Radio Loire (4/6) - Mathilde Gralepois, Gabriel Soulard, Lionel Joyeux

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Radio Loire est une émission radio proposée en direct lors des 13es Rendez-vous du Val de Loire, le 15 novembre 2023 à Tours. L'idée de cette émission était de proposer un panorama des réflexions en cours sur la Loire et ses paysages, sous forme de plateau radio animé par les journalistes Laure Bourru et Sébastien Rochard. "Radio Loire" s’inscrit dans la continuité de La Grande remontée, entre savoirs nautiques, scientifiques et sensibles autour du fleuve.
Transcript
00:00 Un nouveau plateau s'est formé avec vous, avec toi, Mathilde Gralpois.
00:03 Je ne vais pas y arriver sur le tutoiement, mais je pense qu'à la fin de la journée,
00:06 ça se passera mieux. Ça y est, ce sera venu.
00:07 Donc avec toi, Mathilde, tu es enseignante chercheuse à l'Université de Tours.
00:11 Tu travailles sur les politiques publiques locales, la prévention des inondations
00:14 et la production urbaine. Jusque là, j'ai tout bon.
00:17 Et en plus, tu es en charge de la transition écologique.
00:20 Oui, à l'Université de Tours.
00:21 A l'Université de Tours, évidemment, pas à la ville de Tours ou à l'Aglo.
00:24 Peut-être bientôt, sait-on jamais.
00:25 À tes côtés, Lionel Joyeux.
00:27 Bonjour Lionel, tu es le président de l'association des Bateauliers du Cher.
00:31 C'est basé pas loin d'ici, c'est du côté de Savognard, c'est ça ?
00:33 C'est à Savognard.
00:35 Rive gauche du Cher.
00:36 J'ai toujours bon ?
00:38 Ça se passe bien pour l'instant.
00:40 Plusieurs des bateaux de l'association ont participé à la grande remontée.
00:42 Tu as toi-même participé sur le Léonardo, c'est ça ?
00:46 Sur le Léonardo, oui.
00:46 Et puis il y a eu le Gaillard également.
00:48 Il y avait le Gaillard également, mais par la partie haute uniquement,
00:50 parce qu'il n'est pas important pour aller vers Orléans.
00:52 D'accord, on va évidemment en reparler.
00:55 Et puis enfin, Gabriel, Gabriel Soulard.
00:57 Bonjour.
00:57 Bonjour.
00:58 Tu es écologue, artiste, urbaniste.
01:00 Tu as une approche sensible des questions d'urbanisme et d'aménagement du territoire.
01:04 Et tu as participé à la grande remontée essentiellement sur la 1re semaine, c'est ça ?
01:07 C'est ça, de Saint-Jean-de-Boiseau jusqu'à Angers, Poussonnières.
01:11 Très bien.
01:12 Alors Mathilde, tu nous as envoyé une photo,
01:14 mais j'aimerais bien qu'on reparte de la discussion juste avant.
01:17 Il a été évoqué la baignade.
01:19 Oui, tout à fait.
01:20 Avec Virginie, avec Étienne et avec Romane.
01:23 Et il y a quand même quelque chose qui est lié aussi à l'éducation au fleuve.
01:27 Et je trouve qu'on peut parler de ça sur la question des risques dont on va parler.
01:32 Ce rapport à l'éducation au fleuve, il est très important.
01:35 Réapprendre à connaître le fleuve, à l'écouter.
01:39 Ça, ça te semble quelque chose d'important ?
01:41 Oui, je pense qu'aujourd'hui,
01:44 tout ce qu'on apprend aujourd'hui sur les qualités du fleuve,
01:47 sa biodiversité, l'analyse sédimentaire, toute l'histoire,
01:53 les archives sur la Loire, c'est extrêmement important.
01:56 Et pour tous les avantages et pour tous les atouts que la Loire nous présente,
02:01 juste avant, Romane disait qu'il faut aussi savoir parler de ces dangers.
02:05 Et effectivement, la question des crues et des inondations possibles
02:10 sur des espaces qui sont habités par des hommes, par des entreprises,
02:13 par du patrimoine historique, culturel.
02:15 C'est aussi des choses pour lesquelles il y a des politiques publiques
02:18 qui peuvent faire de l'information, de l'éducation dans les écoles,
02:23 des événements artistiques. Et il y a encore beaucoup à faire.
02:26 Lionel, même question, l'éducation au fleuve,
02:29 c'est quelque chose que vous faites au sein des Bâteliers du Cher
02:30 qui participent aussi de votre travail ou de votre engagement ?
02:33 Oui, bien évidemment, on fait ça auprès des gens qu'on promène dans le fleuve.
02:37 Mais je voulais faire un petit aparté. J'ai la même passion que Virginie.
02:40 Je nage tous les dimanches matins dans la rivière également.
02:45 Et ça apporte quelque chose de plus.
02:47 Ça apporte une bonne santé pour le reste de la semaine.
02:53 Vraiment, c'est moi quand je ne vais pas nager dimanche matin,
02:56 je ne suis pas en forme. C'est extraordinaire ce que nous apporte la rivière.
03:00 Gabriel, est ce qu'il ne faut pas imaginer des baptêmes dans la Loire,
03:06 en fait, baptiser massivement les gens par un acte symbolique
03:11 où on va se plonger, on va plonger les gens dans le fleuve.
03:15 Ça pourrait être le dimanche matin du coup,
03:17 parce que j'ai l'impression que tout le monde y va le dimanche.
03:21 Et je me disais aussi moi par rapport à ça,
03:23 que ça nous sortait quand même, ça nous mettait la Loire à distance
03:27 de se projeter sur "je vais dans la Loire",
03:30 alors qu'en fait, il faut se rappeler toujours qu'on boit à l'eau.
03:35 Ce que disait Pascal, on en échange avec Pascal Ferrin tout à l'heure,
03:39 les bétons qui sont au-dessus de notre tête ont été fabriqués
03:41 avec finalement ces éléments de Loire et toujours se rappeler qu'en fait,
03:46 c'est beaucoup plus large à la fois sur le bassin versant
03:48 et sur ce qui nous constitue.
03:51 Et on a tendance souvent à se dire "on va dans la Loire".
03:55 Et quelque part, elle est aussi en nous et un peu partout.
03:59 C'est quelque chose qui te parle ça Mathilde ?
04:01 On la boit, je veux dire sur toute une partie des communes de l'agglomération.
04:07 L'eau potable est directement prélevée, alors peut-être sur l'usine de Lilocar,
04:12 c'est celle qui est la plus connue pour les personnes qui habitent Tourcentre.
04:15 Et il n'y a pas beaucoup de traitements en fait.
04:17 La Loire, là où elle est prélevée, est d'assez bonne qualité.
04:20 Un petit peu de charbon, j'exagère un peu,
04:22 mais on boit la Loire aux robinets tous les jours.
04:25 Lionel, sur cette approche de Gabriel ?
04:29 La thème, je ne sais pas, ça me surprend un peu.
04:31 Mais enfin, oui, pourquoi pas.
04:32 À partir du moment où on fait découvrir la Loire à 10 personnes,
04:35 il y en a au moins deux qui vont retenir ce qu'on va lui expliquer
04:38 et ce sera tout bénéfice pour nous.
04:41 OK, donc on voulait faire quand même une transition
04:43 parce que ça me semblait important de revenir sur ce qui avait été dit
04:45 juste avant sur cette baignade qui est un sujet ici à Tour.
04:48 Ça l'est, ça n'a pas fini d'être un sujet a priori.
04:51 Voilà, peut-être prolonger sur ce que tu fais Mathilde.
04:57 Quelle sont la nature des travaux que tu mènes ?
04:58 Et on peut peut-être partir d'une photo que tu nous as proposée pour en parler.
05:03 Oui, moi, je suis avant tout enseignante et chercheur.
05:07 Mais c'est vrai que pour la partie enseignement,
05:10 une partie de mes enseignements portent sur les politiques publiques
05:13 de prévention, de gestion des risques, inondation.
05:16 Donc, c'est d'un point de vue, comment dire, disciplinaire.
05:19 C'est de l'analyse des politiques publiques.
05:21 On essaye de faire comprendre à nos étudiants comment on produit
05:25 des règles, des outils financiers, juridiques, fonciers
05:29 qui permettent d'aménager les territoires, de les densifier
05:33 et d'éviter aussi le développement dans certaines zones, notamment,
05:37 par exemple, toutes les contraintes qui sont bien nécessaires
05:40 pour éviter de construire en zone inondable.
05:42 Là, on a devant nous une photo qui a été prise par des étudiants
05:45 de l'école polytechnique universitaire qui avait un travail à faire
05:51 de réalisation photographique sur des thématiques de prévention des inondations.
05:57 Donc là, on voit deux jeunes hommes qui ont les pieds dans l'eau,
06:01 pieds nus et qui ont mis une table et qui boivent de l'eau, de l'eau de Loire,
06:06 très certainement, sinon il ne faut pas la boire et qui sont les pieds dans l'eau.
06:11 - Qu'est ce que ça t'évoque, Lionel ou Gabriel, cette photo là ?
06:14 Alors, tu la découvres, tu la découvres.
06:17 - Ça me rappellerait des souvenirs, puisque en juin, je suppliquerai l'année,
06:21 ça a débordé il n'y a pas si longtemps.
06:23 - Juin 2016. - En juin 2016, nous avons fait un repas comme ça,
06:26 où on avait de l'eau jusqu'au siège.
06:29 Donc quand la Loire déborde, c'est compliqué pour les gens qui habitent au bord,
06:34 pour les gens comme nous qui l'aimons, moi qui nage dedans,
06:37 enfin c'est plus le cher que la Loire, mais c'est très proche.
06:42 C'est festif, elle vient à nous, c'est merveilleux.
06:46 - Gabriel ?
06:46 - Moi, ça me rappelle forcément le début de la grande remontée à Saint-Jean-de-Boiseau,
06:51 où en fait, la marée, on a attendu une forte marée en fait pour partir.
06:55 Et du coup, on a fait une réunion qui ressemblait beaucoup à un parlement.
07:01 Pour commencer, on avait les pieds dans l'eau.
07:02 Et je me demandais aussi... Ah, tu cherches la photo ?
07:05 - Elle est là. - Voilà.
07:07 On a commencé dans ce lieu incroyable.
07:10 Et moi, je me demandais sur ta photo, est-ce que c'est une mise en scène avec une dimension...
07:15 Est-ce que tu incites à avoir une dimension artistique auprès des étudiants
07:18 pour voir d'une autre manière le lien à la Loire ?
07:22 - Oui, on essaye vraiment, on travaille en collaboration,
07:25 comme il a été dit ce matin sur la partie Forum Campus,
07:28 avec un laboratoire interne à l'université qui accompagne les projets des étudiants
07:32 dans une dimension plus initialement numérique, multimédia.
07:37 Mais en fait, Niels qui était là ce matin, il a une formation de graphiste,
07:42 il a été formé au Beaux-Arts à Tours.
07:44 Donc il leur apprend peut-être plus d'abord des choses techniques pour prendre des belles photos,
07:49 mais aussi il les sensibilise, là c'est pas complètement anecdotique,
07:52 outre le fait que la photo a été prise en plein hiver,
07:54 mais on n'est pas sur un paysage d'été, ils sont plutôt couverts,
07:59 le ciel est sombre, les arches du pont aussi,
08:02 et en fait c'est aussi pour contraster avec l'effet un peu banquet, pied dans l'eau,
08:08 mais en fait on est plutôt sur une période hivernale.
08:10 Donc ça peut donner l'impression que l'inondation arrive,
08:14 et que... plutôt que quelque chose de souhaité.
08:16 Donc c'est une photo montée, évidemment.
08:18 Et oui, elle assume une dimension artistique.
08:21 Donc tu nous avais proposé ce visuel,
08:23 tu nous en avais proposé deux autres qu'on a mis aussi,
08:25 parce qu'ils nous semblaient tout aussi intéressants.
08:27 Oui, alors c'est vrai que celle-là je l'aime beaucoup, c'est pareil.
08:30 Dans les cours, on travaille évidemment les outils réglementaires
08:33 qui permettent dans les espaces urbains de délimiter des périmètres, des zones,
08:37 à la fois en fonction de leurs caractéristiques urbaines,
08:41 ici on est dans du centre-ville, avec ce "C" qui veut dire "centre urbain",
08:44 et des petits coefficients "F" et "TF" qui sont finalement
08:49 des niveaux de risque d'inondation forts pour "F" et très forts pour "TF".
08:54 Ce document, il symbolise un document administratif
08:57 réalisé par les services de l'Etat, qui s'appelle
08:59 le plan de prévention des risques d'inondation,
09:01 qui cartographie le risque dans les espaces urbains,
09:04 et qui y attribue des usages des sols,
09:07 des endroits où on a le droit de construire,
09:08 des endroits où on n'a pas le droit de construire,
09:10 des espaces inondables dans lesquels on peut construire,
09:12 mais en respectant de la surélévation,
09:15 de la vulnérabilité des réseaux diminués, etc.
09:20 - Ça vous évoque quoi, vous ?
09:22 Tu as rigolé très brièvement, Gabriel, quand tu as vu apparaître cette photo.
09:28 - Je ne sais pas si...
09:30 Juste la description de la photo, c'est que du coup,
09:32 on a un personnage qui est sur la ligne,
09:35 et moi ça m'évoque que ça peut décrédibiliser aussi,
09:40 mettre en cause une norme dans la mesure où il y a une absurdité du trait qui passe quelque part.
09:45 Mais après, c'est bien, je trouve ça rigolo.
09:49 Ça donne une patte humoristique à la règle,
09:53 qui est des fois un peu absurde.
09:54 - Le douze acronyme de PPRI dont tu parlais tout à l'heure,
09:57 c'est ça, le plan de prévention des risques d'inondation.
09:59 Lionel, ça t'évoque quoi, toi ?
10:01 Vivre en bord de fleuve, c'est accepter aussi ce risque-là ?
10:04 - Oui, c'est ce que j'allais dire.
10:05 À part l'aberration peut-être de certaines normes, ça ne m'évoque pas grand-chose.
10:10 C'est trop urbain pour moi, ça.
10:12 - Trop urbain ?
10:13 - Trop urbain comme photo.
10:14 Je veux bien parler sur la Loire, la rivière, mais la ville, pas comme ça.
10:18 - Tu ne la vis pas comme ça du tout, l'expérience du fleuve ou de la rivière, en l'occurrence ?
10:22 Le Cher, ce n'est pas celle-ci pour toi ?
10:24 - Non.
10:26 Pour moi, une rivière qui déborde, c'est une rivière qui va me permettre de dépasser quelques limites.
10:32 Je vais pouvoir nager plus loin ou des fois naviguer plus loin.
10:37 Je ne souhaite pas que ça arrive, mais ça pourrait être l'occasion d'aider des gens,
10:43 puisqu'on a des bateaux à fond plat et on peut se permettre au moment des inondations
10:47 d'aller aider des gens en situation de danger.
10:53 Donc, je ne la vis pas comme ça.
10:55 Cette photo, pour moi, n'évoque pas grand-chose.
10:58 - Tu vis au bord du Cher depuis combien de temps ?
11:00 - Je vis en centre de tour.
11:02 - Et elle ne t'évoque rien ?
11:04 - Je peux vous la situer, je vois ce que c'est.
11:07 Ce sont les anciennes habitations, Mâmes, sur le côté.
11:10 Cette notion de zone à fort risque, ça ne me parle pas.
11:16 Désolé.
11:18 - Il n'y a pas de souci, mais c'est même très intéressant.
11:21 On a parlé pendant la Grande Remontée, Gabriel,
11:23 tu avais d'ailleurs, je crois, participé à cette discussion de mythes du fleuve maîtrisé.
11:27 Il y a toujours une volonté de maîtrise, notamment du point de vue politique,
11:31 du fleuve, pour réduire ses préventions risques, innovations,
11:34 pour protéger les populations.
11:36 Est-ce que le fait déjà de parler de fleuve maîtrisé,
11:39 c'est quelque chose qui te parle ou pas du tout, toi, Lionel ?
11:42 - Ça me parle, oui.
11:44 Nécessité, je n'en suis pas convaincu.
11:47 Tout dépend de ce qu'on met derrière le mot maîtrisé.
11:50 Si c'est chercher à recréer un lit dans lequel on va pouvoir naviguer toute l'année,
11:55 pourquoi pas ? Ça, ça peut être intéressant.
11:58 Si c'est vouloir dominer à tout prix, j'ai très peur.
12:03 Le fleuve, il est maître de son destin.
12:06 On ne maîtrise pas le fleuve.
12:08 C'est un élément beaucoup plus fort que nous.
12:11 On peut se protéger par certains endroits, mais pas maîtriser.
12:16 Je ne crois pas.
12:17 - Mathilde, une réaction par rapport à ce que dit Lionel sur ce mythe du fleuve maîtrisé.
12:21 Est-ce que c'est un mythe ?
12:22 - De toute façon, oui, parce qu'en plus, l'évolution des scénarios climatiques
12:28 nous montreront assez rapidement que...
12:31 En tout cas, des cumuls de précipitations rendront des inondations soudaines et intenses plus rapides.
12:38 Après, le débordement du fleuve, pour ce qui concerne la Loire,
12:41 peut-être qu'il y a une discussion d'experts,
12:43 mais j'imagine que de toute façon, en tous points du territoire,
12:47 il faut s'attendre à ce que le cycle de l'eau soit déréglé
12:49 et que des inondations, notamment dans les milieux urbains, soient de plus en plus fréquentes.
12:55 Après, moi, du point de vue de l'analyse des politiques publiques,
12:59 je pense que si aujourd'hui, on veut réussir à toutes nos villes,
13:03 elles existent en bord de cours d'eau.
13:06 Donc on a une implantation historique de ces espaces de cumul d'activités humaines,
13:12 économiques, industrielles, touristiques en bord de cours d'eau.
13:18 Donc on a besoin quand même de règles qui permettent d'aménager les territoires,
13:22 de limiter le développement dans certaines zones.
13:25 Après, quand il n'y a pas la concertation et l'information dont vous parliez tout d'abord qui va avec,
13:30 le trait, il est toujours injuste.
13:32 Il est toujours injuste pour celui qui est du mauvais côté du trait.
13:35 Mais ça, la question des périmètres, en aménagement du territoire,
13:39 si on ne sait pas vivre avec, on ne peut pas travailler.
13:41 Donc il y a des moments où on est un peu obligé d'assumer les effets de zonage.
13:45 Mais effectivement, si ce trait-là, il ne fait pas l'objet d'un débat et d'une concertation publique,
13:50 il est nécessairement absurde.
13:52 C'est bien pour ça qu'il faut l'accompagner de dispositifs d'accompagnement, de participation.
13:56 Est-ce que c'est vrai au-delà de préservation du PPRI, de risque d'inondation,
14:00 est-ce que c'est vrai aussi de toutes les décisions d'aménagement qui se prennent autour de ce fleuve,
14:04 c'est-à-dire les épis, les digues, les levées qui ont été construites au fur et à mesure,
14:08 qu'on décide d'enlever, de raboter, tout ça,
14:11 est-ce que tout ça doit être issu d'une concertation avec notamment les usagers du fleuve,
14:17 les ceux qui y habitent ?
14:18 Ça, c'est évident, oui. Oui, c'est évident.
14:20 Mais les épis ont eu leur utilité. Est-ce qu'ils l'ont encore ? C'est un débat.
14:25 Non, non, c'est...
14:28 On dit le fleuve, mais il est multiple.
14:32 Il est différent à chaque kilomètre, pratiquement.
14:36 Donc c'est vraiment avec les usagers qu'il faut voir.
14:38 Nous, on fait de la promenade de passagers pour découvrir le fleuve.
14:43 On n'est pas...
14:45 Si on rate une balade, ce n'est pas une catastrophe.
14:48 Le pêcheur qui est sur la rivière, lui, il vit directement de son poisson.
14:52 Donc lui, il est peut-être plus concerné que nous encore.
14:55 Il faut là aussi prendre les bonnes mesures.
14:59 Ça veut dire qu'il y a une vraie nécessité, dans ce que tu dis, Lionel, d'une approche purement territoriale.
15:03 Oui, il y a des vraies priorités.
15:05 Encore une fois, nous, on est...
15:09 Je dis "nous", on est assez assurés.
15:11 On est sur un bras, enfin, on n'est pas sur un bras.
15:13 On est sur un...
15:15 Sur le chair. On n'est pas directement sur la Loire.
15:17 Donc notre impaction n'est pas du tout la même.
15:19 On est les petits pères tranquilles de notre côté.
15:21 Alors on va sur la Loire très souvent, à chaque fois qu'on peut.
15:23 Mais on a ce petit havre de paix qui est le chair.
15:27 Oui, tu disais tout à l'heure, vous avez toujours un bateau sur la Loire, c'est ça ?
15:30 On a toujours un bateau sur la Loire pour justement profiter du fleuve
15:33 chaque fois que les conditions sont là.
15:35 Oui, en parlant d'épis, pour peut-être expliquer un peu mieux
15:38 ce que c'est leur rôle et leurs conséquences,
15:40 je vous propose d'écouter un petit sonore de Tadus Faga
15:43 qu'on a enregistré pendant la Grande Remontée, à la Poce d'Odiard.
15:47 L'idée des épis, c'était de rendre la Loire plus navigable,
15:52 de chenaliser artificiellement la Loire
15:54 pour que les bateaux puissent continuer de naviguer.
15:57 Alors un épis, c'est une espèce de digue de pierre
16:01 qui part d'une rive et qui va vers le milieu du fleuve.
16:04 Comme ça se fait des deux côtés, l'idée c'était de réduire la section d'écoulement
16:08 pour augmenter la vitesse du courant et augmenter l'érosion.
16:12 Et donc ça n'a pas servi à grand-chose, sauf à enfoncer la Loire plus bas dans son lit.
16:17 Puisque quand on a augmenté l'érosion,
16:19 avec l'augmentation de la vitesse de courant entre les pointes d'épis,
16:22 et bien le sable il s'est barré.
16:24 Et si on ajoute à ça, au cours du XXème siècle, l'extraction massive de sable,
16:28 et bien on a perdu entre 2 et 4 mètres de fond.
16:31 Donc le niveau, la ligne d'eau, ce qu'on appelle la ligne d'eau,
16:34 elle a suivi le fond et elle a baissé.
16:36 Donc ça pose trois types de problèmes.
16:39 D'abord écologiques, parce que les bras secondaires et les prairies inondables
16:42 sont beaucoup moins souvent inondées, puisqu'on part de plus bas.
16:46 On a eu un problème de prise d'eau potable,
16:48 les villes se sont retrouvées avec les prises d'eau à sec.
16:52 Et puis le troisième, c'est les ouvrages de génie civil,
16:56 les cales, les ponts, qui avaient des bases en bois,
17:00 et que tant que le bois il est dans l'eau, tout va bien,
17:03 mais quand il se retrouve à l'air, il pourrit.
17:05 Et c'est comme ça que le pont de Tour est tombé, le pont Wilson, en 78.
17:09 Parce que les bases en bois ont été sapées, et du coup il s'est écroulé.
17:13 - Voilà pour l'éclairage de Tatus Faga, bâtelier et pêcheur.
17:17 On parlait des usagers tout à l'heure, Lionel.
17:20 Donc il sait de quoi il parle, a priori, quand on parle d'usagers du floc.
17:24 Est-ce que tu souscris à ce qui a été dit là ?
17:26 - Entièrement, oui. C'est une analyse très précise.
17:29 - Qu'est-ce que ça t'évoque, Gabriel, ce témoignage de Tatus,
17:33 et la volonté d'aménager d'une manière générale le fleuve pour ses usagers ?
17:38 - Moi ça me rappelle déjà l'image des machines qui étaient installées
17:43 quand on est passé sur la partie aval,
17:47 où il y avait sur les épis des machines en train de travailler,
17:51 en train de supprimer les épis.
17:53 C'était très concret, pratique.
17:56 On les voyait refaire des tas de sable, trier les cailloux et refaire des tas de sable.
18:00 Je ne sais pas où est-ce que ça va après les cailloux,
18:02 si c'est envoyé à Nantes pour construire des bâtiments.
18:05 Mais en tout cas le sable semblait être laissé.
18:08 Je crois qu'on avait dit que ça coûtait 60 millions d'euros de supprimer les épis.
18:11 J'avais entendu cette discussion.
18:13 Moi ça m'évoque le fait qu'on a du mal à penser les boucles de rétroaction,
18:18 de retour sur le long terme de nos actions,
18:20 et qu'on a beau penser les choses en termes de maîtrise,
18:24 on ne maîtrise pas grand chose tant qu'on ne pense pas en termes de système.
18:28 Effectivement, c'est un mythe la maîtrise.
18:32 Comme c'est un mythe le sauvage, on avait évoqué ça.
18:35 Le fleuve sauvage c'est aussi un mythe.
18:37 L'entre-deux est dans les interactions qu'on a, complexes, de tout temps,
18:42 et de trouver des limites à nos actions humaines.
18:46 Il faut définir des limites, c'est ça l'écologie.
18:48 C'est penser des limites ensemble et se mettre d'accord sur des limites qui soient viables.
18:53 C'est simple en le disant, mais pourquoi on n'y arrive pas ?
18:57 Sur la question des politiques publiques Mathilde,
19:00 cette nécessité de penser le temps long, est-ce qu'elle est compliquée ?
19:06 Oui, elle est très compliquée.
19:08 On a aujourd'hui plusieurs choses qui peuvent permettre d'y contribuer,
19:14 ou de l'expliquer, en tout cas historiquement en France.
19:17 C'est l'Etat, en tant qu'institution pérenne,
19:21 qui assure la prévention des territoires, la sécurité des populations,
19:25 et qui a un pouvoir régalien de prévention et de gestion des risques naturels,
19:31 notamment d'inondations.
19:32 C'est d'ailleurs lui qui réalise les PPRI,
19:35 et jusqu'à une période récente,
19:37 qui s'occupait quasiment de la totalité des ouvrages sur les bords de Courdau,
19:42 notamment sur les digues.
19:45 Aujourd'hui, c'est vrai qu'on a des politiques publiques qui évoluent,
19:50 des arguments à la fois du côté des services de l'Etat et des collectivités locales,
19:55 mais qui expliquent que les collectivités locales,
19:58 notamment les intercommunalités,
19:59 se retrouvent gestionnaires des ouvrages de défense,
20:02 de la prévention des inondations.
20:04 Donc là, ça pourrait avoir du sens à l'échelle d'un aménagement du territoire,
20:08 parce qu'on peut avoir un récit qui est de dire que les collectivités connaissent mieux
20:14 leurs projets, les ambitions de leur développement,
20:17 et que l'Etat est peut-être un peu prépondérant.
20:20 Mais sur le temps long, l'Etat a aussi cette forme de pérennité de l'action,
20:26 et parfois, les collectivités locales, elles, sont davantage aux prises
20:32 avec des programmes politiques,
20:35 qui peuvent être d'ailleurs tout à fait en faveur du fleuve,
20:38 mais pas tout le temps.
20:39 - Ça veut dire que le court-termisme, il est aussi piloté ou généré
20:43 par le fait de protéger les populations, en priorité,
20:46 et que la protection des populations, elle passe avant la prise en compte
20:51 beaucoup plus longue des intérêts écosystémiques,
20:53 comme disait tout à l'heure Gabriel.
20:56 - Oui, c'est vrai qu'on a tendance à observer,
21:00 je ne sais pas si c'est tout à fait la réponse à la question,
21:02 mais en tout cas, on a tendance à observer une mobilisation forte,
21:05 notamment des services de l'Etat, sur les questions de gestion de crise,
21:09 mais parfois, un peu, justement, au détriment d'une vision
21:12 de l'aménagement du territoire, avec là aussi, peut-être,
21:15 un discours qui serait de dire, de toute façon,
21:17 ce n'est pas de quoi l'inondation de demain sera faite,
21:20 elle peut être à la fois une conjonction de la saturation des réseaux,
21:24 du ruissellement, des précipitations, et donc, finalement,
21:28 juste à voir où ça va déborder, ça ne suffit pas
21:31 pour prévoir l'inondation, donc autant mettre les efforts
21:33 et les moyens sur les questions de gestion de crise.
21:36 C'est une façon de prévoir la catastrophe,
21:41 donc en ça, j'imagine que ça peut donner lieu
21:44 à plein d'outils de prévention très intéressants,
21:47 mais je pense quand même que l'aménagement du territoire,
21:50 surtout si on estime qu'il faut rouvrir des espaces à l'eau,
21:54 reste quand même une politique publique qu'il ne faut pas abandonner.
21:58 - Sur cette question du temps long, Lionel,
22:00 évidemment, envisager le temps long, c'est aussi voir ce qui s'est déjà passé
22:04 et la tradition qui est transmise de bâtelier en bâtelier,
22:07 d'usager en usager, ça c'est quelque chose auquel vous êtes attaché,
22:10 au bâtelier du Cher ?
22:12 - On y est très très attaché, mais ce sont des transmissions orales,
22:16 il n'y a pas d'écrits, donc en fait, c'est à prendre avec des pincettes,
22:20 parce que dès qu'on a la transmission orale, il y a des manques,
22:23 il y a des manques importants, il y a des déformations
22:25 qui se font avec le temps, c'est l'histoire du téléphone orable,
22:27 quand on est enfant et qu'on joue à ça, la phrase se déforme avec le temps,
22:30 donc c'est à prendre avec beaucoup de précautions.
22:34 Pour le reste, je me garderais bien de répondre,
22:37 parce que je n'ai pas la technicité de mes...
22:40 - Mais il y a l'expérience du fleuve et l'expérience de ceux qui sont passés avant vous.
22:44 - Actuellement, nous ne sommes que des promeneurs sur le fleuve,
22:47 on essaie de retrouver les gestes anciens,
22:49 on les retrouve à travers la construction de nos bateaux,
22:52 ce qui est une grosse part de notre activité,
22:54 on les retrouve dans les gestes lorsqu'on navigue,
22:57 mais on a encore beaucoup à apprendre
23:01 pour avoir une vue globale du fleuve,
23:05 c'est vraiment très compliqué.
23:07 Plus on avance dans ce domaine, comme dans beaucoup,
23:12 plus on découvre la somme de nos méconnaissances.
23:15 Soyons prudents.
23:17 - Est-ce qu'il y a une...
23:19 Ce n'est pas une difficulté finalement aussi, dans ce que vous dites,
23:22 il y a autant de... Dans une prise en compte collective, on va dire,
23:26 de ces gestions des risques,
23:28 il y a autant d'usages que d'usagers finalement,
23:31 et ce n'est pas ça qui est difficile à concilier finalement.
23:34 Comment consulter s'il y a autant d'usages que d'usagers ?
23:38 Ma question n'est pas claire.
23:40 - Si elle est claire, non, parce que j'imagine bien que si on interroge
23:44 le pêcheur de Loire qui est dans une zone où la marée se fait sentir,
23:48 il va avoir une vision de la Loire qui est complètement différente
23:52 de celle du batelier du Cher qui est tranquillement sur le Cher,
23:56 qui ne suit pratiquement rien,
23:58 et qui n'a rien à voir non plus avec celui qui est plus près de l'Auvergne,
24:02 où on a encore une notion de torrent presque, plus que de fleuve.
24:06 Ces gens-là ne peuvent pas avoir tous les trois la même réponse,
24:08 c'est évident, c'est pour ça que je dis qu'il faut avoir à la fois
24:11 une vue globale, mais aussi une vue de l'usager, de chaque secteur.
24:15 - Comment on organise une réponse collective ?
24:19 Comment on organise cette réponse collective si on ne veut pas
24:22 qu'elle soit uniquement politique ? Gabriel et puis Mathilde, évidemment.
24:25 - Vas-y Gabriel, parce que moi je vais te dire qu'elle ne peut être que politique.
24:28 - Elle ne peut être que politique, j'ai compris que c'était ça.
24:32 Oh là là, c'est difficile comme question.
24:35 Peut-être qu'elle ne peut être que politique dans le cadre actuel,
24:38 c'est possible.
24:40 Peut-être qu'aussi il y a une place dans les récits, dans l'imaginaire,
24:44 dans tout ce qui peut être construit avec l'art, dans toutes les approches.
24:48 Moi je crois vraiment dans... J'ai découvert les bâteliers-bâtelières
24:52 pendant la remontée. Moi je suis de Saint-Jean-de-Boiseau,
24:55 à la montagne, à côté, dans l'estuaire.
24:58 Pareil, j'étais peu sur la Loire quand j'étais enfant.
25:02 Et en fait, le point de vue du fleuve, c'est vous qui l'avez.
25:05 Le côté humble, tu le redis, c'est incroyable.
25:09 C'est une posture de diplomate qu'il faut pouvoir transmettre
25:13 au reste de la population.
25:15 Dans la mesure où cette posture humble, à l'écoute,
25:19 à la fois vous êtes des passeurs entre le milieu qui vous tient,
25:23 qui vous supporte, et les gens que vous pouvez emmener dessus.
25:27 Il y a vraiment un truc de posture, de diplomatie là-dedans,
25:30 que je trouve très vertueux.
25:32 Et puis on n'a pas parlé des luttes aussi.
25:35 Je ne sais pas si tu mets là-dedans la politique, Mathilde,
25:38 mais en tout cas, la dimension de lutte est omniprésente
25:41 chez les bateliers et bâtelières.
25:43 Elle est aussi présente dans d'autres courants qui se passent en ce moment,
25:47 au Soulevement de la Terre et autres.
25:49 Et je crois que ça, c'est un axe qui est très puissant,
25:53 aussi en termes d'apprentissage.
25:55 C'est peut-être la meilleure école, là où très vite on apprend
25:58 et on s'arme politiquement pour défendre des éléments de naturel.
26:02 - Toute réponse est politique, forcément, Mathilde.
26:04 Alors ça dépend de ce qu'on entend par politique.
26:06 Si tout est politique, finalement.
26:08 Mais forcément, est-ce que c'est politique, cette réponse-là,
26:11 collective à la gestion des risques, à la prévention des risques d'inondation ?
26:14 - Au bout du compte, oui.
26:16 Mais avant cela, je crois que le trio, il est autour de la table.
26:21 C'est-à-dire que c'est une question d'usage,
26:24 c'est une question de transcription aussi sensible de ces usages
26:28 et une traduction qui va s'exprimer soit en politique,
26:32 si la politique joue son rôle de transmission d'un intérêt général,
26:36 soit de lutte, si la politique ne joue pas son rôle de transmission d'un intérêt général.
26:43 Mais la politique en soi, ou la traduction politique des choses, n'est pas une finalité.
26:48 La finalité, c'est qu'elle soit le reflet des usages,
26:53 de la sensibilité de ces usages et la traduction collective dans des politiques.
26:59 - Et au niveau local et territorial, ce dont tu parlais tout à l'heure, Lionel,
27:03 c'est-à-dire de considérer les choses au niveau local et territorial,
27:06 est-ce que, et on revient à ce dont on parlait tout à l'heure,
27:09 il n'y a pas un vrai rôle à rééduquer les gens au fleuve ?
27:12 C'est-à-dire que pour les consulter, il faut déjà qu'ils connaissent le fleuve.
27:15 On en parlait aussi au pont de Sey, Gabriel, je ne sais pas si tu t'en souviens,
27:18 et on va vous livrer un peu ce qui s'y était dit,
27:20 mais les élus des ponts de Sey, qui est un territoire très concerné
27:24 par la gestion des risques d'inondation,
27:27 disaient que les nouveaux habitants ne connaissaient pas du tout le fleuve.
27:30 Et donc il y avait à se réacculturer avec ça.
27:33 Est-ce qu'il y a un enjeu de ce point de vue-là aussi,
27:35 de la rééducation au fleuve ou de l'éducation au fleuve ?
27:37 - Moi, j'ai trouvé la discussion qui a eu lieu ce matin super intéressante
27:41 sur la question d'école de Loire.
27:44 Donc à la fois, pareil, une réponse en toute humilité,
27:48 comme ça a été dit tout à l'heure, c'est-à-dire que je pense que les personnes
27:51 qui vivent au bord de la Loire ont tout autant de choses à apprendre
27:54 que l'école qui va apprendre des choses sur la Loire,
27:56 enfin où la Loire fait école, je crois, comme on a dit ce matin.
27:59 Mais sûrement qu'on a des choses à apprendre aussi des nouveaux habitants.
28:02 Parce que s'ils sont venus là, c'est pour quelle raison ?
28:04 C'est pour avoir une qualité de vie différente,
28:07 c'est parce qu'ils ont trouvé des maisons moins chères,
28:09 c'est parce qu'il y a des moyens d'accessibilité sur les bords de l'eau
28:14 qui sont différents.
28:16 Il y a peut-être plein de raisons aussi.
28:19 Il y a l'histoire, évidemment, et c'est très, très, très beau.
28:22 Mais sûrement que les nouveaux habitants aussi.
28:24 Alors ils n'ont peut-être pas la connaissance du territoire dans le fond,
28:28 qui est identique, et notamment dans les dangers, peut-être.
28:31 Mais en tout cas, oui, pour se forger des avis avec ça.
28:36 - Gabriel, s'affiche juste derrière nous une proposition que tu as faite
28:39 sur de l'heraldique.
28:40 Alors tu peux répondre évidemment avec ça,
28:42 mais il y a une question d'éducation de la population,
28:44 mais d'appropriation aussi par la population.
28:46 - Oui, je pense que...
28:47 Enfin, moi, dans les discussions que j'ai eues pendant toute la remontée
28:52 et autour, c'est que le lien, il est fort dans la filiation,
28:56 dans la famille, dans ce qui est transmis des générations
28:59 dans ces habitants de Loire.
29:02 Et du coup, c'est vrai que les nouveaux arrivants,
29:05 je pense qu'il faut trouver des manières plurielles
29:08 de les inviter à découvrir le fleuve.
29:12 La culture, les réglementations, les réunions publiques,
29:16 et surtout la pratique, quoi.
29:18 Ça, c'est gratuit, ça coûte rien d'aller dans le fleuve, en fait,
29:21 d'aller au bord, éventuellement d'être dans des associations
29:25 après être batteur.
29:27 Voilà, c'est sûr, il faut encourager à ça.
29:30 Et le lien avec mes croquis, j'ai fait des petits dessins,
29:34 parce que j'ai posé une question aux participants,
29:37 c'était est-ce que si vous aviez un drapeau à imaginer
29:40 pour la Loire ou pour le Parlement de Loire,
29:43 ce serait quoi la symbolique ?
29:45 Donc il y a eu plusieurs réponses.
29:48 C'était une manière de voir comment les participants
29:51 peuvent s'approprier les lieux et projeter un sentiment
29:54 d'appartenance via un graphisme.
29:57 Et du coup, il y a eu des entités naturelles,
30:00 telles que le balbuzard, associés au saumon,
30:03 des méandres, des tourbillons spirales,
30:06 une anguille qui se mord la queue, comme un ouroboros,
30:09 des trucs un peu militants, comme le drapeau noir.
30:12 En fait, quand je suis arrivé à Saint-Jean-de-Boiseau,
30:14 j'ai vu que personne n'avait le même drapeau.
30:16 Je me suis dit, bah tiens, c'est marrant, en fait.
30:19 C'est une organisation qui est plurielle à l'image de la Loire,
30:22 comme je disais, où en amont la Loire est jaune
30:25 avec les marées, puis après on remonte
30:28 et elle est verte, bleue, elle est plurielle, en fait.
30:31 Et du coup, qu'est-ce que j'avais vu d'autre ?
30:34 Une écaille, une anguille,
30:37 une anguille en forme de Loire,
30:40 une feuille de saule, il y avait une feuille de saule.
30:43 Voilà, quelques dessins qui sont sortis de cet échange.
30:46 - Lionel, cette affaire ?
30:49 - Non, c'est pas le même drapeau, comme vous dites,
30:52 c'est simplement parce que chaque propriétaire de bateau a ses propres couleurs.
30:55 C'est un système qui est très ancien et qui permettait de loin
30:58 de savoir qui arrivait avec son bateau.
31:01 C'est une lecture...
31:04 - Mais là, dans le cadre de la remontée, les bateaux-bateaux-lures auraient pu se dire
31:07 on fait quelque chose de commun.
31:10 - Non, parce que quand vous y arrivez un bateau au loin,
31:13 ça vous aide à le reconnaître.
31:16 - Oui, parce que ça participe de son identité propre.
31:19 Ces drapeaux sont apparus à une époque
31:22 où ça avait symboliquement une très grande force.
31:25 On est sous la royauté lorsque les drapeaux apparaissent.
31:28 Seuls les nobles ont le droit de porter des couleurs.
31:31 Les bateliers qui se sentaient seigneurs sur l'eau
31:34 se sont mis à porter des couleurs, comme les nobles,
31:37 et on ne leur a pas refusé ce droit. C'est très important.
31:40 D'ailleurs, ils portent ces couleurs attachées à un guérouet.
31:43 C'est la même pratique du mot "girouette",
31:46 puisque la girouette était réservée uniquement aux nobles.
31:49 Donc, eux, nobles sur l'eau, se sont mis une girouette et un drapeau avec leurs couleurs.
31:52 Donc, vous ne ferez pas changer les couleurs d'un batelier
31:55 pour participer à une manifestation.
31:58 Il vaudra bien mettre le drapeau de la manifestation en plus,
32:01 mais il n'enlèvera pas son guérouet.
32:04 - C'est génial aussi que vous personnifiez vos bateaux.
32:07 C'est des choses, mais il y a des noms, il y a un drapeau...
32:10 Je trouve que ça a une portée aussi.
32:13 Nous, on ne donne plus de noms à nos maisons, par exemple.
32:16 - Moi, si. - Ah bon ?
32:19 - Non, mais c'est lié à la marine également.
32:22 Tous les bateaux ont un nom.
32:25 - C'est une capacité à personnifier des choses.
32:28 C'est dans la perspective de Parlement de Loire, toujours.
32:31 C'est à propos, à dessein, ce que je dis.
32:34 - Oui. Je n'imagine pas un bateau qui n'ait pas de nom.
32:37 - Je ne sais pas.
32:40 Après, quand on récupère le bateau d'un autre,
32:43 ou quand on achète un bateau, il y a 2 écoles.
32:46 Il y a ceux qui disent qu'on n'a pas le droit de changer le nom.
32:49 Le nom d'origine doit rester. Il y a ceux qui changent le nom des bateaux.
32:52 Il n'y a pas de vraie loi. On fait un peu ce qu'on veut.
32:55 On s'éloigne du sujet. - Oui, on s'éloigne,
32:58 mais ce n'est pas grave du tout. C'est intéressant, évidemment.
33:01 Merci d'avoir participé à ce temps d'échange.
33:04 - Merci.
33:07 Sous-titrage MFP.
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