Radio Loire est une émission radio proposée en direct lors des 13es Rendez-vous du Val de Loire, le 15 novembre 2023 à Tours. L'idée de cette émission était de proposer un panorama des réflexions en cours sur la Loire et ses paysages, sous forme de plateau radio animé par les journalistes Laure Bourru et Sébastien Rochard. "Radio Loire" s’inscrit dans la continuité de La Grande remontée, entre savoirs nautiques, scientifiques et sensibles autour du fleuve.
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00:00 - Tu es pilotée. - Ouais.
00:01 - Je vous laisse à la bourde. - Ouais.
00:02 - Tu te mets sur le pont arrière à la bourde, Romane. - OK.
00:05 Julien, à la bourde devant. Et quelqu'un d'autre avec lui.
00:08 OK, les chouchous !
00:17 Vous me parlez fort, devant !
00:19 - Ouais. - Très fort.
00:21 Vous me criez dessus, quoi.
00:23 Et j'ai le soleil, je vois rien non plus, alors je compte beaucoup sur vous.
00:26 - OK. - OK.
00:28 Petit coup de bourde à droite pour remettre le nez.
00:31 Caillou !
00:34 Allez, poussez !
00:36 Poussez, Marine !
00:38 Coup de bourde à gauche !
00:40 On remet le nez dans le courant.
00:42 Elle est là. On est à passer. Encore ! En même temps !
00:45 Allez, on pousse !
00:48 Celle-là, elle est devant, on va pas pouvoir passer dessus, je pense.
00:54 Décalez-vous un petit peu sur la gauche.
00:56 Ouais, pas mal. Allez, ensemble !
00:59 Allez, ensemble !
01:06 Elle était belle.
01:11 On réessaye un petit peu sur la gauche.
01:14 Allez, c'est la bonne !
01:16 - Oh ! - C'est pas la bonne.
01:18 C'est tout.
01:20 Coup de bourde !
01:22 Surtout quand on frotte les cailloux, parce que je suis un peu...
01:25 Je frotte les cailloux parce que je suis obligé de couper.
01:28 - T'essayes de me tenir le cul, Romane. - Ouais.
01:38 Maintenant, on essaye de longer, OK ?
01:40 Vous nous faites éviter les cailloux.
01:42 Vous piquez avant que le moteur soit dedans.
01:44 Et j'avance.
01:46 Essayez de pas nous ramener vers la gauche.
01:48 On longe tout doucement.
01:51 - C'est du sable, là, tout rouge. - Là, on est posé.
01:54 OK. On se repousse un petit coup sur la gauche, très légèrement,
01:57 pour se bouger du sable.
01:59 Vous autres aussi, à bord du bateau, ouais.
02:01 Le sable, c'est cool, non ?
02:05 Ouais, c'est mieux que les cailloux.
02:07 Allez, on redresse l'assiette.
02:09 Allez, vous êtes prêts ? Va falloir pousser, maintenant.
02:13 On est sur une pierre, on est coincé.
02:15 C'est un gros caillou, là.
02:17 Allez, il faut descendre, chouchou.
02:19 Y a plus moyen.
02:21 C'est là qu'on passe.
02:23 - Elle est où, l'eau, Julien ? - Elle est devant moi.
02:29 Tout droit !
02:31 Pas plus à droite, pas plus à droite.
02:33 Je suis un peu pire.
02:35 - On est à la fin. - On est à la fin.
02:37 On a un peu plus de temps.
02:39 Pas plus à droite, pas plus à droite.
02:41 Je suis un peu pire.
02:43 Excuse pour la bourde.
02:45 Allez, allez, allez.
02:47 C'est passé.
02:49 Tous ceux qui peuvent remonter, remontent.
02:51 Bravo !
02:53 On était en plein dans la grande remontée.
02:55 Pour ceux qui ne l'ont pas vécu,
02:57 ça s'est passé pas mal de fois.
02:59 À partir des pensées, on va dire.
03:01 C'est devenu un peu plus compliqué.
03:03 Pendant qu'on franchissait ce radier,
03:05 trois nouveaux invités nous ont rejoints
03:07 sur ce plateau radio.
03:09 Je commence par toi, Romane.
03:11 Pourquoi je commence par toi ?
03:13 Parce que tu étais sur le bateau.
03:15 On t'a entendu.
03:17 Tu fais partie de l'équipage de Mélusine.
03:19 Tu es battelière. Tu gardes un souvenir précis
03:21 de ce radier en particulier ?
03:23 J'ai l'impression que c'est du côté de Muid,
03:25 sur Loire, mais je ne suis pas hyper sûre.
03:27 C'est ce moment-là ?
03:29 - Loire, c'est ça. - OK.
03:31 Il y a une volonté de passer dans un endroit
03:33 un peu extravagant par rapport au goulet principal.
03:35 On a eu quelques péripéties
03:37 pour franchir cet endroit.
03:39 Mais le bateau a eu quelques pocs.
03:41 Tu es là, ce n'est pas si mal passé que ça.
03:43 Pour moi, ça a été.
03:45 Le bateau, un peu moins.
03:47 À tes côtés, Virginie Cerna.
03:49 Bonjour, Virginie.
03:51 Tu es archéologue fluviale et présidente
03:53 du Conseil scientifique de la mission Val-de-Loire,
03:55 au milieu de plein d'autres choses.
03:57 On va résumer comme ça.
03:59 Tu as également participé aux travaux
04:01 du Parlement de Loire, qu'a évoqué Ninon Bardet
04:03 dans ses propos liminaires.
04:05 Le Parlement de Loire, c'est justement ce qui a
04:07 en partie inspiré ta dernière BD.
04:09 Étienne Davodou, bonjour.
04:11 - Bonjour. - Sobrement intitulé "Loire",
04:13 aux éditions Futuropolis.
04:15 Tu reviens à la fiction
04:17 pour proposer un changement de regard
04:19 sur le fleuve qui t'a vu grandir
04:21 du côté du Méné-Loire. J'ai tout bon jusque-là ?
04:23 - C'est parfait. - Parfait.
04:25 On va partir de l'image que nous a fournie
04:27 Virginie. Elle est juste derrière moi.
04:29 Je ne vais pas demander le même exercice
04:31 que juste avant. Virginie, peux-tu
04:33 nous décrire cette image ? Pourquoi as-tu choisi
04:35 cette image et qu'est-ce qu'on y voit précisément ?
04:37 - Alors,
04:39 pour moi, c'est assez facile à décrire
04:41 parce que je vois très bien qui c'est.
04:43 Donc c'est moi.
04:45 Voilà. Je suis là
04:47 sous l'eau. On est
04:49 à une profondeur dérisoire
04:51 de 1,80 m
04:53 à peu près. On est
04:55 sur le site de l'Angers.
04:57 Donc,
04:59 on descend effectivement. On est
05:01 en archéologie, en milieu hyper-barre.
05:03 Donc, on descend
05:05 effectivement sous 1 m de profondeur
05:07 et donc l'obligation d'avoir
05:09 effectivement l'équipement de tout plongeur.
05:11 Voilà. Donc,
05:13 on voit des bulles, ce qui signifie que je
05:15 respire. C'est bon signe. Vous voyez
05:17 aussi que j'ai des gants, ce qui
05:19 est très important.
05:21 On ne plonge jamais, on ne descend
05:23 jamais en Loire ni dans aucune autre rivière
05:25 sans gants pour se protéger.
05:27 Et là, ce que l'on voit, on est sur la
05:29 sole, donc on est sur le fond du bateau.
05:31 Donc, ce grand bateau de l'Angers
05:33 donc daté du XVIIIe siècle
05:35 qui s'est naufragé en face
05:37 de l'île de Bel Air
05:39 à l'Angers. Et on en voit
05:41 donc, alors vous voyez des petites étiquettes
05:43 blanches. Donc, c'est des étiquettes qui nous
05:45 permettent, nos archéologues,
05:47 d'identifier en fait les pièces architecturales
05:49 sur lesquelles nous travaillons.
05:51 Petit détail aussi important,
05:53 on pense que, allez, c'est comme les
05:55 marins d'eau douce, c'est facile
05:57 de plonger à 1m80 sous la Loire.
05:59 En fait, c'est extrêmement difficile
06:01 et vous voyez qu'on a une ligne de vie.
06:03 Donc, il y a une corde en fait qui nous
06:05 relie parce qu'on est complètement
06:07 harnaché. En fait, on ressemble à un
06:09 sapin de Noël. On voit ma
06:11 plaquette blanche en PVC sur
06:13 laquelle on écrit, donc qui est reliée.
06:15 En fait, tout est...
06:17 On s'attache tout parce que tout, sinon
06:19 part directement à Nantes.
06:21 Voilà, on est vraiment sur
06:23 une difficulté technique
06:25 d'entrer dans l'eau de Loire.
06:27 Et ça, c'est important.
06:29 Etienne, qu'est-ce que t'inspire cette photo que tu découvres ?
06:31 Je peux venir ?
06:33 Allez !
06:37 Ça se négocie en direct sur du plateau.
06:39 Ça donne accès à une autre dimension
06:41 de la Loire que nous, on ne connaît pas,
06:43 enfin que moi, je ne connais pas.
06:45 S'il m'arrive de m'y baigner,
06:47 je ne plonge jamais très longtemps.
06:49 Donc,
06:51 cette dimension-là donne très envie d'être découverte.
06:53 Effectivement.
06:55 Romane, toi, qu'est-ce que t'inspire cette photo ?
06:57 Tu es en plus, je crois, pendant la Grande Remontée,
06:59 vous avez rencontré Virginie
07:01 qui était dans l'eau quand elle vous a accueillie.
07:03 Exactement, ça me fait penser
07:05 à ce moment où on a fait escale
07:07 autour du chantier
07:09 d'archéologie de
07:11 Virginie et on a pu, le temps
07:13 de quelques minutes,
07:15 aller auprès
07:17 de cette épave, de ces
07:19 morceaux d'épaves et découvrir
07:21 ce que peut être le travail
07:23 de Virginie et ce que peut être aussi
07:25 une épave parce qu'on peut imaginer
07:27 parfois des gros morceaux d'embarcation
07:29 mais en fait, parfois,
07:31 simplement, les planches qu'on peut apercevoir à l'écran
07:33 constituent une épave et un objet
07:35 de recherche en tant que tel.
07:37 Virginie, on est passé sur une 2ème image
07:39 qui décrit ce que vous avez...
07:41 Alors là, on est sur
07:43 l'épave de Vezins-sur-Loire.
07:45 L'épave de Langer a été
07:47 travaillée, publiée, alors on dit "l'épave de Virginie",
07:49 attention, c'est pas moi !
07:51 Elle appartient à
07:53 tout le monde et on a été une grosse équipe de recherche
07:55 donc certains chercheurs sont ici dans la salle.
07:57 Là, on est sur une équipe un peu plus réduite,
07:59 nous sommes juste 4 ou 5 parce qu'effectivement,
08:01 là, on est sur
08:03 de tout petits bordées
08:05 de l'épave de Vezins mais, attention,
08:07 la datation est très intéressante.
08:09 On a une datation de date d'abattage
08:11 des arbres, de 1311.
08:13 Donc là, on est au tout début
08:15 du XIVe siècle. On est sur le côté
08:17 du bateau, on en voit
08:19 le haut supérieur, si vous arrivez à distinguer
08:21 les arronsoirs qui sont
08:23 en orme, donc ces pièces dentées
08:25 sur lesquelles viennent se poser
08:27 les bâtons de mariniers pour pouvoir
08:29 faire dévier le bateau en cas d'obstacle.
08:31 Alors, on a
08:33 6,50 m de bois,
08:35 donc du chêne, de l'orme,
08:37 toujours ces petites étiquettes et c'est une
08:39 prise de vue par
08:41 drone et
08:43 vous voyez surtout la clarté de l'eau
08:45 et là, pour le coup, on n'avait
08:47 pas besoin de plonger parce qu'on est
08:49 à un étiage extrêmement fort et là, on avait
08:51 42 cm.
08:53 Donc on ne s'est pas rencontrés
08:55 sous l'eau.
08:57 - Et qu'est-ce que ça t'a fait, toi,
08:59 de voir une flottille arriver
09:01 comme ça, débarquer à, je sais pas,
09:03 à 40 mariniers-marinières
09:05 et scientifiques-artistes
09:07 et venir les pieds dans l'eau avec toi
09:09 pour écouter ça, ce que tu viens de nous dire ?
09:11 - Alors, c'était extraordinaire
09:13 parce que c'était une rencontre, d'abord, qu'on avait préparée.
09:15 Je m'étais dit, quand même,
09:17 ça va être génial de voir
09:19 ces mariniers-bâteliers
09:21 sur leur bateau contemporain
09:23 qui est strictement
09:25 la même famille architecturale,
09:27 à peu près. Donc des bateaux à clin,
09:29 une sol, une levée
09:31 avant, arrière, parfois.
09:33 Donc on a les mêmes procédés
09:35 et on va les voir arriver.
09:37 Alors déjà, on les attendait
09:39 de pied ferme, comme ça, comme un rendez-vous
09:41 avec des copains, quoi.
09:43 Et les bateaux arrivent
09:45 et alors là, ça s'amarre, ça crie,
09:47 ça descend, ça rigole.
09:49 Alors attention, ça veut marcher très très très
09:51 très près du site, donc on bloque tout le monde.
09:53 Attention.
09:55 - Ils sont pas sages. - Ouais, c'était génial.
09:57 Et là, tout le monde se met un peu
09:59 en croissant. Donc vous étiez au moins
10:01 quatre, facile, je pense, au moins
10:03 60, 70
10:05 devant ces 6,50 mètres de l'épave
10:07 qui se tenait couate comme ça.
10:09 Et du coup,
10:11 et là s'engage quand même
10:13 ce qu'on recherchait, c'est-à-dire
10:15 vraiment, d'un seul coup, un autre regard
10:17 que nous, archéologues,
10:19 sur ces pièces de bois. Et notamment,
10:21 il y a quand même chez les bâteliers mariniers
10:23 des sachants
10:25 et des gens
10:27 qui construisent aussi,
10:29 donc qui connaissent très bien ces pièces de bateaux.
10:31 Et on avait quand même des questions à leur poser.
10:33 Alors d'après vous, où est l'avant,
10:35 où est l'arrière ?
10:37 Comment vous pensez qu'on a construit ce bateau-là ?
10:39 Et les questions fusaient.
10:41 Et c'était génial parce que c'est
10:43 vraiment un moment, je trouve,
10:45 très fort de
10:47 croisement des connaissances
10:49 et d'appétence pour un objet.
10:51 C'est quand même des pièces de bois.
10:53 Mais c'était chouette d'avoir vraiment
10:55 ce très bel échange autour du bateau.
10:57 - Est-ce que c'est le sens
10:59 aussi des travaux qui sont menés dans le cadre
11:01 du Parlement de Loire, ces échanges de connaissances
11:03 et poser des autres regards
11:05 sur les différents savoirs
11:07 qu'on peut avoir ?
11:09 - Oui, alors l'aventure du Parlement de Loire,
11:11 des auditions
11:13 du Parlement de Loire,
11:15 oui, il y a eu ça aussi.
11:17 Et d'ailleurs, on a retrouvé le même événement
11:19 qui a été un événement marquant aussi
11:21 pour, en tout cas,
11:23 pour moi, c'est la rencontre avec les présents
11:25 de Loire sur cette épave. Et à nouveau,
11:27 ce pongy-là, l'acustrice,
11:29 l'éponge
11:31 qui s'installe
11:33 sur les pièces de bois,
11:35 qu'elles soient du XIVe, du XVIIe,
11:37 et qui prend place.
11:39 Et là, pareil, on a eu à nouveau
11:41 cette éponge qui est arrivée, puis d'autres présents.
11:43 Donc oui, ça constitue...
11:45 Moi, ce que j'aime bien dans les épaves,
11:47 c'est aussi tout le travail sur le fait
11:49 qu'elles deviennent, qu'elles aient
11:51 une autre vie, qu'on les tire du XIVe siècle
11:53 jusqu'au XXIe siècle,
11:55 qu'elles se soient des niches biologiques.
11:57 Et on retrouve exactement,
11:59 c'est reposer les questions
12:01 de contemplation devant cette épave
12:03 en se disant "Et Loire dans tout ça ?"
12:05 Et Loire fait partie de l'équipe de fouille
12:07 parce que Loire dégage
12:09 l'épave
12:11 et la refossilise en plus.
12:13 Donc c'est génial.
12:15 - Etienne, est-ce que ça te parle, ça ?
12:17 Forcément, tu as beaucoup travaillé sur
12:19 les travaux du Parlement de Loire
12:21 pour écrire Loire.
12:23 Ça tombe bien.
12:25 Ça doit te parler, ce que vient de dire Virginie,
12:27 le fait que la Loire, elle soit
12:29 créditée au même titre que toi
12:31 et que ton équipe
12:33 dans l'équipe de fouille.
12:35 - Oui, Loire,
12:37 entité individuelle agissante,
12:39 c'est un concept qui est à la fois
12:41 relativement nouveau et vachement intéressant
12:43 et très productif, producteur de sens
12:45 et de possibilités sur la suite.
12:47 Moi, c'est ce qui m'a beaucoup intéressé dans les travaux
12:49 du Parlement de Loire,
12:51 c'est cette fabrication d'un nouveau regard
12:53 et d'un nouveau rapport avec la Loire, en l'occurrence,
12:55 mais avec beaucoup plus large.
12:57 Le monde naturel en général,
12:59 c'est la Loire qui nous occupe,
13:01 elle est là comme axe de cette réflexion-là.
13:03 Moi, je ne suis pas un scientifique,
13:05 je ne suis pas un biologiste
13:07 ni un plongeur.
13:09 Mon boulot, à moi, c'est le récit.
13:11 Et je crois que ces choses-là
13:13 doivent peut-être se mettre en récit.
13:15 Moi, j'ai commencé
13:17 à travailler sur Loire d'un point de vue
13:19 strictement autobiographique, dans un premier temps,
13:21 parce que je vis à côté, parce que je la connais
13:23 depuis que je suis né.
13:25 Et puis, je suis tombé, juste après,
13:27 sur les travaux du Parlement de Loire
13:29 qui ont boosté mon récit,
13:31 qui l'ont probablement fait dévier un peu,
13:33 mais de façon très positive.
13:35 Donc oui, je trouve ça tout à fait fascinant.
13:37 Le recueil des travaux du Parlement de Loire,
13:39 c'est un livre que j'ai lu avec les yeux
13:41 grands décartés, en disant "Bien sûr, plein
13:43 de chemins nouveaux se créent, c'est formidable".
13:45 Et comme j'étais précisément
13:47 en train d'écrire un livre,
13:49 il a beaucoup nourri la rédaction de mon livre,
13:51 en tout cas l'écriture de mon livre.
13:53 - Tu avais déjà commencé l'écriture de Loire
13:55 avant de découvrir les travaux du Parlement de Loire,
13:57 ou de te documenter encore beaucoup plus avant ?
13:59 - Oui, j'avais commencé à travailler principalement
14:01 sur une base autobiographique,
14:03 donc les lieux que j'aime, les lieux où je vis,
14:05 que j'allais dessiner, puisque
14:07 mon langage, c'est la bande dessinée,
14:09 donc le texte et l'image.
14:11 Et je ne sais pas ce que serait devenu ce livre
14:13 sans avoir croisé les travaux
14:15 du Parlement de Loire, mais en tout cas,
14:17 c'était sans doute autre chose.
14:19 Je ne sais pas quoi,
14:21 mais le Parlement de Loire a nourri
14:23 tout au long de ce récit
14:25 les personnages,
14:27 les situations, les dialogues que j'ai mis en place,
14:29 même si j'avais commencé avant.
14:31 - Alors tu as participé aussi, toi,
14:33 à la Grande Remontée, tu n'as pas eu la chance d'arriver
14:35 sur Mélusine pour découvrir Virginie,
14:37 les pieds dans l'eau,
14:39 mais tu y étais du côté de la Poçonnière, je crois.
14:41 Qu'est-ce que tu en as retenu de cette journée,
14:43 ou ces deux journées, je ne sais plus exactement,
14:45 que tu as passées au sein de la Grande Remontée,
14:47 et justement sur ce dialogue entre
14:49 scientifiques, mariniers
14:51 et artistes ?
14:53 - J'en ai conçu une grande frustration,
14:55 parce que j'ai fait une seule journée,
14:57 parce que j'avais autre chose de prévu juste après.
14:59 Mais oui, j'ai fait une journée
15:01 de navigation sur le fleuve. Alors ce n'est pas la première fois
15:03 que je vais sur le fleuve, évidemment, c'est plutôt
15:05 éventuellement en canoë.
15:07 Alors sur le fleuve, non,
15:09 mais à côté, beaucoup à vélo,
15:11 de façon que... Enfin plusieurs fois par semaine,
15:13 je passe sur le fleuve à vélo.
15:15 Là, il y a à la fois le fait d'être sur le fleuve,
15:17 et puis d'être sur cette bâtellerie nouvelle
15:19 dont on parlait à l'instant, c'est-à-dire
15:21 tous ces gens qui font revivre
15:23 une bâtellerie de Loire.
15:25 Et j'ai trouvé ça tout à fait
15:27 intéressant et enthousiasmant. Ce sont d'abord de beaux objets.
15:29 Ces objets, c'est...
15:31 Pour un dessinateur, ça parle.
15:33 Ces bateaux sont de beaux objets. Et puis,
15:35 cette aventure, alors moi, j'ai fait une journée,
15:37 on a passé le pont de Laleu, il y avait un bateau qui était
15:39 en panne, donc on avait... Il y a un terme technique
15:41 qui m'échappe, mais on a mis trois bateaux côte à côte
15:43 pour... Merci, voilà.
15:45 On avait mis à coupe.
15:47 Et donc, ça faisait une espèce de plateforme
15:49 assez large avec beaucoup de gens dessus.
15:51 Ça, pour moi, c'était nouveau.
15:53 L'effet de groupe sur la Loire,
15:55 c'est assez rare, pour ce qui me concerne, en tout cas.
15:57 Et puis, le fait de passer sous un pont,
15:59 le fait de savoir si ça passe en dessous ou au-dessus,
16:01 par exemple, le pont de Laleu,
16:03 ce pont de la voie ferrée de la ligne
16:05 Angers-Cholet, il n'y avait pas grand-chose
16:07 entre le bas du pont et le haut du mât.
16:09 Donc, voilà, c'est un souvenir
16:11 tout à fait. Et évidemment,
16:13 les débats le soir même à La Possonnière,
16:15 pour ce qui me concerne,
16:17 je trouve ça assez judicieux
16:19 de mettre à disposition des gens
16:21 qui vivent sur le fleuve les réflexions
16:23 et les travaux du Parlement, de les mettre
16:25 à disposition sous cette forme-là, précisément.
16:27 - Romane, Étienne parlait de
16:29 bâtellerie nouvelle. Tout à l'heure, tu en fais pleinement
16:31 partie, de cette bâtellerie nouvelle.
16:33 Comment tu la définirais, justement, cette
16:35 bâtellerie nouvelle ? Comment tu abordes, toi,
16:37 ton métier de marinière, de bâtelière ?
16:39 - Est-ce que je peux la définir ?
16:41 Déjà, ce qu'on peut noter, c'est qu'il y a
16:43 de nouveau des femmes, ou en tout cas, peut-être de plus en
16:45 plus de femmes sur la Loire, et ça fait
16:47 totalement écho au livre "Loire"
16:49 que j'ai pu lire, que je me suis
16:51 empressée de lire quand j'ai vu qu'on avait cette table ronde ensemble.
16:53 - Tu as fait tes devoirs. - Exactement.
16:55 - Bravo.
16:57 - Mais à un moment, il y a un personnage qui dit que
16:59 c'est un sale temps pour les mâles.
17:01 Ce ne sont pas les mots exacts, mais en tout cas,
17:03 je trouve que l'idée
17:05 est un peu drôle et intéressante
17:07 parce qu'effectivement,
17:09 pour les vieux mâles, peut-être, plutôt,
17:11 parce qu'effectivement,
17:13 il y a des
17:15 anciens sur la Loire,
17:17 et on peut parler plus d'anciens que d'anciennes,
17:19 parce que les hommes sont
17:21 beaucoup plus présents, et là,
17:23 j'ai pu noter
17:25 qu'il y avait quand même beaucoup
17:27 de femmes, de nanas, de filles
17:29 qui étaient présentes sur les bateaux,
17:31 et pas seulement à nettoyer le bateau,
17:33 à ranger le bateau, ou à
17:35 faire des coucous depuis la berge
17:37 alors que les bateaux sont en train de partir,
17:39 mais en train de piloter,
17:41 à faire de la bourde, et à
17:43 parfois donner des indications
17:45 qui sont en fait indispensables quand on navigue,
17:47 surtout avec très peu d'eau, comme on a pu
17:49 avoir là pendant cette grande remontée.
17:51 Donc c'est plutôt
17:53 ça que j'ai envie de mettre en avant,
17:55 cette marine
17:57 de Loire qui s'étoffe
17:59 en termes de genre. - Autre question
18:01 pour toi. Étienne parlait aussi
18:03 de ces beaux bateaux, c'est une vraie
18:05 fierté pour vous, mariniers,
18:07 bateliers ou batelières,
18:09 vos bateaux c'est quelque chose quoi.
18:11 - Oui, alors moi j'ai pas de bateau, mais effectivement j'ai navigué
18:13 sur un beau bateau dont je suis
18:15 effectivement fière, mais oui,
18:17 on est
18:19 content de pouvoir
18:21 avoir des belles pièces qui retracent aussi
18:23 une marine de Loire, alors c'est aussi des bateaux
18:25 qui sont adaptés à nos besoins,
18:27 aujourd'hui on a des bateaux à moteur, mais on n'oublie pas
18:29 de mettre la voile, et quand on a une coque
18:31 en métal, en acier, en alu,
18:33 il y a quand même cet
18:35 habillage qui reste primordial
18:37 et qui reflète aussi et le charpentier
18:39 et la Loire, ce qu'on veut voir
18:41 sur la Loire. - Pour avoir largement échangé
18:43 avec vous et avec plusieurs marinis ou marinières,
18:45 il y a aussi une connaissance fine aussi de ce qu'est
18:47 la bataillerie de Loire, c'est ça que vous transmettez aussi
18:49 à travers votre présence
18:51 sur le fleuve. - Oui, et plus
18:53 on est sur la Loire, en tout cas moi
18:55 plus je me rends compte que je sais rien du tout,
18:57 donc c'est toujours
18:59 hyper intéressant de pouvoir échanger
19:01 et croiser les regards, et aussi
19:03 juste avoir un apport de connaissances
19:05 sur ce qu'a pu être la marine de
19:07 Loire, grâce à
19:09 différentes asso, différentes personnes
19:11 qui naviguent ou pas, ou plus ou moins
19:13 sur la Loire. - Virginie,
19:15 on a vu le côté
19:17 archéologie fluviale, on a parlé
19:19 évidemment de bataillerie à travers
19:21 ce que tu peux découvrir au sein du fleuve, ce que les équipes
19:23 avec lesquelles tu travailles peuvent découvrir, mais il y a
19:25 aussi un vrai travail sur les savoirs nautiques
19:27 ligériens d'une manière générale, beaucoup plus largement,
19:29 tu travailles aussi avec plein d'autres personnes
19:31 sur tous ces savoirs nautiques.
19:33 - Bon alors, c'est un...
19:35 c'est une nouveauté.
19:37 - Oui, c'est l'occasion d'en parler. - Voilà, tout à fait.
19:39 Alors, voilà, on a...
19:41 on avait travaillé quand même
19:43 à plusieurs déjà sur la notion de patrimoine
19:45 culturel immatériel,
19:47 et c'est vrai que depuis
19:49 deux ans, on était plusieurs
19:51 à se dire quand même, là autour de la Loire,
19:53 il y a un vrai savoir navigué,
19:55 une lecture de la rivière bien particulière,
19:57 un savoir construire,
19:59 des liens entre
20:01 navigation et biodiversité,
20:03 il y avait ce...
20:05 il y a ce changement climatique
20:07 aussi qui incite à...
20:09 voilà, à une nouvelle appréhension de la navigation.
20:11 Ça faisait quand même beaucoup de choses, et je me suis dit
20:15 mais tiens, mais tout ça,
20:17 qu'est-ce que c'est ? C'est finalement
20:19 une tradition, c'est une...
20:21 il y a une vraie épaisseur historique, on le voit bien.
20:23 Ça raconte
20:25 à la fois une histoire de la gouvernance
20:27 de l'eau, donc de
20:29 la communauté des marchands de l'eau jusqu'à
20:31 l'école de Haute-Loire
20:33 rabouilleuse
20:35 pour aller jusqu'à l'établissement
20:37 public Loire, tout ça c'est
20:39 des savoirs qui se transmettent, de la gouvernance
20:41 de l'eau, et on...
20:43 enfin, on est plusieurs à se dire, mais c'est peut-être
20:45 que ça, c'est peut-être du patrimoine culturel
20:47 immatériel, à condition que ce soit
20:49 une tradition vivante,
20:51 toujours en mouvement.
20:53 On n'était pas sur des notions de mémoire.
20:55 - Ce que traduit la présence de Romane et des...
20:57 - Exactement. Et alors on a profité
20:59 de ce moment opportun et assez génial
21:01 de la Grande Remontée, où là
21:03 effectivement on s'est dit, attends, là il se passe
21:05 quelque chose, il y a un vrai mouvement,
21:07 il va y avoir 40
21:09 bâteliers et bâtelières ensemble, là,
21:11 on va placer, si c'est possible,
21:13 et pardon pour le terme, mais deux
21:15 ethnos, qui
21:17 pourront, eux, avec leur regard,
21:19 parce que nous, nous n'avons pas
21:21 avoir un regard
21:23 vraiment ethnologique sur ces pratiques,
21:25 donc ces pratiques de navigation,
21:27 le passage des écueils, la tenue
21:29 de la bourde,
21:31 la montée de la voile, arriver dans
21:33 un port, en partir, chanter,
21:35 s'engueuler, tout ça en fait, ce sont
21:37 des savoirs, lire la rivière,
21:39 on l'a très bien entendu pour le passage
21:41 de l'écueil, et finalement,
21:43 on a eu Basile Métraud,
21:45 et puis Guillaume Mézières, qui a fait des
21:47 présentations de son, effectivement,
21:49 et des entretiens, également,
21:51 sur des personnes qui pratiquent.
21:53 Et là, on est parti pour un projet de deux ans,
21:55 donc on le lance
21:57 aujourd'hui, allez, officiellement,
21:59 c'est parti, il démarra vraiment...
22:01 - On a l'exclusivité, c'est quand même fort.
22:03 - Oui, oui, non, mais c'est vrai, c'est l'exclusivité.
22:05 Donc, voilà, c'est un projet
22:07 avec un financement, un contrat de plan
22:09 interrégional,
22:11 Etat-région, qui prend trois régions,
22:13 Pays de la Loire,
22:15 Centre-Val de Loire,
22:17 et Bourgogne-Franche-Comté,
22:19 et on va s'atteler pendant deux ans
22:21 à l'étude, l'observation,
22:23 la collecte
22:25 de l'ensemble de ces pratiques,
22:27 savoir construire,
22:29 savoir naviguer,
22:31 savoir s'engueuler, savoir chanter,
22:33 savoir manger, savoir fêter,
22:35 tout ça, à la fois
22:37 du côté de la navigation,
22:39 mais de ceux qui regardent aussi
22:41 cette navigation. Voilà, donc,
22:43 c'est un beau projet, on le lance,
22:45 et j'espère qu'on arrivera, enfin, quand même, c'est le but,
22:47 c'est quand même d'arriver
22:49 dans deux ans, avec ce que l'on
22:51 appelle la fiche, donc
22:53 l'inclusion des savoirs
22:55 nautiques ligériens au patrimoine
22:57 culturel immatériel de la France.
22:59 - Est-ce que tu te sens personne ressource,
23:01 Étienne, potentiellement, sur ces savoirs
23:03 nautiques ?
23:05 - Je ne sais pas si je suis moi-même
23:07 personne ressource, mais je trouve intéressant
23:09 d'évoquer à la fois les gens qui sont sur le fleuve
23:11 et ceux qui regardent passer. C'est précisément
23:13 un des leviers, à mon avis, les plus
23:15 utiles à mettre en œuvre
23:17 parce que l'idée, c'est que
23:19 par capillarité, ces choses-là se diffusent.
23:21 Elles peuvent se diffuser, effectivement,
23:23 par un événement
23:25 comme la Grande Remontée, comme
23:27 les travaux, comme, pourquoi pas, un livre de bande dessinée,
23:29 mais en tout cas,
23:31 ce mouvement-là ne pourra, sans doute,
23:33 se perdurer
23:35 et rester longtemps et s'ancrer vraiment
23:37 qu'en se diffusant massivement
23:39 vers les gens qui vivent simplement
23:41 la Loire au quotidien, qui passent devant en allant bosser,
23:43 qui vivent à quelques kilomètres
23:45 et qui n'ont pas forcément en tête
23:47 toutes ces préoccupations, ou qui les ont sans le savoir
23:49 plus précisément, parce qu'à mon avis,
23:51 le plus probable, c'est ça. C'est que ces choses-là,
23:53 on y pense, mais on ne les formalise pas forcément.
23:55 On y pense parce qu'on a simplement le fleuve
23:57 sous les yeux et que le fleuve change et qu'on change
23:59 nous-mêmes et qu'il y a une interaction qui se fait
24:01 parfois à notre insu, souvent à notre insu.
24:03 Et le fait d'articuler tout ça,
24:05 comme le fait le Parlement de Loire,
24:07 comme le fait la Grande Remontée, comme le font tous ces gens-là,
24:09 et le fait de le donner à voir, à lire, à entendre,
24:11 ça me semble vachement important.
24:13 Sur le fleuve et au bord du fleuve,
24:15 ce n'est pas du tout la même chose, Romane.
24:17 Ce n'est pas la même expérience du tout.
24:19 Non, déjà, on ne peut pas aller un peu moins
24:21 facilement en bateau sur la Terre.
24:23 Même si ça nous est arrivé, du coup,
24:25 durant cette Grande Remontée, pour traverser,
24:27 pour franchir le barrage de la centrale nucléaire.
24:29 Mais non, effectivement, on n'a pas
24:31 les mêmes... On n'a pas
24:33 la même vision du monde quand on est sur un bateau
24:35 que quand on est sur la Terre.
24:37 Moi, par exemple, je le vois dans les balades
24:39 que je peux faire auprès du public.
24:41 Il y a beaucoup de personnes qui habitent
24:43 au bord de Loire, ou en tout cas,
24:45 proche de la Loire, depuis 10, 20, 30, 40,
24:47 50 ans, j'ai eu cette année.
24:49 En fait, ce sont des personnes qui n'ont jamais...
24:51 Pour certaines personnes, elles n'ont jamais été sur la Loire.
24:53 Et pour elles, c'est une vraie révélation
24:55 que de peut-être faire partie,
24:57 de se sentir au milieu
24:59 d'un environnement
25:01 qu'elles connaissent pourtant
25:03 et qu'elles ne connaissent pas, finalement.
25:05 - Alors ? - Il y a ceux qui
25:07 regardent, ceux qui sont dessus, et aussi ceux qui sont
25:09 dedans. Je crois
25:11 que vous avez tous un rapport
25:13 à cet élément à l'intérieur. Peut-être, Étienne,
25:15 on peut commencer avec toi, parce qu'en fait, il y a 2 planches
25:17 au tout début
25:19 où on a vraiment quelqu'un qui s'immerge
25:21 dans la Loire. Pourquoi ?
25:23 - Bon, il y a
25:25 plusieurs choses. Il y a d'abord le fait que moi,
25:27 j'ai grandi à quelques kilomètres du fleuve
25:29 et
25:31 on nous expliquait une chose très simple.
25:33 Se baigner en Loire, c'était mourir noyé.
25:35 Donc, enfant,
25:37 je n'approchais pas la Loire sans une espèce d'appréhension.
25:39 J'ai grandi dans les années 60-70.
25:41 Ça a aussi été le moment
25:43 où il y a eu un drame terrible à Juigny-sur-Loire
25:45 avec presque
25:47 20 enfants qui sont partis au courant, je crois.
25:49 Et c'est un drame qui est encore présent.
25:51 Il y a encore des commémorations, etc.
25:53 Donc je pense qu'il y a au moins cet événement-là qui faisait
25:55 que les adultes, à l'époque, disaient surtout ne foutez pas les pieds
25:57 dans la Loire. On ne le faisait pas.
25:59 C'est pas obéissant, sage.
26:01 Évidemment, plus tard, moi, je me suis installé près du fleuve,
26:03 sur une île du fleuve, même. Pendant 8 ans,
26:05 j'ai vécu là. J'y ai fait mes premiers livres.
26:07 J'y ai fait mes enfants. Et je me baignais dans la Loire.
26:09 Et j'emmenais mes enfants dans la Loire. Tout petits.
26:11 Dans certains endroits. Dans certains bras.
26:13 Évidemment, on apprend à lire ces choses-là.
26:15 Il y a aussi chaque année,
26:17 évidemment, des accidents. On le sait bien.
26:19 Mais quoi qu'il en soit, la baignade en Loire,
26:21 c'est un...
26:23 J'allais dire tactilement, sensuellement,
26:27 c'est ce qu'il y a de plus...
26:29 C'est là qu'on y trouve la plus grande proximité.
26:31 C'est quasiment une lapalisade.
26:33 Et donc, moi, dans ce livre-là, dans "Loire",
26:35 je raconte l'histoire d'un gars qui a sensiblement
26:37 mon âge, une petite soixantaine, et qui revient
26:39 sur le fleuve après l'avoir quitté.
26:41 Il a vécu une histoire d'amour au bord du fleuve.
26:43 Il a quitté cette femme.
26:45 Il a quitté cette région. Il revient tant qu'on est
26:47 à l'invitation de cette femme.
26:49 Et la première chose qu'il a envie de faire en arrivant sur les
26:51 bords du fleuve, c'est de se foutre à poil
26:53 et de s'immerger. Parce que c'est précisément
26:55 ces retrouvailles-là, au sens tactile,
26:57 presque sensuel,
26:59 avec le fleuve.
27:01 Alors, évidemment, je lui fais croiser
27:03 d'ailleurs une touche abanée.
27:05 C'est celle de notre camarade Tatus
27:07 à la poçonnière.
27:09 Et puis, surtout, je lui fais
27:11 arriver ce qu'on redoute un peu tous.
27:13 Il se fait embarquer par le courant.
27:15 Et il se retrouve à poil,
27:17 très loin de l'endroit où il a laissé ses fringues.
27:19 Et il doit revenir chercher ses fringues.
27:21 Donc, voilà. C'est la scène d'ouverture du livre,
27:23 qui est assez longue. Sur un livre d'une centaine de pages,
27:25 elle en fait 13, je crois.
27:27 Mais c'est ce sensoriel et tactile
27:29 par lequel il se reconnecte au fleuve Loire
27:31 et donc à son histoire passée là-bas.
27:33 - C'était naturel de commencer par ça.
27:35 Parce que ce n'est pas anodin de commencer par ça, quasiment.
27:37 - Non, non, oui, bien sûr.
27:39 C'est l'entrée du récit et l'entrée du personnage
27:41 dans l'univers ligérien qu'il a quitté.
27:43 Et donc,
27:45 c'est très documenté.
27:47 C'est-à-dire que cette balade-là, celle qu'il fait,
27:49 je l'ai fait habillée.
27:51 - Tu fais ce que tu veux.
27:53 - Oui, bien sûr, je tiens à le préciser.
27:55 Et lui, il a fait de nuit, il est obligé de marcher
27:57 pendant des kilomètres nus sur le sable, sur les greffes,
27:59 passer des barrages, traverser des buissons d'ortie.
28:01 Ce qui n'est pas...
28:03 Et donc, il y a... Alors, c'est un peu marrant,
28:05 évidemment, mais c'est aussi quelque chose
28:07 qui sert de reconnexion.
28:09 - Ça nous intéressait énormément de vous réunir tous les trois.
28:11 Pourquoi ? Parce que cette expérience
28:13 que tu livres et que tu as toi-même vécue,
28:15 habillée, avec le fleuve.
28:17 Virginie, tu es tout le temps dans le fleuve.
28:19 Roman, pendant la Grande Remontée,
28:21 mais bien plus que pendant la Grande Remontée,
28:23 on était tout le temps dans l'eau.
28:25 - Tous les jours.
28:27 - On était tous les jours dans l'eau pour pousser
28:29 la plupart du temps, pour se rafraîchir aussi.
28:31 Il y a un rapport au corps sur lequel j'aimerais
28:33 vous interroger. Etienne, tu y as un peu répondu,
28:35 mais Virginie et Roman, j'aimerais vous entendre
28:37 sur ce rapport. Tu parlais de sensuel
28:39 ou charnel à l'eau et à la loi.
28:41 - C'est le mot tactile que je cherchais, en fait.
28:43 - Tactile.
28:45 - Moi, je voulais juste rebondir
28:47 avec l'idée de reconnexion dont tu as parlé.
28:49 Et de toucher l'eau, aller dans l'eau.
28:51 Ce n'est pas comme se balader en bateau sur l'eau,
28:53 ni même se balader sur les bords de Loire.
28:55 Et avoir vraiment cette...
28:57 C'est quand on met la main dans l'eau
28:59 et qu'on est arrêté, qu'on sent vraiment
29:01 la puissance du courant
29:03 et la puissance que peut avoir la Loire,
29:05 même quand les niveaux sont très bas
29:07 et qu'on a de l'eau à mimoler
29:09 au niveau des maléoles.
29:11 Cette idée de reconnexion,
29:13 ça fait écho, en tout cas pour moi,
29:15 avec l'interdiction de baignade.
29:17 Il y a beaucoup de personnes
29:19 qui arrivent sur les bateaux
29:21 durant les balades et qui nous disent
29:23 "Mais alors, la Loire, elle est super dangereuse".
29:25 Et parfois, il y a même des personnes
29:27 qui hésitent à monter sur le bateau.
29:29 Elles arrivent quand même à venir.
29:31 Je pense qu'on a beaucoup tourné
29:33 le dos aux fleuves
29:35 parce qu'il y a une étiquette.
29:37 C'est ce fleuve qui est hyper dangereux.
29:39 Et du coup, on lui tourne le dos.
29:41 On ne sait plus pourquoi elle est dangereuse.
29:43 On ne sait pas pourquoi elle est dangereuse.
29:45 On sait qu'elle est dangereuse,
29:47 qu'on ne doit pas aller dedans, mais pourquoi ?
29:49 Alors que si on va en bord de mer...
29:51 La Loire, c'est un milieu naturel,
29:53 donc elle est forcément dangereuse.
29:55 Mais si on va à la montagne,
29:57 on nous explique pourquoi il y a des dangers.
29:59 Ce qu'on ne fait pas en Loire,
30:01 et c'est peut-être dommage.
30:03 Peut-être que ça la préserve aussi
30:05 qu'il n'y ait pas autant de personnes
30:07 sur les bords de Loire.
30:09 Néanmoins, peut-être que ça mérite
30:11 de faire un peu de détail.
30:13 - C'est vrai que moi, dans la lecture de la BD,
30:15 les premières pages m'ont fascinée.
30:17 Je ne sais pas si on peut revenir dessus,
30:19 parce que j'y ai retrouvé exactement
30:21 les gestes qu'il faut faire, c'est-à-dire...
30:23 - Merci, Étienne.
30:25 - C'est très bien.
30:27 On rentre, habillés ou pas, comme on veut.
30:29 Moi, je nage tous les dimanches matins.
30:31 Je descends la Loire tous les dimanches matins,
30:33 sur 7 km ou 11 km, ça dépend du courant.
30:35 Effectivement, on descend.
30:37 D'abord, on touche l'eau, on vérifie.
30:39 Lui, il se met un petit peu...
30:41 Il s'immerge, il se met un petit peu d'eau sur le visage.
30:43 Il faut s'en mettre vraiment sur la nuque
30:45 pour habituer le corps dans l'eau.
30:47 Et puis, zou, on y va.
30:49 Lui, il entame un crawl.
30:51 D'ailleurs, il s'arrête rapidement.
30:53 Et effectivement, il se fait embarquer.
30:55 Et il se fait embarquer, en fait...
30:57 Il se fait embarquer et il se fait engueuler.
30:59 Dans mon souvenir, il se fait engueuler
31:01 par les gens qui sont sur la toux.
31:03 - C'est vécu aussi, Étienne ?
31:05 - Non, je...
31:07 Ce livre est une fiction.
31:09 J'ai pris quelques libertés.
31:11 Mais potentiellement, on peut se faire engueuler
31:13 si on est au milieu du passage des bateaux.
31:15 - Pardon, Virginie. - Non, pas de souci.
31:17 Parce qu'effectivement, il se fait engueuler.
31:19 Ils ont raison. Parce qu'on est totalement invisibles.
31:21 C'est pour ça que nous, quand on nage,
31:23 on est avec des couleurs un peu bariolées,
31:25 pas très jolies,
31:27 mais on est visibles.
31:29 Après, lui, il joue l'invisibilité.
31:31 Sur cette partie, effectivement, de nage...
31:33 Je dirais qu'il y a l'immersion professionnelle,
31:35 celle que je fais en tant qu'archéologue,
31:37 et puis l'immersion par plaisir,
31:39 que je fais le dimanche matin ou autre.
31:41 Et c'est vrai que...
31:43 Partir, enfin...
31:45 Je ne m'en lasse pas, quoi.
31:47 C'est-à-dire que...
31:49 Descendre, s'habiller, descendre,
31:51 toucher l'eau, s'immerger,
31:53 puis se lancer dans l'eau
31:55 et partir dans le courant,
31:57 je ne m'en lasse pas.
31:59 C'est vraiment extraordinaire.
32:01 Je ne remonte pas le courant.
32:03 Je n'en ai pas les capacités physiques.
32:05 Mais ces descentes-là,
32:07 ce sont des descentes...
32:09 Alors, qui se font avec un petit submersible.
32:11 Donc, on ne se baigne pas.
32:13 C'est pour ça qu'on a le droit d'aller dans...
32:15 En fait, on navigue.
32:17 Parce qu'on a des submersibles
32:19 qui font un peu plus d'un mètre.
32:21 Donc, on navigue.
32:23 Et du coup, naviguant,
32:25 mais nageant quand même, puisqu'on palme,
32:27 on est dans une nage qui est assez studieuse.
32:29 C'est-à-dire qu'en même temps,
32:31 on regarde,
32:33 on voit effectivement
32:35 rive gauche, rive droite,
32:37 on voit devant.
32:39 Je ne suis pas du tout de la Loire.
32:41 Ce n'est pas mon coin.
32:43 Je suis de Cannes, le sud, Bijoux-Plage.
32:45 Quand je suis arrivée là,
32:47 ça m'a étonnée.
32:49 Mais franchement, il y a quelque chose de...
32:51 Ah, de...
32:53 Peut-être tactile,
32:55 mais en tout cas, il y a quelque chose de très puissant,
32:57 d'être embarquée dans le courant.
32:59 Et c'est ça qui m'a fascinée,
33:01 c'est d'être embarquée dans le courant.
33:03 Et je finis là-dessus.
33:05 Dans la pratique professionnelle,
33:07 il est hors de question de se laisser embarquer.
33:09 Et donc, on est face au courant.
33:11 Et donc, on a là
33:13 un débit
33:15 et une saltation des grains
33:17 dont pourrait parler notre ami,
33:19 qui nous arrive effectivement dessus,
33:21 qui fait qu'on est...
33:23 C'est d'une puissance
33:25 assez extraordinaire.
33:27 - On va finir très, très rapidement.
33:29 Mais est-ce que justement, le fait de s'immerger dans l'eau,
33:31 d'être en contact direct
33:33 avec le fleuve, ça aussi, ça participe
33:35 au changement de regard qu'on peut avoir
33:37 sur ce fleuve ? Étienne.
33:39 - Oui, je crois que les expériences
33:41 qui passent par le corps sont les expériences qui marquent immédiatement.
33:43 Et donc, on peut,
33:45 par ailleurs, amorcer une réflexion.
33:47 On peut faire des travaux théoriques,
33:49 etc., mais l'un n'empêche pas l'autre.
33:51 Et je crois que l'un nourrit l'autre.
33:53 Donc, le fait de s'immerger, le fait de ressentir
33:55 particulièrement le courant, le fait de lutter
33:57 ou de se laisser porter par le courant,
33:59 c'est déjà le début d'une démarche vers le fleuve,
34:01 une démarche éventuellement nouvelle.
34:03 Et je pensais à ça
34:05 pendant qu'on en parlait. Là, il y a un autre courant
34:07 dont on parle peu. Alors vous, vous en parlez, les bateliers.
34:09 Et nous,
34:11 cyclistes de Loire, on en parle aussi beaucoup,
34:13 c'est le vent. Le vent de Loire,
34:15 pour un cycliste,
34:17 c'est un élément déterminant. Moi, quand je pars sur la Loire,
34:19 je pars contre le vent. Parce que je sais
34:21 que si je fais 50 bandes dans un sens et que je le fais
34:23 avec le vent, c'est super. Je fonce comme un...
34:25 - Vous allez être comme le personnage. - Le retour, ça va être l'enfer.
34:27 Donc, le vent de Loire,
34:29 qui est souvent opposé au courant,
34:31 c'est un vent d'ouest, souvent,
34:33 est un objet aussi qui fait partie
34:35 du fleuve. Enfin, même s'il n'est pas
34:37 propre au fleuve, sur les rives du fleuve,
34:39 il a une tonalité particulière.
34:41 Je ne sais pas comment dire ça. Peut-être qu'au niveau
34:43 aérologie, tu pourrais le dire plus que moi.
34:45 Mais en tout cas, c'est un objet
34:47 dont on ne peut pas ne pas tenir compte.
34:49 À la fois, sans doute, sur un bateau
34:51 et dans une moindre mesure, mais quand même
34:53 sur un vélo. - Romane, le vent, évidemment.
34:55 - Évidemment. - On l'a attendu un moment pendant
34:57 la grande remontée pour pouvoir essayer les voiles. - L'arrivée les 2 derniers jours,
34:59 c'est quand même pas mal.
35:01 - Oui, parce qu'effectivement, sur la Loire, pour pouvoir
35:03 remonter le courant, ça nécessite d'avoir
35:05 un vent d'ouest. Et quand on n'a
35:07 pas ce vent-là, on peut aujourd'hui
35:09 utiliser le moteur, mais avant, quand les moteurs
35:11 n'existaient pas, quand on n'avait pas de...
35:13 Quand le vent d'ouest n'était pas là,
35:15 on ne pouvait pas remonter les bateaux.
35:17 Il arrivait très souvent que les bateaux soient bloqués,
35:19 parce qu'ils naviguent presque 6 mois par an.
35:21 Donc les trajets de Nantes à Orléans pouvaient durer
35:23 très très longtemps. Donc oui, ce sont des éléments
35:25 auxquels on est aujourd'hui encore sensible,
35:27 et dès qu'on a la possibilité de pouvoir mettre la voile,
35:29 eh bien, on met la voile.
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