Vendredi 10 novembre 2023, PLACE AUX FLAMMES reçoit Frédérique KABA (Directrice des Missions Sociales, Fondation Abbé Pierre)
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00:00 [Musique]
00:14 Bonjour Frédérique.
00:15 Bonjour Charlotte.
00:16 Merci beaucoup de ta participation à cette série "Flamme" de femmes inspirantes.
00:20 Tu travailles à la Fondation Abbé Pierre.
00:22 Est-ce que tu pourrais nous donner quelques chiffres ?
00:24 Moi j'en ai un, un premier, qui m'a interpellée avant notre interview.
00:28 Il y a plus de 4 millions de personnes aujourd'hui en France qui sont mal logées
00:32 et le logement est devenu la première priorité, la première zone de dépense des foyers français.
00:38 Est-ce que tu peux nous dire un peu ce que fait la Fondation Abbé Pierre pour ceux qui ne vous connaissent pas ?
00:42 Alors la Fondation Abbé Pierre a été créée en 1992.
00:45 Elle est reconnue d'utilité publique.
00:47 Elle reçoit des dons de personnes de la société civile.
00:51 C'est notre budget fait de ça.
00:53 Et puis on a à peu près 250 000 donateurs aujourd'hui.
00:57 Et puis avec cet argent, nous pouvons lutter contre le mal logement de différentes manières.
01:03 Bien sûr interpeller et agir des campagnes pour sensibiliser sur la situation des personnes sans logement ou mal logées.
01:10 Et puis faire ce que je fais avec une équipe de 30 personnes, soutenir des actions pour lutter contre le mal logement au quotidien.
01:16 C'est-à-dire accompagner des associations qui vont apporter des réponses à des personnes sans domicile,
01:22 dans des accueils de jour, avec des pensions de famille.
01:25 Nous produisons à peu près 800 logements par an, qui permet de répondre à des familles concrètement avec des loyers extrêmement bas.
01:31 Et puis nous agissons quotidiennement aussi pour accompagner des habitants des quartiers populaires
01:37 ou encore à l'international avec des personnes habitant dans des bidonvilles.
01:41 D'accord. Et quand on regarde ton parcours, on remarque que toute ta carrière a été dédiée aux autres.
01:46 Tu as commencé comme assistante sociale, ensuite tu as travaillé à l'Office public de l'habitat,
01:50 puis chez Emmaüs, avant de rejoindre la Fondation Abbé Pierre aujourd'hui.
01:54 Qu'est-ce qui t'a donné cette flamme de l'engagement ? Je crois que tes parents étaient des gens très engagés,
01:59 mais aussi certaines rencontres que tu as pu avoir dans ton parcours professionnel.
02:03 Alors mes parents étaient très engagés. À la maison, nous parlions solidarité tout le temps.
02:08 Et puis très vite, j'ai rejoint un syndicat étudiant, un syndicat à l'université.
02:12 J'ai perdu mon père assez tôt, à 20 ans. J'ai dû trouver un travail assez vite et faire des courses d'études.
02:18 Donc j'ai choisi le travail social au départ pour ça. Et puis je suis vraiment tombée en amour sur cette action,
02:24 la possibilité d'agir directement sur les causes des inégalités, sur les causes de la pauvreté.
02:30 Ensuite, très vite dans ma carrière professionnelle, j'ai rencontré un juge,
02:34 je faisais un CDD, pas l'aide sociale à l'enfance, auprès de la justice,
02:38 qui m'a très vite indiqué que je devais faire autre chose dans la vie. Il avait raison.
02:43 J'étais extrêmement troublée, extrêmement percutée par la situation des enfants qui étaient en souffrance.
02:49 Et je pense que je n'étais pas assez active et engagée parce que j'étais trop atteinte par ces situations.
02:55 Et donc je me suis tournée très vite vers la lutte contre le mal-logement et la lutte contre la pauvreté,
03:00 en travaillant dans le secteur associatif, puis après pour des bailleurs sociaux, effectivement.
03:05 Et enfin, je suis revenue très, très vite à mes premières amours,
03:08 avec d'abord un poste à Emmaüs à Paris, puis ensuite la fondation Abbé Pierre.
03:12 Je suis depuis dix ans, j'y suis bien, je suis très engagée avec une équipe formidable
03:17 avec laquelle nous travaillons tous les jours.
03:19 D'accord. Et je crois que tu nous racontais la dernière fois qu'on avait échangé
03:23 que tu voulais construire et pas simplement lutter contre des situations.
03:27 Donc il y a cette idée de l'action pour toi qui était extrêmement importante.
03:31 Est-ce que tu vas nous développer un peu ce propos ?
03:33 Oui, la question de construire des solutions pour, au quotidien, trouver les solutions et traiter les inégalités.
03:40 Et c'est un enjeu qui est très fort parce qu'on peut être dans une dimension intellectuelle,
03:45 de la pensée, de comment il faudrait faire ou comment il faudrait agir, de là où on est.
03:50 Et puis il y a la réalité de l'action. Et la réalité de l'action, ce n'est pas projeter,
03:54 c'est trouver de l'ajustement au quotidien, c'est chercher des solutions ensemble,
03:58 c'est collectivement être engagé. Et il me semble qu'un pays qui se gère,
04:03 c'est un pays qui se gère avec des politiques publiques, mais qui doit aussi s'appuyer
04:07 sur cette énergie et sur cette capacité à faire dans le réel, dans le quotidien,
04:12 pour résoudre des problématiques du quotidien.
04:14 Alors justement, le message que tu souhaites peut-être partager avec nos auditeurs,
04:18 à qui est-ce que tu as envie de l'adresser ? Parce que tu pourras avoir envie de l'adresser
04:22 aux personnalités politiques, qui sont des gens avec qui tu interagis au quotidien,
04:26 mais peut-être aussi à des gens comme moi qui pourraient agir, mais finalement ne le font peut-être pas assez.
04:31 Il y a cette idée évidemment de l'engagement politique, mais aussi de l'engagement citoyen
04:35 qui porte, je crois, ton engagement au quotidien.
04:37 Oui, c'est les deux. Je me permets juste de te répondre sur la partie politique publique.
04:42 Je pense qu'on est ancré dans un pays qui, après 1945, après la Seconde Guerre mondiale,
04:48 avec les ordonnances de 45, a créé un dispositif hyper important pour lutter
04:54 contre les inégalités et la pauvreté. Ça a donné lieu à l'aide sociale.
04:58 Ça a été aussi un moment, en 1954, où l'abbé Pierre a fait son appel, son manifeste,
05:03 et a eu une mobilisation des Français très très forte, ce qui lui a permis de créer le modèle des communautés,
05:09 de faire ensemble, de vivre ensemble, de créer ensemble de la solution.
05:13 Donc très inspirant pour moi et puis pour beaucoup beaucoup de personnes.
05:17 Mais c'est aussi un socle de solidarité nationale très important.
05:20 Et je travaille à la Fondation Abbé Pierre, je suis engagée avec la Fondation Abbé Pierre,
05:24 parce qu'elle lutte aussi pour permettre à cette solidarité nationale de continuer à s'exercer,
05:29 de continuer à être active, de continuer à tenter de rééquilibrer les inégalités et les inéquités de traitement.
05:36 Après, je pense que ça doit se conjuguer avec l'engagement citoyen, avec la capacité à faire ensemble,
05:42 avec la capacité à construire des solutions micro-locales, c'est-à-dire des solutions cohérentes
05:47 avec là où on vit, avec qui on vit, et comment en fait les solidarités citoyennes se mettent en œuvre,
05:53 ne sont pas toujours appuyées sur des questions financières, mais ont aussi besoin d'être financées.
05:58 Mais sont aussi appuyées sur l'intelligence collective et la capacité à comprendre comment nous pouvons nous en sortir ensemble.
06:05 Mais alors, est-ce que ce n'est pas une question d'éducation finalement ?
06:08 Puisqu'en fait, ce sont des notions qu'on perd peut-être tous au fur et à mesure de notre âge qui avance.
06:13 Mais est-ce que ce n'est pas aussi au départ une question d'éducation des parents,
06:16 mais aussi une question d'éducation scolaire sur ces problématiques-là ?
06:20 Je pense que c'est fondamental ce que tu dis.
06:22 Oui, la question de la fraternité, ça n'est pas inné.
06:26 C'est quelque chose qu'on comprend, qu'on s'approprie, qu'on modélise.
06:30 Et plus il sera modélisé au sein de la famille et au sein de l'éducation nationale,
06:34 et plus nous allons pouvoir organiser au sein de cette société des formes de fraternité,
06:39 d'acceptation de l'altérité, d'acceptation de la différence, de plutôt être curieux que d'avoir peur.
06:45 Et ça, c'est quelque chose qui se diffuse et qui s'inscrit dans l'éducation dès le plus jeune âge.
06:50 C'est vachement intéressant parce que justement, à une certaine époque,
06:53 on avait l'éducation civique à l'école, qu'on a aujourd'hui un petit peu mis de côté.
06:58 La philosophie pourrait nous aider à cela, mais il y a ce côté très en distance
07:02 de l'éducation sur ces problématiques-là, alors que toi, tu parles d'action concrète
07:06 qui doit finalement fédérer l'engagement de tous.
07:08 Oui, parce qu'on vit dans une société où on vit pour travailler aussi,
07:13 on travaille pour vivre, surtout.
07:16 Et je crois que la question d'être ensemble et de vivre ensemble
07:20 est une question fondamentale aujourd'hui.
07:22 Alors, c'est un peu un terme qui est un peu tarte à la crème en ce moment,
07:26 mais qui, pour ma part, a animé mon parcours et continue d'animer mon parcours.
07:31 Je ne crois pas à la possibilité du changement, d'une place, d'un état qui dirait
07:36 « il faut que ça change » et d'une application par tous.
07:39 Je crois que c'est quelque chose d'extrêmement transversal
07:42 et qui nécessite un engagement collectif et qui peut être extrêmement puissant.
07:47 Tu parlais aussi la dernière fois qu'on a échangé d'un risque de basculement,
07:51 notamment en parlant des classes moyennes qui sont dans une situation
07:54 qui est de plus en plus difficile.
07:56 Est-ce que tu veux nous développer un petit peu ce propos qu'on oublie parfois ?
08:00 Oui, je crois que, comme tu le dis, la notion de basculement,
08:04 c'est une notion qui a peut-être été très forte et très vue et très comprise
08:09 au moment de la crise sanitaire.
08:11 La crise sanitaire nous a dévoilé des champs de pauvreté qui étaient présents,
08:17 mais que nous n'avions plus forcément en tête.
08:20 Elle nous a dévoilé aussi ô combien avoir un logement est important,
08:23 ô combien occuper un logement est prioritaire dans la vie.
08:26 Et structurant.
08:27 Et structurant.
08:28 Effectivement, on peut construire son projet de vie si on est en sécurité.
08:32 Et être dans un logement, c'est être en sécurité.
08:35 Et par ailleurs, être dans un logement digne, c'est être aussi un citoyen digne
08:39 et donc déjà une première marche à l'équité et à la lutte contre les inégalités.
08:44 C'est pour ça que nous nous pensons, à la Fondation Abbé Pierre,
08:46 que le premier acte, c'est de permettre l'accès au logement,
08:49 au logement digne, au logement que chacun peut payer.
08:52 Tu disais en introduction qu'effectivement, le poste du logement pèse énormément
08:58 sur les ressources des personnes qui vivent en France, des Français.
09:02 Oui, c'est vrai.
09:03 Aujourd'hui, il y a des ménages qui gagnent 1400, 1500 euros par mois
09:07 et qui se voient devoir payer 60% de leurs ressources pour payer un logement tous les mois.
09:12 C'est incroyable.
09:13 C'est incroyable.
09:14 Ça pèse et ça pèse trop. Et ça n'était pas le cas il y a 25 ans.
09:17 Donc il y a une dégradation.
09:19 Et oui, les classes moyennes basculent du côté de la pauvreté
09:23 parce que le logement notamment, ou l'électricité, le gaz, la nourriture aujourd'hui,
09:28 l'alimentation ont flambé et créé un impact extrêmement fort sur les ressources
09:34 et ne permettent pas un reste pour vivre, pour se déplacer parfois.
09:39 Les loisirs, je pense que c'est parfois très loin pour certains ménages.
09:42 Et alors les vacances, c'est extrêmement loin.
09:45 Donc on a un problème d'inéquité de traitement et d'inégalité sociale
09:50 qui font que certains travaillent pour juste garder leur toit sur leur tête.
09:54 D'autres, je rappelle qu'il y a 330 000 personnes qui sont sans domicile aujourd'hui en France,
09:59 qui n'arrivent même pas à accéder au logement.
10:01 25% d'entre elles travaillent.
10:04 Pourquoi n'ont-elles pas un logement ?
10:06 Parce qu'aujourd'hui, leur niveau de ressources est insuffisant au regard du prix du loyer
10:10 qui est imposé à l'ensemble des personnes.
10:12 Justement là, par rapport à ces 25% de personnes qui sont sans logement mais qui travaillent,
10:17 tu avais notamment abordé un exemple qui t'inspirait.
10:22 Effectivement, on a un jeune qui dort dans sa voiture et se lève tous les matins malgré tout pour aller travailler.
10:27 La Fondation Havé-Pierre est très attentive aujourd'hui à la dégradation de manière globale
10:32 avec l'augmentation des prix, l'augmentation du loyer, du logement, on en parlait tout à l'heure.
10:37 L'augmentation aussi du prix de l'alimentation qui prend une place importante, de l'électricité, du gaz.
10:42 Un reste pour vivre qui se réduit, une absence de production de logement et de logement très social notamment,
10:49 qui fait que pour les 330 000 personnes aujourd'hui que nous estimons vivre dans des conditions de très mal logement,
10:55 sans domicile, il n'y a pas d'offre possible à ces personnes-là.
11:00 Et puis une politique publique qui a amplement diminué l'APL,
11:07 qui fait qu'aujourd'hui il faut choisir entre se loger, se nourrir,
11:12 payer son électricité, payer son chauffage, payer des espaces de vie qui soient climatiquement supportables
11:18 et que ça nous inquiète beaucoup.
11:20 Nous sommes très inquiets pour les moins de 25 ans qui ont zéro ressource et qui s'affrontent beaucoup à la pauvreté.
11:26 Très inquiets aussi pour le grand âge où nous voyons des personnes âgées, retraitées,
11:31 avec de faibles ressources qui n'arrivent plus du tout à assumer leur quotidien.
11:35 C'est intéressant ce que tu disais tout à l'heure par rapport aux enjeux climatiques,
11:38 parce qu'en fait on se dit juste que c'est une problématique climatique,
11:41 mais on ne se rend pas compte à quel point ça a une incidence sur les problématiques sociales finalement.
11:45 Oui, l'écologie et le développement durable sont des enjeux liés au gaz à effet de serre,
11:51 à ce que nous produisons qui est contre-productif pour la planète,
11:55 mais aussi lié au lien social qui est lié à la capacité de vivre, à la capacité à sortir de la survie.
12:01 Nous sommes des sociétés modernes et nous voulons continuer à nous inscrire dans la sortie de la survie
12:07 pour une équité de traitement et pour que chacun puisse trouver sa place d'un point de vue citoyen dans la dignité.
12:13 [Musique]
12:36 Il y a cette volonté de tous les gens avec qui tu travailles,
12:40 que tu aides au quotidien aussi, d'agir,
12:44 malgré une image qu'on peut parfois avoir de gens qui se laissent aller,
12:48 dans certaines visions qu'on peut avoir de la situation,
12:51 je crois que ce n'est pas du tout ce que tu vis au quotidien.
12:53 Non, j'ai une image d'épinal un peu sur une personne sans domicile,
12:57 qui serait plutôt âgée, qui se laisse aller physiquement,
13:00 qui ne se lave plus, qui surconsomme de l'alcool.
13:04 C'est vrai que ça existe, mais ce n'est pas que ça.
13:07 Bien sûr, d'abord il faut s'occuper de ces personnes qui sont dans le plus grand dénuement,
13:11 parce qu'on est une société solidaire et fraternelle,
13:14 et qu'à un moment donné, on ne laisse pas de côté des personnes qui sont en fragilité ou addictes.
13:19 En revanche, il y a aussi énormément de personnes qui luttent et qui résistent,
13:23 et qui trouvent des solutions, qui sont en mode survie,
13:26 en tenant des deux goûts, à la fois l'emploi, à la fois le fait d'être à la rue,
13:30 à la fois le fait d'être très exposé.
13:32 Être à la rue, c'est un travail.
13:34 Être à la rue, c'est un travail parce qu'il faut trouver le lieu où se protéger,
13:38 le lieu où se laver, le lieu où se nourrir, le lieu où se reposer, le lieu où rencontrer.
13:44 Et donc, ce travail-là, c'est un double travail, quand en plus, on a un emploi.
13:49 Il y a quelque chose de fondamentalement injuste,
13:52 de regarder les personnes qui sont à la rue comme des personnes incapables,
13:55 alors même qu'elles survivent là où je ne crois pas que ni toi ni moi,
13:59 nous serions en capacité de survivre au quotidien.
14:01 C'est vrai. Mais justement, le message que tu passes, il est au-delà d'aider,
14:04 c'est aussi redonner le pouvoir à ces gens de pouvoir finalement maîtriser leur vie
14:09 et vivre leur vie de la manière la plus décente possible.
14:12 Ça veut dire qu'au-delà de l'aide, comme tu disais en introduction,
14:16 il y a cette idée d'accompagner l'action, mais l'action de survie.
14:19 Oui, complètement, c'est-à-dire de soutenir.
14:22 Nous venons d'une histoire de l'action sociale qui a été puisée pendant des siècles
14:27 dans les préceptes de l'Église, dans ce que l'Église a mis en œuvre vis-à-vis des pauvres
14:31 jusqu'au début du XXème siècle, séparation de l'Église et de l'État.
14:34 Nous sommes aussi irrigués par les solidarités démocratiques.
14:37 Après la Révolution française, après la Commune,
14:40 il y a des mouvements ouvriers, des mouvements citoyens
14:43 qui créent des solutions qui sont toujours actives aujourd'hui.
14:46 On peut parler de la sécurité sociale ou des coopératives ou des associations.
14:50 On est aussi sourcés par ces deux entrées très fortes.
14:54 Et donc, dans cette tension historique, dans ce que nous portons culturellement,
14:58 il y a aussi à créer les conditions pour donner la place aux personnes
15:04 d'être créatives et d'être à la création de leurs solutions.
15:09 Parce qu'elles sont une ressource incroyable.
15:12 Quand on survit à la rue, on gagne des compétences,
15:15 on développe des compétences, on développe des capacités parce qu'on reste vivant.
15:19 Donc, on a quelque chose à offrir autour du soutien, sortir de la cistana
15:23 pour soutenir et permettre, faire advenir la possibilité
15:27 de créer les solutions par les personnes elles-mêmes.
15:30 C'est intéressant ces notions historiques dont tu parles,
15:33 qu'on a tous un petit peu oubliées, je pense.
15:36 Est-ce qu'aujourd'hui, tu vois dans les politiques publiques
15:39 ou du côté des citoyens, des raisons d'espérer à une amélioration de la situation ?
15:43 Ou est-ce que le Covid a été un élan, je dirais, positif,
15:46 mais peut-être un petit peu trop court-termiste ?
15:48 Quel est ton point de vue sur la situation actuelle ?
15:51 Je crois que le Covid n'a pas été un élan positif, il a révélé,
15:54 c'est un effet révélateur.
15:56 Les solidarités démocratiques citoyennes qui existent aujourd'hui
15:59 dans le micro-territoire, elles existaient avant le Covid,
16:02 et c'est parce qu'elles existaient qu'il y a pu se passer quelque chose
16:05 de très très fort en termes de capacité à construire de la solution rapidement
16:10 et puis de continuité aussi.
16:12 Il y a quand même toute une partie de la population qui ne sont pas les plus riches,
16:16 qui ont ce qu'on appelle la première ligne,
16:18 qui ont continué à nous permettre de recevoir du service public
16:21 dans des conditions extrêmement dégradées.
16:24 Donc l'espoir est là, ça continue.
16:26 Je pense qu'il y a une question de mettre en visibilité
16:29 ces capacités de solidarité et de fraternité,
16:32 qui sont très souvent avalées par un système médiatique
16:35 qui ne s'intéresse pas à ces actions positives,
16:39 à ces actions aussi qui sont des actions de long cours, de temps long.
16:43 Il faut que ça aille vite, il faut produire du résultat tout de suite.
16:46 Et puis peut-être une réelle politique qui est très descendante
16:49 avec un état des collectivités territoriales parfois
16:52 qui ne voit pas à quel point il y a de la ressource sur le terrain
16:55 et qui ne s'appuie pas sur cette ressource du terrain
16:57 pour construire une politique publique qui soit moins descendante
17:00 et qui tienne compte des personnes.
17:02 C'est intéressant parce qu'en fait tout vient du terrain.
17:05 Et en fait notre mission à tous c'est de l'accompagner,
17:08 mais de le révéler aussi.
17:10 Est-ce que justement il y a des actualités autour de la Fondation
17:13 qui sont des faits que tu as envie de mettre en avant,
17:16 des raisons d'espérer aussi, notamment peut-être le fait de remettre
17:19 un petit peu sur l'actualité la vie de l'abbé Pierre ?
17:24 Est-ce que tu veux nous en parler un petit peu ?
17:26 Il y a bien sûr le biopic qui va sortir au mois de novembre,
17:29 le 15 novembre, et qui retrace la vie de l'abbé Pierre
17:33 et qui est aussi l'expression, en tout cas pour ma part,
17:39 de pourquoi je suis là et pourquoi je suis engagée
17:41 et pourquoi je suis aussi engagée avec cette fondation.
17:45 Il y a une biographie et une bande dessinée qui sort en septembre.
17:48 Une biographie qui est sortie déjà et une bande dessinée qui sort en septembre.
17:51 C'est important pour nous parce que l'abbé Pierre nous a exprimé très tôt
17:57 le "viens m'aider à aider", c'est-à-dire qu'il a fondé le mouvement,
18:01 il a fondé son action à partir de cette idée que seul on ne peut rien faire,
18:06 qu'il faut être ensemble et que c'est aussi ensemble dans l'altérité
18:10 qu'on peut résoudre les choses, c'est-à-dire avec des intelligences différentes,
18:13 des cultures différentes, des trajectoires différentes
18:16 et de manière beaucoup plus transversale que hiérarchique.
18:19 Donc c'est important pour nous.
18:20 Du côté de la fondation, on soutient 800 à 900 projets par an,
18:25 650 associations en France et à l'international, donc on continue.
18:29 Et puis nous avons des temps forts, on a un festival qui s'appelle
18:32 "C'est pas du luxe" à Avignon en septembre 2024,
18:36 qui est le moment de célébration où les personnes qui ont erré,
18:40 longtemps erré, qui ont été à la rue, viennent nous montrer leurs œuvres artistiques
18:45 et travaillent avec des artistes exigeants.
18:47 Et donc c'est à Avignon, c'est dans l'écrin d'Avignon,
18:51 et c'est la possibilité de montrer à la société civile, au monde,
18:56 aux combien les personnes et les travailleurs sociaux en alliance
18:59 peuvent créer des pièces de théâtre, des films, des œuvres,
19:03 qui sont des œuvres remarquables.
19:04 Est-ce que ça veut dire par rapport à cette initiative
19:06 que l'art c'est aussi une façon de s'en sortir ?
19:09 Bien sûr. L'art c'est un levier formidable, l'expression artistique,
19:15 pour raconter qui nous sommes individuellement,
19:19 pour être ensemble aussi collectivement, notamment sur le spectacle vivant,
19:22 il y a beaucoup de pièces de théâtre à "C'est pas du luxe".
19:24 Et puis aussi, c'est un processus "C'est pas du luxe",
19:27 c'est-à-dire que c'est une histoire que nous menons depuis 15 ans,
19:30 où nous accompagnons les personnes et les travailleurs sociaux
19:34 à être dans un espace où tout à coup les identités de celui qui a erré
19:38 et les identités de celui ou celle qui accompagne ce gomme,
19:42 pour coproduire quelque chose ensemble.
19:44 Et quoi de plus beau qu'une œuvre d'art à montrer,
19:47 pour sensibiliser et puis partager le plaisir d'être ensemble et s'exprimer.
19:53 C'est intéressant parce qu'on parle beaucoup des invisibles, justement,
19:56 et justement, toute cette initiative-là, elle rend visible l'émotion
20:00 et la personnalité de chacune des personnes qui y participent.
20:03 Exactement.
20:04 C'est extrêmement intéressant.
20:06 Est-ce que justement, par rapport aux notions que tu as envie de transmettre,
20:09 il y a l'idée de générosité, évidemment, il y a l'idée de conscience,
20:12 mais il y a donc évidemment l'idée de relation,
20:15 qui est au centre des valeurs pour toi qui sont importantes,
20:18 mais je dirais presque au-delà de la relation, d'horizontalité.
20:21 Tu parles beaucoup du collectif.
20:23 Est-ce que tu peux nous en raconter un petit peu plus ?
20:26 Oui, je pense que ce qui nous anime ici à la Fondation AVE Pierre,
20:30 c'est bien sûr générosité et fraternité.
20:33 C'est aussi l'acceptation de la différence et de l'altérité.
20:36 C'est comment on fait avec.
20:38 Ce n'est pas toujours facile de faire avec, individuellement et collectivement.
20:41 Et je parle beaucoup du collectif parce que je crois à la rencontre interindividuelle.
20:45 Je crois au fait qu'on puisse être bénévole, travailleur social,
20:50 une personne qui aérée, se rencontrer et que ça crée quelque chose.
20:53 Mais je crois aussi à la force du collectif et à la capacité de faire ensemble
20:58 pour sortir des situations difficiles et créer.
21:01 Et justement, comment est-ce qu'on peut vous aider ?
21:04 Parce qu'en fait, évidemment, c'est extrêmement inspirant.
21:07 Et au-delà du message que tu nous fais passer,
21:10 comment est-ce que nous, on peut contribuer de manière plus concrète et opérationnelle,
21:13 finalement, à ce que vous faites au quotidien ?
21:15 Je crois qu'il y a un soutien sur les réseaux sociaux.
21:18 C'est déjà un apport important pour nous.
21:21 Et aujourd'hui, c'est un espace, même si ça va vite, qui est important
21:25 parce qu'on arrive à développer quand même de la connaissance
21:28 et d'approcher ce que nous trouvons juste de faire.
21:31 Il y a de la pédagogie aussi qui est importante.
21:33 Pédagogie, une manière de regarder.
21:35 Et je crois qu'il y a le site internet qui est très important.
21:37 Le site internet, parce qu'il permet de découvrir tout ce que la Fondation Hervé-Pierre fait,
21:40 un rapport Manlogement annuel, où nous rappelons la situation
21:44 et nous proposons des changements des politiques publiques.
21:47 Et puis, tout ce que nous faisons en termes de soutien à l'action
21:49 et d'accompagnement aux changements.
21:51 Et enfin, évidemment, donner, parce que donner,
21:53 ça nous permet, nous, de continuer le chemin qu'a commencé l'Abbé Pierre
21:56 et puis d'accompagner des solutions du quotidien pour lutter contre le mal-logement.
22:00 Merci beaucoup, Frédérique.
22:01 C'est un échange qui est évidemment extrêmement inspirant,
22:04 mais surtout qui donne envie d'agir.
22:06 Et j'espère que les personnes qui nous écoutent auront aussi envie de contribuer
22:09 aux actions formidables que vous mettez en place.
22:11 Et surtout, de se dire que c'est l'action et non pas la leçon qui est intéressante.
22:15 On va se retrouver le 8 novembre, je crois, autour de la sortie du film
22:20 "L'Abbé Pierre, une vie de combat".
22:22 C'est évidemment à aller voir pour expliquer ton engagement,
22:25 mais aussi ta passion et la passion de tous les gens
22:27 qui travaillent ici à la Fondation Abbé Pierre.
22:29 Merci beaucoup.
22:30 Merci, Charlotte.
22:32 [Musique]
22:35 [fin du générique]