Tout a commencé avec un microscope qui savait toucher les atomes… Si l’on pouvait les toucher pourquoi ne pas les pousser et les assembler ? Et le hasard s’en est mêlé avec les première structures, les nanotubes… Des structures aux propriétés étonnantes, car à cette échelle la matière change de comportement. Au fur et à mesure de la naissance des première applications, les enjeux industriels et économiques se sont révélés, entraînant l’Europe les USA et l’Asie dans un effort impressionnant afin de maîtriser cette techno science du 21ème siècle.
Nous nous laisserons guider par les premiers découvreurs et les chercheurs les plus en pointe, dont plusieurs sont aujourd’hui « nobélisés ». En leur compagnie, nous irons jusqu’à la logique ultime des nanotechnologies qui théoriquement nous permettra d’assembler n’importe quel objet à partir d’atomes!
Nous nous laisserons guider par les premiers découvreurs et les chercheurs les plus en pointe, dont plusieurs sont aujourd’hui « nobélisés ». En leur compagnie, nous irons jusqu’à la logique ultime des nanotechnologies qui théoriquement nous permettra d’assembler n’importe quel objet à partir d’atomes!
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00:00 Ok, on a le mètre, c'est grand comme ça. Le millième de mètre, c'est le millimètre.
00:10 Et le millième de millimètre, c'est le micron.
00:17 Et enfin, le millième du micron, c'est le nanomètre.
00:24 Bienvenue dans le nanomonde.
00:27 Nano, vous avez dit nano. A force d'entendre le mot mis à toutes les sauces, le néophyte que je suis y perd un peu son latin.
00:36 Il est temps d'aller voir de plus près, et même de très très près.
00:39 Car les nanos, c'est d'abord une échelle, 10 puissance -9 mètres, le milliardième de mètre, à peine quelques atomes.
00:47 Un nanomètre, c'est 4 atomes de silicium mis côte à côte.
00:51 A cette échelle, une poussière à la taille d'une planète.
00:54 Entre le monde du macro, le nôtre, et le monde du nano, en grec tout petit,
00:59 il y a le même rapport d'échelle qu'entre l'épaisseur d'un doigt et le diamètre de la planète Terre.
01:04 Au cours du XXème siècle, la quête de l'infiniment petit n'a cessé de faire fantasmer les scientifiques,
01:09 et a bouleversé notre monde de l'informatique à la physique nucléaire, de la biologie à la science des matériaux.
01:15 Aujourd'hui, une nouvelle aventure s'engage, celle des nanosciences et nanotechnologies qui regroupent l'ensemble des disciplines,
01:21 qui étudient et utilisent les propriétés de la matière à cette échelle nanométrique.
01:26 Et à cette échelle, serions-nous capables de percer certains secrets de la nature et de la matière ?
01:44 De réaliser les mêmes prouesses que les mouches et marcher au plafond ?
01:48 De voir nos membres repousser comme la queue d'un lézard ?
01:51 De faire des revêtements sur lesquels tout glisse, comme sur une feuille de lotus ?
01:54 Ou encore, de faire des piles aussi minces qu'une feuille de papier et aussi puissante qu'une centrale nucléaire ?
01:59 De fabriquer des câbles capables d'aller de la Terre à la Lune ?
02:03 Ou de faire des ordinateurs moléculaires ?
02:06 Pour répondre à ces questions, je pars d'abord au Japon, dans la province de Nagano,
02:09 où je vais assister à une conférence donnée par le britannique Sir Harold Crotto,
02:13 un des pionniers de ce nanomonde et un de ses plus célèbres vulgarisateurs.
02:18 Ici, comme partout ailleurs, il est accueilli comme une star.
02:21 Et pour commencer, il me donne sa vision des nanotechnologies.
02:25 Il existe plusieurs définitions des nanotechnologies.
02:33 Celle que je préfère, c'est l'assemblage atome par atome,
02:37 molécule par molécule, pour créer des structures complexes.
02:44 Comment Harold le chimiste s'est-il retrouvé mêlé à cette histoire ?
02:49 Professeur à l'université de Sussex au Royaume-Uni,
02:53 il voulait connaître la nature des longues chaînes de carbone
02:56 que rejettent dans l'espace les étoiles en mourant.
03:00 Sur Terre, nous connaissons les formes pures de ce même carbone,
03:03 que sont le diamant, pour la bague au doigt, et le graphite, dans la mine de crayon.
03:08 Mais dans l'espace, les atomes de carbone semblent s'assembler
03:11 pour former d'autres types de structures.
03:13 Pour comprendre lesquelles, Harold décide de reproduire en laboratoire
03:16 les conditions de la naissance de ces poussières stellaires.
03:19 En 1984, à Houston, au Texas, il rejoint Bob Curl et Richard Smollett,
03:24 qui disposent du matériel et de l'équipe la plus en pointe.
03:27 Je suis allé à Rice University pour réaliser cette expérience.
03:32 Au bout d'environ trois jours, nous sommes arrivés à un résultat incroyable.
03:36 Nous avons observé un signal extrêmement fort
03:39 qui nous indiquait qu'on avait là 60 atomes de carbone
03:42 assemblés sous la forme d'une structure très stable.
03:49 C'était une surprise totale.
03:51 On s'est dit qu'une forme ronde pouvait expliquer ce résultat.
03:56 Et donc, d'un seul coup, malgré la théorie
03:59 sur laquelle le graphite adopte toujours une forme plane,
04:02 nous avons soudain découvert qu'à une toute petite échelle,
04:05 c'est-à-dire lorsqu'on a seulement 60, 100, 1000 ou même jusqu'à 10 000 atomes,
04:11 le graphite ne veut pas rester plat.
04:13 Il veut se courber.
04:17 On était sur-excités.
04:20 L'expérience dépasse toutes les attentes.
04:22 60 atomes de carbone s'assemblent pour former un objet
04:25 qui ne peut, au vu des calculs, qu'être sphérique,
04:27 mais qui se rend comme un ballon de football.
04:29 C'est le C60, le premier membre d'une nouvelle famille de composés du carbone
04:32 baptisé Fullrain par Croteau lui-même,
04:35 du nom de l'architecte visionnaire Buckminster Fuller
04:37 qui, pour l'exposition universelle de 1967,
04:40 avait construit un dôme à la silhouette prémonitoire.
04:44 - Alors, vous vous en sortez ?
04:46 - Pas mal, pas mal. J'en ai déjà un, deux, trois, quatre.
04:50 En découvrant cette nouvelle molécule,
04:52 en montrant qu'elle pouvait s'auto-assembler à partir d'atomes de carbone,
04:55 en étudiant les caractéristiques et les propriétés spécifiques liées à sa taille,
04:58 les scientifiques font pour la première fois objectivement des nanosciences et technologies.
05:03 Et c'est ainsi que Croteau et ses Fullrains feront décoller le nanomonde.
05:09 - Ça n'a pas eu tant d'impact que ça, en 1985.
05:12 Nous n'avions que des suppositions, il fallait tout prouver.
05:15 D'ailleurs, les cinq premiers papiers affirmaient qu'on avait tout faux.
05:18 Ces articles étaient stupides.
05:20 - Stupides, totalement stupides.
05:23 D'ailleurs, ils obtiennent la preuve de l'existence de cette forme de carbone sphérique.
05:27 Et Croteau, Curl et Smalley reçoivent en 1996 le prix Nobel de Chibé.
05:32 L'aventure est lancée, mon voyage continue.
05:43 Pour connaître les dessous de l'affaire, je me dois de faire un petit tour en Californie.
05:47 Et j'ai toujours été très prudent sur le point où j'ai s'adapté.
05:52 La nuit dernière, j'ai cru que j'avais fait un bon point, mais je ne sais pas ce que j'ai fait.
05:56 C'est là que je retrouve James Heath, l'un des étudiants qui travaillait à Rice avec Croteau lorsqu'il découvrit le C60.
06:01 Depuis, l'étudiant a fait du chemin.
06:03 Il dirige aujourd'hui la plateforme de nanotechnologie du California Institute of Technology, le Caltech.
06:08 - Le C60 a été la première découverte, totalement inattendue.
06:14 À partir de cette découverte, les scientifiques ont été obligés de repenser tout ce qu'ils croyaient savoir sur le carbone.
06:20 Et le carbone, c'est l'élément de base de toute la biochimie.
06:23 Avant ça, personne n'avait imaginé du carbone courbe.
06:27 Et donc, avant le nanomonde, pour modifier un matériau, on modifiait sa composition chimique, les différents éléments qui le composent.
06:35 Et pour ça, on se basait sur le tableau périodique des éléments. C'était le seul moyen.
06:39 Maintenant, on peut aussi intervenir au niveau de la taille et la forme, ce qui nous donne un contrôle bien plus important.
06:45 Ça change tout.
06:46 Ce qui a vraiment émergé ces dernières années, ce qui a donné une nouvelle dimension excitante en chimie et en physique,
06:52 c'est cette possibilité de contrôler à un niveau très pointu la taille et la forme des matériaux, et donc leurs propriétés.
06:58 - Quels ont été les précurseurs dans les nanotechnologies ?
07:06 Feynman, ici au Caltech, a été le premier, lors d'un discours, à poser les bases des nanotechnologies.
07:14 C'était en 1959, je crois.
07:18 Et son discours a été très largement incompris, jusqu'à il y a une vingtaine d'années.
07:23 - Le comportement des éléments à petite échelle est tellement extraordinaire, tellement différent,
07:30 si merveilleusement différent de quoi que ce soit à grande échelle.
07:34 On dit que les électrons se comportent comme des ondes.
07:37 Eh bien non, pas exactement.
07:39 Qu'ils se comportent comme des particules, pas exactement.
07:41 Qu'ils se comportent comme un nuage autour du noyau, non, pas exactement.
07:45 Feynman, lui aussi auréolé d'un prix Nobel, a eu une intuition dans les années 1950.
07:51 Arrêtons de chercher à éluire, construisons à partir de l'infiniment petit, à partir de l'atome.
07:56 Si la nature conçoit les éléments à partir d'un savant assemblage d'atomes et de molécules,
08:01 selon Feynman, l'homme pourrait un jour faire de même.
08:04 Si l'on maîtrise l'organisation de tels éléments lilliputiens à très grande échelle,
08:08 il devrait être possible de construire n'importe quel objet, caillou ou grippin.
08:12 Et en plus, la bonne nouvelle, c'est qu'à l'échelle atomique, le monde est infiniment vaste.
08:17 Il y a plein de places en bas, entre les atomes qui composent la matière.
08:21 Dans l'épaisseur d'une feuille de papier, il serait possible d'empiler environ 400 000 atomes de métal,
08:25 et il resterait encore de la place.
08:27 Mais construire quoi, et surtout comment ?
08:30 Il faudra du temps avant de commencer à trouver des réponses à ces questions.
08:34 Ce qui s'est passé, c'est que durant ces 10 ou 20 dernières années,
08:39 les chimistes ont appris à construire et à contrôler des molécules d'une taille de quelques nanomètres
08:43 avec une très grande précision.
08:46 Dans le même temps, les ingénieurs qui travaillaient dans l'électronique et les circuits intégrés
08:50 ont commencé à fabriquer des structures de plus en plus petites.
08:53 Quand ces deux mondes se sont rencontrés, ils se sont rendus compte qu'ils travaillaient à la même échelle.
08:57 C'est de cette rencontre que sont nées les nanotechnologies.
09:00 Retour au Japon.
09:03 Kroto poursuit ses visites et ses rencontres.
09:05 Et moi, je continue à apprendre que la taille compte, par exemple, bouleversant bien des idées reçues.
09:10 À l'échelle du nanomètre, à cette échelle de l'infiniment petit,
09:13 les propriétés de la matière changent.
09:15 Ce ne sont plus les mêmes règles, celles du monde qui nous entourent tous les jours,
09:19 qui déterminent les possibilités et le comportement des choses.
09:22 La matière
09:24 Plus on va vers le très petit, plus on s'approche de l'atome
09:33 et plus les propriétés de la matière changent.
09:36 Un bon exemple, c'est l'eau.
09:39 Si vous versez de l'eau sur un plateau,
09:43 eh bien, cette eau va rester plate à cause de la gravité.
09:47 La mer, par exemple, est plate pour cette raison.
09:51 En revanche, si vous observez une petite goutte d'eau, elle est ronde.
09:54 C'est une sphère, car ce n'est plus la gravité qui la contrôle.
09:57 Ce sont les effets de surface.
09:59 À cette petite échelle, ces forces dominent celles de la gravité.
10:03 Quand on s'approche des atomes et des molécules,
10:10 on commence à se poser des tas de questions.
10:13 Comment sommes-nous construits ? Comment nos atomes sont liés les uns aux autres ?
10:16 Et là, on parle d'effets quantiques, et nous en sommes le résultat.
10:20 Un effet quantique, qu'est-ce que c'est ?
10:23 Un comportement différent de la matière lié à la physique quantique.
10:27 Et cette physique quantique, qu'est-ce que c'est ?
10:30 D'autres lois physiques que celles qui régissent le monde qui nous entoure.
10:33 Un exemple, si je prends une balle, la lance contre un mur dans notre monde,
10:37 elle rebondit.
10:38 Mais si je suis tout petit et que cette balle est de taille nanométrique,
10:41 lorsqu'elle heurte le mur, elle rebondit bien sûr, mais aussi, elle traverse.
10:44 Elle est ici, là, ailleurs et nulle part.
10:47 Si vous n'y comprenez pas grand-chose, moi non plus.
10:51 Et les plus grands chercheurs s'interrogent toujours.
10:54 Bon, alors, la mécanique quantique, ce sont des phénomènes très étranges.
11:04 Par exemple, si vous essayez de déterminer avec une très grande précision
11:07 où se trouve cet objet, eh bien, vous ne pourrez pas savoir où il va.
11:11 Et si vous voulez savoir très précisément où il va,
11:13 eh bien, vous ne saurez pas où il est.
11:15 Ça s'appelle le principe d'incertitude.
11:17 Ça a été énoncé par Heisenberg.
11:18 C'est une des bizarreries de la mécanique quantique.
11:21 Je vous donne un exemple très simple.
11:24 Le fait que vous soyez capable de voir les couleurs est déjà un effet quantique.
11:29 On n'en a pas conscience, on y est tellement habitué.
11:31 Et pourtant, personne ne peut expliquer la couleur des choses.
11:35 Et plus on descend vers les composants de la matière,
11:37 plus les effets quantiques deviennent importants.
11:41 Qui dit nouvelles propriétés, dit nouvelles applications.
11:44 Mais ne nous avançons pas trop.
11:46 Ces propriétés, il faut d'abord les connaître, les répertorier.
11:50 Il a fallu attendre 1981 et l'invention du microscope à effet tunnel
11:54 pour qu'un nouveau pas soit franchi, voir la matière à l'échelle atomique.
11:58 Une autre étape cruciale de l'histoire des nanosciences et technologies.
12:02 Et là, c'est à nouveau en Europe que ça se passe.
12:04 Rendez-vous dans le sud de l'Allemagne, en Bavière, avec Gerd Binig, un autre pré-Nobel.
12:10 On a cherché parmi toute la technologie existante,
12:31 celle qui permettait d'étudier les détails les plus fins.
12:35 Et il n'y avait rien.
12:38 Alors on s'est dit, s'il n'y a rien, il faut inventer quelque chose
12:41 qui nous permette d'étudier les plus petites structures.
12:45 Et après à peine quelques mois de réflexion,
12:49 nous avons décidé de construire un microscope
12:52 plus puissant que tout ce qui existait.
12:56 Ainsi soit-il, et le microscope à effet tunnel est né.
13:01 Ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont révélé l'image d'une surface,
13:05 un peu comme on recréerait l'image de ce sol à partir de l'image de tous les carreaux qui le composent.
13:09 Eux, ils ont révélé l'image de la surface d'une galette de silicium.
13:13 Et pour la toute première fois, ils ont pu voir la disposition de ces atomes, un par un,
13:17 et ils ont réalisé une carte de cette structure atomique.
13:24 En fait, vous avez deux éléments.
13:26 D'un côté, vous avez le matériau que vous voulez observer.
13:29 Vous aurez donc un échantillon, un échantillon de cette table par exemple,
13:32 qui sera composé d'atomes.
13:35 Ils seront à peu près comme ça.
13:38 Des objets ronds, organisés d'une certaine façon,
13:41 avec dessous d'autres atomes, des atomes partout.
13:45 Maintenant, pour voir où se trouvent ces atomes, comment ils s'organisent,
13:49 vous utilisez le deuxième élément.
13:51 C'est une pointe extrêmement fine, un peu comme une aiguille en acier,
13:54 sauf que cette aiguille est composée d'atomes et qu'elle a cette forme très pointue.
13:58 On a donc un atome ici et d'autres là, en volume,
14:08 et ça forme une pointe à partir de tous ces atomes.
14:11 À partir de là, on s'approche.
14:13 On applique un courant électrique qui circule entre les deux éléments,
14:16 et lorsque le courant peut passer, on sait où se trouve le premier atome.
14:20 Ensuite, on peut se déplacer sur le côté.
14:23 Puis on arrive à ce point ici, et en répétant ce procédé d'une façon continue,
14:27 en se déplaçant par là, on voit la structure atomique.
14:30 On procède ligne par ligne, c'est ce qu'on appelle un scan,
14:33 et en additionnant toutes ces lignes, on obtient une image de cette surface.
14:49 Pour la première fois, en regardant une surface,
14:52 on pouvait voir sa structure en haute résolution,
14:54 et on découvrait tous les atomes qui se trouvaient là et formaient cette superbe structure.
14:59 Alors bien sûr, ça a été un moment très émouvant.
15:05 On a besoin de cette sensation physique.
15:18 C'est mieux qu'une représentation mathématique.
15:21 Je me souviens que lorsque j'étudiais les molécules,
15:24 la seule indication que j'avais, c'était des signaux sur des graphiques,
15:27 alors que maintenant, on peut vraiment voir ces molécules.
15:30 À mon sens, il n'y a aucun doute.
15:33 Les êtres humains ont besoin d'une représentation physique.
15:36 Ça nous aide, même si cette représentation n'est pas réellement parfaite,
15:40 car on sait bien, grâce à la mécanique quantique,
15:43 qu'à cette échelle, les images sont trompeuses.
15:46 Mais elles nous aident pour développer de nouvelles idées, de nouvelles expériences.
15:50 Il faut juste faire attention à ne pas les prendre au pied de la lettre.
15:54 Grâce à l'invention de Gerd Binnig et Heinrich Rohrer,
15:58 maintenant, on peut voir, voir une représentation, voir les atomes un par un.
16:04 Un monde fantastique et merveilleux se dévoile.
16:07 Et cette pointe qui scanne la matière permet d'aller encore plus loin.
16:13 Pour la première fois, on est entré en contact avec des atomes.
16:17 Aucune autre méthode ne permettait de toucher les atomes.
16:20 Quand on touche un atome, on le comprend mieux.
16:23 On peut jouer avec, on peut le pousser.
16:26 On peut même construire des structures artificielles, atome par atome.
16:37 Et d'ailleurs, ça a été fait depuis.
16:40 Ce n'est pas un rêve, ça existe d'ores et déjà.
16:43 À peine ces possibilités du microscope à effet tunnel mises en évidence,
16:49 certains se sont mis à déplacer les atomes un par un
16:51 pour construire des structures des plus sérieuses aux plus fantasques.
16:55 Qu'importe le sujet, l'important était de démontrer
16:58 que l'on pouvait dessiner, fabriquer à l'échelle atomique.
17:01 Mais bien sûr, il y a des limites.
17:03 Assembler une feuille de papier en ajoutant un million d'atomes par seconde
17:07 prendrait plus de 13 milliards d'années.
17:10 Construire atome par atome avec un microscope à effet tunnel,
17:17 ça prendrait beaucoup trop longtemps.
17:20 Il faudrait des années pour assembler une structure complexe.
17:23 On ne peut donc pas le faire avec ce type de microscope.
17:26 En revanche, on peut combiner son utilisation avec l'auto-assemblage
17:29 en plaçant par exemple un atome ici, un autre là, et un autre encore ailleurs.
17:34 Le reste se construit ensuite par auto-assemblage.
17:38 L'auto-assemblage, c'est simplement la capacité de la matière
17:41 à s'organiser toute seule, à l'image des cellules du vivant.
17:45 Le meilleur exemple d'auto-assemblage par bottom-up,
18:00 c'est-à-dire atome par atome, molécule par molécule,
18:03 c'est l'être humain.
18:05 Parce que c'est comme ça que nous avons été assemblés et construits,
18:08 à partir de molécules.
18:10 Ce que nous avons appris du vivant, c'est qu'il existe une méthode
18:17 pour construire des systèmes très complexes.
18:20 Des genres de machines, si vous voulez.
18:23 Des machines qui construisent brique par brique.
18:26 Et c'est vraiment comme ça que procèdent les ribosomes dans les cellules
18:30 lorsqu'elles attrapent toutes ces briques, les protéines,
18:33 et les assemblent en suivant l'incroyable programme de l'ADN.
18:37 De cette idée presque insensée que ce que peut faire la nature,
18:42 un jour l'homme saura lui aussi le faire,
18:45 bref de ramener les mécanismes du vivant à de simples problèmes technologiques,
18:48 naît dans les années 1990 l'idée de construire bottom-up,
18:51 de bas en haut, de construire en assemblant les atomes un par un,
18:54 grâce à l'auto-organisation.
18:56 Plus besoin de couper un arbre pour obtenir des atomes,
18:59 plus besoin de couper un arbre pour obtenir un cure-dent,
19:02 plus besoin de faire du top-down, d'aller du plus gros au plus petit,
19:05 il suffirait de faire du bottom-up, d'assembler les atomes qui composent ce cure-dent.
19:08 Les esprits délirants, visionnaires ou prophétiques,
19:12 rêvent déjà à l'époque de machines moléculaires qui effectueraient ces opérations.
19:16 Si on considère que l'objectif de la technologie, c'est de fabriquer des choses
19:25 en réarrangeant les briques mêmes de la matière,
19:28 si l'on considère qu'aujourd'hui on est capable de prendre ces briques
19:31 et de les déplacer, de les assembler où on le souhaite,
19:34 il me paraît évident qu'on est à l'aube d'une révolution aux implications gigantesques
19:37 qui pourrait changer la façon dont nous fabriquons quasiment tout.
19:40 Eric Drexler imagine par exemple dans son livre "Les engins de la création"
19:45 des installations, des sortes de robots capables d'assembler d'autres robots,
19:50 copies d'eux-mêmes, qui travailleront simultanément à la chaîne
19:53 pour créer atome par atome et à grande vitesse
19:56 les objets que nous désirons.
19:58 Terminés les procédés gourmands en matière première et en énergie,
20:04 on pourrait façonner les objets à partir des briques mêmes de la matière, les atomes,
20:08 les fabriquer sans déchet, défaut ni impureté.
20:11 Un fantasme décrié par la communauté scientifique,
20:14 mais qui alimente la machine à rêve.
20:16 [Musique]
20:34 Aujourd'hui, tout cela reste de la pure science-fiction.
20:38 Et pourtant.
20:40 Pourtant, je découvre qu'au Texas, précisément à Rice University,
20:45 la même où Harold Croteau a mis au jour les full-rain,
20:47 un scientifique fabrique des molécules capables de transporter des atomes.
20:52 Des nano-voitures ou nano-camions, un concept qui peut sembler délirant.
20:56 Il s'appelle Jim Tour, et ses idées, ses travaux, peuvent faire croire à un illuminé.
21:00 Et pourtant.
21:02 Mettez ces lunettes.
21:04 La plupart des recherches qu'on fait ici concernent les nano-voitures.
21:15 Une nano-voiture a quatre roues.
21:17 Elle peut rouler sur une surface.
21:19 De ce point de vue, elles ressemblent donc beaucoup aux voitures qu'on connaît.
21:24 On part d'un élément qui va servir de châssis.
21:26 Puis, on ajoute d'autres éléments qui vont servir de pivots,
21:29 molécule par molécule, par bottom-up.
21:32 Puis, on ajoute les roues, toujours par bottom-up,
21:35 c'est-à-dire en partant des plus petits éléments, du bas vers le haut.
21:38 Certaines ont des moteurs, et comme elles sont minuscules, selon le modèle,
21:42 on peut en garer entre 20 et 30 000 sur le diamètre d'un seul cheveu.
21:46 Elles sont vraiment petites.
21:48 C'est la lumière qui leur fournit de l'énergie.
21:50 Quand on les éclaire, elles se mettent à rouler.
21:53 En une seule opération, Jim Tour est capable de produire plusieurs milliards de nano-voitures.
22:10 Un 1 avec 18 zéros derrière.
22:13 Plus que tout ce que l'industrie automobile a produit dans toute son histoire.
22:17 On est loin d'être capable de construire de grandes structures avec cette méthode.
22:30 Nous savons juste attraper un à un les atomes, pour les déplacer où on le souhaite.
22:35 Mais imaginez dans un siècle, ces nano-voitures transporteront des objets
22:39 et assembleront des structures aussi grandes que des immeubles.
22:43 Car en fait, cela fait 5000 ans que nous construisons des bâtiments de la même manière,
22:47 brique par brique, avec du mortier et des poutres.
22:50 Mais existerait-il un moyen de construire par bottom-up ?
22:54 Beaucoup de gens pensent qu'on ne peut pas construire suffisamment vite de cette façon-là.
22:58 Mais en fait, si.
22:59 Il existe des variétés d'herbes qui parviennent à pousser d'un mètre en une seule journée.
23:04 Donc, tout ce qu'il nous reste à faire, c'est apprendre à reproduire ce phénomène.
23:08 Il n'y a rien de magique dans la nature, c'est juste un système complexe.
23:12 L'idée derrière les nano-voitures, c'est d'abord de comprendre le mouvement,
23:15 puis de savoir comment saisir un objet et le déplacer,
23:18 et d'arriver ensuite à répéter ces opérations et à les coordonner à grande échelle
23:22 pour construire des structures plus grandes.
23:24 Et donc, avec vos nano-voitures, vous serez capable de construire des voitures comme celle-ci ?
23:27 Absolument.
23:28 [Musique]
23:46 Après la découverte des full-ran, la mise au point du microscope à effet tunnel,
23:50 l'étude des phénomènes d'auto-assemblage et l'idée de construire directement
23:54 à partir des briques de la matière,
23:56 les années 1990 vont être marquées par une nouvelle découverte
24:00 qui va faire sortir les nanotechnologies des laboratoires
24:03 pour les projeter pour la première fois dans le monde des applications industrielles.
24:07 Les nanotubes de carbone.
24:09 Aux propriétés presque incroyables, six fois plus légers et cent fois plus résistants que l'acier,
24:13 certains nanotubes sont même plus durs que le diamant,
24:16 avec des caractéristiques de conducteur ou de semi-conducteur.
24:19 Direction le Japon, où travaille le fringant Sumio Ijima, l'acteur historique de leur découverte.
24:24 Carbone, nano, tube, trois mots.
24:28 Les nanotubes de carbone sont composés d'atomes de carbone,
24:32 ils ont une forme tubulaire et ils sont très petits, nanométriques.
24:36 Ces nanotubes sont de la même famille que le graphite,
24:40 mais leurs propriétés sont très différentes et ils n'existent pas à l'état naturel.
24:47 Ce sont des objets artificiels, un matériau synthétique que nous créons.
24:53 Tenez, regardez.
24:57 En voici l'art.
24:59 Ça, ce sont des nanotubes de carbone, agrandis des millions de fois.
25:05 C'est un peu comme un carbone en carbone.
25:09 C'est un peu comme un carbone en carbone.
25:12 C'est un peu comme un carbone en carbone.
25:15 C'est un peu comme un carbone en carbone.
25:18 C'est un peu comme un carbone en carbone.
25:21 C'est un peu comme un carbone en carbone.
25:24 C'est un peu comme un carbone en carbone.
25:27 C'est un peu comme un carbone en carbone.
25:30 C'est un peu comme un carbone en carbone.
25:33 Comme si c'était des cordes.
25:37 Ce qu'on voit là, ce ne sont pas des nanotubes isolés.
25:42 Ce sont des paquets de nanotubes de carbone.
25:47 Je vais agrandir. Là, on a une image typique de ces nanotubes.
25:52 Quelle est la taille de ce qu'on observe là ?
25:55 Cela font entre 1 et 3 nanomètres de diamètre.
26:02 Petit retour en arrière sur les circonstances de cette découverte des nanotubes par Soumyo Ijima.
26:08 Dans les années 80, en 1985, la molécule de Fulérène a été découverte.
26:20 Mais à l'époque, les gens ne s'intéressaient pas encore vraiment à ce matériau.
26:27 Mon ami, Ari Kroto, qui a eu le Nobel, m'a dit un jour en insistant,
26:34 Soumyo, c'est mon prénom, tu devrais travailler sur ce matériau, tu connais déjà bien le carbone.
26:44 Et donc, je me suis investi dans ce domaine de recherche.
26:49 Et en 1991, par accident, derrière des Fulérènes que j'avais synthétisées, juste à côté,
26:58 j'ai trouvé un matériau à la forme allongée.
27:03 C'est comme ça que ça a commencé.
27:08 C'était une surprise de découvrir ce matériau ?
27:14 Oui, parce que d'habitude, le carbone se présentait sous une forme massive, sphérique,
27:22 ou alors comme un agrégat rectangulaire.
27:25 Mais un matériau aussi allongé, c'est tellement rare dans la nature.
27:30 En quelques années, ces nanotubes deviennent l'icône du nanomonde,
27:36 la figure emblématique des nanotechnologies grâce à Soumyo Ijima.
27:40 Voilà pour l'histoire officielle.
27:42 Mais je découvre aussi l'histoire officieuse.
27:44 Un autre Japonais, Moreno Buendo, dès les années 1970, aurait mis le doigt sur ces structures,
27:50 mais sans pouvoir les analyser ou leur donner un nom.
27:53 Et la légende veut même que bien avant encore, dans les années 50,
27:57 des Russes, évidemment, les auraient aussi aperçus dans leurs laboratoires.
28:01 Que s'est-il passé dans les années 70 ?
28:06 On a trouvé ces tout petits tubes.
28:10 Et les gens me disaient "Oh Endo, c'est très beau, scientifiquement."
28:15 Mais il était trop tôt pour imaginer d'en produire massivement, pour des applications.
28:22 Il m'était donc très difficile de convaincre les gens, partout dans le monde,
28:26 de travailler sur ce nouveau matériau.
28:30 Depuis, Moreno Buendo s'est rattrapé, il est pressé, très pressé.
28:36 Et il m'invite à le rejoindre au Congrès sur le carbone, qu'il organise à Nagano.
28:42 Toute la fine fleur du carbone mondial est rassemblée pour parler propriété du carbone et application.
28:49 Et il a convié son vieux complice, son ami Ari Kroto, superstar et invité d'honneur.
29:04 Les nanotubes de carbone peuvent être utiles dans toutes les technologies fondamentales du 21e siècle.
29:12 Nous sommes donc très motivés pour que ce matériau innovant soit utilisé le plus possible aujourd'hui dans tous ses domaines.
29:21 Par exemple, dans les gros avions actuels, il y a environ une tonne de câbles électriques.
29:31 Si on les remplaçait par des nanotubes de carbone, on pourrait peut-être réduire ce poids d'un dixième.
29:38 Pour le moment, nous n'avons pas encore réussi à fabriquer des nanotubes conducteurs aussi longs.
29:44 Pourtant, scientifiquement, il devrait être possible de faire pousser des nanotubes aussi longs qu'on le souhaite.
29:51 D'un kilomètre, de deux kilomètres.
29:54 Des nanotubes qui iraient du Japon à Hawaï.
29:58 Mais pour cela, il nous faut encore faire de véritables progrès techniques.
30:02 Attention, il ne faut pas oublier qu'il s'agit là de quelque chose d'incroyable.
30:08 On a affaire à un objet dont le diamètre est un million de fois plus petit que celui d'un ballon de foot.
30:15 En fait, le rapport entre le diamètre de la Terre et d'un ballon de foot est le même qu'entre ce ballon de foot et le nanotube de carbone.
30:25 Et en même temps, on voudrait que ce nanotube fasse plusieurs mètres de long.
30:30 Outre leur conductivité électrique et thermique, les nanotubes présentent une résistance mécanique dépassant celle des meilleurs matériaux actuels, par exemple l'acier ou le kevlar.
30:39 Elle devrait permettre un allègement significatif des matériaux.
30:43 Les nanotubes ont aussi une excellente résistance chimique en présence de produits oxydants,
30:49 ou permettent d'envisager des applications pour stocker l'énergie.
30:52 Les nanotubes de carbone, par exemple, devraient donner la possibilité de fabriquer des batteries capables d'emmagasiner et de restituer à volume égal dix fois plus d'énergie.
31:02 Les applications semblent pouvoir toucher tous les domaines de l'électronique à la santé, et la production de nanotubes a déjà commencé.
31:09 Voici l'appareil qui nous sert à produire les nanocornes de carbone.
31:16 Les nanocornes de carbone sont comme les nanotubes.
31:20 Les nanotubes ont un diamètre constant, tandis que les nanocornes sont semblables aux cornes d'un taureau, d'où leur nom.
31:28 C'est donc ici que nous chargeons le matériau, les blocs de carbone.
31:35 Donc ça c'est du carbone ?
31:37 Oui, c'est du carbone.
31:38 Donc à l'intérieur de l'appareil, ces tubes tournent sur eux-mêmes pendant qu'on applique sur eux un faisceau laser.
31:44 Vous voyez ici la trace du rayon laser.
31:47 Ça, ça sert à quoi ?
31:49 Je ne sais pas.
31:51 C'est là que le carbone s'évapore, pour aboutir à nos nanocornes de carbone, qui sont extrêmement légères comme de l'assuie.
32:02 On les fait ensuite passer dans ces grands réservoirs, puis ils arrivent enfin dans ce petit conteneur, là.
32:14 On les récupère ici, et voilà à quoi ça ressemble.
32:22 Vous voyez, c'est tellement léger, même si ce récipient était plein, il ne pèserait pas plus de 5 grammes.
32:30 Quelle quantité de nanocornes produisez-vous ici ?
32:33 300 grammes par jour.
32:36 C'est une méthode plutôt efficace.
32:40 Je vous ai aidé.
32:44 On peut en acheter, ça coûte 500 dollars le gramme.
32:52 C'est donc encore un matériau très cher, plus cher que le platine ou que l'or.
33:06 Voir le nanomonde, le toucher, découvrir de nouvelles formes de la matière,
33:10 imaginer construire atome par atome, fabriquer les premiers nanotubes,
33:14 tout cela aurait pu rester au fond des laboratoires.
33:17 Presque un délire de scientifique, obsédé par l'infiniment petit.
33:21 S'il n'y avait pas eu cet homme, un personnage à l'allure singulière,
33:25 un américain qui derrière son fort accent roumain, cache l'éloquence d'un prophète.
33:29 Mirail Roko, le pape des nanotechnologies. C'est lui qui va donner le coup de pied ultime,
33:34 qui va propulser les nanosciences et les nanotechnologies sur le devant de la salle.
33:38 Il est reçu en France comme un invité de marque par le directeur du flambant neuf Minatec,
33:43 centre dédié aux nanotechnologies inauguré en 2006 et regroupant sur 20 hectares 2400 chercheurs.
33:49 J'ai eu l'occasion en mars 1999 d'être reçu à la Maison Blanche
34:16 lors d'une rencontre avec les responsables politiques de la science et des technologies.
34:21 On m'a donné 10 minutes pour expliquer tout ce que les nanotechnologies pouvaient apporter à la société.
34:29 On a réussi à les convaincre de l'importance de ce domaine,
34:34 à tel point qu'ils ont fait figurer les nanotechnologies dans leur stratégie à long terme.
34:38 C'était exceptionnel, parce qu'un an plus tôt, aucun d'entre eux ne savait ce qu'étaient les nanotechnologies.
34:45 Et le 18 décembre 1999, on m'a demandé de ne plus parler de nanotechnologies au Média,
34:55 car le président voulait en parler lui-même.
35:00 Bientôt, les chercheurs vont créer des appareils capables de traduire aussi vite qu'on parle.
35:07 On aura des matériaux 10 fois plus résistants que l'acier et beaucoup plus légers.
35:12 On aura aussi, et ça je trouve ça incroyable, des ordinateurs moléculaires de la taille d'une goutte d'eau,
35:19 dotés de la même puissance que nos super ordinateurs les plus performants.
35:25 Pour accélérer les progrès scientifiques et technologiques dans toutes ces disciplines,
35:31 je vous demande d'accorder votre soutien à mon projet de financement sans précédent,
35:36 à hauteur de 3 milliards de dollars pour la recherche du 21e siècle.
35:40 Il s'agit de la plus forte augmentation budgétaire pour la recherche civile à notre époque.
35:45 Nous le devons à notre futur.
35:47 Ça a eu un impact énorme, dans le monde des affaires comme dans celui de la politique.
35:58 En fait, l'effet immédiat, ça a été la réaction du Japon.
36:02 En apprenant que les États-Unis allaient engager un demi-milliard de dollars rien que dans les nanotechnologies,
36:09 les Japonais ont décidé d'investir autant dans leurs programmes de recherche sans avoir préparé quoi que ce soit.
36:16 Un discours présidentiel, une prise de position politique, et le monde s'enflamme.
36:24 Les États-Unis lancent la National Nanotechnology Initiative dès 2001.
36:29 L'Europe réagit aussi très rapidement, comme me le raconte en Belgique Renzo Tomelini,
36:34 le directeur de l'initiative européenne en nanotechnologie entre 2003 et 2008.
36:39 Il y a une compétition forte, on est tous au même moment de l'histoire.
36:47 Il n'y a pas une économie qui est particulièrement en avance de façon structurelle.
36:53 Il y a des secteurs où l'Europe a bougé bien,
36:56 et plus tôt que d'autres pays, d'autres économies non européennes,
37:02 avec la recherche européenne, depuis les années 80, l'Europe est active dans les nanotechnologies.
37:08 Les investissements européens par rapport au reste du monde dans ce domaine de la nanotechnologie, ils correspondent à quoi ?
37:14 Les programmes de recherche européenne ont commencé à donner des fonds pour la recherche en nanotechnologie,
37:19 avec déjà les quatrièmes, les cinquièmes programmes cadres.
37:23 Les septièmes programmes cadres, dans la période 2007-2013,
37:27 dans sa première année, ont déjà donné quelque chose comme 600 millions d'euros pour soutenir la nanotechnologie.
37:33 Alors en 2007, les États membres de l'Union européenne ont dépassé un milliard d'euros de soutien.
37:39 Investissements, retombées économiques, les chiffres donnent le tournis.
37:44 Et pour les décrypter, je vais voir aux États-Unis,
37:46 celui qui est l'auteur de l'une des études les plus complètes sur le sujet.
37:49 Mark Bunger est consultant chez Lux Research, un cabinet spécialisé dans la prospective économique.
37:55 Bonjour, je suis Mark Bunger.
37:58 Vous avez fait bon voyage ?
38:02 Il commence par me proposer de faire un petit shopping nano dans un magasin d'articles de sport de la ville.
38:08 Voilà le résultat de notre nano shopping dans un magasin de sport.
38:21 Alors, qu'est-ce que ça donne ?
38:24 En fait, plusieurs de ces produits intègrent des nanotubes de carbone.
38:28 L'idée pour cette raquette par exemple, ou celle-là, est que les nanomatériaux permettent de renforcer leur structure.
38:35 On frappe la balle, et toute l'énergie de votre coup va dans la balle sans déformer en retour la raquette.
38:45 Et ça, c'est des nanotechs d'un autre genre.
38:49 Les nageurs veulent aller vite, mais le frottement est un des facteurs qui peut les ralentir.
38:55 Donc, aujourd'hui, de nombreuses combinaisons intègrent un revêtement nano-hydrophobe,
39:01 qui repousse l'eau et permet de réduire la friction et de nager un peu plus vite.
39:06 Là, on a à nouveau des nanotubes de carbone intégrés dans un cadre de vélo, ce qui le rend plus résistant et plus léger.
39:16 Certaines personnes aiment être à la pointe de la technologie au niveau de leur équipement sportif,
39:21 même s'ils ne savent pas vraiment ce que ça leur apporte en plus.
39:25 Je pense donc qu'il y a également un aspect psychologique qui joue,
39:29 qui est tout au moins aussi important que la réalité matérielle.
39:33 À mon sens, il faut être un athlète de très haut niveau pour réellement sentir la valeur ajoutée de ces produits.
39:39 Ici, on parle encore de nanotubes,
39:42 mais les applications dépassent largement ceux-ci et ne se limitent pas à des articles de sport.
39:47 Les grands domaines où l'on investit de façon importante pour les nanotechnologies sont la santé et les sciences du vivant,
39:56 l'électronique et les technologies de l'information, les matériaux, l'énergie et l'environnement et l'instrumentation,
40:01 comme les microscopes électroniques.
40:03 Dans le monde, on investit au total un peu moins de 14 milliards de dollars dans les nanotechnologies.
40:12 5% est issu du capital risque, qui parie sur des technologies très en avance,
40:16 et le reste est équitablement divisé entre investissements publics et privés.
40:20 L'Amérique du Nord, l'Asie et l'Europe investissent environ 4 milliards chacun dans les nanotechnologies.
40:25 La croissance de ces investissements est partout la même, c'est une croissance à deux chiffres,
40:30 mais la part de l'Asie, par exemple, augmente très rapidement.
40:33 Le mouvement est planétaire, la globalisation est immédiate.
40:38 L'Europe entre dans la danse, et comme dans des tas de domaines,
40:41 c'est la Chine, l'Inde et même la Russie qui connaissent les plus fortes croissances ces dernières années.
40:46 La Chine est aujourd'hui en troisième place en termes d'investissement public,
40:49 quatrième pour les investissements privés et les centres dédiés aux nanotechnologies dans le pays.
40:54 Les Etats-Unis et l'Europe risquent d'être bientôt dépassés.
40:57 On fait des nano-objets en Chine et des millefeuilles géants à San Francisco,
41:01 Marc me détaille dans une boulangerie française les règles de ce jeu à dimension internationale.
41:06 Essayez ça. Vous ne prenez rien ?
41:08 C'est un millefeuille, c'est très bon.
41:10 On appelle ça un Napoléon.
41:15 Nous avons mené une étude dans laquelle nous avons noté les pays selon deux facteurs.
41:24 Premièrement, sur leur investissement dans la recherche fondamentale en nanotechnologie,
41:31 et deuxièmement sur leur capacité à commercialiser leurs découvertes.
41:36 On a vu que de nombreux pays européens, comme la France par exemple,
41:40 ont d'excellents résultats sur un plan académique, purement scientifique.
41:44 Mais ils ne sont pas aussi efficaces que l'Inde ou la Chine par exemple,
41:47 pour en faire des produits commerciaux.
41:49 Que peut-on dire des points forts ou des points faibles de chacun, sur chaque continent ?
41:58 En fait, les nanotechnologies aujourd'hui sont en train de passer du stade de la recherche scientifique
42:04 à celui des premières applications commerciales.
42:06 Et les pays qui profitent le plus de l'essor des nanotechs sont ceux qui sont déjà à la pointe dans certains domaines.
42:11 Par exemple, pour un pays qui a déjà une recherche médicale avancée,
42:14 les nanotechnologies vont augmenter cette avance.
42:16 Si un pays a une agriculture forte, idem, les nanotechs vont accroître son avantage.
42:21 60 000 publications dans le monde entier sur les nanotechnologies,
42:25 des brevets qui se comptent par milliers,
42:27 et ces chiffres augmentent chaque année de près de 30%.
42:30 On parle de la France, l'occasion est trop belle pour ne pas la saisir.
42:34 Un petit retour en Europe pour interroger Françoise Roux, une économiste spécialisée dans le domaine.
42:39 La quantité de brevets, mais aussi la quantité de publications
42:46 qui se réfèrent à des concepts nanométriques,
42:49 explose littéralement.
42:51 Donc on n'est pas du tout dans un phénomène de mode.
42:53 Cette échelle nanométrique est vraiment l'échelle pertinente recherchée pour ses propriétés, pour l'invention.
42:59 Françoise Roux est aussi l'une des expertes consultées par la Commission européenne
43:04 et elle représente la France dans le dialogue international en matière de nanotechnologies.
43:08 Et les nanotechnologies, ce ne sont pas seulement des avancées scientifiques, des avancées technologiques.
43:14 C'est aussi devenu un facteur essentiel dans les politiques de développement de nombreux pays,
43:18 dans les relations internationales.
43:20 Chaque pays veut en être et lance ses plans de recherche.
43:25 Les feuilles de route scientifiques et techniques émergent dans de très nombreux pays en même temps.
43:30 Et donc, pour citer le Brésil par exemple, qui est très intéressé par les applications agroalimentaires.
43:37 La Chine est très intéressée par toutes les applications relatives aux nanomatériaux, de même que le Japon.
43:43 L'Afrique du Sud s'intéresse par exemple du fait de son patrimoine mini important
43:49 aux applications dans le domaine de l'utilisation de l'or, des nanoparticules d'or.
43:53 Ce qui fait que les initiatives en faveur des nanosciences et des nanotechnologies,
43:58 les initiatives publiques, émergent pratiquement simultanément dans de nombreux lieux.
44:02 Si les outils de recherche et de production coûtent cher, la théorie, elle, reste accessible à qui veut bien s'y intéresser.
44:09 C'est le pari que font de nombreux pays émergents,
44:12 arrivés directement au même niveau de compétence que celui atteint après plusieurs années
44:16 par la France, la Scandinavie, le Japon ou les Etats-Unis.
44:19 Je décide de faire un tour en Afrique du Sud.
44:21 Chaque pays peut avoir des priorités différentes,
44:23 mais les nanotechnologies ont l'avantage de pouvoir répondre à toutes sortes de problématiques.
44:27 J'y retrouve Tambela Eli, il est l'un des responsables du département pour les matériaux nanostructurés
44:33 au Centre National de la Recherche Sud-Africaine.
44:35 Il m'explique que les enjeux sont trop importants pour rester à la traîne,
44:39 et les implications vont de l'économie à la politique, en passant par la société.
44:42 En Afrique du Sud, on a besoin de valoriser au mieux nos ressources naturelles,
44:49 comme pour les minerais par exemple.
44:51 Plutôt que de simplement les exporter, on va pouvoir leur conférer une valeur ajoutée avant de les vendre.
44:57 Nous avons besoin de la science pour nous aider à résoudre certains problèmes de société,
45:08 comme par exemple dans les domaines de la santé, de l'énergie ou pour la dépollution de l'eau.
45:14 Et les nanotechnologies pourraient nous être utiles dans tous ces domaines.
45:19 Lorsque vous parlez de priorités différentes, quelles sont-elles ?
45:23 Écoutez, à mon sens, la science n'a pas de territoire de prédilection, elle peut se développer n'importe où.
45:29 Ceux qui enseignent la science par exemple, peuvent très bien l'enseigner n'importe où dans le monde.
45:34 Mais il est important pour nous que les choses se passent en Afrique du Sud, et pas ailleurs.
45:39 Car ici, nous sommes plus proches des problèmes dont souffre notre société, donc mieux à même de les résoudre.
45:45 Et dans un pays en développement comme ici, nous pouvons mettre en place des industries spécialisées très efficaces,
45:51 et beaucoup moins coûteuses qu'ailleurs.
45:54 Les nanos laissent envisager des innovations technologiques, des retombées économiques,
46:01 des nouvelles relations entre les pays, des bouleversements sociaux,
46:04 et même une nouvelle manière de faire de la science, au-delà des barrières disciplinaires traditionnelles.
46:10 Vous voyez, dans une université comme ici, les choses s'organisent encore selon ce qu'on appelle un modèle germanique.
46:15 Ça veut dire que les disciplines sont séparées, la chimie, la physique, la biologie,
46:19 et même à l'intérieur du département chimie, tout est cloisonné en spécialités différentes.
46:23 Bref, ce type de structure a été mis en place pour résoudre les problèmes de mon père, ou même plutôt de mon grand-père.
46:28 Pas pour résoudre nos problèmes actuels, comme le manque d'énergie ou les systèmes de santé.
46:35 Je pense que si on veut être vraiment efficace, la science moderne doit refuser cette organisation germanique,
46:40 ce cloisonnement, et passer d'un domaine à l'autre pour résoudre les problèmes.
46:44 Les nanotechnologies ont servi de catalyseurs dans cette démarche, davantage que n'importe quel autre domaine.
46:52 Les nanotechnologies nous offrent maintenant un langage commun,
46:57 et des connaissances qui nous permettent d'avancer ensemble, en apprenant les uns des autres.
47:01 Grâce aux nanotechnologies, on peut tous travailler ensemble comme jamais auparavant, et ça c'est un grand plaisir.
47:06 Et parce qu'on avance tous de concert, on obtient des progrès scientifiques qui n'auraient pas eu lieu autrement.
47:11 Les nanotechnologies offrent l'occasion de révolutionner les méthodes de production,
47:19 de révolutionner la médecine, de révolutionner notre compréhension du monde.
47:25 Nous sommes dans une situation où nous devons passer de plus en plus vers une économie basée sur la connaissance,
47:34 mettre plus d'intelligence, utiliser notre cerveau comme matière première.
47:40 Alors de plus en plus nous mettons des connaissances dans la matière, dans les produits, dans les procédés.
47:45 Je crois que le but, l'objectif final des nanotechnologies, c'est de construire des objets complexes.
47:51 Dans l'avenir, les machines ressembleront de plus en plus aux vivants,
47:55 et ce sont entre autres les nanotechs qui vont nous permettre de parvenir à ça.
47:59 C'est ça la direction, et un jour, nous serons peut-être incapables de savoir si on est face à une personne,
48:05 ou si on interagit avec une machine.
48:08 Ce qui voudra dire, dans ce cas-là, qu'on fera face à une nouvelle forme de vie, même si elle est artificielle.
48:16 La seule chose que je peux espérer, c'est que l'humanité évolue au même rythme que la science.
48:22 De cette façon, lorsque tous ces nouveaux appareils fantastiques seront disponibles, on n'en fera pas une mauvaise utilisation.
48:30 Vous pensez qu'ils pourraient être mal utilisés ?
48:35 Oui, bien sûr. On sait bien que n'importe quelle technologie peut être utilisée à des fins néfastes.
48:39 Ça arrive tous les jours.
48:41 Oui.
48:42 Pas étonnant donc que les nanosciences et les nanotechnologies, à peine nées, provoquent autant d'inquiétude que d'attente.
48:54 Surtout dans un contexte où la connaissance doit prendre de plus en plus de place dans l'économie,
48:59 pour parer aux problématiques d'énergie, d'environnement.
49:02 Mon aventure au pays des nanos est donc loin de toucher à son terme.
49:06 Quels sont les risques, les bénéfices, les règles à se donner ?
49:09 Est-ce une évolution, une révolution ?
49:11 Répondre à toutes ces questions sera l'occasion d'autres explorations,
49:15 à la découverte des premières applications qui arrivent sur le marché,
49:18 des matériaux à l'alimentaire, de l'électronique au textile,
49:21 ou encore dans le domaine de la santé, sans oublier les questions éthiques ou toxicologiques.
49:26 En route pour d'autres voyages.
49:29 C'est là que les molécules et les solides se rencontrent.
49:32 La physique là-bas est plutôt douce, c'est le nano.
49:36 Des rackets de tennis et des petites machines et des drogues délivrés pour me réparer mes jeans, c'est le nano.
49:51 Avec des cellules solaires de l'atomique et assez de cool science pour sonner votre cloche, c'est le nano.
49:58 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
50:01 "La vie est une expérience" - Albert Einstein
50:05 "La vie est une expérience" - Albert Einstein
50:09 "La vie est une expérience" - Albert Einstein
50:12 "La vie est une expérience" - Albert Einstein
50:15 "La vie est une expérience" - Albert Einstein
50:18 [SILENCE]