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Anne Fulda reçoit Jean Sévillia pour son livre «Cette Autriche qui a dit non à Hitler, 1930-1945» dans #HDLivres

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00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Jean Sevillia.
00:02 Alors, on vous connaît, vous êtes historien, vous êtes essayiste, vous êtes journaliste.
00:08 Vous avez écrit déjà de nombreux ouvrages sur l'impératrice Zita, le terrorisme intellectuel également,
00:14 historiquement correct. Et là, vous venez de publier cette Autriche qui a dit non à Hitler, 1930-1945,
00:21 un livre qui est paru chez Perrin. Un livre que vous avez dédié aux 100 000 Autrichiens
00:25 poursuivis par la Gestapo de 1939 à 1945, mais aussi à votre père, prisonnier de guerre en Autriche,
00:32 de 1939 à 1945, et qui ne confondit jamais l'Autriche avec le nazisme.
00:36 C'est un peu pour lui que vous l'avez écrit, ce livre ?
00:40 - Oui, de part personnelle, oui, tout à fait, parce que j'ai appris dès l'enfance, à travers mon père,
00:44 à ne pas confondre l'Autriche et le nazisme, un fictus fréquent depuis très longtemps.
00:49 Il y a une idée toute faite qui est que les Autrichiens, en 1938, ont été annexés par l'Allemagne nazie avec joie.
00:55 Alors évidemment, il y a eu une foule qui a accueilli Hitler le 15 mars 1938.
01:00 - Oui, il y a des éléments qui peuvent alimenter cette impression.
01:03 - L'image. L'image sert beaucoup. Mais il faut se dire, d'abord, que ce sont des images de propagande
01:07 dont on conserve toujours aujourd'hui. Mais il y a ceux dont on ne parle jamais, les opposants.
01:12 50 000 à 70 000 arrestations dans les jours qui ont suivi l'Anschluss.
01:17 En pourcentage, c'est comme si on avait arrêté 700 000 personnes en France.
01:21 C'est un chiffre considérable. Il y a ceux qui ont résisté, ceux qui ont versé leur son, donné leur liberté.
01:28 Il y a eu 10 000 Autrichiens qu'on avait morts pour faire de résistance entre 1938 et 1945.
01:33 De cela, on ne parle jamais. Alors moi, j'ai voulu écrire un livre qui parle d'eux et le rende hommage.
01:38 - Et donc votre père faisait partie ?
01:40 - Ah bon, mon père, il était Français, prisonnier.
01:43 - Alors, parmi ces résistants, il y a plusieurs profils, mais on peut distinguer quelques groupes dominants.
01:51 Enfin, dominants, il y a plus de...
01:54 - Il y a une résistance de gauche, socialiste, communiste, et puis une résistance de droite, conservatrice, catholique,
02:01 et même monarchiste, puisque Otto de Habsbourg, le fils de Dunley l'Empereur, a joué un rôle très important
02:06 dans le combat pour la liberté de l'Autriche. Et c'est tout à son honneur, je pense.
02:10 - Alors, vous citez même... Il y a même cet exemple de résistance juive avant que les nazis prennent le pouvoir,
02:18 où la résistance juive était vraiment très compliquée. Ce vieil homme dont vous parlez, Emil von Sommer...
02:25 - Oui, c'est très ébouvant. C'est parce que quand les nazis ont pris le pouvoir, ils ont forcé les juifs
02:32 à effacer des slogans patriotiques autrichiens sur les trottoirs.
02:36 Et un jour, deux nazis sont allés chercher un vieil homme et qu'il leur a demandé la permission de se changer
02:41 avant de descendre faire cette corvée. Et il est sorti avec son grand uniforme de général de l'armée impériale austro-hongroise.
02:47 Et du coup, les nazis de troupes interloquées l'ont laissé tranquille. Enfin, il sera malheureux.
02:52 - Oui, c'est... - Il est porté après.
02:54 - C'est la grandeur du geste, mais hélas, qui n'augurera rien de bien pour la suite.
02:59 Alors, en fait, ce qui est intéressant, c'est que vous expliquez que s'il y a eu des résistants qu'on n'a pas connus,
03:05 et s'il y a cette impression générale, c'est que ça s'explique par l'histoire de l'Autriche.
03:10 Parce que finalement, c'est un pays assez jeune qui naît après... - Un pays assez jeune.
03:15 - Après les accords de la Première Guerre mondiale. - Un pays assez jeune qui naît...
03:18 Enfin, il y a un empire d'Autriche qui a des centaines d'années derrière lui.
03:21 Mais quand on crée une République d'Autriche en 1918, les autrichiens, en fait, on se demande qui ils sont,
03:25 puisque les autrichiens, à proprement dit, ont toujours vécu avec des tchèques, des croates, des hongrois, etc.
03:29 Une fois l'empire d'Habsbourg, qui était un empire multinational, démantelé, ils se demandent qui ils sont.
03:34 Et ils ont la tentation, comme leur État est tout petit, inviable, de rejoindre la Grande Allemagne,
03:39 parce qu'avec les Allemands, ils partagent la langue, une histoire, une culture.
03:43 Et donc, il y a tout un effort de l'État autrichien des années 1920 jusqu'aux années 1930 pour exister,
03:48 conforter l'existence du pays, lui donner une raison de vivre et susciter un patriotisme autrichien.
03:53 - Qui va naître assez tard, finalement, mais qui va naître. - Qui va naître assez tard.
03:57 Et au fond, paradoxalement, il va se conforter pendant la guerre et dans la résistance.
04:02 C'est-à-dire que l'épreuve et l'Autriche d'après 1945, la deuxième république d'Autriche,
04:08 va être gouvernée par des hommes qui étaient tous passés par les camps nazis.
04:11 C'est-à-dire que dans l'épreuve, sous l'oppression, il y a une véritable conscience nationale autrichienne qui s'est forgée.
04:18 - Vous évoquez aussi l'assassinat de Dolfus, qui est un élément important.
04:24 - Dolfus aboie vos images aujourd'hui, parce qu'effectivement... - C'était pas un grand démocrate non plus.
04:28 - C'était pas un grand démocrate, mais les années 1930 étaient guerres démocrates.
04:32 Il faut dire qu'il était soumis à la double tension, tant des nazis et d'une gauche marxiste aux accents léninistes.
04:41 Donc il a suspendu le Parlement, il a gouverné sans les partis, oui.
04:44 Mais enfin, il a comme été l'homme du patriotisme autrichien, l'homme de l'indépendance.
04:49 Et puis il a été assassiné au cours d'un coup d'État nazi qui a échoué en 1934,
04:55 parce que l'armée autrichienne s'y est opposée, parce que les autorités autrichiennes ont réagi contre le national-socialisme.
05:00 L'Autriche n'était pas prête pour le nazisme.
05:02 - Oui. Et vous dites même d'ailleurs qu'à l'époque, bien que ce n'était pas un grand démocrate,
05:08 il n'y a pas de politique antisémite et que même les Juifs, d'ailleurs des Juifs, fuient l'Allemagne et se réfugient en Autriche.
05:13 - Tout à fait. En 1933, quand Hitler prend le pouvoir, il y a des Juifs allemands qui vont se réfugier en Autriche,
05:17 parce que pour eux, l'Autriche est un pays sûr pour les Juifs.
05:20 Il y a toute une tradition du judaïsme autrichien très intégrée qui avait été protégée par l'Herbsburg.
05:26 Et puis Dolfus et son secrétaire Schuschnick auront même des ministres juifs.
05:31 Donc il n'y a pas de politique antisémite de l'État autrichien.
05:34 Il y a de l'antisémitisme dans la société autrichienne, bien évidemment.
05:37 - Et qu'on a revu, mais on n'aura pas le temps d'en parler, lorsque éclate l'affaire Kurt Waldheim.
05:43 - Ça vient d'un point plus tard. Mais enfin, il n'y a pas de politique de l'État autrichien.
05:49 - En tout cas, je vous conseille de lire ce livre parce qu'effectivement,
05:53 c'est un éclairage qu'on ne connaît pas bien sur l'Autriche.
05:56 Donc ça s'appelle "Cette Autriche qui a dit non à Hitler" et c'est paru chez Perrin.
06:00 Merci beaucoup, Jean Sevillea.
06:01 - Merci beaucoup.
06:02 (Générique)
06:07 [SILENCE]

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