Michel Desmurget

  • il y a 8 mois
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00:00 Culture Média sur Europe en 9h-11h, Thomas Hill ce matin vous recevez Michel Desmurgé, auteur du livre "Faites les lire".
00:07 Et on continue à parler de ce livre passionnant et si les jeunes lisent moins qu'avant, Michel Desmurgé, on le disait, c'est en grande partie à cause de ce que vous appelez l'éléphant numérique et des écrans récréatifs.
00:19 Le temps passé devant les écrans, c'est du temps en moins en interaction humaine et ça, ça a de lourdes conséquences.
00:25 Oui, c'est-à-dire qu'il y a les journées qui font 24 heures, on ne se rend pas compte que les enfants, notamment les jeunes enfants, ils dorment beaucoup.
00:32 Donc sur ces 24 heures, il ne reste pas forcément, une fois que vous avez enlevé tous les temps contraints, il ne reste pas forcément beaucoup.
00:38 Et à partir du moment où, voilà, il y a trois grandes victimes de la propagation, mais c'est absolument ahurissant le temps qu'on passe sur les écrans.
00:46 Je peux donner un chiffre que vous donnez dans votre livre. Chaque année, les écrans récréatifs représentent 112 jours de la vie d'un enfant en classe de 4ème.
00:56 112 jours sur 3 ans.
00:58 C'est astronomique quand même.
01:02 Oui, la lecture par comparaison, ça représente quelques mois, quoi, 5-6 mois.
01:07 Donc le temps...
01:08 Ça dans toute une vie, vous voulez dire ?
01:10 Non, non, sur 5-6 jours.
01:13 5-6 jours, oui, c'est ça.
01:15 Ça représente 5-6 mois sur l'ensemble de l'enfance, pardon.
01:17 5-6 jours sur le...
01:20 Oui, c'est rien du tout, quoi.
01:21 Mais on s'aperçoit que, voilà, ce temps, il faut le prendre quelque part.
01:24 Et les trois grandes victimes, le tiercé, si j'ose dire, des victimes, c'est le sommeil.
01:29 Le sommeil qui est une activité absolument fondamentale.
01:31 Vous pouvez toucher à peu près n'importe quoi chez un gamin, mais vous ne pouvez pas toucher le sommeil.
01:34 Les gens ne réalisent pas, mais on ne dort pas pour se reposer.
01:37 On dort parce qu'à un moment donné, le cerveau, il a besoin d'assurer la maintenance de l'organisme, sa maintenance intellectuelle, physique.
01:42 Et il ne peut pas le faire quand on est réveillé parce qu'on a trop de trucs à faire.
01:45 Donc, en gros, il nous débranche en nous endormir pour pouvoir faire son travail.
01:48 Mais si on ne dort pas assez, cette maintenance ne peut pas être assurée.
01:50 La deuxième chose que j'ai citée, c'est les interactions sociales.
01:52 Pour la lecture et au début, le développement du langage, les interactions entre amortisseurs familiales,
01:57 le nombre de mots, le nombre d'échanges que l'enfant va avoir avec ses parents,
02:01 il y a de très belles études qui montrent que ce nombre de mots,
02:03 il prédit à très long terme le développement intellectuel, scolaire, la réussite scolaire de l'enfant.
02:08 Donc, ça vous dit qu'il faut leur parler tout de suite.
02:09 Il faut leur parler tout de suite. Il faut leur parler...
02:12 - Beaucoup. - Beaucoup.
02:13 Et pour donner un exemple, il y a une étude, alors c'est extrême,
02:15 mais si vous prenez des enfants qui, par exemple, sont nés sourds
02:18 et vous ne les détectez pas tout de suite et vous les appareillez seulement après la première année,
02:22 comparé à des enfants que vous détectez tout de suite et que vous appareillez pendant la première année.
02:26 C'est des enfants qui sont nés sourds, sourds bilatéraux, c'est-à-dire des deux côtés.
02:29 Ces enfants-là, vous les suivez jusqu'à l'adolescence, la fin de l'adolescence.
02:33 Et même à ce moment-là, vous allez voir que le fait de ne pas avoir ces entrées langagières pendant la première année,
02:38 la première année a des impacts importants sur les capacités syntaxiques, grammaticales à très long terme.
02:43 Donc c'est très, très, très important de parler à l'enfant.
02:46 Même si vous avez l'impression que vous avez un mollusque dans le berceau,
02:49 il se passe énormément de choses dans son cerveau.
02:51 Ça structure vraiment le cerveau.
02:52 - Et de lire aussi très vite, c'est-à-dire dès 6 mois, par exemple, vous dites "il faut commencer à ouvrir des bouquins".
02:56 - Oui, et c'est la troisième victime du temps d'écran, c'est-à-dire la lecture partagée.
03:01 Les enfants, les parents, maintenant, ils mettent un CD, un truc, c'est pas du tout, du tout, du tout la même chose.
03:06 Il faut lire à l'enfant, il faut lui lire très précocement.
03:09 Les études montrent que dès 3 à 6 mois, la lecture partagée, c'est-à-dire lire à l'enfant.
03:14 Même si vous avez l'impression, même s'il ne parle pas lui-même, solliciter sa parole, lui lire, lui montrer les images,
03:20 mettre des bouquins dans son berceau pour que ça culture vraiment au livre, pour que le livre, ça soit...
03:24 - Oui, pas des boîtes à histoire, en fait. Il faut lire avec des pages, il y a des images.
03:28 - Et puis il faut continuer à le faire longtemps.
03:30 C'est ça aussi qui est important dans votre livre, c'est que vous expliquez que
03:33 c'est pas parce qu'un enfant commence à savoir lire en CP, en CEA, qu'il faut arrêter de lui lire des histoires.
03:38 - Oui, il faut persévérer longtemps. Alors pour finir sur le précoce,
03:41 il y a même des études qui ont été faites sur des grands prématurés,
03:44 c'est-à-dire qu'ils ont été dans un service hospitalier
03:48 et les parents qui avaient des grands prématurés, ils leur ont dit "il faut lire à vos enfants".
03:51 Les parents se sont dit "ces gens-là sont bizarres, mais ils l'ont fait quand même".
03:53 Et on n'a pas pu tester le langage, mais quand les parents sont revenus 4 à 6 mois plus tard,
03:57 on s'est aperçu que non seulement il y a plein d'études qui montrent que ça a des effets intellectuels,
04:01 mais ça a des effets sur le climat émotionnel de la famille.
04:03 Les relations entre le parent et l'enfant, la synchronie, le climat social
04:07 étaient vraiment améliorés par la lecture partagée.
04:10 Il faut poursuivre longtemps parce qu'il y a une chose qu'il faut comprendre,
04:14 c'est qu'on assimile souvent la lecture au décodage,
04:16 c'est-à-dire la capacité à transformer les signes en sons.
04:18 Je lis, je vois les lettres "papa" et je dis "papa".
04:21 Ça c'est une partie de la lecture.
04:23 Si je veux jouer au tennis, vous allez me donner une raquette, mais ça fera pas de moi un joueur.
04:26 Le deuxième problème et le problème fondamental, absolument fondamental de la lecture,
04:30 c'est la compréhension.
04:31 Et ce qu'il faut comprendre, c'est que la lecture c'est une autre langue.
04:33 C'est-à-dire que parler l'oral, ça nous aide pas à parler l'écrit.
04:36 Il y a beaucoup plus de mots.
04:39 C'est-à-dire que, voilà, vous avez des mots qui sont très communs à l'écrit,
04:43 qui sont très rares à l'oral, mais des mots qui servent,
04:45 des mots comme "jubilé", "coca".
04:47 S'il y a eu cet exemple au concours des professeurs des écoles,
04:50 c'était une poésie de Victor Hugo, et on parlait d'enfants chancelants.
04:53 Et les jurys d'examen que je suis allé voir nous expliquent que la majorité,
04:56 la plupart des candidats, ils le tentent différemment,
04:58 n'ont pas réussi à expliquer le mot "chancelant",
05:01 qu'ils ont expliqué que c'était des enfants qui avaient de la chance,
05:02 que c'était des enfants qui chantaient, qui étaient joyeux, etc.
05:04 Mais vous ne pouvez pas comprendre le mot "chancelant" et le connaître
05:08 quand vous ne lisez pas.
05:09 C'est un mot qui est très rare à l'oral, une fois tous les 2-3 millions de mots,
05:12 et c'est un mot qui est très fréquent à l'écrit, une fois tous les 100 000 mots.
05:14 100 000 mots, c'est un classique comme "Bel ami",
05:17 et vous avez des mots comme "coca", "jubilé", "saillant".
05:20 "Saillant", c'est une fois tous les 6 millions de mots à l'oral.
05:22 Donc voilà, une pensée saillante ou un os saillant, c'est des choses, si vous ne lisez pas, vous la répétez.
05:26 Mais il y a la grammaire. La grammaire, elle est beaucoup plus riche.
05:29 La syntaxe, la forme passive, vous ne la choperez jamais à l'oral.
05:33 Vous savez, la souris a été mangée par le chat.
05:35 Et puis vous avez, en France, on a vraiment une grammaire magnifique,
05:40 une conjugaison, je me dépêche, une conjugaison magnifique,
05:43 parce que vous avez des temps, et ces temps, on nous dit "euh, le passé simple",
05:48 "le passé intérieur", tout ça, c'est des trucs d'un autre temps,
05:50 mais pas du tout, c'est ce qui nous permet d'exprimer très finement notre pensée,
05:55 la chronologie, les rapports entre les éléments.
05:57 Supprimer ça, c'est comme si vous disiez "le violon, c'est trop compliqué, je vais virer 3 cordes".
06:00 Oui, tu peux jouer du violon avec une corde, mais ça ne sera pas du tout la même richesse.
06:03 Et des choses comme "le passé simple", voilà, "Gretel poussa la sorcière",
06:06 ou "il eût fallu qu'il ait Asphoge", etc., ces choses-là, vous ne les avez qu'à l'écrit.
06:10 Et donc, il faut que les parents comprennent que l'écrit, c'est une seconde langue,
06:14 et cette seconde langue, l'enfant ne peut l'acquérir que dans les livres.
06:18 Et comme il ne sait pas lire, et que quand il commence à acquérir le décodage et qu'il arrive au CP,
06:22 au CP, il n'acquiert pas la lecture, il n'acquiert le décodage.
06:24 Et donc, ça se fait sur des trucs simples, parce que sinon, le cerveau, il pète un plomb à un moment donné,
06:28 et ça ne peut pas être compliqué au niveau du langage et du décodage.
06:30 Et donc, si vous ne continuez pas à laisser le langage de l'enfant littéralement sous perfusion,
06:35 en lui lisant des histoires bien après le CP, jusqu'à ce qu'il commence lui-même à être capable de lire tout seul,
06:42 c'est-à-dire jusqu'au collège et après, parce qu'en plus, ça maintient le plaisir,
06:45 on ne se rend pas compte, mais quand on lit, au départ, c'est pénible.
06:48 Moi, ma fille, j'ai rangé ses bouquins parce qu'elle est partie, mais quand elle était petite,
06:51 je lui disais "tu lis et ce que tu ne comprends pas, tu soulignes".
06:53 Et en rangeant ses bouquins, je me suis aperçu que les livres qu'elle lisait toute seule,
06:57 c'est un long soulignement du début à la fin.
06:59 Et donc, en maintenant ça, vous maintenez le plaisir.
07:02 Et s'il n'y a pas de plaisir, il n'y a pas de lecture.
07:03 Et c'est le plus important, c'est que ce ne soit pas une contrainte pour les enfants, mais un vrai plaisir.
07:07 Je vous avais prévenu que ça allait être passionnant.
07:09 Fais-en les lire pour en finir avec le crétin digital.
07:13 C'est aux éditions du Seuil et on va continuer à en parler dans un instant.
07:16 Oui, avec une autre histoire passionnante.
07:19 Alors là, celle-ci sera racontée dans un instant par Joe Hume, le premier indispensable du jour.
07:23 Une histoire folle encore autour du groupe Led Zeppelin.
07:26 À tout de suite sur Europe 1 dans Culture Media.

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