Dominique de Villepin.

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00:00 *Générique*
00:13 Il est 8h32 sur RMC et BFM TV. Bonjour Dominique Devillepin.
00:17 Merci d'être à ce micro ce matin pour répondre à mes questions.
00:20 Vous êtes l'ancien Premier ministre, l'ancien ministre des Affaires étrangères.
00:23 Je vous ai vu rentrer dans ce studio et j'ai vu même à votre mine grave que vous étiez inquiet.
00:29 Vous êtes inquiet Dominique Devillepin ce matin.
00:32 Comment ne pas l'être ? Nous sommes devant un gouffre, un gouffre émotionnel tout d'abord.
00:38 Face à l'horreur du 7 octobre, il y a aujourd'hui le sentiment d'une menace existentielle.
00:46 Pour chaque Israélien, c'est la première fois qu'Israël est attaqué sur son sol
00:52 et les bombardements que nous voyons sur Gaza ne laissent que peu d'espoir à la plupart des populations civiles de Gaza.
01:01 Face à ce gouffre existentiel, nous sommes aussi devant un gouffre géopolitique.
01:07 Ce gouffre géopolitique, c'est l'absence de perspective face à une offensive terrestre massive pour Gaza,
01:15 pas d'autre perspective qu'un bain de sang.
01:18 Face à cela, il y a bien sûr le risque d'extension de ce conflit quand on voit la situation dans la région,
01:28 à la fois les factions islamistes, les milices islamistes qui obéissent à l'Iran, au Liban, en Irak, en Syrie, au Yémen,
01:37 et les possibilités d'engrenage qui existent dans cette région.
01:41 Et tout cela dans un contexte international de profonde division du monde
01:44 que nous avons constaté de fractures très importantes du monde, que nous avons constaté en Ukraine,
01:50 avec d'un côté l'Occident et de l'autre ce qu'on appelle le Sud global, c'est-à-dire le reste du monde.
01:56 Et à cela, il faut prendre en compte, pour un dirigeant politique français,
02:01 il faut prendre en compte les graves fractures nationales.
02:05 Et nous voyons bien quand un certain nombre de sujets sont abordés,
02:10 les questions post-coloniales, la question de l'immigration, la question de l'islamisme,
02:16 à quel point il y a des divisions, des fractures qui peuvent peser extrêmement lourd.
02:20 Votre conflit est donc global, à la fois sur ce qui se passe là-bas, mais aussi sur ce qui se passe en France.
02:24 Absolument, parce que nous voyons bien que les liens sont extrêmement importants, ce n'est pas nouveau,
02:29 mais aujourd'hui, compte tenu du caractère dramatique de ce qui se passe, ces fractures sont encore plus profondes.
02:35 Et l'essentiel, si je puis dire dans ce contexte, c'est que le Hamas nous a tendu un piège.
02:42 Et ce piège, c'est celui de l'horreur maximale, de la cruauté maximale.
02:48 Et c'est donc le risque d'un engrenage du militarisme, c'est davantage d'interventions militaires,
02:54 comme si on pouvait avec des armées régler un problème aussi grave que la question palestinienne.
03:00 C'est un deuxième piège essentiel, c'est celui de l'occidentalisme.
03:05 C'est que nous voilà réduits, avec Israël, sur ce socle occidental qui aujourd'hui est mis en cause
03:11 par l'essentiel de la communauté internationale.
03:14 C'est quoi l'occidentalisme ?
03:15 Eh bien, l'occidentalisme, c'est l'idée que l'Occident, qui a pendant cinq siècles géré les affaires du monde,
03:21 va pouvoir tranquillement continuer à le faire.
03:24 Et l'on voit bien, y compris dans les débats de la classe politique française,
03:28 qu'il y a l'idée qu'il faut, face à ce qui se passe actuellement au Moyen-Orient,
03:34 poursuivre encore davantage le combat vers ce qui pourrait ressembler à une guerre de religion,
03:39 une guerre de civilisation, c'est-à-dire nous isoler sur la scène internationale encore plus.
03:44 Ce n'est pas le chemin, d'autant moins qu'il y a un troisième piège, qui est celui du moralisme.
03:49 Et là, nous avons en quelque sorte la preuve, par neuf, à travers ce qui se passe en Ukraine
03:54 et ce qui se passe au Proche-Orient, de ce deux poids deux mesures qui est dénoncé partout dans le monde.
03:59 Et y compris dans les dernières semaines, quand je me déplace en Afrique, au Moyen-Orient ou en Amérique latine,
04:05 le reproche est toujours le même.
04:07 Mais regardez la façon dont les populations civiles sont traitées à Gaza.
04:11 Vous dénoncez ce qui s'est passé en Ukraine, et vous êtes bien timide face au drame qui se joue à Gaza.
04:19 Mais vous êtes d'accord avec ça ?
04:20 Je ne dis pas, parce que bien évidemment, je pense qu'il faut savoir évaluer chacune des situations.
04:25 Mais prenez le droit international, deuxième critique qui nous est faite par le Sud global.
04:30 Le droit international, nous sanctionnons la Russie quand elle agresse l'Ukraine,
04:35 nous sanctionnons la Russie quand elle ne respecte pas les résolutions des Nations Unies,
04:38 et voilà 70 ans que les résolutions des Nations Unies sont votées en vain et que l'Israël ne les respecte pas.
04:45 Vous avez l'air, disant cela, pardon Dominique de Villepin, de donner de l'eau au moulin
04:50 de ceux qui estiment que les Occidentaux sont dans un péché d'orgueil.
04:54 Est-ce que vous estimez qu'aujourd'hui les Occidentaux sont dans un péché d'orgueil ?
04:57 Apolline de Malherbe, les Occidentaux doivent ouvrir les yeux sur l'ampleur du drame historique
05:03 qui se joue devant nous pour trouver les bonnes réponses.
05:06 C'est quoi le drame historique ?
05:07 Le drame historique qui se joue devant nous...
05:09 On parle du drame du 7 octobre quand même d'abord, non ?
05:11 Le drame du 7 octobre et l'engrenage qui, à partir de ce drame, peut nous conduire si nous n'apportons pas les réponses justes.
05:18 Parce que vous savez, il y a bien sûr ces horreurs qui se passent, mais la façon d'y répondre, elle est essentielle.
05:24 Est-ce que nous allons...
05:26 Mais que fallait-il faire ?
05:27 Est-ce que nous allons assassiner l'avenir en trouvant les mauvaises réponses ?
05:31 Assassiner l'avenir ?
05:32 Assassiner l'avenir, pourquoi ?
05:33 Mais qui assassine qui ?
05:34 Mais vous êtes à la recherche...
05:37 Non, je voudrais comprendre parce que c'est vrai que...
05:39 Vous êtes dans un jeu de causes et des faits.
05:43 Dans la chaîne des causalités face aux tragiques de l'histoire, on ne peut pas prendre cette grille d'analyse,
05:49 tout simplement parce qu'on n'en sort pas.
05:51 Chacun alors...
05:52 Donc on fait quoi ?
05:53 Vous l'avez dit, on est pas à une émotion palpable.
05:55 Permettez-moi de continuer.
05:57 À partir de là, mesurons, parce que c'est quand on a compris qu'il y avait un piège,
06:01 mesurons que derrière ce piège, il y a aussi une donne qui a changé au Moyen-Orient dans la question palestinienne.
06:08 Cette donne, elle est profondément différente.
06:10 La cause palestinienne, c'était une cause politique et laïque.
06:14 Aujourd'hui, nous sommes devant une cause islamiste menée par le Hamas.
06:18 Vous êtes devant des gens qui se battent pour une « religion ».
06:22 Et évidemment, ce type de cause est absolu et ne permet aucune forme de négociation.
06:29 Du côté israélien, il y a eu aussi une évolution.
06:32 Le sionisme, il a été laïque et politique, porté par Theodor Herzl à la fin du XIXe siècle.
06:38 Il est devenu aujourd'hui, très largement, messianique biblique.
06:42 C'est-à-dire que là aussi, on ne veut pas transiger.
06:45 Et tout ce que porte le gouvernement d'extrême droite israélien,
06:50 continuant d'encourager la colonisation, évidemment, n'arrange rien, y compris depuis le 7 octobre.
06:56 Donc, dans ce contexte, mesurons que nous sommes déjà, dans cette région, devant un problème qui paraît profondément insoluble.
07:03 À cela s'ajoute le durcissement des États sur le plan diplomatique.
07:07 Ce qui est en train de se passer, regardez les déclarations du roi de Jordanie.
07:10 Ce ne sont pas les mêmes qu'il y a six mois.
07:13 Regardons les déclarations d'Erdogan en Turquie.
07:17 Précisément, ce sont des déclarations extrêmement dures.
07:20 Extrêmement inquiétantes. Pourquoi ?
07:22 Parce que si la cause palestinienne, la question palestinienne, n'a pas été mise sur le devant de la table,
07:28 n'a pas été mise sur la scène, et si la plupart des jeunes aujourd'hui en Europe,
07:33 dont nous avons souvent jamais entendu parler,
07:35 elle reste, pour les peuples arabes, la mer des batailles.
07:41 Mais simplement, si on reprend, ne serait-ce qu'il y a trois semaines en arrière,
07:45 juste avant cette journée abominable du 7 octobre,
07:50 vous dites aujourd'hui, en effet, quand on regarde par exemple le président turc,
07:53 qu'il a déclaré hier, c'est à cela que vous faisiez référence,
07:55 le Hamas n'est pas un groupe terroriste, c'est un groupe de libérateurs,
07:58 de libérateurs et de boudjaïdines,
08:00 qui protège leur terre, alors qu'il y a encore trois semaines,
08:04 on était dans ce rapprochement entre Israël et l'Arabie saoudite,
08:07 dans les accords d'Abraham.
08:10 Tout ça, c'est mort.
08:12 Tout ça, c'est pour ça que je vous dis, n'assassinons pas l'avenir.
08:15 Tout ça, du jour au lendemain, peut mourir.
08:17 C'est-à-dire que tout ce chemin qui a été fait
08:20 vers une tentative de stabilisation du Moyen-Orient,
08:23 où on a pu croire effectivement...
08:25 - Mais la faute à qui ? C'est là que j'ai un petit peu du mal à vous suivre.
08:27 - Mais madame Apolline de Malherbe, moi je suis, par formation, diplomate.
08:31 La question de la faute, elle sera traitée par les historiens,
08:34 et elle sera traitée par les philosophes.
08:35 - Mais vous ne pouvez pas rester comme ça, dans ce genre de neutralité, c'est difficile, c'est compliqué.
08:38 - Mais je ne suis pas dans la neutralité, je suis dans l'action.
08:40 Je vous dis simplement que chaque jour qui passe,
08:43 on peut faire en sorte que ce cycle est froyable.
08:45 C'est pour ça que je parle de piège.
08:47 Et c'est pour ça qu'il est si important de savoir quelle réponse on va donner.
08:50 Parce qu'avec ce durcissement et ce basculement,
08:54 il faut aussi constater que sur la scène internationale,
08:56 il n'y a plus aucun garde-fou.
08:57 C'est-à-dire que la crise qui se déroule aujourd'hui au Proche-Orient,
09:00 elle ne se passe pas comme les précédentes.
09:03 Ni la voix des États-Unis, ni la voix de l'ex-Union soviétique n'a le poids.
09:08 Personne ne contrôle ces États qui se sont...
09:10 - Et la France ? Le voyage d'Emmanuel Macron ?
09:12 - Pas pour modifier un scénario du pire qui se déroulerait.
09:17 Il est donc essentiel de comprendre que nous sommes aujourd'hui seuls face à l'histoire.
09:21 - Si je comprends bien le nom de l'Unipen...
09:23 - Et que le problème ne se pose pas seulement au Moyen-Orient.
09:25 Mais regardez les réactions en Indonésie, en Afrique, au Nigeria.
09:29 Tout ça forme un tout.
09:31 C'est le nouveau monde dans lequel nous sommes.
09:33 Et on ne traite pas ce nouveau monde,
09:35 sachant qu'aujourd'hui, nous ne sommes plus en position de force.
09:38 Nous ne sommes pas capables de gérer seuls en gendarmes du monde tout cela.
09:41 - Mais alors on fait quoi ?
09:43 - Qu'est-ce qu'il faut faire ?
09:45 Il est essentiel de ne se couper de personne sur la scène internationale.
09:49 Quand vous entendez M. Blinken dire qu'il faudrait que les Chinois puissent nous apporter leur concours,
09:53 quand vous voyez que c'est les Chinois qui ont fait en sorte d'améliorer la relation entre l'Arabie Séoudite et l'Iran,
09:59 vous voyez bien aujourd'hui qu'on a besoin de tout le monde.
10:01 - Y compris les Russes ?
10:03 - Tout le monde.
10:05 - Il faut aller demander de l'aide aux Russes ?
10:07 - Je ne dis pas qu'il faut aller demander de l'aide aux Russes.
10:09 Je dis que si les Russes peuvent apporter une contribution en faisant en sorte de calmer un certain nombre des factions de cette région,
10:15 eh bien cela ira dans le bon sens.
10:17 Et c'est pour cela que je vous dis que l'Occident ne se replie pas sur elle-même.
10:21 Ouvrons-nous au monde et travaillons avec tout le monde.
10:24 Donc une réponse proportionnée.
10:26 Ça veut dire quoi ?
10:28 - Mais comment on fait pour être proportionné par rapport à la barbarie ?
10:30 Ce n'est plus armé contre armé.
10:32 - Mais enfin écoutez Mme Apollinaire de Malherbe,
10:34 les populations civiles qui sont en train de mourir à Gaza,
10:36 elles n'existent pas.
10:38 Parce que l'horreur a été commise, il faut que l'horreur soit commise de l'autre côté.
10:42 - Bien sûr que si. Je vous parle simplement d'un basculement.
10:44 Et vous l'avez vous-même dit, on a basculé dans un repère émotionnel qui dépasse totalement l'entendement.
10:52 - Mais c'est vous qui le faites.
10:56 Moi je ne vous dis pas que je renvoie dos à dos les fautes.
11:02 - Un peu quand même.
11:03 - Non pas du tout.
11:05 - Je vous dis que j'essaie de prendre en compte ce que pense une grande partie de l'humanité.
11:09 Et la majeure partie de l'humanité aujourd'hui.
11:11 - Mais ce que vous pensez comme cette partie de l'humanité ?
11:13 Vous pensez comme quel côté de l'humanité ?
11:15 - Moi je suis français, je pense comme un diplomate français,
11:17 avec le souci de quoi ?
11:19 Et c'est pour ça que nous mettons en avant une politique d'équilibre.
11:21 Avec le souci de faire en sorte que nous puissions réparer,
11:23 que nous puissions faire en sorte que les choses aillent mieux.
11:25 C'est pour ça que je vous dis, une réponse proportionnée.
11:27 C'est-à-dire qu'ils prennent en compte qu'il y a certes un objectif à mener,
11:31 et qui est réaliste, de faire en sorte d'éradiquer les dirigeants du Hamas,
11:36 de ceux qui ont commis cette horreur-là.
11:38 Et de ne pas confondre les Palestiniens avec le Hamas.
11:41 Ça c'est un objectif réaliste.
11:43 - Ça passe par quoi ?
11:45 - Une réponse mesurée qui soit attentive à ne pas éviter les souffrances des populations civiles d'aujourd'hui.
11:51 - C'est quoi une réponse mesurée ?
11:53 - Quand vous voyez qu'il y a quelques dizaines de camions qui sont passés,
11:57 qu'il faut 100 camions par jour pour arriver à nourrir cette population de Gaza,
12:00 prenons en compte cela.
12:01 La deuxième chose donc, une réponse ciblée, qu'on définit des objectifs politiques réalistes.
12:06 Et la troisième chose, c'est une réponse couplée.
12:08 Parce qu'il n'y a pas d'usage de la force efficace sans stratégie politique.
12:14 Et la stratégie politique, elle est incontournable.
12:16 - Et on négocie avec qui ? On parle avec qui ?
12:18 - Alors je reviens sur cet aspect d'usage de la force.
12:20 Parce qu'il y a le sentiment, chez les Américains et peut-être aussi en Europe,
12:23 qu'Israël peut régler le problème tout seul.
12:27 Je dis simplement que nous ne sommes pas en 1973 ou en 1967.
12:33 Il y a des choses qu'aucune armée au monde ne sait faire.
12:36 C'est gagner dans un combat asymétrique contre les terroristes.
12:40 La guerre contre le terrorisme n'a jamais été gagnée nulle part.
12:44 Et elle enclenche au contraire des méfaits et des cycles et des engrenages extrêmement dramatiques.
12:49 C'est pour ça qu'Israël doit prendre en compte sa propre expérience.
12:54 Joe Biden a eu raison de dire "Regardez ce que nous avons fait".
12:56 - Comment combat le terrorisme ?
12:58 - Si l'Amérique a perdu en Afghanistan, si l'Amérique a perdu en Irak,
13:03 si nous avons perdu au Sahel, parce qu'à force de ne pas reconnaître la réalité des choses,
13:10 nous sommes entraînés.
13:11 C'est parce que c'est un combat qui ne se mène pas de façon simple
13:15 et que ce n'est pas avec un marteau qu'on frappe sur un clou et le problème est réglé.
13:18 Et donc, il faut arriver à mobiliser la communauté internationale,
13:23 sortir de cet enfermement occidental dans lequel nous sommes.
13:26 - Mais quand Emmanuel Macron dit justement, et il parle d'une coalition internationale...
13:29 - Oui, quelle a été la réponse ?
13:31 - Aucune.
13:32 - Bon, voilà.
13:34 - C'était peut-être une tentative...
13:36 - La France ne va pas s'engager militairement sur le terrain,
13:40 d'abord parce que personne ne le souhaite,
13:42 que pour la partie d'usage de la force, les Israéliens sont parfaitement assez grands pour le faire,
13:46 à condition de l'utiliser de façon efficace, mesurée et proportionnée.
13:51 - Je comprends bien vos entendances.
13:53 - Donc cette proposition ne correspond pas aux besoins de la situation.
13:56 Par contre, il faut une perspective politique.
13:59 Et là, c'est difficile parce que la solution à deux États,
14:02 elle est sortie du logiciel politique et diplomatique israélien
14:05 et que, comme vous le dites très bien, dans le contexte d'aujourd'hui,
14:09 ça apparaît quelque peu irénique de dire "on va essayer diplomatiquement de gérer les choses".
14:15 Donc il faut qu'Israël comprenne que pour un pays qui a un territoire de 20 000 m²,
14:22 qui a une population de 9 millions d'habitants
14:25 et que vous faites face à 1,5 milliard de personnes,
14:29 et une fois de plus, on est trompé par le silence des États arabes et musulmans des dernières années.
14:36 Mais les peuples n'ont jamais oublié que la cause palestinienne
14:40 et l'injustice qui est faite aux Palestiniens
14:42 étaient une source de mobilisation considérable.
14:44 Prenons en compte cette situation,
14:46 et je crois qu'il est essentiel d'aider Israël, d'accompagner.
14:49 Certains parlent d'imposer, je crois qu'il vaut mieux convaincre,
14:53 d'avancer dans cette voie-là.
14:55 La difficulté, c'est qu'il n'y a pas d'interlocuteurs aujourd'hui,
14:57 ni du côté israélien, ni du côté palestinien.
14:59 Il faut faire émerger des interlocuteurs.
15:01 Alors évidemment, beaucoup de ces interlocuteurs...
15:03 Mais quand on voit par exemple, Emmanuel Macron a été reçu par Mahmoud Abbas...
15:07 Oui, mais Mahmoud Abbas, il n'a pas été élu depuis des années...
15:10 Ce n'est pas à nous de choisir, ce n'est pas à vous de le dire,
15:13 ce n'est pas à nous de choisir qui vont être les dirigeants de la Palestine.
15:15 La politique israélienne n'a pas forcément voulu, au cours des dernières années,
15:18 faire émerger un leadership palestinien.
15:20 Beaucoup sont en prison, et l'intérêt d'Israël,
15:23 parce que je le redis, ce n'était pas dans le logiciel
15:25 et dans l'intérêt d'Israël à l'époque, pensait-il,
15:27 c'était au contraire de diviser les Palestiniens
15:29 et de faire en sorte que cette question palestinienne s'efface.
15:33 Eh bien, cette question palestinienne, et c'est ça qui est nouveau,
15:36 et c'est de là qu'il faut partir,
15:38 parce que nos yeux doivent être décillés,
15:40 cette question palestinienne, elle ne s'effacera pas.
15:44 Et donc, il faut la traiter, et il faut lui apporter une réponse.
15:48 Et c'est là où il faut du courage,
15:50 parce que ce que je veux dire, c'est que l'usage de la force est une impasse.
15:55 Et là où vous voulez me faire dire ce qui, aujourd'hui,
16:01 ne nous amène pas à avancer,
16:04 c'est-à-dire que la condamnation morale de ce qu'a fait le Hamas,
16:07 et il n'y a pas de "mais" dans ma bouche,
16:10 dans cette condamnation morale de cette horreur,
16:13 ne doit pas nous empêcher d'avancer politiquement et diplomatiquement de façon éclairée.
16:20 La loi du Talion est un engrenage sans issue.
16:25 Et c'est pour cela que la réponse politique doit être défendue par nous.
16:29 Je trouve intellectuellement très séduisant tout ce que vous dites.
16:35 On a tous à cœur d'imaginer un pays dans lequel on se parle,
16:39 on trouve des interlocuteurs crédibles,
16:42 où on arrive à se mettre autour d'une table,
16:44 où on fait le paysage de la force.
16:45 Vous me faites penser à ce film de Woody Allen,
16:47 où il arrive dans une soirée d'intellectuels,
16:50 et où il y en a un qui dit "regardez, vous avez vu cette tribune que j'ai écrite dans le New York Times
16:53 contre l'antisémitisme ?"
16:54 Et les autres se gargarisent et disent "oui, on a fait cette tribune, c'est magnifique".
16:57 Il y a Woody Allen qui arrive et qui dit "oui, sauf que face à l'antisémitisme,
17:00 je n'ai jamais rien vu d'aussi efficace qu'une batte de baseball".
17:02 Est-ce qu'il n'y a pas un moment où les mots ne suffisent plus ?
17:05 Oui, mais il se trouve en l'occurrence que la réponse de Woody Allen n'est pas la bonne,
17:09 et nous en avons la preuve tous les jours.
17:11 Parce que le bat de baseball, il ne vous explique pas pourquoi,
17:14 depuis le 7 octobre, en deux semaines, il y a eu 500 actes antisémites.
17:18 Et donc, la responsabilité du politique, c'est d'être plus fort que la facilité.
17:24 Mais est-ce qu'il est possible de ne pas du tout répondre ?
17:29 Je ne vous dis pas qu'il ne faut pas répondre.
17:33 D'ailleurs, Israël répond tous les jours.
17:35 Est-ce qu'ils sont légitimes à ce débat aujourd'hui ?
17:39 Je l'ai réaffirmé.
17:41 Une fois de plus, ne mélangeons pas tout.
17:44 Il y a un droit légitime à répondre, il y a un droit de légitime défense d'Israël.
17:49 Mais ce droit ne peut pas être une vengeance indiscriminée.
17:53 Et il ne peut y avoir de responsabilité collective du peuple palestinien
17:57 pour les actions d'une minorité terroriste du Hamas.
18:02 Et c'est pour ça qu'il faut avancer.
18:04 Il faut donc trouver un cible et le Hamas.
18:06 Mais c'est pour ça que je vous le redis, la voie est étroite.
18:08 Je ne renvoie personne dos à dos.
18:10 Je prends la mesure de la catastrophe qui s'est passée.
18:13 Mais quand vous rentrez dans ce cycle qui consiste à rechercher les fautes,
18:18 la mémoire des uns s'oppose à la mémoire des autres.
18:21 Et certains opposeront à la mémoire d'Israël,
18:24 la mémoire de l'Anakba, de la catastrophe de 1948,
18:28 qui est une catastrophe que les palestiniens vivent encore tous les jours.
18:31 Donc vous ne sortez pas de ce cycle.
18:34 Et c'est pour ça que je vous le dis.
18:35 Et c'est le point de départ de tout.
18:37 Sortons du cycle de la vengeance.
18:40 Emmanuel Macron revient, si j'ai bien compris, à ses bredouilles de ce voyage.
18:45 Qu'aurait-il dû dire ?
18:48 Qu'aurait-il fallu trouver comme solution ?
18:51 Je crois que le plus gros travail aujourd'hui,
18:56 c'est celui qui consiste pour les pays européens, les États-Unis,
19:03 à aider Israël à avancer au-delà de cette réponse militaire.
19:12 Qui n'est pas une réponse, et ce n'est pas facile,
19:14 parce que le leadership israélien, une grande partie du gouvernement israélien,
19:17 est menacé par la commission d'enquête qui va se mettre en place.
19:20 Et heureusement qu'il y a cette commission d'enquête, j'imagine.
19:23 Ce n'est pas très facile quand vous êtes un leader israélien aujourd'hui
19:26 d'avoir la sérénité pour prendre des décisions justes.
19:28 Vous n'avez qu'une idée.
19:29 Faudrait-il d'ailleurs qu'il démissionne ? Faudrait-il ?
19:32 Mais ce n'est pas à moi de le dire.
19:35 Mais ce n'est pas facile de prendre des décisions stratégiques dans ce contexte-là.
19:40 C'est plus facile de s'en remettre au tout militaire.
19:44 Mais une fois de plus, je le dis, ce n'est pas la réponse.
19:46 Donc nous devons avoir la force, bien sûr, de comprendre et de dénoncer ce qui s'est passé.
19:52 Et de ce point de vue-là, il n'y a pas de doute sur la position qui est la nôtre.
19:55 Mais nous devons avoir le courage.
19:57 Mais c'est ça la diplomatie.
19:58 La diplomatie, c'est d'être capable, au fond du tunnel, d'imaginer qu'une lumière est possible.
20:05 Et c'est ça la ruse de l'histoire.
20:07 C'est que parfois, quand on est au fond du gouffre, et j'ai parlé de gouffre,
20:10 quand on est au fond du gouffre, il y a quelque chose qui se passe,
20:13 qui peut permettre d'espérer.
20:15 Après la guerre de 73, qui eut pensé qu'avant même la fin de la décennie,
20:20 l'Égypte signerait un traité de paix avec Israël ?
20:24 Vous savez ce que je voudrais ?
20:26 C'est que ce que je vous dis aujourd'hui puisse être partagé par plus de gens.
20:31 Parce que si nous étions plus nombreux à y croire,
20:33 et à sortir de ce renvoi de fautes et de responsabilités,
20:37 qui ne nous fera pas avancer,
20:39 moi ce que je vous dis, c'est que le débat ne doit pas se situer aujourd'hui,
20:42 ni sur le plan rhétorique, ni sur le choix des mots.
20:45 Le débat aujourd'hui, bien sûr il faut le faire,
20:47 mais le débat aujourd'hui c'est l'action.
20:49 Il faut agir.
20:50 Et quand vous réfléchissez sur l'action, il y a deux possibilités.
20:53 Soit c'est la guerre, la guerre, la guerre.
20:55 Soit c'est essayer d'avancer dans la paix.
20:58 Et je le redis, c'est l'intérêt d'Israël.
21:01 C'est l'intérêt d'Israël.
21:03 Et tenter donc de ne pas tomber dans le piège,
21:05 comme vous le dites, le triple piège, lancé par le Hamas.
21:07 Merci Dominique de Villepin d'être venu ce matin.
21:09 matin il est 8h53 sur RMC BFMTV.