y est, j'avais le rush.
00:54:59 - Tu reparais avec des cadeaux.
00:55:00 - J'avais tout, j'avais les cadeaux, j'avais tout.
00:55:02 Je me suis dit, bon, c'est super.
00:55:04 Et puis, à la fin, je suis monté deux fois dans la voiture.
00:55:06 Donc, 3 jours à Lurcy-Levy,
00:55:08 Michael est venu pour faire un test de démarrage et a cassé le moteur.
00:55:11 Ça s'est arrêté là.
00:55:12 Et puis, après, je crois que j'ai reroulé une fois, et c'était tout.
00:55:15 Donc, c'est vrai qu'à l'époque, j'étais pas très content après lui.
00:55:19 C'est vrai que j'étais assez frustré.
00:55:21 Mais je pense que ça vient de ma faute aussi.
00:55:23 Je pense que j'aurais dû m'imposer plus
00:55:24 et peut-être que j'aurais dû aller le voir et être plus méchant et m'imposer plus.
00:55:29 Je crois que peut-être ça aurait changé les choses.
00:55:31 - Je suis tout à fait d'accord avec toi.
00:55:32 Moi, quand je reviens en arrière comme ça, sur Flavio,
00:55:35 je trouve que c'est la même chose, en fait.
00:55:36 C'est un mec qui a besoin de conduire dans une zone du répondant.
00:55:38 Et quand tu rentres en Formule 1, avec des gamins comme ça...
00:55:41 - Flavio est un enfant devant Dieu.
00:55:43 - Tu ressembles vraiment à un gamin.
00:55:45 Moi, s'il avait l'image de ce que je faisais à cette époque-là,
00:55:47 je pense que vraiment, je suis ridicule devant lui.
00:55:49 - Dans les anecdotes avec Flavio,
00:55:51 ce qui n'a pas tellement à voir avec l'AF1, mais quand même,
00:55:54 on était à Monaco.
00:55:55 Donc, à l'époque, Welkin Shaw était directeur de l'équipe.
00:55:59 Il me propose de rouler au Mans avec l'AXJ 220 en 24 heures.
00:56:03 Donc, je suis à Monaco, dans le Motorhome.
00:56:04 J'ai Flavio en face de moi.
00:56:06 Et de l'autre côté, j'ai Welkin Shaw.
00:56:08 Et je suis là.
00:56:09 Et à un moment donné, je prends mon courage de main et je leur dis,
00:56:11 "Bon, et combien vous me donnez pour rouler ?"
00:56:14 Ils vraiment font mon courage.
00:56:16 - Ils sont vraiment plein d'énergie, là.
00:56:17 - T'as les 2 devant, tu dis, "Bon, combien vous me donnez ?"
00:56:20 Là, les 2, ils vont éclater de rire.
00:56:22 Éclater de rire.
00:56:23 Alors là, moi, je suis liquifié dans mon siège, comme ça.
00:56:26 Et Brigato, il se retourne, il dit, "Ma, toi, Tom,
00:56:30 "combien tu donnerais pour rouler dans la Jaguar au 24 heures du Mans ?"
00:56:33 Et lui, il est sûr, finalement.
00:56:35 - "Ah, je sais pas. Oui, oui, oui."
00:56:37 - "Ah, je sais pas. Oui."
00:56:38 - Bon, à la fin, Tom, il était gentil.
00:56:40 Il m'a dit, "Bon, on donnera un emplacement sur la combinaison."
00:56:42 Et voilà.
00:56:43 - Il y a la cadence.
00:56:45 - C'est un personnage de couleur.
00:56:46 Flavio, Franck, vous l'avez évidemment énormément côtoyé, aussi, ce Flavio Brigato.
00:56:50 - Non, c'est très impressionnant.
00:56:51 Et puis, il crée les choses.
00:56:54 Il est critiquable, bien entendu, parce que les gens qui réussissent,
00:56:56 c'est toujours facile de les critiquer.
00:56:58 Moi, j'avais vraiment comme ça avec Flavio.
00:56:59 On faisait les clarinettes pendant longtemps.
00:57:01 Mais en fait, on est forcé d'avouer que ce mec, putain, il réussit, quoi.
00:57:04 Il est fort. Il est fort.
00:57:06 Il a emmené des mecs de rien à beaucoup.
00:57:08 Il a changé le monde de la Formule 1.
00:57:10 Il en a fait ce que c'est maintenant.
00:57:11 Que ça soit mieux ou moins bien, pas gênant.
00:57:13 Dans tous les cas, ça fait vivre beaucoup de monde.
00:57:16 Il est toujours présent.
00:57:17 Il a fait des magouilles de fou, quand même, avec le...
00:57:19 - Ah oui.
00:57:20 - Hein ? Vous êtes d'accord ?
00:57:21 Vous vous rappelez, la voiture fracassée, la 5e...
00:57:23 - Oui, bien sûr, le V9, oui.
00:57:24 - Et ça passe. Il est toujours là.
00:57:26 Il est toujours présent, toujours le même sourire, toujours la même...
00:57:28 - Ou un peu moins, mais il est toujours, bien sûr, il gravite.
00:57:30 - Moi, j'ai eu la même expérience que toi pour les 24 heures du mois.
00:57:32 On m'avait fait rouler avec Oreca, justement.
00:57:34 On m'avait dit...
00:57:35 Parce qu'en 3e pilote, c'est rigolo, mais on a envie de rouler un peu, quand même.
00:57:38 Et je lui avais demandé...
00:57:39 Et j'avais pris...
00:57:40 Pas pour que je sois payé, mais pour lui demander l'autorisation de rouler.
00:57:43 Et il m'avait dit "c'est pour gagner ?"
00:57:44 J'ai dit "en tout cas, c'est une auto pour gagner."
00:57:46 Il m'a dit "ben, t'as intérêt à gagner.
00:57:48 Sinon, plus jamais tu refais les 24 heures."
00:57:50 - Pression.
00:57:51 - Il avait des petits trucs comme ça...
00:57:54 Où il disait "viens, Franck, je vais te parler."
00:57:56 Tout content d'y aller, je vais avoir une bonne nouvelle.
00:57:58 Tac, tac, tac.
00:58:00 Donc tu vas me changer le haut, les fringues, les pantalons.
00:58:02 Déjà, c'est pour aller en boîte de nuit, je ne veux pas te réemballer.
00:58:04 Mais non, ouais, mais non.
00:58:06 C'est quand même vos fringues officielles, mais j'y vais.
00:58:09 - Les amitiés, on parlait de ça il y a quelques instants, Franck.
00:58:12 Avec Fernando Alonso, vous avez beaucoup côtoyé.
00:58:14 Est-ce qu'on peut dire que vous étiez amis ?
00:58:16 - Non, mais on a les numéros de téléphone de l'un de l'autre, on se respecte.
00:58:21 Mais l'amitié en Formule 1, aujourd'hui, je n'y crois pas une seconde.
00:58:26 Ou on l'a d'avant, parce qu'on est dans des catégories inférieures
00:58:30 et qu'on apprend à galérer ensemble, pour trouver des budgets, pour machin.
00:58:33 Ça va rouler, ça ne va pas rouler.
00:58:34 On est contents les uns pour les autres quand ça fonctionne.
00:58:37 Ou alors non.
00:58:38 Déjà parce qu'on est intimidé quand on rencontre un jeune pilote qui arrive en Formule 1.
00:58:42 Il y a tous les grands noms.
00:58:43 Même s'ils sont plus jeunes que vous.
00:58:45 Ça reste des grands noms.
00:58:47 Et vous êtes le petit nouveau qui va peut-être rester,
00:58:49 mais en tout cas, tant que vous n'avez pas prouvé, on ne viendra pas vous parler.
00:58:52 C'est compliqué d'avoir une relation, de pouvoir s'imposer, de ne pas passer pour un idiot.
00:58:57 On peut passer plus facilement pour un idiot que pour un héros.
00:59:00 Donc il vaut mieux se taire dans ces moments-là et faire son taf.
00:59:04 - Avec Gachaud, je suis resté ami quand même.
00:59:07 Parce qu'on a fait 94 ensemble.
00:59:09 Après, on a roulé ensemble en GT au Japon.
00:59:11 On a fait le Dakar ensemble.
00:59:13 Donc avec Bertrand, on a gardé une relation assez longue.
00:59:17 Et on se parle toujours.
00:59:19 - J'allais dire sur les dos d'une main.
00:59:21 Est-ce que vous pouvez compter les amis que vous avez gardés en Formule 1 ?
00:59:24 - Après... - Tous, un à un ?
00:59:26 - Oui, c'est le mot "amis".
00:59:28 - Combien vous en avez gardé ?
00:59:30 - Des copains amis, c'est difficile de dire.
00:59:34 Je ne sais pas, beaucoup.
00:59:36 - Quand même, oui.
00:59:37 - Moi, j'ai l'impression, beaucoup.
00:59:39 - Tu ne peux pas le connaître, toi.
00:59:41 - Quoi ?
00:59:42 - Il dit n'importe quoi.
00:59:43 - C'est lui qui a envie de dire qu'il n'y a que Jean.
00:59:46 - Non, mais toi, par exemple...
00:59:48 - Non, mais il a raison, parce que c'est la définition du mot "ami".
00:59:50 - Non, parce que c'est la définition qui est compliquée.
00:59:53 Mais par exemple, Niki, des gens comme ça...
00:59:55 - Oui, mais il est pas Niki, les poulains.
00:59:57 - Non, mais que je voyais régulièrement, même si ce n'est pas souvent.
01:00:00 - Attends un peu pour le revoir.
01:00:02 - Tout dépend de ce qu'on veut dire par là.
01:00:05 Par exemple, Stéphane Johansson, que je n'avais pas vu
01:00:07 pendant peut-être une dizaine d'années.
01:00:09 Là, on se revoit régulièrement.
01:00:11 C'est quoi ? Ce n'est pas un ami.
01:00:14 - C'est des gens qu'on a côtoyés, avec qui on a été coéquipiers.
01:00:17 C'est-à-dire des gens avec qui, normalement, ce n'est pas facile,
01:00:20 parce qu'il était quand même un peu en dessous.
01:00:23 Et on est très proches.
01:00:25 Il y en a plein de gens comme ça.
01:00:27 Jean est différent, parce qu'on se connaissait déjà bien avant.
01:00:31 Mais moi, je pense qu'il y a beaucoup plus que ça.
01:00:34 Il y a des inimitiés, il y a des gens que je n'ai pas envie de voir.
01:00:37 Mais je n'ai pas d'ennemis.
01:00:39 Alors là, je n'ai pas du tout envie de les voir, ça, c'est sûr.
01:00:41 - Ah non ?
01:00:43 - Non, je ne veux pas dire que c'est méchant.
01:00:45 Mais il y en a un ou deux coéquipiers que je n'ai pas envie de voir.
01:00:48 - Oui, c'est un peu plus précis.
01:00:50 - Dis-nous qui vient le 15 août chez vous.
01:00:52 - Franchement, les vrais rapports, c'est Alain et Gerhard Berger.
01:00:57 Après, quand je vais sur les Grands Prix,
01:01:00 tu as la bande de David Coulthard.
01:01:02 - Oui, voilà.
01:01:04 - Oui, c'est les amis.
01:01:06 - On a les mêmes, en fin de compte.
01:01:08 Depuis une quarantaine d'années, on voit souvent les mêmes.
01:01:11 Mais c'est vrai que quand je vois des gens comme Alain de Jouens,
01:01:14 que je vois une fois par an, ou à l'époque Carlos Rottmann,
01:01:17 avant qu'il décède, on était tellement contents de se revoir.
01:01:20 Je pense qu'aussi, il y a la génération, même Emerson,
01:01:23 même Jackie, avec qui je n'ai pas roulé.
01:01:27 Il y a quand même quelque chose, surtout avec la génération.
01:01:29 - Oui, vous êtes soudés par quelque chose.
01:01:31 - Ah oui, on est quand même soudés.
01:01:33 - C'est même du respect aussi.
01:01:35 - Il y avait du respect à l'époque.
01:01:37 - Vous étiez pas...
01:01:39 - Vous étiez pas inaccessibles.
01:01:41 - Non.
01:01:43 - Vous parlez, vous répondez.
01:01:45 - Il y a une grosse...
01:01:47 - Toi, tu m'as bien taqué.
01:01:49 - En plein 13 heures, vous voyez qui en relève française.
01:01:52 - Il y a une grosse différence.
01:01:54 - Moi, je ne l'ai pas vu.
01:01:56 - Il y a une très grosse différence par rapport à maintenant
01:01:58 et notre génération.
01:02:00 Même Jean, je pense, l'a pas connu, enfin, un peu moins,
01:02:02 les années 80, on était tous au même hôtel.
01:02:05 - Tous.
01:02:07 - Vous, le restaurant, surtout.
01:02:09 - Oui, nous, c'était...
01:02:11 On allait tout le temps aussi dîner, même après, au restaurant, ensemble.
01:02:13 On se retrouvait avec pas mal de pilotes,
01:02:15 mais on était tous au même hôtel.
01:02:17 Je me rappelle de ton papa, bien sûr,
01:02:19 tout le monde en 80 en Argentine, en Brésil, etc.
01:02:21 On était tous au même hôtel.
01:02:23 On allait en vacances ensemble.
01:02:25 Quand il y avait deux Grands Prix à 15 jours ou une semaine d'écart,
01:02:27 on partait 3 jours sur la plage à Rio.
01:02:29 - C'est génial, ça, quand même.
01:02:31 - C'était génial.
01:02:33 Et donc, il y avait toujours quelque chose.
01:02:35 On en parlait de minutes, mais Gilles,
01:02:37 on était très proches, on faisait du bateau ensemble.
01:02:39 On a des histoires incroyables ensemble,
01:02:41 parce que c'était...
01:02:43 Je sais pas, on avait l'impression de vivre ensemble, quoi.
01:02:45 On avait des 3 jours d'essai entre les Grands Prix,
01:02:49 et puis des vacances, on allait faire du bateau ensemble.
01:02:51 On faisait plein de trucs.
01:02:53 Et ça, c'est sûr que ça soude les gens
01:02:55 d'une manière différente.
01:02:57 Là, aujourd'hui, les gens, ils se voient,
01:02:59 mais pas de la même manière.
01:03:01 La qualité des rapports était quand même très, très différente.
01:03:03 - Alain, on a une question de Julien Fébreux pour vous.
01:03:05 - Alain, je crois savoir que sur les week-ends de Grands Prix,
01:03:09 il n'y a pas que les monoplaces que vous conduisiez
01:03:11 à la limite avec tes camarades.
01:03:13 Je crois savoir que les voitures de location,
01:03:15 elles ont pris cher aussi à l'époque.
01:03:17 Est-ce que tu nous en parlerais pas un petit peu aujourd'hui ?
01:03:19 - Il faut que j'en parle.
01:03:21 - Après la voiture de Jean Rézy, la voiture de la Poste.
01:03:23 - Indirectement, on a parlé de Gilles.
01:03:25 Non, mais c'est...
01:03:27 Alors, les voitures de loques, c'était...
01:03:29 A l'époque, c'était une constante.
01:03:31 C'est-à-dire qu'on allait sur les circuits.
01:03:33 Alors, les circuits, à l'époque, c'était...
01:03:35 Même en F3, c'était large.
01:03:37 C'est-à-dire que quand je dis large, il n'y avait pas tous les buildings
01:03:39 et machin, il y avait toujours beaucoup d'espace.
01:03:41 - De dégâts, pour vous le dire.
01:03:43 - Donc, c'était un des trucs qu'on faisait régulièrement.
01:03:45 On s'amusait beaucoup avec ça. On prenait la voiture de loques,
01:03:47 on allait choisir un terrain vague, enfin, de la terre battue, etc.
01:03:49 On mettait des bidons d'huile, des trucs comme ça.
01:03:51 Et on partait avec les chronos à main
01:03:53 et on faisait des chronos, comme ça.
01:03:55 Bon. Alors, ça a commencé comme ça.
01:03:57 Et il y avait des fous.
01:03:59 Le plus fou était Didier Pironi.
01:04:01 Et il y avait la guerre entre Didier et Gilles,
01:04:03 comme tout le temps.
01:04:05 Et c'était celui qui faisait le plus.
01:04:07 Voilà.
01:04:09 Et par exemple, quand on était au Castelet,
01:04:11 j'ai vécu des trucs absolument incroyables.
01:04:13 C'est-à-dire, plus, plus, plus, plus.
01:04:15 Jusqu'au moment, il dit, bon, celui qui sort de la route
01:04:17 avec la voiture de loques le plus vite possible.
01:04:19 Mais il fallait qu'on soit...
01:04:21 - C'est pas dans le contrat, ça.
01:04:23 - Il fallait qu'on soit tous les trois dans la voiture.
01:04:25 Il fallait que l'on soit tous les trois voitures
01:04:27 ou quatre voitures.
01:04:29 Donc, je choisissais un virage et on sortait de la route.
01:04:31 Celui qui gagnait tout le temps, c'était Gilles.
01:04:33 C'était Didier, pardon. C'était le plus fou.
01:04:35 Gilles était fou, mais toujours un peu...
01:04:37 Même en bateau, il était un peu plus...
01:04:39 Un peu moins fou que ce qu'on pensait.
01:04:41 - Mesuré, raisonné.
01:04:43 - Et on s'est retrouvés, une fois, dans un champ
01:04:45 avec des serments de vignes partout dans la voiture.
01:04:47 Le pauvre paysan disait...
01:04:49 Enfin, c'était absolument...
01:04:51 Et on a été interdit de voiture de...
01:04:53 - Parce que quand tu mets la voiture dehors,
01:04:55 comme ça, dans le champ, c'est genre...
01:04:57 - J'ai une anecdote, parce que ça me fait plaisir
01:04:59 de le dire devant Jacques, parce que j'ai une anecdote
01:05:01 de Gilles qui résume...
01:05:03 C'était en 81.
01:05:05 On avait un bateau.
01:05:07 On avait tous un bateau.
01:05:09 Moi, j'avais mon bateau à Saint-Tropez.
01:05:11 Et on fait des essais au Castelaire.
01:05:13 Donc, Gilles était chez Ferrari, moi, chez Renault.
01:05:15 Et moi, je finissais...
01:05:17 On avait à peu près entre 4 et 5 jours d'essai.
01:05:19 Et moi, je finissais le vendredi après-midi.
01:05:21 Et lui, il était prévu de finir le vendredi soir.
01:05:23 Et puis, moi, je lui dis...
01:05:25 "Bah, écoute, je m'en vais. Je te rejoins.
01:05:27 "On se retrouve à Saint-Tropez."
01:05:29 Il dit "Non, mais attends, je voudrais laisser ma voiture
01:05:31 "à, je crois, ta maman."
01:05:33 Comme ça, je me rappelle plus très bien.
01:05:35 Il dit "Attends-moi, attends-moi."
01:05:37 Il dit "Non, il est midi, j'ai pas envie d'attendre jusqu'à 5h."
01:05:39 "Non, non, mais attends-moi. Tu m'attends une demi-heure."
01:05:41 Et là, il y a le petit bar au Castelaire.
01:05:43 De toute façon, on n'avait pas de motorhome à l'époque.
01:05:45 J'attends au bar.
01:05:47 Et là, je vois Jacques-Luc qui passe avec la voiture,
01:05:49 avec la lumière.
01:05:51 Et puis, je vois le camion
01:05:53 qui arrive avec la Ferrari au-dessus.
01:05:55 Bon, alors...
01:05:57 Et Gilles qui est sur le camion
01:05:59 et qui me fait un petit flingue-d'œil.
01:06:01 Bon, on part en voiture.
01:06:03 On descend la route.
01:06:05 Je lui dis "Attends, mais tu me dis de t'attendre.
01:06:07 "Qu'est-ce que t'as fait ?"
01:06:09 Il me dit "C'est très simple. J'étais en ligne droite.
01:06:11 "J'ai fait sixième, et j'ai fait sixième marche arrière."
01:06:13 (Rires)
01:06:15 - Ah oui, on aimait vivre à l'époque.
01:06:17 On préférait aller au bateau.
01:06:19 - À l'époque, c'était assez incroyable.
01:06:21 Un jour, aussi, j'étais sur les îles de l'Erince.
01:06:23 Et Gilles était omnibulé
01:06:25 par la vitesse de son bateau.
01:06:27 Donc, il avait fait... Je ne sais pas si tu sais.
01:06:29 Il avait fait venir des moteurs du Canada
01:06:31 ou des États-Unis.
01:06:33 - Des moteurs de Canam, hein.
01:06:35 - Voilà, des moteurs de voiture Canam à 1 000 chevaux, etc.
01:06:37 Moi, j'avais un bateau traditionnel.
01:06:39 Et puis, j'étais avec mes parents.
01:06:41 J'avais invité mes parents sur les îles.
01:06:43 Et comme ça, on n'avait pas de téléphone portable à l'époque.
01:06:45 Ils savaient où j'étais.
01:06:47 Il me dit "Attends, j'ai mon nouveau bateau."
01:06:49 Je me suis fait procurer un...
01:06:51 - Un speed...
01:06:53 - Un speed machin des flics du Canada.
01:06:55 C'était en 1981, aussi, pareil.
01:06:57 Et au milieu des îles de l'Erince,
01:06:59 tu vois, maintenant, comme on sait,
01:07:01 il n'y avait pas d'interdiction.
01:07:03 Donc, il passait avec son bateau.
01:07:05 Et moi, j'étais avec mes parents.
01:07:07 - Avec le radar.
01:07:09 - Avec le radar, comme ça.
01:07:11 Et lui, avec ses moteurs,
01:07:13 qui avait écouté une forte...
01:07:15 Je crois qu'il faisait 103.
01:07:17 Il était fou de rage.
01:07:19 Mes parents étaient avec le truc.
01:07:21 Ils étaient morts de rire.
01:07:23 C'était génial. C'était l'époque.
01:07:25 - On ne le fait plus, ça, aujourd'hui.
01:07:27 - J'ai des souvenirs avec lui absolument incroyables.
01:07:29 - Quand tu racontes ça,
01:07:31 je suis sûr que toi, toi, t'aurais roulé dans ces villes,
01:07:33 à cette époque aussi.
01:07:35 - Oui, je n'aurais pas survécu à cette époque.
01:07:37 Parce que j'aimais bien prendre des risques, aussi.
01:07:39 Comme tu viens de le dire, Alain.
01:07:41 Comme il était sur le circuit, il était pareil dans la vie.
01:07:43 Donc, dans son hélico...
01:07:45 A 10 ans, il essayait de me faire piloter son hélico.
01:07:47 - Il faut que je raconte une autre.
01:07:49 (rires)
01:07:51 - Ah, c'est marrant.
01:07:53 - Non, parce que j'en ai plein.
01:07:55 - On a du temps.
01:07:57 - Un jour, on est... Il va à Maranello.
01:07:59 Il avait abîmé sa voiture.
01:08:01 Parce que Gilles, il démarrait sa Ferrari 308, je crois, à l'époque.
01:08:03 Même quand il faisait -10,
01:08:05 il mettait le contact.
01:08:07 Il mettait la marche arrière, comme ça.
01:08:09 Même le moteur à froid, etc.
01:08:11 Et la voiture était très abîmée.
01:08:13 Et à Maranello, il avait refait sa voiture à neuf.
01:08:15 Et il me dit, "Tiens, viens avec moi."
01:08:17 Je dis, "Je ne veux pas aller à Maranello."
01:08:19 "Non, mais viens, on se met dans la cour quand je reçois la voiture.
01:08:21 Et puis, après, on ira à Monaco ensemble."
01:08:23 Donc, on était partis à Maranello ensemble.
01:08:25 Et là, moi, je suis à côté de la grille.
01:08:27 C'est ce que je ne veux pas rentrer.
01:08:29 Bien sûr, à l'intérieur.
01:08:31 Il y a tous les mécanos qui sont là.
01:08:33 Toute l'usine, pratiquement.
01:08:35 Elle était moins importante que maintenant.
01:08:37 Il monte dans la voiture.
01:08:39 Il met la première.
01:08:41 Et là, il fait une fois, deux fois, trois fois.
01:08:43 Il se loupe la troisième fois.
01:08:45 Il l'écrase, la voiture,
01:08:47 contre la grille de l'entrée.
01:08:49 Elle est comme ça.
01:08:51 Et là, tous les ingénieurs,
01:08:53 tous les mécanos qui applaudissent,
01:08:55 etc., ils laissent la voiture.
01:08:57 On est partis avec notre voiture.
01:08:59 - Aujourd'hui, ils n'applaudiraient pas.
01:09:01 - On est partis avec notre voiture.
01:09:03 On est rentrés avec une voiture de Logue.
01:09:05 Je ne sais pas quoi.
01:09:07 C'est les époques.
01:09:09 - Quel panache et quelles belles anecdotes.
01:09:11 Une petite question pour vous, Paul,
01:09:13 de Julien.
01:09:15 - Une question pour toi, Paul.
01:09:17 Accepterais-tu de nous raconter
01:09:19 une de tes plus mémorables cascades
01:09:21 en sport automobile dont aurait sûrement
01:09:23 été très fier ton papa Jean-Paul ?
01:09:25 - Il était plutôt inquiet, mon père.
01:09:27 - C'était plus source d'inquiétude
01:09:29 que de fierté ?
01:09:31 - Non, non. Bien sûr, il était
01:09:33 très heureux pour moi, mais je sais
01:09:35 qu'il était très angoissé
01:09:37 que je fasse ça.
01:09:39 C'est quelque chose qui l'inquiétait
01:09:41 beaucoup.
01:09:43 - Ta plus grosse cascade,
01:09:45 j'y étais là, moi, en Formule Renault.
01:09:47 - Ah oui, oui.
01:09:49 - Il pousse sa voiture.
01:09:51 Il t'a réveillé une voiture taquée derrière
01:09:53 et l'a fait monter.
01:09:55 - C'est vrai que ma vie aurait pu
01:09:57 s'arrêter là.
01:09:59 - Oui.
01:10:01 - J'avais cassé avant, je rentrais à pied
01:10:03 et Paoli avait cassé sa voiture à l'extérieur
01:10:05 du virage du restaurant.
01:10:07 A l'époque, on est en 83,
01:10:09 donc il n'y a pas de commissaire, il n'y a rien.
01:10:11 Il pousse sa voiture et je l'aide à pousser
01:10:13 sa voiture et il est arrivé, je crois que c'est
01:10:15 Dupuis et Maisonneuve et ils nous ont fauchés
01:10:17 à 130.
01:10:19 - Ils te touchent.
01:10:21 - Heureusement, je n'avais pas de casque.
01:10:23 Du coup, je les ai entendus, je me suis retourné.
01:10:25 J'ai pu un tout petit peu sauter,
01:10:27 mais Paoli, lui, il a eu les jambes complètement massacrées,
01:10:29 donc il n'a jamais pu recourir.
01:10:31 Et moi, j'ai fini, j'ai laissé mes dents
01:10:33 là-bas au virage du restaurant, à l'île.
01:10:35 Elles y sont toujours.
01:10:37 J'ai une belle cicatrice, mais bon,
01:10:39 j'ai eu beaucoup de chance ce jour-là.
01:10:41 Et c'est vrai que ça n'a pas rassuré tellement mon père.
01:10:43 Je crois qu'il tournait le marginal à l'époque.
01:10:45 Il était venu me voir à l'hôpital,
01:10:47 donc j'avais une tête comme ça, bah la fraise,
01:10:49 il s'est dit "bon, ça commence bien, deux courses,
01:10:51 il est déjà à l'hôpital, le petit".
01:10:53 Et ça a continué, donc ça allait.
01:10:55 Et je fais troisième la course d'après à Pau quand même.
01:10:57 - Sans dents. - Sans dents.
01:10:59 Mais tu rigoles, mais je suis sur le podium
01:11:01 et j'oublie que je n'ai pas de dents.
01:11:03 Et quand je lève les bras et que je fais un grand sourire,
01:11:05 j'avais un trou comme ça.
01:11:07 - Messieurs, la notoriété.
01:11:11 Il y a des avantages, il y a des inconvénients, bien sûr.
01:11:13 Comment on s'y prépare, comment la gérer
01:11:15 et comment l'utiliser ?
01:11:17 On va en parler avec vous.
01:11:19 Paul, peut-être comment vous avez géré
01:11:21 justement cette notoriété que vous avez
01:11:23 avant même de commencer finalement la Formule 1 ?
01:11:25 - Oui, bah c'était...
01:11:27 - De part votre papa, bien sûr.
01:11:29 - Je m'en suis rendu compte tout de suite,
01:11:31 dès le volant elf.
01:11:33 Le jour où je gagne le volant elf,
01:11:35 il y a eu une répercussion qui a été énorme
01:11:37 et qui a été très très forte.
01:11:39 Et tous les titres qu'il y avait à l'époque dans les journaux
01:11:41 étaient en rapport avec les titres des films
01:11:43 de mon père.
01:11:45 Donc c'était comme ça et j'ai compris que
01:11:47 d'un côté ça allait être très bien
01:11:49 et de l'autre côté ça allait être compliqué.
01:11:51 Mais sincèrement, voilà,
01:11:53 j'ai vécu avec ça.
01:11:55 - C'était plus bien que compliqué ?
01:11:57 - Je pense que c'était plus bien, très honnêtement.
01:11:59 Parce que sincèrement, si je ne m'étais pas appelé
01:12:01 Belmondo, je ne pense pas que Marche serait venu
01:12:03 me chercher pour faire de la Formule 1.
01:12:05 Il faut être honnête et il faut être réaliste dans la vie.
01:12:07 Donc je pense que mon nom m'a aidé,
01:12:09 même si ce que j'avais fait, j'avais un certain talent,
01:12:11 mais on était beaucoup à avoir le même talent
01:12:13 et ils n'ont pas eu cette chance-là
01:12:15 pour faire de la Formule 1.
01:12:17 Donc il faut être honnête avec ça.
01:12:19 Alors c'est vrai qu'il y a des fois, ça a été dur.
01:12:21 94, ça a été très très dur
01:12:23 parce que j'avais une voiture où je ne pouvais strictement
01:12:25 rien faire et c'est vrai que j'en ai pris
01:12:27 plus que ce que certainement
01:12:29 un autre pilote aurait pris
01:12:31 si ça n'avait pas été Belmondo, je pense,
01:12:33 cette année-là, ça c'est sûr.
01:12:35 Mais voilà, j'ai fait de la Formule 1
01:12:37 et on est tous là et on sait tous ce que c'est
01:12:39 que d'avoir la chance de pouvoir
01:12:41 rouler dans une voiture de Formule 1.
01:12:43 - Les effets psychologiques que peut avoir la notoriété,
01:12:45 les effets négatifs, j'entends.
01:12:47 On pense tout de suite quand on parle de vous,
01:12:49 Jean, au guignol, bien sûr.
01:12:51 Oui, on parle de vous dans un autre cadre que la Formule 1,
01:12:53 mais... - Ne rigole pas, toi.
01:12:55 - Je l'ai regardé, c'est normal.
01:12:57 - Quel regard vous portez là-dessus ?
01:12:59 - Alors, honnêtement,
01:13:01 j'ai mis du temps
01:13:03 à me rendre compte.
01:13:05 Mais pourquoi ? - De l'impact, vous voulez dire ?
01:13:07 - Oui. Parce qu'à Avignon,
01:13:09 Canal+, honnêtement,
01:13:11 personne ne l'avait.
01:13:13 C'était quand même quelque chose
01:13:15 de très parisien.
01:13:17 Moi, à Paris, je suis pas allergique,
01:13:19 mais presque.
01:13:21 Donc je m'en suis pas vraiment rendu compte
01:13:23 tout de suite, jusqu'à ce qu'un jour,
01:13:25 dans une conférence de presse, je sais pas si tu te rappelles,
01:13:27 il y avait une journaliste de l'équipe
01:13:29 qui...
01:13:31 T'étais avec moi, toi, d'ailleurs.
01:13:33 T'en te rappelles pas ? À Barcelone, on avait fait un, deux, trois
01:13:35 avec les...
01:13:37 Il y avait Desmondes avec nous.
01:13:39 Et il y a une journaliste de l'équipe qui me dit
01:13:41 "T'arranges pas les guignols ?"
01:13:43 Et puis ça m'a tellement énervé, j'ai dit "Écoutez, il y a que les cons
01:13:45 qui regardent ça, parce que moi, moi, je...
01:13:47 Voilà.
01:13:49 Donc je vous confirme.
01:13:51 - Donc c'était négatif, quoi, clairement.
01:13:53 - Non. C'était... Alors oui, pour moi,
01:13:55 c'était très négatif. Je veux dire,
01:13:57 encore aujourd'hui, ça fait quand même 20 ans
01:13:59 que j'ai arrêté la Formule 1,
01:14:01 si je vais sur un Grand Prix au Japon,
01:14:03 aux Etats-Unis ou au Mexique,
01:14:05 on se rappelle de moi.
01:14:07 - Non, non, c'est différent.
01:14:09 - C'est différent. Bon, on se rappelle de toi.
01:14:11 - Non, mais...
01:14:13 - T'es journalisique, hein. Tu m'émets dans tous les pays.
01:14:15 - Oui, mais ça me...
01:14:17 - Tu m'émets dans tous les pays, même en France.
01:14:19 - Ça me touchait beaucoup d'être critiqué dans mon pays.
01:14:21 Donc j'ai jamais bien pris,
01:14:23 et encore aujourd'hui.
01:14:25 Je vous l'ai dit, moi, les guignols, c'est quelque chose que j'aime pas.
01:14:27 - Oui. Donc ça vous a marqué au fer rouge
01:14:29 pour toute votre vie.
01:14:31 - En même temps, c'était très injuste, parce qu'il prenait...
01:14:33 - Oui, comme toi, à l'époque.
01:14:35 - C'était une chose, ça devait y avoir, il suffisait
01:14:37 de faire un peu de boulot, de faire un peu de boulot.
01:14:39 - Oui, c'est vrai.
01:14:41 - Et il avait pas de caricature, à un moment donné.
01:14:43 - Ah, bah, c'est évidemment pas objectif.
01:14:45 - Ça m'avait l'impression qu'il était en permanence dehors,
01:14:47 alors qu'il cassait des moteurs.
01:14:49 Il était pas responsable de ça, sa voiture abandonnée.
01:14:51 - Ah, bah, les nombreux abandons, c'était plutôt des pannes et des...
01:14:53 - Mais c'était systématiquement de sa faute.
01:14:55 - C'est autre chose.
01:14:57 - La caricature, à un moment donné, devient trop forte.
01:14:59 - Toi, ça t'a fait morfler, aussi ?
01:15:01 Est-ce que t'as pris un peu dans la tête avec...
01:15:03 - Je pense que c'est ça.
01:15:05 L'avantage du sport automobile, c'est que,
01:15:07 ce qu'on disait par rapport à ses équipiers,
01:15:09 on se juge par rapport à ça.
01:15:11 Et du moment où on sait où on se situe
01:15:13 par rapport à son équipier, quelque part,
01:15:15 c'est notre seule consolation.
01:15:17 Alors, les mecs, c'est sûr que, lui, on parlait pas
01:15:19 qu'il était pas qualifié.
01:15:21 Les six autres qui étaient pas qualifiés, on en parlait pas.
01:15:23 Le seul dont on parlait toujours, c'était moi.
01:15:25 C'était comme ça.
01:15:27 À l'époque, on les qualifiait. J'aurais fait de la Formule 1 aujourd'hui,
01:15:29 j'aurais fait combien ? 26 Grands Prix ?
01:15:31 - 27.
01:15:33 - Un bon numéro.
01:15:35 - Alain, la relation comme ça,
01:15:37 avec peut-être les médias, la presse,
01:15:39 le regard de votre pays, bien sûr que c'est ce que dit Jean,
01:15:41 ça compte quand même, malgré tout, dans son carrière.
01:15:43 - Moi, je m'en rassure, Jean.
01:15:45 Mais moi aussi, je suis passé au guignol.
01:15:47 À l'époque de Sénat, c'était pas...
01:15:49 C'est sûr que c'était pas très positif.
01:15:51 - Comment on arrive à le gérer à ce moment-là ?
01:15:53 - Ça vous touche,
01:15:55 ça vous fait mal.
01:15:57 Et puis, il faut juste essayer que le temps passe.
01:15:59 C'est tout.
01:16:01 C'est la notoriété aussi.
01:16:03 Vous pouvez pas faire grand-chose.
01:16:05 Sincèrement, plus vous râlez, plus ça...
01:16:07 De toute façon, je vais pas râler, j'ai rien dit,
01:16:09 parce que c'était dans le contexte aussi, à l'époque.
01:16:11 - Toi, tu râles tout le temps, de toute façon.
01:16:13 - Et de toute façon, on est toujours...
01:16:15 - On est toujours dans un contexte de 50-50.
01:16:17 En France, à l'époque,
01:16:19 contrairement à ce que les gens peuvent penser,
01:16:21 le pays où j'ai eu le plus de problèmes,
01:16:23 à l'époque, de Berthone,
01:16:25 où c'était dur,
01:16:27 c'était la France.
01:16:29 - Oui, pas le Brésil.
01:16:31 - C'était pas le Brésil. C'est incroyable.
01:16:33 Et même pas les autres pays.
01:16:35 Il y avait plutôt amour-haine.
01:16:37 C'était l'un ou l'autre.
01:16:39 C'était vraiment compliqué à gérer.
01:16:41 La notoriété, ça fait partie aussi de ça.
01:16:43 La popularité de notoriété, c'est encore aussi un peu ambigu.
01:16:45 Après, moi, je me rappelle
01:16:47 d'où je viens.
01:16:49 Saint-Chamond, un petit mec,
01:16:51 nez tordu, cheveux frisés, sans moyen.
01:16:53 - Donc, c'est un travail psychologique pour se le...
01:16:55 - Oui, mais je veux dire, quand on se rappelle
01:16:57 d'où on vient, aussi...
01:16:59 Mon nom, à l'époque, c'est pas Prost, c'est Prost.
01:17:01 C'est Alain Prost.
01:17:03 A l'école, je m'appelle Alain Prost.
01:17:05 C'est un nom qui vient du jura.
01:17:07 Et Prost, c'est les journalistes
01:17:09 qui ont dit Prost, parce que c'était certainement
01:17:11 plus facile. Donc, c'est là où on voit déjà
01:17:13 que la notoriété, ça vous change
01:17:15 un homme, parce qu'après,
01:17:17 c'est parti comme ça.
01:17:19 Et puis, voilà.
01:17:21 Moi, j'ai pas l'impression d'avoir changé
01:17:23 depuis que j'étais, enfin, plutôt enfant ou gamin.
01:17:25 Je me suis laissé porter par ce truc-là,
01:17:27 avec tout le succès et machin,
01:17:29 mais ça change pas beaucoup.
01:17:31 Aujourd'hui, oui,
01:17:33 on a eu la période des années 80,
01:17:35 qui étaient les plus belles, où il y avait
01:17:37 un mélange de, c'est pas uniquement les pilotes,
01:17:39 on se voyait sans arrêt avec les gens
01:17:41 du showbiz, du cinéma,
01:17:43 on partait au ski ensemble, on faisait des trucs ensemble.
01:17:45 C'était génial. Donc, il y avait une sorte de notoriété,
01:17:47 il y avait une image, mais il n'y avait pas
01:17:49 ce côté négatif. Bien sûr,
01:17:51 que je trouve aujourd'hui des réseaux sociaux, etc.,
01:17:53 c'était que la joie et le partage.
01:17:57 Et puis, de temps en temps,
01:17:59 on se prenait un coup sur la tête de la presse,
01:18:01 des médias, etc., mais bon, ça passait.
01:18:03 Aujourd'hui, je pense que c'est peut-être même encore
01:18:05 un peu plus dur, parce qu'avec les réseaux sociaux,
01:18:07 ça peut rester, ça reste encore longtemps.
01:18:10 Je me formalise pas trop là-dessus, sincèrement.
01:18:12 J'essaye de suivre mon truc
01:18:14 et j'avance.
01:18:16 - Jacques, au Canada ?
01:18:18 - C'est une arme à double tranchant, de toute façon.
01:18:22 Et on est toujours plus critiqués dans son pays qu'ailleurs.
01:18:25 - C'est ça le plus dur, finalement.
01:18:27 - Toujours, parce que les attentes sont très élevées.
01:18:30 Et quand ça se passe mal,
01:18:32 quelque part, on leur appartient,
01:18:34 on est leur famille.
01:18:36 Et il y a une énorme déception. Et leur réaction,
01:18:38 surtout avant les réseaux sociaux, maintenant,
01:18:40 c'est un peu déséquilibré, parce qu'on a des stars
01:18:42 qui sont à l'arrêt et des pilotes qui sont très vides,
01:18:44 qui n'ont aucune image.
01:18:46 Maintenant, avec tout ce qui est réseau sociaux,
01:18:48 on se pose quelques questions, mais un peu comme disait Paul,
01:18:51 c'est soit génial, soit très négatif.
01:18:54 Il n'y a pas... Tout est plus gros quand ça se passe bien.
01:18:57 Et clairement, ça ouvre des portes.
01:19:00 Ça ouvre énormément de portes, parce qu'on est déjà connus
01:19:02 avant même d'avoir accompli quoi que ce soit.
01:19:04 Donc c'est un aspect, il faut savoir en profiter.
01:19:07 Moi, j'ai pu commencer à rouler parce qu'il y avait
01:19:09 un sponsor à cette époque-là qui voulait tous les fils de pilote.
01:19:12 Donc c'est bien tombé, sauf que j'avais 17 ans.
01:19:15 Et ce qui est surprenant d'avoir un sponsor comme ça à 17 ans,
01:19:19 je pense qu'aujourd'hui, ça serait un peu illégal.
01:19:21 Enfin, à la même époque, ça ne devait pas être très bien vu.
01:19:26 Mais après, on est obligé de performer tout de suite.
01:19:28 Parce qu'on est jugé comme si ça faisait 5 ans qu'on roulait.
01:19:33 Tous les autres pilotes, "Ah, regarde-moi ce jeune pilote,
01:19:35 comme il est génial, il est nouveau."
01:19:36 Non, ça fait déjà 5 ans qu'il roule.
01:19:38 Et alors que nous, le premier tour de roue,
01:19:41 justement, on a déjà fait 5 ans, alors que non, c'est pas vrai.
01:19:44 Et ça oblige à performer sous pression tout de suite.
01:19:46 Donc soit ça passe, soit ça casse.
01:19:47 Et on le sait très vite.
01:19:48 Donc ça, ça m'a beaucoup aidé, parce que j'ai été obligé
01:19:51 de me renforcer.
01:19:52 Après, les résultats ont suivi.
01:19:54 Mais même les résultats n'étaient pas suffisants.
01:19:57 Il y a toujours eu le non qui allait avec.
01:20:00 La victoire, il y en a plusieurs, des pilotes qui ont gagné
01:20:02 les 500 miles d'Indienapolis, ils n'ont pas tous terminé en Formule 1.
01:20:05 Donc c'est un amalgame de choses qui se met en place.
01:20:08 Il faut savoir en profiter, mais il faut aussi accepter
01:20:10 le fait qu'on va être critiqués.
01:20:11 Et plus on est connu, plus on a des résultats,
01:20:13 plus on va être critiqués, plus ça va être dérisoire,
01:20:15 comme une éligignole, qu'on est tous passés par des moments comme ça.
01:20:18 Et il faut presque être capable d'en rire, soi-même.
01:20:21 C'est le seul moyen de passer au travers.
01:20:23 De vivre avec, d'en rire et de se mettre dans les souliers
01:20:26 de ceux qui rigolent en regardant ça.
01:20:28 Si c'était quelqu'un d'autre, on en rirait.
01:20:29 Donc il faut être capable de rire de soi-même aussi.
01:20:31 – Pas toujours évident, mais c'est une parole juste.
01:20:33 On aborde avec vous, messieurs, la fin de carrière.
01:20:35 La fin de carrière qui n'est pas toujours choisie, d'ailleurs, selon vous.
01:20:38 D'ailleurs, les parcours sont différents.
01:20:40 Franck, on va commencer avec vous.
01:20:42 Ces grands prix en Formule 1, c'était extraordinaire pour vous de les vivre, bien sûr.
01:20:47 Vous disiez que vous avez un contrat à chaque grand prix.
01:20:50 Donc cette fin de carrière que finalement vous ne choisissez pas,
01:20:52 est-ce que ça c'est dur à digérer ?
01:20:54 Ou on se dit qu'il y a déjà beaucoup de positifs d'y avoir accédé ?
01:20:56 – L'avantage que j'ai eu, c'est qu'on ne m'a pas trompé sur la marchandise.
01:20:59 Au début, quand j'ai fait ma première course, on m'a bien expliqué,
01:21:02 je fais une course, je ne sais pas si tu en fais une deuxième.
01:21:06 On profite.
01:21:08 Puis après, une deuxième, et puis après, j'en ai eu deux d'affilée.
01:21:11 Du coup, on ne cherche pas à construire.
01:21:13 Il ne faut pas se mettre dans la tête, moi ce n'est que ce que j'ai fait,
01:21:16 je ne sais pas si c'était la bonne solution.
01:21:18 Il ne faut pas se mettre dans la tête d'essayer d'aller construire quelque chose
01:21:21 ou d'ultra-performer parce qu'on n'a qu'une course.
01:21:23 Ça ne marche pas comme ça, en fait, sans travail, sans développement,
01:21:26 sans implication, sans du temps.
01:21:28 Ça ne marche pas.
01:21:30 En Formule 1, vous n'arrivez pas comme ça, avec le claqué des dents.
01:21:32 Il y a Françoise Tho, qui dit qu'il faut au minimum un an dans la voiture
01:21:35 pour commencer à fonctionner sur la F1.
01:21:38 Il faut du temps, il faut s'adapter aussi à tout ce contexte.
01:21:42 J'ai l'habitude de dire que la Formule 1, c'est le tennis,
01:21:45 le reste du sport automobile, c'est du ping-pong.
01:21:47 Parce qu'on n'est pas bien loin quand même du contexte.
01:21:49 Il y a tellement de monde, on évolue tellement d'une façon différente.
01:21:52 On est pris en charge de A à Z, le chauffeur vient vous chercher à la maison
01:21:55 pour enlever tous les hasards de la vie.
01:21:57 Les parents sont déplacés.
01:22:00 On veut que vous soyez sous contrôle.
01:22:02 Donc il y a plein de choses à gérer, on ne peut pas tout gérer d'un coup.
01:22:05 On peut être bon dans la voiture, on peut savoir tourner un volant,
01:22:07 mais il faut quand même faire tous les paramètres.
01:22:09 Et moi, le but du jeu à ce moment-là, c'était de me faire plaisir.
01:22:11 Donc en fait, ça a été assez progressif, l'arrêt de la F1.
01:22:15 - C'est une belle carte de visite aussi après,
01:22:17 parce que vous étiez loin de prendre votre retraite du sport automobile.
01:22:20 C'est une belle carte de visite ensuite pour rouler.
01:22:22 - C'est vrai.
01:22:23 - Pour aller "reconversion" de la Formule 1.
01:22:26 - J'ai roulé en sport proto, j'ai fait plein d'autres choses.
01:22:30 Mais oui, au jour le jour, de toutes les façons.
01:22:33 - Et la reconversion ensuite en tant que consultant.
01:22:35 - Nickel.
01:22:36 - C'est un super tournant, je le dis.
01:22:37 - Super tournant, la vie est pleine d'expériences.
01:22:40 - Jean, pour le coup, votre dernier Grand Prix, c'était au Japon en 2001,
01:22:43 et vous l'avez choisi.
01:22:44 Comment on prépare sa fin de carrière ?
01:22:47 - Ce n'est pas qu'on la prépare, mais parce que j'avais décidé le jeudi avant.
01:22:52 Donc, avant le Grand Prix.
01:22:54 - Oui, c'était effectivement votre grand prix.
01:22:56 - Donc, pour moi, c'était surtout un peu une usure.
01:23:00 J'ai été un privilégié, moi, de la Formule 1.
01:23:03 J'ai démarré tout de suite avec des bonnes voitures.
01:23:05 Donc, bonne voiture, Paul, c'est ce que ça veut dire, on se régale.
01:23:11 Et mauvaise voiture, bon, ben, c'est plus difficile.
01:23:15 Donc, à l'époque, on prenait des points jusqu'à la 6e place.
01:23:20 De se battre tout le temps pour essayer d'attraper un point, deux points,
01:23:23 ce n'était pas vraiment ce qui me faisait le plus plaisir.
01:23:26 Donc, du coup, à un certain moment, bon, voilà.
01:23:29 Je savais que si je continuais une année de plus,
01:23:32 c'était pour conduire encore une voiture,
01:23:34 pour piloter une voiture encore, pour se battre pour les points.
01:23:39 C'était... Bon.
01:23:41 Après, j'ai fait 5 ans de DTM, j'ai fait Le Mans avec Ferrari en GT,
01:23:50 Indianapolis, et puis je voulais voir ce que c'était.
01:23:55 - Oui. - Donc, je me suis régalé.
01:23:58 - Jacques, le moment où on choisit, justement, de l'arrêter,
01:24:01 de créer cette carrière, qu'est-ce qui est le plus dur, finalement ?
01:24:03 - Je ne sais pas, je n'ai pas choisi ce moment encore.
01:24:05 - D'arrêter ou... - Il est en train de répondre.
01:24:08 - Attention, petit scoop. - Il prépare son retour.
01:24:11 - Savoir ce qu'on va faire après. - Non, il n'y a...
01:24:13 - Vous, vous roulez encore. - Ça n'est qu'une étape.
01:24:16 - Non, bien sûr, il y a la fin de la Formule 1,
01:24:19 parce que c'est le summum, c'est la pointe de la pyramide, la Formule 1.
01:24:25 - Quand on ne choisit pas, c'est pire.
01:24:27 - Non, je n'ai pas choisi les 2 fois,
01:24:29 quand je suis fait virer de BAR, qui était mon équipe,
01:24:32 et de BM aussi, donc ça n'a jamais été mon choix,
01:24:35 je n'ai jamais eu envie d'arrêter, même si on fatigue un peu.
01:24:38 - Vous pouvez rouler encore aujourd'hui.
01:24:40 - Oui, et quand on commence à avoir des problèmes politiques, ça fatigue,
01:24:43 et quand on est dans la voiture, c'est le seul moment où on est en paix,
01:24:45 on est tranquille dans sa petite bulle, la banane,
01:24:48 et dès qu'on sort de la voiture, tout devient lourd à nouveau.
01:24:51 Donc là, ça devient un peu pénible, mais après la F1, j'ai fait pas mal de NASCAR,
01:24:54 j'ai roulé sur la glace, j'ai roulé en Australie...
01:24:57 - Mais ça, vous ne saviez pas à ce moment-là, est-ce que c'est dur de dire "comment je vais rouler" ?
01:25:00 - Non, ce qui est dur après la F1, c'est de se dire "est-ce que j'ai le capable de rouler dans autre chose ?"
01:25:03 On a l'impression, et on nous met dans la tête, qu'on est capable de piloter que ce type de voiture,
01:25:06 rigide, avec plein d'aéros, et en fait, on se rend compte qu'on est capable de s'adapter à peu près à tout,
01:25:12 c'est une méthode de travail.
01:25:14 J'adorais les courses, j'adorais les qualifs, mais c'était l'aboutissement du travail,
01:25:19 et j'adorais encore plus le travail pour s'y rendre.
01:25:22 Alain parlait de travailler avec les ingénieurs, régler la voiture,
01:25:25 c'est quelque chose que j'ai toujours, toujours adoré, et qui m'a énormément manqué,
01:25:29 parce qu'en dehors de la F1, le travail est quand même bien plus restreint à ce niveau-là.
01:25:35 Mais non, les 2 fois où ça a été, surtout la dernière avec BM, parce que j'avais quand même un contrat,
01:25:41 et pendant l'hiver, Bernie m'appelle et me dit "ah oui, BM a racheté, mais ils ne te veulent pas,
01:25:45 alors on va faire un deal, tu vas prendre plus d'argent pour arrêter de rouler."
01:25:48 Je lui ai dit "non Bernie, je vais rouler", puis j'ai raccroché.
01:25:50 Et avant le début de saison, c'était Mario Tyson, il m'a sorti dans ce bureau avec ses avocats,
01:25:56 il me dit "soit tu changes ton contrat, on peut te virer quand on veut sans raison,
01:25:59 ou sinon tu dois nous amener en cours."
01:26:02 Donc voilà, j'ai changé, signé le contrat, et le lundi après l'Allemagne,
01:26:07 parce que je m'étais sorti l'Aideron avec KC, ils me l'ont changé, je suis né dans le mur,
01:26:11 il m'appelle le lundi "écoute, tu t'es fait mal, donc tu ne viens plus."
01:26:14 Je lui ai dit "non non, je ne suis pas..." "oui oui, tu t'es fait mal."
01:26:16 "Bon, ok, ben voilà, je me suis fait mal."
01:26:18 Et ça s'est arrêté comme ça.
01:26:20 Donc ça, on n'y est pas prêt, parce qu'il n'y a pas cette envie d'arriver.
01:26:23 - Alain, pour parler de vous, votre choix, alors vous aviez fait un premier stop, on va dire,
01:26:29 et ensuite de le décider, est-ce que vous intégrez évidemment l'après,
01:26:34 vers quoi vous allez vous tourner ?
01:26:36 Il y a des pilotes comme aujourd'hui Nico Rosberg qui savent qu'ils ne veulent plus rouler,
01:26:39 d'autres qui veulent continuer à rouler, comme vous le dites Jean.
01:26:41 Vous, c'était quoi ?
01:26:42 - Alors déjà en 93, je savais au moins deux choses, c'est-à-dire que j'étais pas heureux,
01:26:47 que même quand on gagne, si on n'est pas heureux, ça ne fait pas tout.
01:26:53 Je savais, j'avais bien compris qu'il n'y avait rien dans la vie qui pourrait me donner ce que la F1 m'a donné.
01:27:01 - Oui, c'est important d'en être conscient.
01:27:03 - C'est important d'en être conscient, voilà.
01:27:05 Mais que c'était le bon moment pour se débarrasser de cette saison et de cette atmosphère que je trouvais...
01:27:11 Donc j'avais décidé au mois d'août, sans savoir...
01:27:14 - Titre ou pas titre, vous partiez ?
01:27:15 - Pardon ?
01:27:16 - Titre ou pas titre ?
01:27:17 - Ah oui, oui, c'était... On avait quand même des chances de gagner le titre,
01:27:21 mais c'était titre ou pas titre, j'avais décidé de m'arrêter, voilà, au mois d'août.
01:27:25 Et c'était annoncé comme ça.
01:27:27 Donc voilà, bon, c'était la première étape.
01:27:29 Et puis après, je ne savais pas trop, voilà, je ne savais pas trop ce que j'allais faire.
01:27:35 Je n'avais pas très envie non plus de savoir exactement ce que j'allais faire.
01:27:39 Mais je me rappelle très bien que les premiers trois semaines, un mois,
01:27:43 je me suis levé tous les matins à 10h, 10h30.
01:27:48 Alors bien sûr, je faisais du sport, j'allais jouer au golf, etc.
01:27:51 Mais je me suis dit, attends, je ne veux pas vivre comme ça, là, ce n'est pas possible.
01:27:54 Et donc je me suis remis dans un truc...
01:27:56 - Il fallait un petit sas ?
01:27:58 - Et depuis, je n'ai pas arrêté.
01:27:59 Et j'ai toujours eu besoin de faire des choses différentes, voilà,
01:28:05 que l'intellect a besoin de marcher aussi.
01:28:08 Donc j'ai fait plein de trucs complètement opposés à l'opposé.
01:28:14 Parce que j'ai parlé de l'Andros qui m'a bien plu.
01:28:18 Mais j'ai fait quand même...
01:28:20 J'étais chez Renault pendant un an et demi à la com.
01:28:23 J'ai fait beaucoup de trucs à l'étranger.
01:28:25 Je suis allé chez Mercedes après, avec McLaren.
01:28:27 Après, il y a eu des curies.
01:28:29 J'ai fait... J'ai présidé le...
01:28:31 Puisqu'on appelle le GPWC, c'est le Grand Prix World Championship.
01:28:36 C'était les constructeurs qui voulaient faire leur championnat parallèle
01:28:40 contre Bernie et Clexton.
01:28:42 J'ai fait la mission pour les biocarburants, le 85, en France.
01:28:45 - Vous n'êtes pas ennuyé ?
01:28:47 - Je peux vous en dire, je ne me suis pas ennuyé.
01:28:48 Parce que les gens pensent que je n'ai pas fait grand-chose.
01:28:50 - Non, non.
01:28:51 - Mais il n'empêche que j'ai toujours essayé de privilégier un peu le privé,
01:28:55 le sport qui est très important pour moi.
01:28:57 C'est mon hobby, c'est ma manière d'être.
01:29:00 Et puis le côté intellect.
01:29:01 Donc en réalité, quand on dit reconversion,
01:29:04 quand on dit voilà, on a arrêté un moment, une période de sa vie,
01:29:07 de toute façon, il faut bien arrêter la F1.
01:29:09 Et c'est bien de décider soi-même, si on peut.
01:29:11 J'ai failli. Enfin, pas failli, mais il y a eu quand même les essais avec McLaren.
01:29:17 J'ai même eu un autre épisode McLaren.
01:29:20 J'ai eu une discussion avec Jean Todt.
01:29:23 Ça, c'était assez drôle pour aider Michael à être champion chez Ferrari.
01:29:26 - Ah oui, continuez.
01:29:27 - Parce que je trouvais que c'était un truc complètement antinomique
01:29:30 qui n'a jamais été fait.
01:29:31 Mais bon, il m'a dit, tiens, pourquoi pas ?
01:29:33 Au fin de compte, c'était assez drôle.
01:29:34 Donc c'est un peu de challenge dans la vie.
01:29:37 Des choses différentes.
01:29:38 Je suis très heureux de ce que j'ai fait et de ce que je fais aujourd'hui.
01:29:42 - Vous êtes tous globalement très heureux de la reconversion,
01:29:45 l'après F1 finalement, qui reste une vie.
01:29:48 - Déjà, sincèrement, quand on a connu les années 80, même 90,
01:29:51 on est content d'être là pour en parler.
01:29:52 - D'être en vie, oui.
01:29:53 - Honnêtement, ce n'est pas assez con de dire ça,
01:29:55 mais sincèrement, c'est assez important quand même.
01:29:58 - Ça vous a appris quoi, la F1 dans vos années, Jacques ?
01:30:02 - Une méthode de travail.
01:30:05 Parce que c'est...
01:30:07 À l'époque, on faisait quand même beaucoup d'essais.
01:30:09 On était toujours en circuit.
01:30:11 Donc on était capable de profiter des 2 journées de libre qu'on avait,
01:30:15 que ce soit avec des amis ou des situations, d'aller jouer au golf,
01:30:19 de skier, n'importe quoi, et donc de maximiser tout ce qu'on faisait.
01:30:23 Vraiment, être feignant, ce n'était pas quelque chose de compatible.
01:30:26 - Ce n'est pas une option ?
01:30:27 - Non, ce n'est pas une option.
01:30:28 - Paul ?
01:30:29 - Oui, ça m'a...
01:30:30 Quand je regarde derrière, je me dis qu'on est des grands privilégiés
01:30:33 d'avoir eu la chance de rouler en Formule 1,
01:30:36 d'avoir vécu ces années incroyables de la F1,
01:30:39 de voir ce que dit Jacques aussi, ce niveau de travail,
01:30:42 de performance, de compétence, de passion qu'il y a sur tous ces gens
01:30:46 qui forment une équipe,
01:30:48 et ça peut commencer de la personne qui est au motorhome
01:30:51 jusqu'aux ingénieurs, en passant par les mécaniciens.
01:30:53 Il y a vraiment une unité totale et une envie de vaincre et de réussir.
01:30:58 Et quand vous passez par ce monde-là,
01:31:00 c'est vrai que tout ce qui est à côté vous semble un petit peu fade
01:31:03 parce que ce niveau-là est tellement haut que c'est difficile à le retrouver.
01:31:08 Mais voilà, la F1 m'a appris ça et je garde toujours ça en mémoire en moi.
01:31:15 - Franck, votre équipe, maintenant, c'est Cannaplus.
01:31:17 - Exactement. C'est bien, j'aime bien. Je suis très, très bien ici.
01:31:21 La F1, c'est beaucoup, beaucoup de rigueur, beaucoup, beaucoup de travail,
01:31:23 et ça, ça me l'avait vraiment appris.
01:31:25 Et franchement, c'est bien ici.
01:31:27 - Ça me correspond.
01:31:29 - Jean-Alain, je vous laisse le mot de la fin.
01:31:31 - C'est évidemment la même chose.
01:31:34 On est déjà entouré de personnes d'un niveau exceptionnel.
01:31:38 C'est un plaisir de travailler. C'est un plaisir d'être à disposition.
01:31:42 Et aussi, le respect qu'il y a à toutes les échelles d'un team de Formule 1.
01:31:49 C'est fabuleux à vivre.
01:31:53 Et d'ailleurs, après ça, on arrivait difficilement à transposer ce qu'on a appris dans la Formule 1.
01:32:00 Si vous avez un grand jardin, vous arrivez, vous dites à votre jardinier ce que vous voulez vraiment,
01:32:05 il vous dit "il est fou celui-là".
01:32:07 Mais c'est des choses qui viennent du travail et des années apprises en Formule 1.
01:32:15 - Alain ?
01:32:16 - Je suis tout à fait d'accord avec ce que dit Jean, un peu avec Paul.
01:32:20 On prend souvent l'exemple de l'organisation d'une Formule 1.
01:32:24 Il y a beaucoup d'entreprises d'ailleurs qui vous demandent de parler un peu de ça,
01:32:27 sur la cohésion des équipes de 1500-2000 personnes pour les plus grandes.
01:32:33 Et c'est assez incroyable.
01:32:35 Et les gens d'extérieur ne comprennent pas qu'ils prennent souvent un élément,
01:32:39 mais il faut que tous les paramètres soient là pour que ça fonctionne.
01:32:45 Et c'est vraiment complexe.
01:32:47 On a eu de la chance de vivre autour de ça et de l'avoir vu progresser.
01:32:51 J'ai commencé avec 65 personnes dans une équipe, jusqu'à plus de 1000 personnes,
01:32:57 800 à peu près pour la partie châssis.
01:33:00 Mais c'est toujours avec les mêmes ingrédients.
01:33:04 Et moi je ne connais pas ailleurs quelque chose d'aussi sophistiqué
01:33:10 et d'aussi puissant comme organisation.
01:33:12 Et ce que dit Jean pour le jardinier, je suis tout à fait d'accord,
01:33:14 puisque moi on me prend pour un saoul.
01:33:17 - Un peu pointilleux peut-être.
01:33:19 - Exactement. Moins que Ron Dennis.
01:33:21 - C'est un cadre de vie.
01:33:23 - On va finir par là.
01:33:25 - Voilà, pour le mot de la fin, merci.
01:33:27 Merci beaucoup messieurs en tout cas d'avoir partagé ces magnifiques anecdotes
01:33:30 toutes plus pleines de passion les unes que les autres.
01:33:33 C'était un bonheur de vous écouter.
01:33:35 Le Big Five, c'est terminé. Merci de l'avoir suivi.
01:33:37 A très bientôt, salut.
01:33:40 Sous-titrage ST' 501
01:33:42 ...