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Les Editos Philosophiques de Pascal Dolhagaray, Semaine 49/2023

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Amusant
Transcription
00:00 *Musique*
00:17 *Son de clavier*
00:20 Bonjour, bienvenue sur 300 secondes maxi.
00:23 Je vous propose 12 détours d'une même durée, autant de parenthèses éphémères,
00:27 pour que tu aies l'espace inclus entre les deux grandes qui nous contiennent.
00:30 Juste des clins d'oeil sonores, une autre façon de vous décrire un détail dans ce paysage qui défile
00:36 à cette même vitesse que notre vie passe. Bonne émission à vous.
00:40 *Musique*
00:45 Bien sûr, il est compliqué de se considérer comme des éléments perturbateurs.
00:52 Surtout, si on accole à cette définition, à cette définition qui nous habille de la tête au pied,
01:02 de la tête au pied, de l'intérieur, au plus profond de nous-mêmes,
01:08 de ces notions de bien comme de mal, pensées, justes pensées,
01:16 pour satisfaire notre incapacité à regarder la réalité en face, à nous regarder en face.
01:26 Pourtant, nos facultés d'éléments perturbateurs pouvant faire du monde tavant,
01:36 un monde à ce point saccagé, que les hasards puissent user et abuser de ces conditions nouvelles,
01:44 de ces possibles nouveaux pour exulter, le hasard exploitant ces contextes au sein desquels
01:53 il est un hasard gagnant en prépondérance, un hasard gagnant en puissance, un hasard gagnant en hasard.
02:03 Nos facultés donc d'éléments perturbateurs se remarquent dans chacun de nos agissements.
02:12 Tous nos agissements débouchant sur des travers, des dérèglements, des voies sans issues,
02:20 des problèmes qui usent et abusent à leur tour des solutions que nous imaginons pour les régler,
02:30 pour s'avérer plus problématiques encore, plus problématiques autrement.
02:38 13 000 ogives nucléaires sont potentiellement capables de remettre ce monde en cause, ce monde en jeu.
02:50 Ces 13 000 ogives expriment ce que nous sommes.
02:56 Il ne saurait y avoir meilleure démonstration à ce sujet.
03:02 Elles seront un jour utilisées. Nous ne pourrons pas faire autrement que de les utiliser.
03:12 Comme nous ne pouvons pas ne pas faire à partir de ce que nous sommes, sans qu'il s'agisse là de bien ou qu'il s'agisse là de mal.
03:23 Cet arsenal nous devance. Cet arsenal exprime par avance la fin de notre histoire, de notre vocation.
03:35 Et si nous n'avions pas l'intention de les utiliser, jamais, au grand jamais, nous n'aurions conçu de tels engins.
03:48 [Musique]
04:06 Il y a de l'infini comme il y a de l'éternité dans notre inadaptation.
04:15 Inadaptation chronique, inadaptation donc sans fin et sans fond.
04:22 Quoi que nous fassions, cette inadaptation ne nous rattachera à rien de cohérent, à rien d'établi.
04:32 Cette inadaptation est une pente sur laquelle nous sommes promis à glisser.
04:39 Une pente qui, par nos insistances diverses, n'aura de cesse de se faire plus pendue.
04:51 Ainsi, si nous détenons une chance de nous extirper de ce sort, cette chance passera par la reconnaissance de cette inadaptation qui nous caractérise.
05:08 Il est des moments où il faut savoir déposer des armes, surtout si les armes en question vous promettent, si vous vous risquez à les prendre, d'être plus vaincus encore.
05:25 Nombre de penseurs, nombre de philosophes se sont laissés aller à concevoir des solutions, solutions d'ordre pratique.
05:36 Les religieux, à ce jeu, furent plus malins en ne proposant que des solutions d'ordre théorique.
05:45 La différence entre les ordres pratiques et les ordres théoriques est que les ordres pratiques, en règle générale, tenteront de vous servir d'abord, puis de vous présenter l'addition ensuite.
06:03 Les ordres théoriques religieux vous présenteront d'abord l'addition et vous laisseront composer avec le service après-vente, si service après-vente il y a.
06:21 Les êtres humains se doivent de débuter leur aventure par le début, et le début est incarné par ce qu'ils sont.
06:33 A savoir que les êtres humains que nous sommes sont inadaptés, inadaptés à jamais, ouverts seulement à des adaptations mensongères, n'étant alors qu'inadaptations, inadaptations comme prolongement chronique à notre inadaptation irréversible.
07:02 [Musique]
07:21 Évidemment, considérer notre inadaptation comme une inadaptation irréversible, considérer que nous ne serons pas à elle que générer des initiatives sans lendemain,
07:38 initiatives réclamant pour se poursuivre des rectificatifs continuels, des rectificatifs aux rectificatifs, faisant les solutions imaginées sans cesse plus à court terme, sans cesse demandeuses de nouvelles solutions.
07:57 Évidemment, considérer son inadaptation est un danger, surtout si vous mêlez à cette considération des notions de bien et surtout de mal.
08:13 Ces mêmes notions qui nous incitent pour nous dire meilleur, nous faire meilleur, à repérer ces quelques-uns que l'on jugera pire que ce que l'on est.
08:27 Cette quête du plus pitoyable, quête humaine de toujours, poussa le monde humain à la fonte.
08:38 Depuis toujours, sans la considérer pour de bon, sans considérer notre inadaptation explicitement, ces adaptations par nous visées transitèrent toutes par autant de nécessité de victoire.
08:59 Il fallait que nous l'emportions sur nos semblables pour paraître adapté, pour paraître enfin cohérent, sans comprendre, sans pouvoir admettre,
09:14 que ces mêmes victoires visées seraient autant de défaites, plus encore, si nous nous sentions de façon convaincue, victorieux à travers elles.
09:31 Dans l'esprit de ceux qui se risquèrent à cette reconnaissance, cette reconnaissance nous assurant inadapté à jamais, beaucoup, si ce n'est la majorité, majorité quasi absolue,
09:47 pour ne pas avoir à composer avec cette reconnaissance, avec notre inadaptation, se constituait un genre d'espoir, un genre d'espérance,
10:01 en considérant que cette inadaptation provenait de quelques tiers, qu'il suffirait alors de les éradiquer pour conjurer cette inadaptation.
10:14 Manœuvre fortuite, faisant ces mêmes toujours plus inadaptés, inadaptés et coupables d'eux à la fois.
10:42 Une question se pose, une question suscitée par nos notions de bien, nos notions de mal, subjectives par définition.
10:54 Ainsi, sommes-nous meilleurs seulement à partir de ce qu'elles disent de nous ? Formule autrement.
11:02 Se dit meilleur, pour prendre le meilleur comme exemple, se constate-t-il parce que nous parvenons à nous faire meilleur comme il est dit,
11:13 ou parce que ce meilleur-là, pour être dit meilleur, s'est inspiré d'un certain meilleur établi par nos comportements,
11:23 sans que ses comportements à ce sujet précisément aient bénéficié d'influence et bénéficiées d'indication ?
11:34 Cette question, à certains, paraîtra absurde.
11:40 Mais cette question, si j'ose la poser, désire dissocier ce qui provient de nous de ce qui provient de nos fantasmes,
11:53 nos fantasmes étant, de façon plus ou moins consciente, tout ce que nous refusons de nous.
12:01 Formule autrement. Ces mêmes fantasmes ne sont pas par nous ressentis d'abord, puis conçus ensuite, pour nous rendre service.
12:14 Ces fantasmes nous aiment aussi peu que nous nous aimons peu à travers eux, au point de les ressentir, au point de les formuler.
12:26 Certains diront que ces fantasmes sont nous tout autant. Je les considère plutôt comme nous par défaut.
12:38 Ils sont l'expression de cette haine de départ, haine originelle. Ils sont ce par quoi cette même haine en nous se révèle et se répand.
12:50 En nous, ils sont scissions. Ils sont de nous ce que nous nous refusons à être. Ils sont alors un nous qui ne saurait être nous.
13:06 Ces fantasmes élevés alors au statut de vérité, élevés au statut de fondement, ces mêmes fantasmes nous imposent de nous rendre un nous qu'on ne saurait atteindre.
13:24 Nous apprenons alors que les êtres humains, s'ils peuvent être bons, être dits mauvais, ne sauraient être bons ou mauvais d'après ce que prétendent ces mêmes fantasmes.
13:41 Nous ne pouvons être. Nous ne pouvons être pour pouvoir être tout à la fois.
14:10 Il est impossible à partir de soi de se constituer une identité. Nous sommes de ces embarcations qui bénéficient dans leur voile d'un vent constant, d'un vent qui les pousse, d'un vent qui les propulse sans interruption.
14:31 Au gouvernail de ces mêmes embarcations, nous nous devons déposer un cap, non déposer un cap comme on épouse une destination, déposer un cap pour être dans l'impossibilité, impossibilité irrémédiable de pouvoir rester sur place.
14:54 Comme nous sommes condamnés à aller, nous sommes condamnés à épouser une direction. Mais cette direction, à l'image de notre identité, n'est pas un choix véritable.
15:10 Elle est un choix par défaut, un choix par obligation, un choix qui, par cette obligation, ne nous offre plus de choisir, de choisir comme l'on choisit.
15:29 Maintenant, au gouvernail de ce même bateau, on peut, si l'on en a le courage, lâcher ce même gouvernail, laisser ce même bateau filer au vent et se dire, comme ce vouloir passager est seulement passager.
15:50 Dans un même esprit, on peut aussi, on peut tout autant, si l'on dispose en soi d'un même courage, au sein de nous-mêmes lâcher ce gouvernail et laisser ce nous-mêmes, sous ses autres vents, ses autres alizés, faire de nous ce que bon lui semble.
16:14 En sachant qu'il n'y aura de nous, sous l'influence de ses vents, de ses alizés, rien qui ne soit digne d'une définition.
16:27 Nos goûts, alors, comme nos préférences, devront se caler à ce semblant d'identité et non le contraire, contraire insufflé par nos fantasmes, voulant que notre identité soit insufflée, décidée, dictée même par nos goûts et nos préférences.
16:52 Calée de façon contre-productive, comme moteur, non à ce que nous voulons être, mais à ce que nous nous refusons d'advenir.
17:07 L'impossibilité de devenir soi-même.
17:25 Dans l'édito "Impossibilité", je mettais en avant l'impossibilité de devenir soi à partir de soi.
17:37 En nous se manifeste de façon diffuse une subjectivité ouverte à tant de possibilités associées à une nécessité de choix, qu'on ne choisit en réalité que pour se trouver dans l'obligation de choisir.
17:58 Ainsi, épousons-nous un genre parce qu'il nous faut en épouser un.
18:06 Et si, comme sous-entendu dans l'édito "Impossibilité", nous nous refusons à en épouser un, ce refus incarnera un genre par défaut.
18:20 Ainsi, pour être contraints à devenir quelqu'un, ce quelqu'un-là pour être par nous plus apprécié, nous incite à considérer que nous avons choisi ce qui compose et constitue ce quelqu'un-là.
18:42 Ainsi, entre inadaptation et indétermination, le pas est facile à franchir.
18:52 Tous les autres êtres vivants de ce monde sont d'autant plus adaptés qu'ils sont, nous autres humains. C'est avant tout parce que nous sommes inadaptés et avant tout parce que nous sommes inadaptés que nous ne pouvons être.
19:13 Cet état de fait explique l'attention dont bénéficient ceux dont on dit d'eux qu'ils sont célèbres.
19:22 Cette pseudo-identité, pour se dire identité, force le trait à outrance, à la limite de la caricature.
19:32 D'ailleurs, plus leur identité cède à la caricature, plus ils semblent bénéficier d'une identité décidée par eux-mêmes.
19:43 Et c'est cette faculté, plus que ce qu'ils sont, qui suscite l'adhésion. Sans que ceux qui adhèrent à ce que sont ces quelques-uns ne semblent admettre que ces identités-là sont tributaires de l'adhésion qu'on leur consente.
20:04 Nous apprenons que décidément, il ne saurait exister pour les êtres humains, par les êtres humains, d'identité choisie.
20:32 Un homme politique, homme politique d'envergure, paraissant douter de ces catastrophes à venir annoncées, prétendit que les êtres humains que nous sommes se distinguent par leur capacité à pouvoir s'adapter.
20:53 Grossière erreur ! Les êtres humains que nous sommes se distinguent avant tout par leur incapacité à pouvoir s'adapter.
21:04 Toutes nos trouvailles, nos inventions témoignent de notre inadaptation, inadaptation chronique.
21:13 Mais plus encore, notre inadaptation chronique nous a inspiré un mode de vie général, avec les outils allant avec.
21:26 Aussi inadapté que nous pouvons l'être, aussi inadapté pour être le prolongement de cette inadaptation chronique qui nous distingue.
21:38 Et ce n'est pas tout. Ce mode de vie, contenant à lui seul mille autres modes de vie, ne nous fait pas plus adapter à ces modes de vie là, divers et variés.
21:52 Pour réussir à intégrer ces modes de vie là, nous devons consentir mille efforts. Et il ne faut pas confondre effort et adaptation.
22:04 L'adaptation, cette capacité justement à pouvoir s'adapter, se fait sans effort.
22:14 Du moins, ne se remarque pas dans cette capacité d'adaptation, plus d'effort que d'adaptation en tant que tel.
22:24 Pour nous autres humains et sociétés avancées, nous en font la démonstration.
22:34 Nos soucis d'adaptation exigent de nous des efforts constants et grandissants, nous faisant en réalité plus inadaptés encore.
22:46 Ces efforts étant à eux seuls l'expression de notre pseudo-adaptation, il suffirait que nous renoncions à cela pour que nous basculions tout entier dans une inadaptation incontournable, sans fin et sans fond.
23:12 L'adaptation, c'est la capacité à se faire adapter.
23:19 L'adaptation, c'est la capacité à se faire adapter.
23:27 Je me doute bien que cette notion, disons qu'une faculté d'adaptation réelle, faculté d'adaptation digne de ce nom, transitera par définition par des efforts limités.
23:46 Ainsi, cette faculté d'adaptation ayant produit ses effets, celui qui bénéficie de cette faculté bénéficiera d'une harmonie qui lui faudra, pour se dire adapté, de ne plus produire d'efforts, d'efforts encore et à nouveau pour obtenir cette adaptation visée.
24:15 Comme exemple, si vous observez nombre d'êtres vivants sur cette planète, qui compose d'ailleurs l'immense majorité des êtres vivants en ce monde, immense majorité dont nous sommes les seuls à ne pas être intégrés à cette majorité-là,
24:36 vous vous apercevrez que cette majorité d'êtres vivants consent à des efforts, efforts de départ au tout début de leur vie, pour atteindre ce seuil d'adaptation qui leur offrira d'être en harmonie avec le contexte qui les contient.
24:56 Et ce seuil d'adaptation atteint leur offrira, leur offrira surtout de ne pas devoir sans cesse céder à ces efforts, ces efforts nécessaires pour se faire et se dire adapté.
25:11 Bien sûr, ils devront consentir des efforts, mais ces efforts correspondront à cette adaptation qui les distingue. Ils ne seront plus de ces efforts que l'on produit pour parvenir à partir de soi, à établir un semblant d'adaptation.
25:33 Toute adaptation réclame une part d'effort pour maintenir l'harmonie dont elle est capable en elle, tout en ne réclamant pas ces autres efforts, efforts incessants, efforts en pure perte,
25:52 produits pour tenter d'instaurer à partir de soi, à l'égard de ce contexte qui vous contient, un genre d'adaptation.
26:21 Ce rapport entre ces efforts que l'on consent pour atteindre cette adaptation qui correspond à votre espèce, et ces efforts que l'on consent pour atteindre une adaptation impossible pour appartenir à une espèce qui par définition est inadaptée,
26:43 ce rapport est aussi cette différence qui positionne d'abord l'immense majorité des êtres vivants de ce monde, leur quasi-totalité, et de l'autre, une espèce seulement, la nôtre, l'espèce humaine.
27:04 Dans l'édito, tout au contraire, je signifiais ces efforts, efforts étant justement limités, limités par cette adaptation recherchée, adaptation possible,
27:22 qui une fois atteinte, ne réclame à celui dorénavant adapté que ces efforts pour entretenir cette harmonie que cette adaptation lui propose.
27:38 Si au contraire, pour être comme nous le sommes, nous autres humains, autant d'inadaptés chroniques, l'espèce humaine étant et sera à jamais inadaptée,
27:53 alors pour survivre, puisqu'il s'agit de survie, vous allez sans cesse, encore et encore, produire des efforts pour atteindre une forme d'adaptation.
28:07 Adaptation par définition inadaptée, adaptation épuisante pour réclamer d'être réadapté sans cesse, encore et encore.
28:21 Vous avez là toute l'histoire de l'humanité, un enchaînement incessant, enchaînement permanent d'efforts pour tenter par ces efforts de nous faire et nous dire adapter,
28:39 jusqu'à ce que nous nous risquions à cesser ces efforts et que nous constations ces efforts interrompus,
28:50 que cette adaptation qu'il permettait, soit disant, était tributaire inexorablement de ces mêmes efforts,
29:00 ces efforts-là étant adaptation, adaptation impossible, pour être les efforts d'être par définition inadaptés.
29:27 À nouveau, je reviens sur cette notion d'effort, notion d'effort par certains mal digérés, non pas mal comprises, juste mal digérés.
29:41 Ces efforts qui pour toutes les espèces de ce monde, toutes les espèces sauf nous,
29:48 ces efforts qui promettent à ces espèces-là d'atteindre cette adaptation correspondante à leur espèce,
29:58 ces efforts n'incarnant pas qu'un voyage sans pose et sans borne, mais incarnant un voyage avec terminus.
30:09 Une fois rendu cette adaptation promise par votre espèce atteinte, il ne vous reste plus qu'à produire ces efforts pour maintenir cet élan,
30:22 cet élan que votre adaptation, adaptation alors atteinte, vous propose pour être poursuivi.
30:34 Nous autres humains produisons des efforts non seulement à coût permanent, mais à coût croissant, voire à coût exponentiel.
30:46 Comme nous sommes par définition inadaptés, cette inadaptation chronique qui nous caractérise,
30:55 pour nous refuser à toute adaptation digne de ce nom, adaptation comme terminus, adaptation comme terre promise,
31:07 les efforts que nous consentons à notre esprit, esprit désespéré, incarnent autant d'adaptations potentielles.
31:20 Ainsi, à l'inverse de toutes les adaptations constatées en ce monde, ce n'est pas l'adaptation qui décide des efforts voulus pour être entretenus,
31:34 mais les efforts qui décident un temps durant de l'adaptation qu'ils sont censés incarner.
31:43 Évidemment, ce processus, celui décidé par les efforts comme adaptation, est synonyme de surenchère.
31:53 Selon ce processus, plus vous fournirez d'efforts, plus il vous semblera être adapté,
32:02 jusqu'à ce que vous considériez que cette adaptation n'en est pas une,
32:08 qu'elle ne peut en être une, qu'elle n'en sera jamais une.
32:33 Non seulement les êtres humains que nous sommes ignorent pour la plupart qu'ils sont inadaptés,
32:41 inadaptés à ce monde, inadaptés de façon chronique,
32:47 mais ils considèrent notre inadaptation comme une forme de supériorité,
32:54 supériorité calculée par comparaison avec toutes les autres espèces de ce monde, espèces elles adaptées.
33:07 Si après avoir écouté et lu ces quelques éditos traitant de notre inadaptation,
33:15 vous allumez votre téléviseur pour basculer sur l'une de nos chaînes info,
33:22 vous constaterez sans doute, vous constaterez peut-être,
33:27 que nos efforts pour guérir une adaptation réclament sans cesse des efforts à la fois plus grands et plus complexes.
33:38 Nos efforts réclament des efforts parce que nos efforts se réclament eux-mêmes,
33:45 pour interpréter, afin de donner le change, une forme d'adaptation,
33:52 adaptation à leur image, passant et transitant en exclusivité, exclusivité absolue,
34:02 par ce qu'ils sont, par autant d'efforts sans cesse renouvelés, sans cesse accrus.
34:13 Nous autres humains, produisons ainsi autant d'efforts en pure perte,
34:20 pour être à la fois des êtres vivants en pure perte, des êtres vivants en désespoir de cause.
34:28 Nous nous épuisons au fil d'un voyage incarné par ce que nous sommes,
34:34 au fil d'un voyage sans fin.
34:38 Nous nous épuisons pour atteindre coûte que coûte ce terminus que nous espérons atteindre au bout de ce voyage-là.
34:48 Mais ce terminus est d'une autre nature.
34:53 Il est un terminus contradictoire.
34:57 Pour être un genre de terminus incarnant une permanence,
35:03 sa finalité est en réalité une continuité sans fil,
35:09 faisant ainsi de nos efforts une terre promise fuyante,
35:16 comme ces mirages qui interprètent dans les déserts qu'ils occupent,
35:22 des terminus éventuels, toujours éventuels.
35:31 Le phénomène de la perte
35:36 Cette remarque est souvent formulée aux philosophes.
35:48 L'on dit des philosophes qu'ils causent mais qu'ils n'agissent pas.
35:54 Cette remarque-là n'est pas tout à fait exacte.
35:58 Déjà, on agit lorsque l'on cause.
36:02 Mais surtout, les philosophes réfléchissent plus qu'ils ne causent.
36:08 Et pour réfléchir avant tout, et parce qu'ils sont humains avant tout,
36:14 les réflexions qui découlent de leur volonté à vouloir réfléchir
36:20 les incitent souvent à ne pas agir.
36:24 À ne pas agir d'autant plus pour ce savoir humain.
36:30 Un lion, un aigle, une gazelle,
36:35 par cette identité qui les caractérise de façon arrêtée,
36:40 bénéficie par cette identité d'une mise en sécurité aussi absolue
36:47 que leur identité peut être absolue.
36:51 Nous autres humains ne pouvons être.
36:55 Nos quêtes d'identité ne peuvent bénéficier de ces limites.
37:01 Limites susceptibles de les contenir, de les arrêter,
37:07 de faire de ces identités-là des identités pour de vrais comme pour de bons.
37:14 À partir de là, je peux tout être.
37:19 Et si je ne cède pas à cette totalité,
37:23 c'est en priorité parce que je ne dispose pas du temps voulu
37:28 et que ce temps, à savoir manquant,
37:32 m'annonce par le peu qu'il me réserve
37:36 une vitalité au sens propre du terme,
37:40 elle aussi, à court terme, annoncée comme manquante.
37:48 Si le philosophe, après réflexion, semble ne pas agir,
37:54 c'est avant tout parce qu'il sait que ces agissements,
37:59 une fois libérés, agiront pour leur compte
38:03 et qu'il deviendra lui, lui seulement, le porte-drapeau,
38:09 l'étendard de ces agissements-là,
38:13 jusqu'à ce que ces mêmes agissements, par eux-mêmes, pour eux-mêmes,
38:19 au nom de leurs propres agissements, se représentent eux-mêmes
38:24 pour avoir dévoré comme une proie facile ceux qui auront osé les provoquer.
38:31 Le philosophe, en tant qu'être humain, sait qu'il ne peut être.
38:38 Alors décide-t-il d'être seulement, seulement en se calant à ce qu'il ne peut être.
38:48 [Musique]
38:52 Évidemment, ce titre à perte de vie est un raccommodage
39:14 peu digne d'un philosophe, sous-entendant à perte de vue,
39:20 pour dire qu'en nous-mêmes, nous nous retrouvons à notre propre égard à perte de vue.
39:28 C'est nous que nous revendiquons comme identité et totalement tributaire de cette quête-là.
39:36 Celui qui veut faire de lui quelqu'un, quelqu'un au sens propre,
39:43 récoltera de cette volonté une identité équivalente à cette volonté-là.
39:50 Mais cette identité ne sera en réalité qu'identité d'elle-même,
39:56 ne sera que l'accumulation des efforts consentis pour se faire quelqu'un,
40:03 sans que ce quelqu'un soit un quelqu'un comme on le croit, comme on l'imagine,
40:10 sans que cette identité soit une identité comme on le croit, comme on l'imagine.
40:17 Un lion, une gazelle, un aigle ne formulent d'action
40:24 qui ne soit le prolongement de leur identité, identité arrêtée, identité définitive et constituée.
40:34 Un lion, une gazelle ou un aigle ne fera pas plus que ce qu'il est,
40:40 ne fera rien en dehors de ce qu'il est.
40:44 Nous, nous autres humains, ferons tout pour tenter d'acquérir une identité en dehors de nous.
40:53 Et cette quête-là n'est pas avare en habillage.
40:59 A ce propos, Ridley Scott ayant relancé cet intérêt porté à cet individu,
41:07 comme quoi il y a des braises qu'il faut savoir abandonner au cendre qu'elles méritent,
41:13 Napoléon donc, en tenue d'empereur lors de son couronnement,
41:19 exprime cette volonté d'identification extériorisée à son maximum.
41:29 Identification totalement tributaire de la volonté du dit individu à se vouloir identifier.
41:39 Illusion grotexe.
41:42 Poser sur un fantôme un costume prestigieux de visu,
41:47 s'il découle un quelqu'un de cette manœuvre, ce quelqu'un-là devra tout au costume.
41:56 Ce costume étant totalement ce quelqu'un qu'il dit être, un quelqu'un à lui seul et pour lui seul.
42:06 [Musique]
42:29 Si nous prenait nous autres humains d'ignorer ce qui n'existe pas,
42:36 ce qui ne dispose pas de quoi exister,
42:39 Dieu, la mort, l'amour, ces grandes pontes de l'illusion,
42:45 ces bourses ou flûres métaphysiques fondamentales absolues,
42:49 non seulement cette indifférence opposée par nous les ferait disparaître,
42:56 mais il est à craindre que nous autres humains, ces illusions disparues,
43:03 nous ne nous sentions bien seuls.
43:07 Les êtres humains que nous sommes ne se sentent pas rassurés en leur propre compagnie,
43:13 en compagnie de l'être humain.
43:16 L'être humain se sent seul parce que tout en lui,
43:21 ces horizons sans fin qu'il occupe,
43:25 ces horizons alors considérés tout en lui,
43:28 tout en lui le réduisent en proportion.
43:32 Plus l'espace de ces horizons pour l'être humain est considéré,
43:37 plus cette île déserte incarnée par ce qui les se réduit
43:42 au bénéfice d'un océan toujours plus étendu.
43:49 Sur une île déserte, le naufragé allume un feu.
43:54 Ce feu n'est pas allumé seulement pour le réchauffer.
43:59 Ce feu-là, à l'inconscient du néfrogé, exprime d'autres vertus.
44:06 Le peu de lumière qui s'en échappe, à son inconscient,
44:10 lui comme le ferait la lumière d'un phare.
44:14 Lorsque la terre signifiée par la lumière de ce phare-là
44:20 vous signifie aussi, aussi et un peu,
44:25 de façon rassurante, que vous êtes rendu, que vous êtes arrivé.
44:33 Le mensonge et ses raccommodages à l'esprit humain
44:38 et son totem d'anesthésion à l'égard d'une réalité qui ne mâche pas ses mots.
44:45 Ainsi, en tant que philosophe, j'ai pour devoir de ne pas mâcher les miens.
44:53 Dieu, la mort, l'amour et toutes ces illusions qui découlent
44:59 de ces illusions-là sont foncées non avenues.
45:04 Elles sont de ces feux allumés en parfait désespoir de cause sur une île déserte.
45:12 Sur les îles désertes que nous sommes toutes et tous à l'égard de nous-mêmes
45:18 en guise de chaleur et de lumière.
45:23 [Musique]
45:42 Je me doute bien que je ne tiendrai jamais gain de cause.
45:47 Cette déraison entendue, cette même déraison détiente à l'égard de ses fondements,
45:56 fondements officiels, fondements absolus qui nous guident quasiment en tout,
46:02 un tel ascendant que cette déraison détient à présent sur la raison,
46:08 à nouveau un ascendant tel que la raison est jugée, considérée comme folie, comme démence.
46:18 Voilà ce à quoi doit servir la philosophie.
46:23 La philosophie doit servir à regarder la réalité en face.
46:29 Et pour la regarder en face, cette lucidité nécessaire exige un courage de même acabit.
46:38 À partir de ce courage, courage provenant de cette même lucidité,
46:46 tout ce qui ne vous fait pas plus lucide est écarté,
46:52 d'autant plus aisément que vous possédez alors le courage voulu pour le mettre à l'écart,
46:59 pour le mettre à distance de vous.
47:03 Ainsi, toutes ces boursouflures métaphysiques qui nous encerclent,
47:11 voire qui nous possèdent, doivent être ignorées.
47:17 Comme Nietzsche le prétendit, vouloir les réduire, vouloir les anéantir,
47:26 c'est par cette volonté guerrière des amiés, leur conférer même une existence,
47:35 conférer une existence à ce qui n'existe pas,
47:40 pour rendre grâce à cette volonté désireuse de faire que ces mêmes boursouflures n'existent plus.
47:49 Cette volonté-là, cette bataille-là s'avère contre-productive,
47:57 puisque par elle, par cette bataille, vous offrez à vos ennemis de quoi prendre corps, de quoi advenir.
48:08 Ces fantômes-là, par cette bataille, se font de chair et de sang,
48:14 en usant pour se faire de notre propre chair et de notre propre sang.
48:21 Les illusions qu'ils signifient ne se font pas réalité,
48:27 juste la réalité cède à ces mêmes illusions,
48:32 jusqu'à ce que nous autres humains rejoignons par les influences de ces illusions-là,
48:40 illusions répétées et entretenues génération après génération,
48:47 serons occupés par ces mêmes fantômes de départ.
49:14 Un peu de façon provocatrice, j'en arrive souvent à penser
49:21 que les causes communes génèrent les fausses communes.
49:27 L'être humain n'est pas un animal de troupeau.
49:32 Il est sur le plan identitaire un genre d'exemplaire qui restera unique.
49:39 Aussi, sommes-nous inclins naturellement à nous causer soucis ?
49:45 Voilà pourquoi l'amour, l'amour tel qu'on le cite,
49:49 l'amour tel qu'on le décrit et le dépeint, n'existe pas.
49:54 L'amour n'étend sur un plan humain que de la haine en moins.
50:02 Lorsqu'on use de cette formule un peu folle,
50:09 formule osant prétendre que l'on ressent pour un tel un coup de cœur,
50:15 ce coup de cœur-là est la traduction d'une projection,
50:20 la traduction d'une appropriation.
50:24 Cet amour-là nous motive à prendre possession de celui qu'on envisage d'aimer.
50:31 A ce point que sans consentir cette possession,
50:36 l'amour ne serait même pas aperçu.
50:41 Évidemment, plus cette procédure attachée à ce dit amour,
50:48 à l'égard avant tout de cette procédure qui le permet,
50:52 est partagée par les péligérants, plus ce désir,
50:57 plus cette volonté d'appropriation mutuelle est promise à faire des étincelles.
51:05 Et si cette procédure ne se fait pas comme promise tempétueuse,
51:13 cela signifiera que l'un des deux péligérants a consenti
51:18 à céder au désir, à la volonté d'appropriation de l'autre.
51:25 L'amour n'existe pas.
51:29 Une fois encore, il n'est entre nous que de la haine en moi.
51:36 L'amour ne peut être constaté entre deux êtres humains
51:41 que par leur volonté associée à leur faculté à vouloir et pouvoir ne pas se causer soucis,
51:49 ne pas se poser problèmes.
51:53 L'être humain déjà, par cette impossibilité qui le prive à jamais
51:59 d'une identité digne de ce « nous »,
52:02 à ce propos, avant tout, se pose problème.
52:06 Ainsi, l'amour, que l'on remarque avant tout et surtout,
52:12 se distingue par autant de problèmes non accumulés entre nous.
52:21 L'amour ne peut être constaté entre deux êtres humains
52:26 que par leur volonté associée à leur faculté à vouloir et pouvoir ne pas se causer soucis,
52:32 ne pas se poser problèmes.
52:36 Souvent, j'écris que l'être humain ne possédait pas de nature
52:46 et que, pour ne pas posséder de nature,
52:50 il se trouvait être tout autant à la fois inadapté,
52:55 inadapté à ce monde et indéterminé.
52:59 La seule identité pouvant lui être proposée
53:03 transitant paradoxalement par une absence d'identité absolue.
53:08 Ainsi, ceux paraissant être identifiables très précisément
53:13 sont ceux qui, paradoxalement, là aussi,
53:17 réussissent à avoir d'un « quelqu'un » potentiel des apparences
53:22 pour savoir, pour avoir accepté ce fait absolu,
53:28 qu'il ne saurait, en tant qu'être humain, devenir quelqu'un de façon absolue,
53:33 de façon arrêtée, de façon véritable et définitive.
53:40 Les uniformes qu'on envisage de nous faire revêtir,
53:46 tous uniformes confondus,
53:48 ces uniformes-là ne sont pas que des vêtements,
53:52 ils sont aussi culturels, religieux, politiques, laïcs, professionnels.
53:57 Ces uniformes sont avant tout chargés de pallier à notre absence de nature,
54:03 sont chargés aussi de nous délivrer une identité,
54:08 habillés par eux, nous devenons quelqu'un.
54:12 Nous devenons quelqu'un tout en étant personne à la fois.
54:15 D'ailleurs, pour devenir par leur biais quelqu'un,
54:19 il est préférable de n'être personne,
54:22 voire même, et plus encore,
54:25 plus vous vous avérez personne,
54:28 plus par le concours rafistolé de ces uniformes-là,
54:32 vous apparaîtrez comme quelqu'un.
54:36 D'ailleurs, plus les sociétés se vouent à ces uniformisations,
54:43 plus elles réclament pour que ces uniformisations fonctionnent,
54:49 que les êtres humains concernés par elles s'effacent en proportion.
54:55 Et il faut accepter, en tant qu'être humain, de se dire personne,
55:00 personne à jamais,
55:02 pour parvenir,
55:04 sans y parvenir pour autant à se dire quelqu'un,
55:09 se néant tout en nous,
55:12 restant tout en nous,
55:14 cette seule possibilité d'identification,
55:19 d'identification par défaut,
55:23 d'identification illusoire par définition.
55:30 L'identité
55:34 S'il y a un uniforme,
55:49 c'est avant tout parce que certains d'entre nous,
55:52 une extrême minorité,
55:54 n'hésitent pas à emprunter cette route
55:57 pouvant conduire à notre identité,
56:00 en sachant pertinemment,
56:02 dès leur premier pas sur cette route-là,
56:05 qu'ils n'obtiendront pas en tant que tel,
56:08 par la route empruntée, une identité.
56:12 Pour savoir que cette route incarne en termes d'identité pour chacun,
56:17 la seule identité possible,
56:20 qu'elle est une avancée sans fin, sans destination,
56:25 et qu'on est promis à se perdre en soi,
56:28 en se risquant par soi à devenir quelqu'un.
56:32 Mais ce même,
56:34 cette minorité se risque à cette errance,
56:38 et ne prenne pas cette route pour se trouver,
56:42 il prenne cette route pour s'y perdre,
56:45 pour s'y perdre en parfaite connaissance de cause.
56:52 Évidemment, à l'inverse,
56:54 une immense majorité d'entre nous sont tétanisés à cette seule idée.
57:00 Afin d'être, d'être un minimum,
57:04 d'être, pour ne pas être à la fois totalement transparent,
57:08 totalement invisible,
57:10 cela adopte des uniformes,
57:13 tous uniformes confondus que la collectivité leur propose,
57:17 quand elle ne leur impose pas.
57:20 Avec ces uniformes-là, ils sont un peu,
57:24 ils sont un minimum,
57:26 ils sont surtout pour être ainsi à l'abri des risques
57:30 et des dangers que cette quête d'identité,
57:33 sur un plan humain, implique.
57:36 Nos uniformes sont des murs,
57:40 des murs contre lesquels ceux qui s'y accolent
57:43 sont fusillés autrement.
57:46 Ces êtres humains-là vivent seulement,
57:49 respirent seulement,
57:51 se trouvant suffisants,
57:54 sont fixés dans une existence,
57:57 existence lambda,
58:00 chargées de faire genre fixés,
58:03 comme on se fixe au garde-à-vous,
58:06 victimes d'un paradoxe,
58:08 se distinguant par cette peur,
58:11 cette même peur les mettant justement en danger,
58:16 cette peur étant dans ce processus le danger même.
58:43 Merci pour votre attention. Le temps nous a imposé sa loi,
58:46 nous entraînant dans nos vies respectives une heure plus loin.
58:49 J'ignore où vous vous trouverez la semaine prochaine,
58:52 mais si le cœur vous en dit,
58:54 je vous donne rendez-vous pour renouveler l'expérience
58:56 en vous souhaitant d'ici là plein de hasards heureux.
58:59 Bien à vous.
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