Nadia Ziane, directrice du département consommation de l'association Familles Rurales, était mercredi 29 novembre l'invitée de la matinale de franceinfo. Elle répondait aux questions de Jérôme Chapuis.
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00:00 On parle de votre pouvoir d'achat avec l'invité d'Actu de France Info ce matin.
00:03 Bonjour Nadia Zian.
00:04 Bonjour.
00:05 Vous êtes directrice du département consommation de Familles Rurales et avec trois autres associations
00:10 vous interpellez le Président de la République.
00:12 Ce matin, vous lui adressez une lettre ouverte, un appel à respecter son engagement pris
00:17 le 24 septembre dernier dans une interview.
00:20 Engagement à parvenir à un accord sur la modération des marges dans le secteur de
00:24 l'agroalimentaire.
00:25 Ça concerne les industriels, les distributeurs et pour le moment on en est très loin de
00:29 cette modération ?
00:30 Absolument, on en est très loin.
00:32 C'est assez factuel.
00:34 On a pris les chiffres de l'INSEE, les publications des gros groupes, ceux de l'Observatoire
00:40 de la formation et des prix des marges.
00:41 Et que nous disent ces chiffres ? Ils sont tous concordants.
00:44 Ils sont concordants avec nos propres études.
00:46 Ils démontrent des profits excessifs.
00:49 C'est qualifié par l'autorité de la concurrence elle-même, par son président, qui nous dit
00:54 que les deux tiers de l'inflation alimentaire trouvent leur origine dans des profits excessifs
01:01 des industriels de l'agroalimentaire notamment.
01:03 Et donc ce qu'on dit au président de la République, c'est très simple, il s'était engagé en
01:07 septembre à nous dire "personne ne doit profiter de la crise".
01:11 Si on se rend compte que des profits excessifs sont réalisés, je m'engage personnellement
01:18 à régler le problème en trouvant un accord sur la modération des marges.
01:21 Donc nous, Association de consommateurs, c'est ce qu'on lui dit, et ça pour le coup c'est
01:25 une étude de famille rurale.
01:26 Ce qu'on sait aujourd'hui, c'est qu'un Français sur deux renonce à certains aliments
01:30 faute de moyens suffisants et qu'un Français sur trois, on est carrément à sauter des
01:34 repas.
01:35 Quand dans le même temps on a ces profits excessifs, assez logiquement, on attend l'intervention
01:39 du chef de l'État.
01:40 Alors vous demandez la transparence, vous demandez aussi de rendre impossibles les marges
01:43 excessives sur les produits alimentaires essentiels, comme par exemple les fruits et légumes.
01:48 Ça équivaut à un blocage des prix ?
01:49 Pas du tout.
01:50 Ce dont on se rend compte, et encore une fois il s'agit de chiffres officiels d'institutions
01:55 publiques, ce dont on se rend compte c'est que la grande distribution par exemple fait
01:58 des bénéfices importants sur le rayon des fruits et légumes, c'est 247 millions d'euros
02:03 en 2021, et qu'elle comble le déficit d'autres rayons comme celui de la pâtisserie, soit
02:11 65 millions d'euros par an, avec les bénéfices réalisés sur les fruits et légumes.
02:15 Nous on dit que ce n'est pas logique.
02:16 On dit qu'à un moment donné nos producteurs souffrent, nos consommateurs n'ont plus accès
02:20 à ces produits essentiels pour leur santé, et dans le même temps la grande distribution
02:25 réalise des profits importants.
02:27 Donc, rétablissons un espèce d'équilibre dans tout ça, rationalisons les choses, et
02:32 amenons chacun à pouvoir consommer les produits dont il a besoin pour être en bonne santé.
02:37 Il y a la grande distribution, il y a aussi les industriels de l'alimentaire, vous avez
02:41 sans doute entendu à 7h le président de l'ANIA, l'association nationale des industries
02:45 alimentaires, il se défend lui de tout abus, il dit "les prix des matières premières
02:49 agricoles ont augmenté 58% depuis 2020, l'énergie 59% depuis 2020, les emballages 42%", autrement
02:56 dit ces hausses de prix, elles ne sont pas là par hasard.
02:59 Et ça c'est un fait, on ne nie pas nous que certains coûts de production ont augmenté.
03:03 Mais alors ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous les accusez d'avoir profité de
03:05 la situation ? Alors non seulement ils ont profité de la
03:07 situation, mais en plus ce qu'on sait, ce qu'on pressent finalement, là pour le coup
03:13 on est tous d'accord pour dire qu'il faut de la transparence si l'ANIA n'a rien à
03:16 cacher.
03:17 On ne demande pas plus nous en tant qu'association, on dit "bah chiche, allons-y", ce n'est
03:22 pas le cas aujourd'hui, allons-y.
03:24 C'est-à-dire que le jour où on saura combien coûte un aliment à produire, combien prend
03:29 chaque échelon dans la chaîne et combien le consommateur paye le prix final, ça nous
03:34 ira et là on pourra croire l'ANIA sur le fait qu'il n'y ait pas de profit excessif.
03:38 Encore une fois, dans les chiffres officiels dont on dispose aujourd'hui, ce n'est pas
03:43 nous qui les avons inventés, ce dont on se rend compte, c'est que les profits n'ont
03:47 jamais été aussi importants dans l'industrie agroalimentaire et que force est de constater
03:52 que des marges de manœuvre sont réellement possibles si et seulement si les industriels
03:57 s'en mettent un peu moins dans les poches.
03:58 Mais c'est quoi l'objectif ? Parce qu'en ce moment il y a des négociations commerciales
04:01 qui vont se dérouler jusqu'au 15 ou au 30 janvier selon les secteurs, vous cherchez
04:05 à peser sur ces négociations commerciales vous comme association de consommateurs ?
04:08 On cherche tout simplement à faire suivre les paroles d'actes.
04:13 Dès lors que le président de la République s'est engagé à cette transparence qui fait
04:17 cruellement défaut aujourd'hui, on la demande.
04:19 Et ensuite effectivement, ce qu'on dit, on est dans la droite lignée du propos du président
04:24 de la République qui dit "si je m'aperçois que des gens profitent de la crise, j'interviens
04:29 pour obtenir un accord sur la modération".
04:31 Et on ne demande pas un accord qui viendrait modérer toutes les marges.
04:34 Qu'est-ce qui cloche ? Parce que quand on pose ces questions, ça fait quand même des
04:38 mois qu'on en parle avec les distributeurs, avec les industriels et ils vous disent "non
04:41 mais attendez, d'abord on n'y peut rien parce qu'il y a l'inflation des matières premières,
04:46 on n'y revient pas, mais la concurrence aussi elle joue, elle va finir par tirer les prix
04:51 vers le bas".
04:52 C'est forcé de constater que ce n'est pas le cas aujourd'hui.
04:55 20% d'augmentation sur les prix de l'alimentation en deux ans, c'est inabsorbable pour certains
05:01 budgets aujourd'hui.
05:02 Donc nous encore une fois, on cherche à comprendre, on cherche à ce que les informations nous
05:06 soient données, que l'opacité cesse et j'insiste vraiment là-dessus.
05:11 Si on venait à se rendre compte, quand la transparence sera totale, qu'on se trompe,
05:17 on s'excusera en disant "on s'est trompé".
05:19 Là, à ce jour, c'est factuel, on a des profits excessifs, toutes les autorités le
05:26 disent, donc il faut revoir ces marges qui sont plombantes et pour les consommateurs
05:33 et pour les producteurs français.
05:34 Je tiens également à le souligner.
05:36 Vous reviendrez peut-être dans quelques semaines pour nous dire s'il y a eu des résultats
05:40 après cet appel que vous lancez ce matin en direction du président de la République,
05:44 mais aussi des industries agroalimentaires et des distributeurs.
05:48 Nadia Zianne, directrice du département consommation de Familles Rurales, était l'invité d'Actu