Jean-Louis Bourlanges, député MoDem des Hauts-de-Seine, président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, était l'invité du 18.20 de franceinfo jeudi 30 novembre.
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00:00 - Bonsoir à vous Jean-Louis Bourlange. - Bonsoir.
00:02 - Nous allons évoquer avec vous la trêve entre Israël et le Hamas.
00:05 C'est-elle fragilisée par cette attaque meurtrière survenue à Jérusalem,
00:08 revendiquée par le mouvement islamiste palestinien.
00:11 Mais tout d'abord, c'est la fin du cauchemar pour Miachem,
00:14 la jeune franco-israélienne de 21 ans, qui est une des deux otages libérés aujourd'hui.
00:19 Le président Emmanuel Macron fait part de sa grande joie.
00:21 Il faut se réjouir Jean-Louis Bourlange de cette remise en liberté,
00:25 même si la situation vous inquiète.
00:28 - Oui, bien sûr qu'il faut se réjouir de tout ce qui contribue
00:31 et tout ce qui provoque la libération des otages.
00:34 Mais en sachant que malgré tout, le Hamas joue un jeu de chat et de la souris absolument cruel
00:40 pour l'ensemble des familles, il lâche les otages et en retient d'autres.
00:43 Ils ne disent pas exactement qui sont les vivants, qui sont les morts.
00:47 On ne sait pas si ils contrôlent directement eux ou le djihad islamique,
00:52 ou alors des particuliers de la bande de Gaza qui contrôlent les otages.
01:00 Donc ils maintiennent, ils entretiennent un climat d'incertitude et d'angoisse
01:05 au sein des familles qui est proprement terrifiant, mais qui est très habile de leur part,
01:10 car évidemment ça les pose à nouveau en interlocuteur,
01:14 alors que l'idée fondamentale d'Israël, et on comprend pourquoi,
01:17 aurait été de les disqualifier comme interlocuteurs.
01:20 - À qui profite la trêve, Jean-Louis Bourlange ?
01:22 - Je ne sais pas, je crois que le problème numéro un...
01:26 Enfin, il y a deux problèmes très graves qui se posent au gouvernement israélien,
01:31 qui est un gouvernement de coalition en plus, donc, dans lesquels les membres ne sont pas d'accord.
01:35 Premièrement, quel est l'objectif premier ?
01:38 Netanyahou a dit "c'est la destruction militaire et politique du Hamas".
01:43 Il peut peut-être endommager très sérieusement militairement le Hamas,
01:47 il aura du mal à le détruire politiquement, ou alors, la libération des otages.
01:52 L'opinion israélienne a obligé le gouvernement israélien,
01:56 divisé d'ailleurs sur ce point, à mettre au premier plan de son agenda la libération des otages.
02:02 La conséquence indirecte, c'est que ça remet le Hamas dans le jeu.
02:06 La deuxième contradiction, c'est qu'on ne sait pas derrière l'opération militaire
02:10 que mène Netanyahou, que mène le gouvernement israélien, que mène Sahal,
02:14 on ne sait pas quel est l'objectif politique.
02:17 On ne peut pas.
02:18 Quel est le sort ultime que les israéliens imaginent pour la bande de Gaza ?
02:23 Est-ce qu'ils disent qu'ils ne veulent pas l'occuper eux-mêmes ?
02:26 C'est pourtant leur devoir en tant que puissance occupante au titre du droit international.
02:31 S'ils ne veulent pas l'occuper, comment cette bande peut-elle vivre ?
02:34 Comment cette population va-t-elle vivre ?
02:37 Leur souhait, c'est évidemment que l'Egypte accueille 2,3 millions de Gazaouis
02:43 dans ses murs, dans ses frontières, et ça c'est évidemment tout à fait exclu
02:47 puisque le maréchal Sissi n'a absolument aucune intention d'accueillir cela.
02:52 Alors quel est l'objectif ?
02:53 - Vous dites "nous sommes dans le vide", c'est ce que vous dites.
02:54 - Oui, nous sommes dans le vide, nous sommes dans le vide.
02:56 De l'autre côté aussi, en Cisjordanie, on voit bien la progression de la colonisation
03:03 en Cisjordanie, et on voit bien que le terme ultime serait que tous ces palestiniens de Cisjordanie
03:11 aillent en Jordanie. Mais ce n'est pas comme ça qu'on résoudra le problème.
03:14 On ne va pas envoyer les Cisjordaniens en Jordanie, les Gazaouis en Egypte,
03:18 et le tour sera joué. Non. Il y a un problème de savoir comment on traite
03:24 ces millions de personnes qui sont palestiniens et qui sont dans ce territoire
03:29 contrôlés directement ou indirectement par Israël. C'est ça la question.
03:35 Et là, M. Netanyahou, pour des raisons qu'on comprend, est totalement muet en réalité
03:40 sur la solution qu'il imagine.
03:42 - Pensez-vous qu'il en ait une précise à l'esprit ? Personne ne lit dans ses pensées, mais...
03:47 - On ne vit pas dans ses pensées, mais on vit dans ses paroles.
03:50 Il a déclaré très clairement au Likoud, il y a très peu de temps, je crois hier ou aujourd'hui,
03:56 il a déclaré très clairement qu'il n'était pas question d'aller vers deux États.
04:01 Si on ne va pas vers deux États, alors que toute la communauté internationale
04:05 estime que les deux États sont à terme, bien sûr, c'est très compliqué à mettre en œuvre une solution.
04:10 Pourquoi c'est une solution ? Pour une raison simple. Ces deux États, c'est la seule façon
04:15 de faire vivre côte à côte des communautés qui sont dans une situation de défiance maximale,
04:22 voire de haine. Regardez les Corées. Il y a la Corée du Nord, la Corée du Sud, ça coexiste.
04:27 Tandis que pour faire fonctionner un État unique, que ce soit l'État israélien ou l'État palestinien,
04:33 dans une communauté aussi divisée, vous n'y arrivez pas.
04:38 Alors il faut trouver une solution pour faire vivre ces deux communautés d'une façon indépendante l'une de l'autre et en paix.
04:46 - Jean-Louis Bourlange, il y a eu cet attentat. Trois Israéliens dont deux femmes tuées à Jérusalem Ouest,
04:50 revendiquées par le Hamas. Il y a ces questions sur la poursuite ou pas de la trêve.
04:54 Anthony Blinken qui a exercé une pression aujourd'hui sur Benyamin Netanyahou avant de se rendre à Ramallah.
05:00 Vous pensez que ça peut voler en éclats ? - Je pense que l'attentat a quand même...
05:05 Je ne connais pas du tout les arrière-plans des décisions, des prises de décisions au sein du Hamas.
05:10 Mais il y a manifestement des gens qui veulent poursuivre la lutte, d'autres qui veulent arriver,
05:14 consolider les avantages politiques. Car il ne faut pas se dissimuler que le Hamas a obtenu des avantages politiques.
05:21 A travers la négociation, il a été obligé, on a été obligé de le reconnaître comme interlocuteur.
05:26 Et surtout, ce qu'il faut bien voir, c'est que la solution à deux États, qui était la nôtre,
05:32 qui était celle des Européens, qui était celle à un moment du président Clinton,
05:36 qui était celle de la plupart de la communauté internationale, qui est celle des Chinois,
05:40 c'était une idée qui était totalement abandonnée. Avec cette horreur du 7 octobre, les massacres du 7 octobre,
05:48 elle est revenue en plein centre des préoccupations et des revendications de la communauté internationale.
05:56 Et ça, les populations palestiniennes, même s'ils détestent la tutelle que leur impose le Hamas
06:01 et les violences que leur impose le Hamas, sont conscients que c'est cette violence-là qui a produit ce résultat.
06:07 C'est là où toute cette affaire est totalement tragique.
06:09 - Mais vous pensez qu'un processus de paix, cette partition deux États indépendants,
06:13 qui semble être la seule solution possible, soit possible après ces fameux 1200 morts de ce massacre épouvantable du 7 octobre ?
06:20 Partir d'un tel massacre pour arriver à un processus de paix ?
06:23 - Je vous disais que la solution des deux États est celle qui permet de faire coexister deux communautés qui sont en méfiance et en haine maximale.
06:34 Le partage de la Corée après la guerre atroce de Corée, ça a été le cas.
06:39 Simplement, ce qui est tout à fait exact, c'est que ce ne sont pas les acteurs locaux qui vont seuls porter cela.
06:45 Et c'est pourquoi je crois qu'on pourrait imaginer une conférence internationale dans laquelle, sur la Palestine,
06:53 après tout, c'est une décision internationale qui a entraîné la naissance d'Israël à l'ONU,
06:58 une conférence internationale dans laquelle, effectivement, on reprendrait la discussion là où elle avait été laissée à l'époque du président Clinton.
07:08 Clinton avait défini de façon assez claire des paramètres, alors on peut discuter ces paramètres,
07:14 et je pense que la communauté internationale, c'est-à-dire les pays arabes qui entourent Israël, l'Union européenne, les États-Unis,
07:23 devraient s'impliquer dans une solution collective qui permettrait de répondre aux doubles soucis d'une expression politique digne pour les Palestiniens
07:37 et d'une grande sécurité pour Israël. Ce n'est pas facile, mais c'est sans doute là le chemin.
07:43 - Toute dernière question, Jean-Louis Bourlange, après le retour de Miachem, il reste 4 franco-israéliens portés disparus,
07:48 nous ignorons s'ils sont otages ou décédés. Il le faut, cet hommage, ça a été dit, et redit, pourquoi il n'y a pas d'hommage aujourd'hui aux victimes du 7 octobre ?
07:57 - Écoutez, je pense que les hommages c'est très important, je ne sais pas s'il faut les faire maintenant,
08:02 s'il faut attendre que ce processus extrêmement douloureux, extrêmement chaotique de libération des otages soit terminé,
08:11 mais je crois que chacun, chacun en France, ressent très profondément sa solidarité avec les otages.
08:17 C'était même ce qui nous gênait après le 7 octobre que de voir la question des otages reléguée au second plan.
08:23 Maintenant elle est au premier plan, chacun en France, chacun en Israël, je crois, mesure l'importance de cette question
08:32 et vit de façon tragique le sort de ces pauvres petits, jeunes, femmes, vieux, perdus, assassinés, oubliés, etc.
08:42 Nous ne pouvons pas les oublier et nous ne les oublions pas.
08:45 - Merci à vous Jean-Louis Bourlange, président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale,
08:49 et je le rappelle, député Modem des Hauts-de-Seine, essayiste aussi, d'avoir participé et d'avoir répondu à nos questions sur France Info.