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Catherine Deneuve incarne Bernadette Chirac dans un biopic signé Léa Domenach, en salle mercredi prochain. L'icône du cinéma français est l'invitée de Sonia Devillers. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-28-septembre-2023-9488572

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Transcription
00:00 Bonjour Catherine Deneuve.
00:01 Bonjour.
00:01 Alors il y a très très peu de biopic comme disent les Américains dans votre filmographie,
00:04 ça ne vous intéresse pas beaucoup ?
00:06 Oui, enfin je ne suis pas sûre que les acteurs ou les actrices soient à la recherche de
00:09 biopics en particulier.
00:11 Ce ne sont pas...
00:12 Ce sont des choses peut-être qui arrivent de temps en temps seulement, seulement moi
00:15 ça ne m'attire pas, c'est particulier.
00:17 C'est comme ça quoi.
00:18 Vous ça ne vous attire pas ?
00:19 A priori non, non.
00:20 Non, non, non, les personnages qui me plaisent vraiment, que je connais, je n'ai pas envie
00:24 de voir raconter leur histoire autrement forcément.
00:28 Non, non, ce n'est pas...
00:29 Alors Bernadette c'est plus un exercice autour de Bernadette Chirac.
00:33 Enfin c'est plutôt une décision d'une jeune femme metteur en scène de Benac, premier
00:38 long film, premier long métrage, qui a écrit ce scénario qui était vraiment très bien
00:42 moi.
00:43 Et qui est une figure libre autour de Bernadette Chirac.
00:45 Oui, bien sûr c'est une comédie, oui oui bien sûr.
00:47 C'est une comédie, ce n'est pas du tout un biopic.
00:49 Voilà, et les comédies aussi sont loin d'être majoritaires dans votre filmographie.
00:53 Ben oui, moi j'aimerais bien qu'on m'en propose plus.
00:55 C'est vrai ? Et vous avez toujours eu envie d'en faire plus des comédies ?
00:58 Moi j'ai fait des comédies il y a assez longtemps, j'ai toujours aimé ça, c'est
01:01 tellement...
01:02 Mais c'est très rare.
01:03 Très rare ?
01:04 Ah oui, il y a des bons scénarios de comédies pour moi, oui oui.
01:07 Le fait de jouer cette femme qui a des manières et qui insiste sur les manières et qui a
01:13 un rapport très particulier au corps, parce que votre personnage dit chez les Chaudrons
01:16 de Courcelle, on ne se touche pas, c'est une question d'hygiène sociale.
01:19 Oui, ça c'est très drôle.
01:20 Parce que je trouve ça drôle.
01:21 Ça je pense que vraiment elle l'a su, je veux dire vraiment, il y a de Benac, elle
01:25 l'a vraiment su parce que c'est une idée quand même très particulière.
01:29 Oui, mais ça dit des choses sur cette femme, sur son attitude, sur son caractère.
01:35 Cette femme que vous avez connue ? Que vous avez rencontrée ?
01:37 Déjà rencontrer, ce n'est pas connaître.
01:40 Et en plus moi je l'ai très peu connue, je l'ai croisée deux, trois fois, mais
01:43 je ne l'ai pas connue.
01:44 Je n'ai pas eu l'occasion de faire un repas à cause d'elle, par rapport où j'aurais
01:48 pu parler avec elle précisément.
01:50 Non, je ne la connais pas.
01:51 Et pour vous c'est l'archétype d'une forme de bourgeoisie française ?
01:55 Non.
01:56 Bernadette Chirac, non ?
01:57 Non.
01:58 Oui, elle fait très bourgeoise parce qu'elle ne veut pas faire d'écart.
02:01 Je crois qu'elle doit s'en ficher un peu.
02:02 Je veux dire, maintenant elle se rend compte que c'est public, donc il faut qu'elle
02:05 modifie un peu les choses parce que maintenant ça devient tellement important, tellement
02:08 systématique, les photos, les images, ça devient… Tout le monde photographie avec
02:11 son téléphone, c'est devenu quand même un peu n'importe quoi d'ailleurs aussi.
02:15 Mais déjà à l'époque, déjà, parce que le film se situe dans les années 80.
02:19 Et déjà sa fille, Claude Chirac, est l'attachée de presse de son père, il y a un duo infernal
02:23 comme ça entre la fille et le père, déjà lui dit qu'il faut apprendre à parler aux
02:27 journalistes.
02:28 À partir de maintenant, on ne peut plus se laisser aller, on ne peut plus être soi-même.
02:31 Oui, ça c'est sûr, c'est un duo, donc elle ne peut pas sortir de ça.
02:36 Oui, oui, elle n'est pas dans ce petit…
02:38 Alors qu'est-ce que c'est que la bourgeoisie ? Qu'est-ce que c'est qu'une femme bourgeoise
02:42 ?
02:43 C'est une question géniale quand même.
02:44 Il y a des écrivains qui ont par exemple écrit sur la bourgeoisie.
02:48 La bourgeoisie c'est une chose, maintenant l'image bourgeoise, c'est une femme qui
02:52 est comme elle est en apparence, avec une certaine longueur de robe, avec des petits
02:56 talons, pas trop haut, pas trop court, toujours un petit sac à la main, tout ça c'est
03:00 vraiment des symboles assez…
03:01 Bon, moi ça me fait sourire, mais bon ça ne me paraît pas être vraiment… dire autant
03:06 pour autant qu'elle soit vraiment bourgeoise, vous voyez, on s'arrête beaucoup, souvent
03:09 à ça.
03:10 Alors c'est évidemment un film sur la domination mâchiste, c'est évidemment… et sur le
03:16 patriarcat parce qu'encore une fois il y a la domination de cette épouse vis-à-vis
03:20 de Jacques Chirac qui passe son temps à lui dire "souvenez-vous que vous avez eu de
03:23 la chance de m'avoir épousée", mais il y a aussi la domination du père et de la
03:27 figure du père sur ce noyau familial.
03:30 Et voilà, c'est l'histoire d'une femme qui est quand même supplantée par sa propre
03:34 fille dans les yeux de son mari et qui va renverser cet ordre-là.
03:39 Elle va renverser… c'est la vie, c'est pas des décisions comme ça, de passer par
03:45 là, de prendre ça, de changer.
03:46 Non mais c'est comme la vie se passe.
03:48 Elle l'a connue très jeune, ils ont fini leurs études ensemble, c'est une femme
03:52 intelligente, cultivée.
03:54 Après elle est devenue la femme de Chirac donc elle a été obligée de s'adapter
03:57 à la façon dont il vivait, mais c'était pas une décision, je veux dire, de prendre
04:01 ce… c'est des choses qui doivent s'appliquer à vous, même sa fille, ça a dû être difficile
04:05 pour elle quand elle a commencé.
04:06 Vous en parlez avec tendresse de Bernadette Chirac ?
04:09 Ah bah oui, oui, plutôt, bien sûr.
04:10 Et c'est un film tendre.
04:12 C'est à la fois une satire et c'est un film de support.
04:13 Je trouve la décision de montrer le film, bien sûr, c'est une façon… oui, c'est
04:18 le choix, mais c'était pas le désir de faire vraiment un portrait très précis,
04:23 je sais pas qui la connaît vraiment bien maintenant, c'est plus à travers, je pense,
04:27 le livre qui a été écrit pour elle, qui a été d'ailleurs le succès, qui l'a
04:30 amené d'ailleurs au grand public, c'était ça.
04:33 Mais sinon, je sais pas combien de gens vraiment la connaissent, vraiment, on peut toujours…
04:37 c'est un peu vrai pour beaucoup de gens publics qui sont connus, c'est de dire vraiment
04:41 vite, on la lue, on l'image, la voit, un truc de détail et hop, ça y est, c'est
04:44 bouclé, un portrait, c'est… franchement, ça se fait un peu…
04:47 Mais le film, ce scénario-là, c'est l'histoire d'une femme qui prend une décision et
04:50 qui dit "j'en ai marre qu'on ne m'entende pas, donc on va m'écouter".
04:53 Et elle parle de son mari ! Et elle parle de son mari !
04:56 Mais parce qu'elle a l'occasion de pouvoir le faire quand même, elle a l'occasion
05:00 de pouvoir le faire, parce qu'évidemment, elle en a eu assez, c'était vraiment…
05:04 bon, je pense que vraiment, le couple entre sa… entre sa… entre sa… sa… entre
05:07 son mari et sa… et sa fille, je pense que ça a dû être un peu plus… plus cruel
05:11 pour elle et que ce soit devenu vraiment… ouais, trop… faut arrêter, faut arrêter,
05:16 voilà, je comprends.
05:17 - Et en adette, est-ce que c'est potiche à l'Élysée ? Parce que, évidemment, tout
05:19 le monde se souvient de vous dans le film de François Vauzon, il y a quinze ans, en
05:23 Madame Pujol.
05:24 Il y a un côté potiche à l'Élysée, quand même.
05:26 - C'est pas du tout potiche.
05:27 - C'est pas du tout potiche ? - Non, c'est la situation qu'on pourrait
05:29 dire pour n'importe quelle femme qui est utilisée par son mari, qui est montrée comme
05:31 ça, comme une… voilà, qui a une présence, un physique, un genre, qui est… une potiche,
05:36 c'est ça, c'est quelqu'un qui peut représenter un signe de ce qui était son
05:39 cas.
05:40 Mais ça n'a rien à voir, Manel Chirac est potiche.
05:42 Simplement, l'histoire raconte quand même l'histoire d'une femme qui va prendre
05:44 un peu une revanche, son évolution, qui va lui permettre de se replacer autrement, comme
05:50 c'est une femme intelligente, qui a du bon sens, qui se conduit bien, qui fait des choses
05:53 concrètes qui sont positives.
05:55 Mais sinon, ce ne sont pas les mêmes personnages, ce n'est pas le même milieu, ce n'est
05:58 pas du tout la même origine, ce n'est pas du tout la même…
06:00 - Non, mais c'est quand même ce qui reste de cette femme bourgeoise française après
06:05 68, en réalité.
06:06 Un peu, dans les deux.
06:08 Non ? Ça vous fait rire.
06:11 - Oui, mais ça me fait rire cette volonté parce que moi, je n'ai pas du tout envie
06:14 de raconter ce film-là parce que le film qu'on a fait, c'est une comédie.
06:18 Alors, il se trouve que ce qui est vraiment très original, c'est que c'est Bernadette
06:21 Chirac, mais ça a été fait très sérieusement avec des bases et des choses, des idées et
06:26 des images.
06:27 Tout est très juste, tout est très vrai.
06:28 Donc, il ne peut pas y avoir de choses vraiment qui soient…
06:30 Mais c'est très, très exigeant pour une comédie où il faut être beaucoup plus rigoureux
06:33 parce qu'à la limite, on peut se permettre beaucoup plus de choses.
06:35 Mais c'est vraiment une évolution assez normale.
06:42 C'est l'édition d'une potiche parce que dans la vie, ça existe ce qu'on appelle
06:45 une potiche.
06:46 Oui, c'est une femme qui est en représentation, qui est là, posée à côté de vous.
06:51 - Vous, vous avez eu des modèles féminins quand vous étiez jeune.
06:55 Dans le couple de vos parents, par exemple, comment se répartissaient les rôles entre
07:01 vos parents ? C'est-à-dire, est-ce que vous aviez une mère qui était la femme soumise
07:05 de son mari ? - Non, non, non.
07:07 Comme beaucoup de femmes.
07:09 Écoutez, dans la vie, c'est quand même beaucoup de femmes.
07:10 Elle avait beaucoup de caractère.
07:11 Ma mère, elle a été actrice très jeune.
07:13 Elle a joué au théâtre.
07:14 Elle était douaïenne à Lodéon à 20 ans.
07:16 Vraiment, ce n'était pas du tout ça.
07:18 Et mon père était acteur, donc ce n'était pas du tout leur relation.
07:21 Non, non, ce n'était pas du tout ce genre de…
07:23 - Et vous, vous, à qui on a connu différentes périodes dans la vie, différents hommes
07:28 dans la vie, vous n'avez jamais non plus voulu être la femme d'un seul homme qui
07:32 va suivre et qui va sacrifier sa vie et sa carrière ?
07:34 - Amoureusement, on peut bien être la femme d'un seul homme, le suivre, s'arrêter,
07:37 le suivre, bien sûr.
07:38 Oui, ça tout à fait.
07:39 Ça ne veut pas dire que c'est vraiment devenir une potiche.
07:42 - Non, non, non, pas du tout.
07:44 - Ah non, mais suivre, oui, suivre.
07:46 Oui, bien sûr que ça peut arriver dans la vie.
07:48 Si, bien sûr que ça peut arriver, oui.
07:49 - C'est-à-dire que vous avez quand même été, vous, un modèle d'émancipation,
07:52 un modèle de liberté assez jeune pour beaucoup de femmes françaises, pour le public.
07:57 C'est-à-dire qu'en 1962, il y a des interviews de revues de cinéma qui vous disent "Mais
08:03 Mademoiselle Deneuve, vous avez un enfant en mariage, est-ce qu'il ne serait pas temps
08:06 de régulariser les choses ?"
08:07 - 1962 ?
08:08 - Oui, c'est vrai que c'est des choses qui m'ont jamais attiré.
08:12 Pourtant, moi, j'ai été vues dans une famille, mes parents ont vécu ensemble toute
08:15 leur vie.
08:16 Ce n'est pas une image de couple.
08:18 Mais moi, le mariage, ce n'était pas une chose qui m'attirait particulièrement.
08:21 Donc voilà.
08:22 En revanche, avoir un enfant, c'est une très grande envie.
08:23 Oui, ça, c'était beaucoup plus important.
08:25 Mais bon, être mariée, ce n'était pas du tout pour moi une obligation, non.
08:28 - Sauf que dans les yeux des journalistes en 1962, ça l'était.
08:31 - Oui.
08:32 Sauf que j'étais moins très jeune.
08:34 C'est vrai, j'avais à peine 20 ans.
08:37 Oui, c'était…
08:38 - Oui, c'est ça.
08:39 - 20 ans, ce n'est plus tellement jeune aujourd'hui.
08:40 Mais à l'époque, je disais que c'était très jeune quand même.
08:42 - 20 ans pour avoir…
08:44 - Oui, 20 ans, les filles, elles sont très émancipées, elles font des choses à 15
08:46 ans et tout ça.
08:47 Moi, à mon âge, quand j'étais à l'époque, ce n'était pas du tout, du tout.
08:51 Ce sont des scandales, des histoires, des problèmes.
08:53 - Et alors là, vous incarnez la femme du président Jacques Chirac, vous incarnez la
08:57 femme de droite par excellence.
08:59 Vous qui avez été une mariade, vous avez été à votre manière une première dame
09:02 de France en 1985.
09:04 Vous étiez le visage de la République française.
09:07 Vous avez eu, et ça c'est très intéressant, vous avez eu à la fois une image de gauche,
09:12 de femme de gauche, sans jamais militer, sans jamais vous engager, et toujours une image
09:16 de femme bourgeoise.
09:17 - Un petit peu, mais pas pour la politique, oui.
09:18 M'engager, mais pas pour la politique.
09:20 Non, pour des choses.
09:22 Mais j'étais plutôt républicaine, ça c'est vrai.
09:24 Et donc, c'est pour ça que j'avais accepté d'être mariable parce que c'était le
09:28 symbole de la République.
09:29 Et c'est vrai que ça me faisait que ce symbole qui était moi, c'était quand même
09:32 quelqu'un qui avait eu un enfant très jeune, hors mariage, tout ça.
09:36 Donc ce n'était pas, voilà, qu'il y ait signé sur l'avortement, un papier, tout
09:41 ça.
09:42 - Les 343.
09:43 - Non mais tout ça, oui, mais tout ça c'est pour...
09:44 - Qui vous aient engagé contre la peine de mort.
09:45 - Oui, oui, ah voilà, oui, oui, c'est vrai.
09:47 - Pour Amnesty International.
09:48 - Pour le Chili, oui, bien sûr.
09:51 - Mais jamais en politique.
09:52 - Non, non, moi je trouve que ce n'est pas du tout la place.
09:54 Moi je n'ai pas envie qu'on utilise des gens connus comme ça et qui ont donné...
09:58 Non, moi je ne suis pas pour, je ne trouve pas que ce soit normal, je trouve que les
10:01 gens doivent décider eux-mêmes et pas influencer par des non connus.
10:05 Franchement, c'est vrai que...
10:06 En Amérique, c'est très différent, mais on n'a pas cette façon de travailler, de
10:11 faire les élections, ce n'est pas du tout comme ça en France quand même.
10:14 - En Amérique, en France, je veux dire, en 80, il y a quand même beaucoup, beaucoup
10:18 de personnalités politiques.
10:19 - En Amérique, il y a énormément de gens qui se manifestent, c'est très différent.
10:21 Moi, ça me sidère toujours, je veux dire, quand c'est comme ça.
10:24 Enfin, les campagnes, c'est différent, il faut énormément d'argent, les gens qui
10:26 mettent de l'argent pour...
10:27 C'est quand même tout à fait différent, les élections.
10:29 - Et on met les acteurs à contribution.
10:32 - Ce n'est pas ça, c'est qu'ils acceptent, enfin qu'ils veulent surtout se mettre...
10:35 Voilà, c'est leur fonctionnement, oui.
10:38 - C'est la fin de cette interview.
10:39 Merci Catherine Deneuve.
10:40 - Merci.

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