C’est l’ADN de l’agence Territoire fondée par l’ex-directrice de création Pierrette Diaz. Elle figure parmi les rares femmes directrices d’agence et met la création au centre son modèle. Comment cela se traduit-il concrètement ? On en parle avec elle.
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00:00 En agence cette semaine avec Pierrette Diaz, fondatrice de l'agence Territoire.
00:07 Bonjour.
00:08 Bonjour.
00:09 Alors d'abord Pierrette, je voudrais un mot de votre parcours parce qu'il fait presque
00:13 quand même partie des exceptions dans ce secteur.
00:16 Vous avez été directrice de création, aujourd'hui vous êtes patronne d'agence.
00:19 Il n'y en a pas tant que ça quand même dans ce milieu.
00:22 Donc moi je voudrais comprendre comment ça se fait que vous avez réussi là où finalement
00:25 peu de femmes réussissent.
00:26 Certaines femmes réussissent quand même, heureusement, mais c'est un parcours sur
00:36 la création, donc des études sur la création, sur les idées et la direction artistique.
00:42 Avec trois ans à Lille, l'école des arts appliqués, puis l'ENSAD, l'école d'instruction
00:48 supérieure des arts décoratifs à Paris, où on apprend quand même, je dis ça parce
00:53 qu'on apprend quand même à réfléchir, on apprend quand même les bases de la réflexion
00:57 sur les concepts, les idées et sur tous les outils de la direction artistique.
01:02 Et ensuite mon parcours il a été sur plusieurs agences, j'ai commencé chez RECG, puis un
01:12 peu Australie et ensuite DDB pendant un peu plus de 15 ans.
01:16 Donc DDB ça a été un passage important dans ma carrière.
01:20 Je me suis occupée de marques comme Nike, Volkswagen, Audi et aussi des marques plus
01:29 difficiles comme Lipton, pour laquelle j'ai pris la direction de création, une direction
01:35 de création chez DDB.
01:36 Pourquoi plus difficile ?
01:37 Parce que c'est une marque internationale, parce que c'est un sujet difficile l'été,
01:43 qui sont sur l'Europe très compliqués à gérer parce que des consommations très
01:47 particulières et multiples et que tout doit être encapsulé dans un territoire de communication
01:53 pour le monde.
01:54 Je suis allée ensuite pour continuer de m'occuper de Lipton à Londres, chez Adam & Eve, superbe
02:03 agence, j'y suis restée un an et demi.
02:05 Et ensuite je suis rentrée à Paris pour prendre la présidence de Young & Rubicam
02:10 moyen art pendant six ans.
02:13 Là j'ai travaillé sur Volvo mais aussi sur des gros comptes comme Danone dans son
02:19 intégralité, les fromages Rebels dans leur intégralité.
02:23 Et puis il y a eu une jolie histoire là avec la marque Volvic, ça a été une belle rencontre
02:30 avec la direction chez Volvic.
02:33 Je vous raconterai cette histoire peut-être tout à l'heure.
02:36 Oui on va y revenir.
02:37 Qu'est-ce qui vous a poussé ensuite à fonder votre propre agence ?
02:41 Justement, ça s'est fait tout seul en fait.
02:46 Je n'ai pas décidé un matin de fonder une agence mais ça s'est fait tout seul parce
02:51 que certains clients, certaines marques, après tous ces parcours, ont eu envie de m'interroger
03:00 directement.
03:01 Et je me suis occupée de leur communication directement et il fallait que je monte une
03:06 structure pour ça.
03:07 Pourquoi le mot territoire ?
03:10 Le mot territoire parce que c'est ce que je fais.
03:15 Tout simplement.
03:17 C'est-à-dire que justement l'exemple tombe à pic sur Volvic.
03:24 C'est-à-dire qu'au-delà de la création, un directeur de création doit avoir une vision
03:30 sur une marque.
03:31 Évidemment il y a des planeurs, il y a des réflexions en interne d'une agence mais
03:36 un directeur de création, alors pas tous mais certains, en tout cas, c'est comme ça
03:41 que je fonctionne, on doit avoir une stratégie créative.
03:45 On doit avoir une vision globale sur la marque.
03:49 On la travaille à partir des racines de la marque.
03:53 On va essayer de trouver, de mettre le doigt sur sa vérité.
03:56 Et ça c'est cette vision de marque sur laquelle on doit tous construire parce que ça porte
04:04 la marque pour longtemps.
04:06 Donc justement sur cet exemple de Volvic, c'était un sujet qui n'était peut-être
04:11 un peu pas traité aussi correctement que possible dans l'agence.
04:16 Et quand j'ai rencontré la marque, la présidence de la marque, ils m'ont demandé, j'ai vu
04:23 avec eux directement comment je pouvais intervenir.
04:27 Est-ce que c'était simplement continuer en faisant mieux ou est-ce que c'était de
04:30 faire table rase et bâtir autre chose.
04:33 Et ils m'ont dit, il faut bâtir autre chose.
04:36 Donc là en fait, je me suis vraiment rendue compte que dans cette marque, elle était
04:40 mal racontée, c'était sur la fraîcheur, sur le rafraîchissement et non, en fait,
04:46 dans toutes les communications, dans le paysage au fond derrière, il y avait un élément
04:50 qui est un petit volcan, mais dont personne ne se souciait en fait.
04:54 Mais c'était ça leur vérité.
04:55 Donc il a juste fallu qu'on prenne cet élément et qu'on le mette devant, à la bonne place.
05:02 C'est-à-dire sur les bouteilles et qu'on bâtisse ce territoire de communication,
05:10 cette stratégie sur la force du volcan.
05:13 Et ce qui me fait plaisir, c'est qu'aujourd'hui encore, cette stratégie est poursuivie.
05:19 Ça veut dire qu'on ne s'est pas trompé.
05:21 Comment vous avez travaillé justement sur cette campagne ? Parce que c'est difficile
05:27 de faire parler un volcan.
05:29 En fait, je pense que les marques, c'est comme des personnes.
05:36 Donc il faut arriver, quand on est créatif, c'est un peu un process créatif, mais quand
05:40 on est créatif, on doit s'oublier soi-même, oublier qu'on doit chercher des idées pour
05:44 essayer de se mettre avec modestie au service de la marque.
05:49 Donc on se met dans les pieds de la marque.
05:51 C'est comme si on habitait cette marque pour pouvoir la faire parler.
05:55 En fait, une marque, ce n'est pas une entreprise, une société avec des gens qui travaillent
06:00 dans un bâtiment.
06:01 Oui, ils sont la marque, bien évidemment.
06:04 Mais une marque, c'est une idée.
06:07 C'est immatériel.
06:08 C'est immatériel.
06:09 C'est posé là, au milieu d'une table.
06:11 On travaille tous pour cette personne.
06:14 Et on la respecte et on l'honore.
06:17 Et on essaie de la faire parler le mieux possible.
06:19 Donc une marque, c'est une idée.
06:21 Et c'est ça, par rapport à cette campagne Volvic, il fallait se dire, on va faire parler.
06:27 On va repartir à la base.
06:29 On va tout reconstruire depuis le départ.
06:31 On va dire que ce volcan va nous parler et que cette force de ce volcan, cette force
06:36 immuable depuis la nuit des temps, en fait c'est l'histoire de la marque, c'est l'histoire
06:41 véridique de l'eau en fait.
06:42 On ne va pas raconter des fables, c'est complètement tangible.
06:45 Mais cette force, c'est notre force aussi intérieure.
06:50 Donc il y avait ce parallèle humain entre cette personne volcanique et un être humain.
06:56 Donc c'était plus intéressant.
06:58 J'ai eu le sentiment, en regardant plusieurs de vos campagnes, que vous attachez vraiment
07:01 un souci très particulier à l'esthétisme.
07:04 C'est votre marque de fabrique ?
07:05 Je ne sais pas si c'est ma marque de fabrique, mais oui, je pense que la direction artistique
07:12 est une force.
07:13 Je pense que, j'ai remarqué tout au fil de ma carrière, qu'autant une bonne idée peut
07:20 être abîmée par un mauvais traitement, autant, et c'est dommage, parce qu'une idée, quand
07:28 elle est bonne, elle est belle, donc il y a la beauté de l'idée, ça c'est déjà la
07:32 première chose à faire.
07:33 La beauté du territoire à trouver et ensuite la beauté de l'idée.
07:36 Mais un mauvais traitement peut abîmer une idée, l'écorcher, voire la tuer.
07:41 En revanche, ça m'est arrivé également qu'une idée moyenne puisse être totalement
07:49 rehaussée, transformée par une très belle direction artistique.
07:56 Tous les ingrédients de la direction artistique, il faut vraiment les maîtriser, ce sont des
08:00 outils, ça peut être la lumière, ça peut être la musique, ça peut être la façon
08:04 de réaliser, c'est aussi le storytelling, mais tous ces ingrédients-là peuvent transformer
08:10 une idée passable en une idée surprenante.
08:13 - A ce sujet d'ailleurs, vous avez un manifeste sur votre site internet qui donne un peu votre
08:19 vision de la création.
08:20 Je vais le lire parce que c'est un peu long.
08:22 "Bienvenue dans le monde impalpable de la création qui transforme le petit en grand, le raisonnable
08:28 en fou, les mots en images, les chiffres en émotions, le factuel en sensationnel, les
08:34 idées en projet, le banal en exceptionnel, le faible en spectaculaire, le laid en beau,
08:39 le pareil en surmesure, l'éphémère en saga et le pas grand chose en sacré truc.
08:44 Comment est-ce qu'au quotidien vous transformez les pas grand chose en sacré truc ?
08:48 - Quand on prend un brief, il faut le prendre directement de la bouche de la personne qui
08:59 va émettre le brief.
09:00 C'est aussi pour ça que j'ai eu envie de travailler directement avec des marques, c'est-à-dire
09:05 que pour ne pas avoir de dilution ou de mauvaise interprétation, je pense que c'est une bonne
09:13 idée quand la marque vient raconter directement ce qu'elle a à dire, son besoin, dans la
09:19 bonne oreille.
09:20 La bonne oreille, c'est la personne qui va faire.
09:24 La bonne oreille, c'est la personne qui va directement imaginer et commencer à construire
09:34 sur les propos sans filtre.
09:36 Je trouve que c'est quelque chose, à chaque fois que j'ai réussi à rendre une marque
09:43 contente avec une amélioration, avec une progression, avec quelque chose qui a duré
09:47 longtemps, c'est quand il n'y a pas eu d'intermédiaire.
09:50 Il en faut bien sûr, mais je pense que c'est important qu'un directeur de création, s'il
09:58 a des plans, des stratégies, des visions de marque, puisse écouter directement, au bon
10:06 moment, ce qui est prononcé lors du brief.
10:09 Cette qualité d'écoute, c'est ce que vous demandez à vos équipes aujourd'hui ?
10:11 Tout à fait.
10:13 C'est très important.
10:14 Il faut savoir écouter les mots qui sont dits et pas simplement des débriefs envoyés
10:22 par mail.
10:23 Il faut savoir écouter parce que dans les choses qui sont dites, il y a aussi du non-dit.
10:28 Il peut y avoir une ambition sous-jacente et c'est important de l'apercevoir.
10:34 Merci beaucoup Pierre-Edghias.
10:36 Je rappelle que vous êtes la fondatrice de l'agence Territoire.
10:38 Merci beaucoup.