• il y a 11 mois
Alexandra Bensaid reçoit Karl Paquette, danseur étoile pour sa nouvelle création "Mon Premier Casse-Noisette" au Théâtre Mogador (jusqu'au 25 février). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-04-janvier-2024-4289753

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Votre invitée, Alexandra Benzaïde, signe mon premier Casse-Noisette, adaptation du
00:05 ballet Pour les enfants, et c'est au Théâtre Mogador à Paris.
00:08 Un ballet qu'il connaît bien, il a été nommé Danseur étoile à l'issue d'une
00:12 représentation de Casse-Noisette, c'était il y a 14 ans.
00:15 Bonjour Karl Paquet.
00:16 Bonjour.
00:17 Et bienvenue.
00:18 Merci.
00:19 Casse-Noisette c'est le conte d'Hoffmann, la musique féérique de Tchaïkovski, l'histoire
00:22 de Clara, une fillette qui reçoit à Noël un soldat de bois.
00:25 Et dans ses rêves, ce Casse-Noisette se transforme en prince charmant.
00:28 Il y a aussi les rats, il y a la fée de Ragé.
00:31 Karl Paquet, ce ballet, vous l'avez donc dansé.
00:33 Version Nouraïef, il paraît que c'est le chorégraphe qui terrorise toujours les
00:37 danseurs, c'est le monstre de la perfection technique.
00:40 Et puis aujourd'hui, vous êtes une étoile à la retraite, vous proposez pour le jeune
00:44 public cette version courte, simplifiée.
00:47 C'est une aventure vraiment rare pour un ex-étoile, pour une étoile.
00:51 Qu'est-ce qui vous a attiré ? Ce qui m'attire déjà c'est de transmettre.
00:55 Je trouve que c'est important, vu mon parcours, de transmettre tout ce que j'ai appris de
01:00 mes maîtres, de tous ces grands chorégraphes aussi.
01:03 Donc, mon premier Casse-Noisette est vraiment un ballet qui est dédié pour la famille,
01:07 pour les enfants, très accessible.
01:09 Je trouve qu'il fallait revoir un peu ce format de ballet classique, qui est parfois
01:13 un peu long.
01:14 À mon goût, on a des ballets qui peuvent durer jusqu'à trois heures.
01:18 Là, il fallait vraiment trouver une version deux fois 40 minutes, ce qui est pour moi
01:22 aujourd'hui, pour un enfant en tout cas, ce qui est l'attention d'un enfant, elle
01:27 reste sur deux fois 40 minutes.
01:29 Donc, on a vraiment opté sur ce format-là, avec des horaires qui sont clairement adaptés
01:33 aux enfants.
01:34 On n'est pas en soirée, on fait des spectacles à 14h30, à 11h et on s'aperçoit vraiment
01:38 que là, les enfants, ils ne sont encore pas fatigués de la journée.
01:42 C'est une réalité.
01:43 C'est le second grand classique que vous adaptez.
01:45 Il y a déjà eu mon premier Lac des Signes.
01:48 C'est un ballet bonbon, on va parler de ce spectacle.
01:51 Des costumes splendides, de l'humour, les rats, ils ressemblent un peu à Ratatouille.
01:55 La fée de Râgé, on dirait qu'elle est sortie d'Alice au Pays des Merveilles.
01:58 La danse classique n'empêche pas, c'est vous, non ? Un peu de Moonwalk, du burlesque,
02:04 de la magie, c'est sûr que c'est vous.
02:05 Il y a des recettes pour embarquer les enfants, vous parlez du format.
02:09 Est-ce qu'il y a d'autres recettes qui font que les petits, parfois des cinq ans,
02:14 on va les garder pendant deux fois 40 minutes ?
02:16 Alors, Fabrice Bourgeois, il s'est toujours placé dans le regard de l'enfant.
02:19 Qu'est-ce que l'enfant voulait voir dans un spectacle de danse ?
02:24 On s'est dit qu'il fallait forcément que l'enfant soit heureux et ait envie de rire.
02:28 Parce qu'à partir du moment où l'enfant est captivé, il est là, il est concentré jusqu'au bout.
02:32 Donc là-dessus, c'était fondamental.
02:36 On a mis de la narration aussi dans ce ballet, parce qu'on s'était dit qu'il fallait qu'un enfant,
02:42 ce qu'il a vu, parfois qu'il le comprenne bien.
02:44 Et parfois, il y a des choses qu'on ne peut pas raconter en 40 minutes.
02:47 Donc la narration nous permettait de les récupérer.
02:49 Et notamment sur le lac des signes, c'était important.
02:52 Oui, c'est plus compliqué.
02:53 Sur une histoire qui est parfois un peu plus complexe, ça permet juste de resituer le débat.
02:58 Et dans la salle, c'est un public que vous n'aviez pas à l'opéra ?
03:02 C'est toute famille. C'est vrai qu'il y a des enfants, même très jeunes.
03:06 Et tant mieux, c'est ça aussi qui fait que c'est vivant.
03:08 On est en interaction avec ce public.
03:10 Oui, ça s'use son pouce debout en regardant, ça fait des commentaires.
03:14 Et je n'ai pas de problème à ce qu'un enfant pose une question dans la salle.
03:16 Parce que parfois, c'est ça aussi, on n'ose pas.
03:18 L'enfant, il vient voir un spectacle et il se dit "je ne comprends pas, mais on m'interdit de parler".
03:23 Là, il pose la question "est-ce que c'est ça que je comprends bien ?"
03:25 Et on lui répond. Et à partir de là, le film se déroule devant lui.
03:29 Et est-ce que vous, vos parents vous emmenaient au spectacle, au ballet quand vous étiez petit ?
03:34 Moi, j'ai le souvenir d'aller voir mon premier ballet, c'était le "Chat beauté", un ballet de Roland Petit.
03:38 Et après, bien sûr, j'ai eu cette chance à l'opéra d'en voir des spectacles.
03:41 Mais je pense que c'est important, justement, le regard du premier ballet.
03:46 C'est un souvenir qui reste, je pense, gravé éternellement.
03:49 Et là, ça devient accessible, mon premier "Casse-Noisette".
03:52 C'est un ballet féerique quand même.
03:54 Ils vont rigoler, ils vont tout comprendre surtout et ils ne s'ennuieront pas.
03:58 Ils ne s'ennuieront pas, ça j'en suis témoin.
03:59 À côté de moi, ils étaient bouche bée.
04:01 Ils n'ont pas décroché. Vous, vous les voyez, vous avez un retour vidéo, c'est ça ?
04:04 On a le retour de leur sourire, du son, de leur rire.
04:11 Ça, c'est pour nous très important.
04:13 Ça veut dire que ça marche, ça veut dire que l'histoire est comprise.
04:15 Ça veut dire que la danse est belle.
04:18 Ils ont déjà quand même... C'est vraiment un pari parce qu'ils, les jeunes,
04:20 aujourd'hui, les enfants, ils ont déjà les animes et les jeux vidéo,
04:24 même les plateformes de streaming.
04:26 Leur attention est très sollicitée.
04:28 Qu'est-ce qui vous laisse penser ? Qu'est-ce qui fait la force des ballets ?
04:31 Qu'est-ce qui vous laisse penser qu'ils peuvent adhérer au grand classique ?
04:35 Alors qu'il y a déjà vraiment pas mal d'adultes réfractaires.
04:38 Parce que le spectacle vivant, c'est irremplaçable.
04:41 Il y a quelque chose de magique.
04:42 Ils viennent voir... C'est pas un film qu'ils viennent voir, mais c'est un film
04:45 qui se déroule devant leurs yeux.
04:47 C'est toute une histoire qu'on leur raconte.
04:49 Et la danse, c'est éternel.
04:51 Ça sera intemporel.
04:52 Donc là, en plus, on a quand même pas lésiné sur la qualité.
04:55 On a quand même 24 danseurs en scène.
04:56 Ça danse très, très bien.
04:58 Je suis assez fier de tout ce groupe.
05:00 Ce n'est pas de la danse au rabais ?
05:01 Ah non, loin de là.
05:02 Parce que c'est un ballet qui est réduit, qui n'est pas simplifié.
05:06 Il est juste réduit.
05:07 On a essayé de condenser toute l'histoire de ce "Casse-Noisette" en 2 fois 40 minutes.
05:11 Donc, il y a de la technique.
05:13 Pour certains, c'est plusieurs rôles en même temps.
05:16 Et moi-même, je me sens...
05:19 Je prends mon cours tous les jours encore aussi pour justement donner le meilleur.
05:23 Et ça reste un vrai challenge pour nous tous au quotidien.
05:25 Avec un billet à partir de 29 euros, c'est un investissement.
05:30 Mais ce ne sont pas les prix de l'opéra.
05:32 Ah non, d'ailleurs, ça reste très accessible, je trouve, pour un ballet où il y a quand même autant de danseurs,
05:38 une très belle production de costumes, des beaux décors.
05:42 Réellement, tous les ingrédients, en tout cas, nous, on les a mis dans ce ballet.
05:46 Karl Paquette, pour "Le lac des signes", vous aviez changé la fin du livret.
05:50 D'habitude, les histoires d'amour, ça finit mal.
05:51 Et là, vous aviez fait en sorte que le bien triomphe du mal.
05:55 Quand on adapte des monuments du répertoire, il y a des lignes rouges ?
05:59 Non, parce que là, on s'était dit qu'on voulait aussi que ça plaise aux enfants.
06:02 C'est toujours le principe.
06:04 Et puis, il y a des versions qui existent où le bien triomphe du mal.
06:08 Donc, ça nous plaisait.
06:10 "Casse-Noisette" était plus simple à ce niveau-là, parce que ça reste féerique et c'est la magie de Noël qui parle.
06:15 Alors, il y a quand même un débat depuis quelques années sur la diversité,
06:19 la représentation des cultures différentes, les stéréotypes.
06:21 Et dans "Casse-Noisette", il y a des danses chinoises, russes, espagnoles, arabes.
06:28 Vous ne l'avez pas mise, d'ailleurs, dans celle-ci, dans le spectacle.
06:31 Comment vous l'avez intégré, ce débat ?
06:33 Alors, si, on l'a mise pour le coup, en plus, mais on l'a réadapté.
06:36 On a voulu vraiment faire pâtisserie, bonbonnière, un peu macarons.
06:41 Donc, on a réadapté toutes ces danses à travers des sucreries d'origines diverses.
06:48 Mais il vous intéresse, ce débat sur la représentation ?
06:52 Oui, bien sûr.
06:52 C'est important de l'avoir ?
06:53 Oui, c'est un sociétal aujourd'hui et c'est important.
06:56 Et c'est important que les clichés, en tout cas, évoluent.
06:59 Ça, c'est clair. Je suis aussi pour cette évolution.
07:04 Et ça se fait aussi à travers ces projets-là.
07:06 Justement, c'est important de continuer, en tout cas, de tout ce qui a été fait jusqu'à aujourd'hui
07:12 soit vraiment ancré dans notre histoire.
07:14 Ça, c'est sûr.
07:14 À propos d'évolution, avant, pour certains rôles, les danseurs se coloraient la peau.
07:19 Désormais, il n'y a plus de blackface.
07:21 Et l'Opéra de Paris a nommé, il y a quelques mois, son premier danseur étoile noir,
07:25 Guillaume Diop, qui dit "je ne suis pas fier d'être le premier danseur étoile noir".
07:29 Car ça arrive un peu tard.
07:31 Qu'est-ce que vous en pensez, Karl Paquet ?
07:33 L'Opéra, ça bouge lentement, c'est une institution tricentenaire.
07:36 Est-ce qu'il y a encore beaucoup à dépoussiérer ?
07:38 Comme dans la danse classique, il y a eu d'autres danseurs noirs.
07:41 On a eu Éric Vuant, qui n'était pas étoile.
07:43 Mais on a quand même eu des solistes à l'Opéra qui ont été de couleur, ça c'est sûr.
07:48 Mais c'est important que ça continue.
07:49 Je suis pour, en tout cas, diversifier.
07:52 Et ça, c'est un truc sur lequel il faut insister encore aujourd'hui.
07:58 Et l'Opéra, oui, c'est une vieille institution.
08:02 Donc on ne change pas comme ça du jour au lendemain.
08:04 Benjamin Milpi a essayé de tout changer assez rapidement.
08:08 Il avait de bonnes volontés.
08:09 Mais il faut mettre les choses petit à petit.
08:11 On construit une pierre après une pierre pour faire un beau bâtiment.
08:16 Une dernière question pour vous.
08:17 Dans votre biographie, j'ai lu, et ça me paraît important de le dire,
08:20 que vous avez échoué six fois à l'examen d'entrée du corps de ballet.
08:24 Est-ce que c'est exact ?
08:26 Non, ce n'est pas six fois.
08:28 J'ai échoué en tout cas, c'est sûr.
08:30 Ma question est, est-ce que l'échec, plusieurs fois ou pas,
08:34 est-ce que l'échec c'est important ?
08:36 Ça m'a permis de me construire en tout cas.
08:38 Je pense que d'avoir tout facilement, on ne se rend pas compte de la valeur des choses.
08:42 L'échec, on ne remet pas tout en cause.
08:46 Mais en tout cas, on se dit que la valeur travail, pour moi, avait une importance
08:51 que j'avais mis en tout cas en devant.
08:54 Parce qu'aux Etats-Unis, l'échec c'est mieux considéré qu'en France, par exemple.
08:58 Je ne sais pas, en tout cas, moi ça m'a forgé mon caractère.
09:00 Et je me suis dit qu'à travers ce travail-là, il y avait de grandes choses qu'on pouvait réussir.
09:04 Et ça a été mon leitmotiv pendant toutes mes années.
09:09 Karl Paquette, mon premier Casse-Noisette que vous avez conçu, adapté.
09:14 On vous voit aussi en scène, c'est un régal.
09:17 Le spectacle est à Mogador jusqu'au 25 février.
09:20 On espère qu'il va tourner en province.
09:22 Merci d'avoir été sur France Inter.
09:24 Merci beaucoup.
09:25 Et merci à vous Alexandra Benzaïde.

Recommandations