Sahel / Macronie : Après moi, le déluge ?

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00:00Bonjour tout le monde et bienvenue à ODC TV.
00:06Aujourd'hui, nous allons aborder la question de l'instabilité dans la région du Sahel
00:11et plus largement en Afrique et la perte d'influence de la Macronie pour ne pas dire la France
00:16car il s'agit de distinguer les deux dans différentes régions d'Afrique.
00:19Pour en parler, nous avons un invité de marque que vous connaissez tous, Bernard Lugand.
00:24Bonjour.
00:25Bonjour.
00:26Merci d'avoir accepté une deuxième fois notre invitation et de nous avoir fait l'honneur
00:29et le plaisir d'être là avec vous.
00:31Le plaisir est partagé.
00:32Alors, première question.
00:34Peut-on faire un bref bilan en mettant en avant les facteurs à l'origine de la vague
00:40de coups d'État et d'instabilité que l'on voit et de guerres, de conflits, on parle
00:44du Soudan, de l'Afrique de l'Afrique, de l'Afrique centrafricaine, le Mali, le Burkina,
00:49le Niger, peut-être prochainement le Tchad ? Est-ce qu'il y a une cohérence globale
00:53à trouver là-dedans ?
00:54Du côté français, il y a une cohérence globale qui est la disparition du vieux personnel
01:03diplomatique qui connaissait l'Afrique.
01:06Parce que jusque dans les années 70-80, il y avait encore les héritiers de la France
01:13d'outre-mer, etc., qui finissaient leur carrière et qui avaient eu le temps quand même de former
01:18quelques successeurs, ce qui fait que nous avions des gens qui connaissaient les Afriques,
01:22parce que l'Afrique n'existe pas, il faut parler des Afriques, qui connaissaient les
01:24Afriques.
01:25Et à partir des années, disons, 90-2000, de toutes autres équipes sont arrivées au
01:32pouvoir, qui sont des équipes sorties généralement de Sciences Po et de l'ENA, ce n'est pas
01:37la même chose, même filiation, et qui avaient une vision non plus de terrain, mais qui avaient
01:43une vision idéologique, projetant leur prisme idéologique sur des réalités africaines.
01:49Alors ceci fait que ça ne s'est pas vu tout de suite, parce qu'il y a eu la force d'entraînement
01:54des anciennes habitudes et il y a eu finalement la rupture.
01:57Et l'élément déclencheur, à mon avis, ça a été l'affaire de Libye.
02:01L'affaire de Libye parce qu'avec l'affaire de Libye, la boîte de Pandore était ouverte.
02:07Et tous les conflits successifs sont nés d'une manière directe ou indirecte, mais
02:14dans tous les cas avec un lien au sujet de ce qui s'est passé en Libye.
02:18Alors on pourra en revenir tout à l'heure et essayer de montrer comment.
02:20À cela s'est ajoutée une profonde méconnaissance des comportements que l'on doit avoir lorsqu'on
02:31approche le continent africain de la présidence française avec Emmanuel Macron.
02:38Disons que c'est encore plus catastrophique qu'à l'époque de François Hollande, parce
02:44que François Hollande certes avait un certain nombre de tropismes négatifs, mais il avait
02:51tout de même un certain sens de l'État que n'a pas dans son expression le président
02:59actuel.
03:00Ce qui a heurté énormément de susceptibilité en Afrique.
03:04Je ne rentrerai pas dans les détails son comportement au Niger lorsqu'il s'est moqué du président
03:10à propos de la panne électrique.
03:12On dirait que Sarkozy avait assez fort lui aussi de son côté lorsqu'il avait fait son
03:16discours de Dakar.
03:17Tout a commencé dans ces périodes, dans ces décennies-là, avec des gens ou incompétents
03:24ou arrogants, suffisants et qui ont projeté soit leur prisme libéral dans le cadre de
03:33Sarkozy, soit leur prisme idéologique dans le cadre de, j'allais dire de mauvaise éducation.
03:42Et là c'est ce qu'il y a de plus grave.
03:44Donc il y a cette mentalité start-up avec toute la vulgarité qui va avec et…
03:48Je crois que vous avez bien résumé ça, mentalité start-up par rapport, quand vous voyez par
03:53exemple des diplomates en ancienne école, qui ne sont pas du tout des gens de Montbord,
03:58mais c'était de grands diplomates, quand vous voyez toute la diplomatie à l'époque
04:04de Mitterrand, des gens comme Roland Dumas, Roland Dumas il a tous les défauts qu'il
04:10peut avoir, mais c'est un grand diplomate, c'est un homme qui avait des usages, qui
04:14savait que avec un Roland Dumas, l'on n'aurait pas vu la déclaration totalement surréaliste
04:21du président Macron au moment du tremblement d'air au Maroc.
04:24Sur Twitter quand même, il faut voir la mentalité du gars, il a fait une vidéo sur Twitter
04:30pour s'adresser directement aux Marocains, on a giolé toutes les règles, tous les protocoles imaginables.
04:35Nous sommes loin de Talleyrand.
04:36On est d'accord, même si Napoléon a dit un certain nombre de trucs sur Talleyrand.
04:41Mais on est d'accord, on est loin de la classe de Talleyrand et du génie de Talleyrand.
04:44Et donc ça se prolonge, ce niveau diplomatique élevé qu'avait la France jusqu'à De Villepin, on dira là.
04:49N'oublions pas, et ceci est important, que jusque dans les années 1920-1930,
04:57le langage diplomatique était le français.
05:00Et les usages diplomatiques étaient les usages qui avaient été inspirés par la France.
05:07Et là il y a eu cette perte totale, aujourd'hui c'est totalement fini, ça n'existe plus.
05:12Il y aura de moins en moins, puisque le président Macron a supprimé les grands centres de la diplomatie française,
05:22a supprimé l'école d'Orient, a supprimé ces formations qui étaient quand même d'excellence,
05:29où nous avions des diplomates qui parlaient les langues du pays, qui avaient étudié les langues du pays, c'est terminé.
05:35Maintenant tout est interchangeable, dans l'universalisme tout est interchangeable, la start-up peut être créée n'importe où.
05:41Donc on ne tient pas compte de la tradition, on ne tient pas compte des religions, on ne tient pas compte des racines,
05:49on ne tient pas compte du bedrock, comme disent les anglo-saxons, de la roche en place.
05:55Tout est fragile, tout peut être reconstruit, tout peut être transplanté.
06:00C'est la start-up.
06:01C'est le frivole qui prend le dossier sur le sérieux.
06:04Et d'ailleurs il y a la chute qualitative du niveau diplomatique français,
06:07dû à ce changement d'élite, enfin élite au sens littéral du terme, pas au sens profond du terme.
06:12Mais il y a également la dimension idéologique, parce que le déni du terrain dont vous parlez,
06:16c'est également le fait de nier l'existence des ethnies, des rivalités ethniques, des fractures ethniques dont vous parlez,
06:22que vous abordez dans quasiment tous vos livres, et qui donnent lieu au fait à une incompréhension.
06:27Parce qu'on a l'université française, qui a été dominée par les communistes à un certain moment,
06:31et qui, par un mouvement d'inertie, continue d'entretenir cette négation de la réalité ethnique de plusieurs régions d'Afrique.
06:38Peut-on dire que par écho, et qu'il y a une dynamique de conséquence qui fait que la diplomatie n'a plus de fondement universitaire pour comprendre l'Afrique ?
06:48Oui. J'irais même plus loin.
06:50Je dirais que nous sommes là dans la fin d'un processus que nous avons très bien connu en France, dans les années 1895-1905,
07:03quand il y a eu la grande opposition, quand la question coloniale s'est posée,
07:08et qu'il y a eu la grande opposition entre les universalistes et les ethno-différentialistes.
07:13Parce que la colonisation s'est faite. Ces deux courants sont partis dans la colonisation, mais avec deux a priori totalement différents.
07:21D'un côté, Jules Ferry et ses héritiers, jusqu'à Léon Blum, etc., parlaient d'une hiérarchie des civilisations.
07:28Ils parlaient d'une hiérarchie des races et des civilisations.
07:31Et parlant d'une hiérarchie, ils parlaient de races supérieures et de races inférieures.
07:36Là c'est la gauche.
07:37C'est la gauche. C'est lié de gauche.
07:38Et là vous aviez la droite légitimiste en face, qui également est partie dans l'affaire coloniale.
07:44Mais en partant d'une autre idée, c'est la phrase de Lyoté, qui répondait à je ne sais plus quel ministre socialiste,
07:51il dit mais non, les Africains ne sont pas inférieurs, ils sont autres.
07:56L'ethno-différentialisme est autre.
07:58Alors quand on est autre, on ne peut pas appliquer les schémas universalistes, idéologiques,
08:04qui sont ceux des uns, qu'on va appliquer aux autres.
08:07Autrement, là c'est la colonisation, dans l'acculturation, dans ce qu'elle a de plus insupportable,
08:13dans la mesure où on veut changer l'homme.
08:15Jamais les Anglais n'ont fait ça.
08:17Les Anglais sont partis par pur impérialisme, par pur intérêt économique ou militaire,
08:25mais ils ont, du jour au lendemain, changé de politique.
08:28Quand leurs intérêts n'étaient plus présents, ils ont changé de politique.
08:31Tandis que, et là on en revient à la politique française en Afrique,
08:34tandis que la France donne l'indépendance, mais en étant présente par la coopération.
08:40Jamais les Britanniques n'ont parlé de coopération.
08:43Coopération et développement, ça veut dire transmission de modèles,
08:51qui sont les modèles des anciens colonisateurs.
08:53Ce fait qu'il n'y a pas d'indépendance, il n'y a pas de décolonisation,
08:56il y a l'acculturation qui continue.
08:58Et ça c'est fondamental.
09:00Pour le système français, je l'ai bien étudié dans mes publications,
09:04prenons le politique, parlons du juridique.
09:08Au lendemain des indépendances, les personnels français qui s'occupaient de la coopération
09:14étaient les anciens personnels coloniaux.
09:17Donc ils connaissaient bien l'Afrique.
09:19Et qui ont dit, voilà, ce sont des états artificiels qui sont créés,
09:23donc ces états artificiels sont créés, il faut tout mettre dans la création véritablement de l'État.
09:30De l'État, au sens, j'allais dire, colbertien du terme.
09:33Et pour cela, le parti unique n'est pas une mauvaise chose.
09:38Parce que le parti unique, ce qu'on appelle le raccourci autoritaire,
09:42le parti unique va permettre d'engerber les forces de dissociation.
09:46Tandis que la démocratie va multiplier les forces de dissociation.
09:50Donc les forces de dissociation, qui sont les forces ethniques, réelles,
09:54vont être engerbées au sein du parti unique.
09:57Effectivement, avec une inégalité, mais l'égalité n'existe pas dans la nature.
10:01Mais elles vont être engerbées à l'intérieur du parti unique.
10:05Ce qui fait que de 1960 à 1990, en Afrique francophone,
10:10car vous noterez que les problèmes se posent en Afrique francophone.
10:13Même en termes de dynamique économique, l'Afrique anglophone est beaucoup plus dynamique.
10:17Donc, pendant 30 ans, de 1960 à 1990,
10:21toute la coopération française a été dans le sens du renforcement de l'État.
10:25Or, Mitterrand arrive au pouvoir, et Mitterrand,
10:29pourtant Mitterrand connaissait l'Afrique, puisqu'il avait été ministre de l'Outre-mer, etc.
10:33Et Mitterrand va plaquer l'idéologie sur le réel.
10:37En disant, voilà, si l'Afrique ne s'est pas développée,
10:41si l'Afrique va mal, c'est parce qu'il n'y a pas de consensus,
10:45et c'est parce qu'il n'y a pas de démocratie. Donc, on va renverser le problème.
10:48On va supprimer le parti unique, et on va, au contraire,
10:52laisser en place ou créer le multipartisme.
10:56Anarchie partout, car le multipartisme a créé
11:00le fractionnement, car le multipartisme a réveillé
11:04l'ethnisme, mais plus grave, parce que l'ethnisme n'est pas un facteur
11:08de division. L'ethnisme est un facteur de cohésion à l'intérieur
11:12de grands groupes sociaux. Elle va réveiller
11:16le tribalisme, parce que l'ethnie englobe les tribus.
11:20Mais quand on arrive au niveau du tribalisme ou du clanisme,
11:24c'est l'anarchie la plus totale. L'exemple du Rwanda. Parce que le Rwanda
11:28va réveiller non seulement l'opposition Hutu-Tutsi,
11:32mais va réveiller l'opposition inter-Hutu, c'est-à-dire...
11:35Oui, parce qu'il y a eu plusieurs centaines de milliers d'Hutus
11:37qui ont été ensacrés par d'autres Hutus.
11:39Oui, parce qu'il va y avoir l'opposition entre les Hutus du Nord, grosso modo,
11:42pour résumer, les Hutus du Nord et les Hutus du Sud.
11:45Les Hutus du Nord vont être au pouvoir, et les Hutus du Sud,
11:49pour prendre le pouvoir sur les Hutus du Nord, vont s'allier aux Tutsis.
11:53Donc, ce que la presse, dans sa nullité d'analyse, a appelé les Hutus modérés.
11:59Non, les Hutus modérés, c'est les Hutus du Sud qui vont s'allier aux Tutsis
12:03pour renverser les Hutus du Nord. Je ne vois pas où est le modéré,
12:05où est l'extrémiste, là-dedans.
12:07Donc, la démocratie, ça, on le retrouve complètement dans la vie française.
12:12Donc, après le discours de Labeau, le 90, 1990, nous voyons immédiatement
12:16des conférences nationales se mettre en place, et l'anarchie.
12:19Alors, le Zahir, tous les pays d'Afrique francophone qui vont connaître
12:25des coups d'État, militaires, etc.
12:27Et là, il y a véritablement le péché originel qui est commis à ce moment-là.
12:35D'accord, donc on a la dimension idéologique qui fait que la France va plaquer,
12:38pas uniquement, enfin globalement la France, mais pas uniquement,
12:40parce que même la Belgique, Rwanda...
12:43Le problème de la Belgique, c'est autre chose, c'est auparavant que ça s'est passé.
12:46Le problème de la Belgique, c'est au moment de l'indépendance.
12:48L'énorme responsabilité de la Belgique, la Belgique a très mal décolonisé.
12:54Très très mal décolonisé.
12:56Parce que la Belgique a décolonisé le Congo, le Zahir, dans la panique,
13:01alors qu'il n'y avait rien.
13:02Il y a eu une émeute à Léopoldville, mais c'était rien du tout par rapport
13:06aux émeutes qu'on a pu avoir dans l'Empire français.
13:08Mais les Belges ont paniqué.
13:09Ils ont paniqué, et alors qu'ils avaient, pendant des années,
13:12essayé de mettre des cadres fédéraux, et là c'était intelligent,
13:18ils ont paniqué, et sous la pression du Bloc de l'Est
13:23et de l'opinion des pays de l'Est, ils ont remis le pouvoir à un jacobin,
13:28à Lumumba.
13:29Alors pourquoi Lumumba était-il jacobin ?
13:33Parce que Lumumba appartenait à l'ethnie des Tétélas.
13:37Et l'ethnie des Tétélas est une ethnie qui avait été l'ethnie, comment dirais-je,
13:42associée à la colonisation belge.
13:44Ce sont les Tétélas qui donnaient les cadres, qui donnaient les soldats,
13:47qui donnaient...
13:48Ce qui fait que les Tétélas étaient...
13:50La Belgique avait essémé les Tétélas dans toute la Belgique, dans tout le Congo.
13:55Donc tous les autres partis politiques étaient des partis ethnocentrés
13:59et régionalement centrés, tandis que les Tétélas, qui eux,
14:02étaient une ethnie relativement peu importante,
14:05étaient les seuls à avoir un maillage national.
14:08Donc les Tétélas, donc Lumumba, a défendu l'idée du Congo unitaire,
14:13ce qui était une aberration complète.
14:15Ce qui fait que la Belgique a paniqué, a cédé devant celui qui criait le plus fort,
14:20c'était Lumumba, qui était soutenu par le Bloc soviétique,
14:24qui était soutenu par ceux qu'on appelle les non-alignés,
14:26qui était soutenu par tous ce courant-là,
14:28et les Belges ont laissé le pouvoir.
14:30Donc il y a eu la guerre immédiatement, parce que les forces périphériques,
14:33le Katanga, etc., ont refusé donc l'anarchie complète.
14:37Première erreur pour le Congo.
14:39Alors pour le Rwanda, les Belges...
14:41— Pareil, ils s'étaient appuyés sur les Hutus pour dominer les Hutus.
14:44— Pour le Rwanda, les Belges...
14:49La guerre froide.
14:50Quand les Belges et l'Église catholique ont décidé de passer aux plus nombreux,
14:55c'est-à-dire aux Hutus, c'est-à-dire trahir le pacte qui avait été signé,
14:59le pacte moral qui avait été signé entre l'Église catholique, la Belgique,
15:04et le Muami, le Rwanda.
15:06C'est-à-dire, nous nous convertissons.
15:08Nous, toutes-ci.
15:09Nous acceptons le pouvoir colonial,
15:12mais en échange, vous nous maintenez dans notre système de domination des Hutus.
15:16Oui.
15:17Jusqu'au lendemain de 1945,
15:19où quand l'idéologie de la démocratie chrétienne universelle prend le pouvoir,
15:23il faut passer aux plus nombreux.
15:25C'est pas moral qu'une minorité féodale tienne 90% de la population.
15:29Donc, l'Église catholique et la Belgique vont commencer à approprier
15:33une véritable subversion du pouvoir monarchique, toutes-ci.
15:36Et les toutes-ci vont croire intelligents
15:40de réagir en s'appuyant sur le bloc de l'Est.
15:43Et les toutes-ci vont dire, c'est comme ça, nous allons nous appuyer sur les soviétiques.
15:47Donc, les féodaux monarchistes s'appuient sur les soviétiques.
15:50Ce qui fait que la démocratie chrétienne européenne,
15:53en pleine guerre froide, va dire, regardez, les toutes-ci sont des pro-communistes.
15:57Et si le pouvoir est donné aux toutes-ci, nous allons avoir des bases russes
16:01au centre de l'Afrique. Donc, il faut renverser la monarchie toutes-ci.
16:04Donc, la monarchie toutes-ci va être renversée par un coup d'État
16:07qui va être fait par l'Église catholique et par la démocratie chrétienne belge
16:11au nom de l'anticommunisme. C'est quand même extraordinaire.
16:13Alors, au départ, mouvement au nom de la démocratie.
16:16Et là-dessus vient s'ajouter le phénomène guerre froide.
16:19C'est vrai que je dis souvent, l'Afrique n'est pas indépendante
16:22depuis qu'elle est indépendante. L'Afrique commence à être indépendante
16:25depuis la fin des blocs. Parce qu'elle n'est plus obligée de jouer le jeu
16:29d'un camp ou d'un autre. Elle peut jouer son propre jeu maintenant,
16:32ce que nous voyons tous les jours. Donc, voilà pour la Belgique.
16:36Oui, mais en fait, j'imagine que cette erreur n'est pas propre à la Belgique.
16:40Parce que si on veut revenir aux facteurs d'instabilité,
16:42notamment dans la région du Sahel, on peut évoquer le fait que la France,
16:46dans sa conquête de ce qui va devenir le Mali, s'est appuyée,
16:50dans un premier temps, sur les Touaregs, pour conquérir le Sud,
16:53Sanghaï, etc., pour les lâcher après. Et les abandonner dans un pays unitaire
16:58où les Touaregs vont se retrouver minoritaires.
17:00Ça ne s'est pas passé exactement comme ça. La France a commencé par combattre les Touaregs.
17:04Avec les Bano-Soleimans, je crois.
17:06Avec les bombardements. La situation était claire.
17:09La France arrive, dans les années 1892-1896, dans un contexte de totale anarchie de la région.
17:17Nous sommes à la fin de l'expansion des grands royaumes Peul, El Hadj Omar, etc.
17:21Et au même moment, comme il n'y a plus d'entiers...
17:23Le grand royaume Bambara, qui a été détruit par l'expansionnisme de Peul, d'El Hadj Omar
17:30et de ses successeurs, fait qu'il n'y a plus d'État noir, sédentaire, fort.
17:37Ce qui fait qu'il y a un grand vide, et les Touaregs du Nord s'abattent sur le fleuve Niger,
17:42s'abattent sur la région.
17:43Donc, un double mouvement de prédation.
17:45Touaregs au Nord, et mouvement des Peuls au centre et au sud.
17:49La France arrive là, au milieu, par le fleuve Niger,
17:52et la France va combattre les uns et les autres.
17:55Et dans un premier temps, la France va combattre les Touaregs,
17:57et va combattre les entités, entre guillemets, jihadistes.
18:01Le jihadisme est le cache-sexe de l'expansionnisme Peul, à l'époque.
18:05Et la France va passer un pacte avec les Touaregs.
18:08Parce que la conquête Touareg va être la dernière conquête coloniale française.
18:13Les derniers Rizou-Touaregs se font dans les années 1923-1924.
18:19Donc, on ne peut pas dire que la France s'est appuyée sur les Touaregs.
18:22La France s'est appuyée sur les Chambas, qui sont des Arabes.
18:27Sur les Chambas, qui sont des Arabes sahariens,
18:30contre leurs ennemis héréditaires, qui sont les Touaregs.
18:33Parce que quand on voit les poupées françaises, les Méharis, etc.,
18:38ce sont des Chambas, ce ne sont pas les Touaregs.
18:40Les Touaregs vont être recrutés beaucoup plus tard dans l'armée française.
18:44– Mais ils vont l'être quand même, vers la fin.
18:46– Ils vont l'être.
18:47Et alors, ce qui va se passer, c'est qu'au moment de l'indépendance,
18:50dans les années qui vont précéder l'indépendance,
18:52les Touaregs ont bien compris que Sainte-Édémence va se faire contre eux,
18:57au profit des populations du Sud.
18:59Et les Touaregs vont intervenir auprès de De Gaulle,
19:02en disant, écoutez, on ne peut pas, il faut nous séparer de ces pays, etc.
19:07Bon, ça ne se fait pas.
19:08Et la France va laisser l'indépendance à des pays qui sont totalement artificiels,
19:15et qui vont regrouper dans les mêmes territoires,
19:18à la fois les anciens prédateurs et les anciennes victimes.
19:21C'est exactement comme si vous prenez une grande cage,
19:24vous mettez les poules et les renards dans la même cage.
19:26À la différence qu'eux, les anciens prédateurs vont se retrouver minoritaires.
19:29Les anciens prédateurs sont minoritaires.
19:31Les anciennes victimes vont être majoritaires avec un État centralisé.
19:33Et comme vous avez la démocratie, donc la loi du nombre,
19:36qui l'emporte ? Les plus nombreux.
19:37Ce qui fait que les moins nombreux vont se soulever.
19:39Première guerre Touareg, 1963.
19:41Et il y aura six guerres Touareg.
19:43Et aujourd'hui, nous avons la septième, la nouvelle guerre Touareg,
19:47parce qu'il y avait eu les Touareg qui avaient cessé le combat
19:49avec le MNR et la CMA, il y a quelques années.
19:52Et là, depuis six mois, ça y est, les Touaregs sont repartis dans le combat.
19:57Et hier, j'ai appris par les nouvelles que j'ai reçues,
20:01Tombouctou étant cerclé, région de Ménaca, n'en parlons pas.
20:05L'armée malienne a subi défaites sur défaites.
20:08Wagner, bon, c'est pas son terrain.
20:12Et dans le nord du Mali, les Touaregs, également, prennent les armes.
20:17– Permettez-moi une question rapide.
20:19Est-ce que la France n'y est pas pour quelque chose
20:21par rapport à l'actuel rebellion Touareg ?
20:23– Ça, je ne sais pas.
20:25Pour dire, voilà, vous avez voulu que nous partions,
20:30mais voilà ce qu'il se passe quand on part.
20:32Je ne sais pas.
20:33– C'est peut-être une manière indirecte de rappeler…
20:35– Il est peut-être…
20:37Ça serait vraiment…
20:39– C'est trop génial pour Macron.
20:41– Ça serait trop subtil, à mon avis, pour prêter cette politique
20:45à ceux qui prétendent faire la politique française.
20:47Ça voudrait dire qu'ils auraient pris en compte les réalités ethniques
20:51qu'ils ont toujours niées depuis qu'ils sont au pouvoir.
20:54Non, il y a peut-être davantage, peut-être une influence algérienne.
20:59Voyant l'anarchie au sud, peut-être que les Algériens auraient pu penser
21:06qu'un tampon Touareg pourrait peut-être…
21:09Ce qui serait une vue à court terme.
21:11– D'éloigner un peu le cadre.
21:12– Oui, mais ce qui serait une vue à court terme.
21:14Parce que si jamais les Touaregs l'emportent,
21:17les Touaregs vont se séparer des États du sud.
21:19Et pour l'Algérie, c'est mortel.
21:21Parce que l'Algérie ne peut pas tolérer un État Touareg indépendant.
21:25Ce serait trop dangereux pour ses propres Touaregs.
21:27– D'ailleurs, il y a beaucoup de Touaregs qui,
21:29dans leur fantasme cartographique de la Savoie,
21:31englobent des régions totalement irréelles par rapport à leur réel…
21:34– Ah oui, bien sûr, bien sûr.
21:36Mais ça, les Algériens ne peuvent pas…
21:38Autant les Algériens ont toujours aidé les règlements de ces guerres Touareg,
21:44ont toujours aidé les Touaregs,
21:46mais toujours sous contrôle, avec les reines courtes.
21:48Jamais jusqu'à l'indépendance.
21:50C'est pas possible.
21:51Pour eux, c'est vital.
21:52Parce que l'essentiel des Touaregs vit en Algérie.
21:56La plus forte concentration numérique des Touaregs vit en Algérie.
22:00Donc, pour les Algériens, c'est…
22:02– C'est jouer avec le feu.
22:03– Oui, c'est pas possible.
22:04– D'ailleurs, on parle de la France comme facteur d'instabilité
22:06en raison des facteurs qu'on a évoqués.
22:08Mais qu'en est-il de l'Algérie ?
22:10Parce qu'on parle également des incointances avec Acme,
22:12avec…
22:13Moi-même, j'avais reçu des témoignages comme quoi M. Marlboro,
22:17comme on le surnomme, Morshal Abdel Morshal,
22:20n'a pas été appuyé par les renseignements algériens
22:22et qu'il avait un droit de passage dans toutes les frontières du Niger
22:24grâce à l'appui algérien.
22:25Est-ce que c'est toujours le cas ?
22:26– Alors, non.
22:28Non, parce qu'ils sont tous morts.
22:30Ils ont tous été tués par les Français.
22:32L'opération militaire française a quand même eu des résultats importants
22:36parce que tous les émirs algériens sont morts.
22:39Alors, ça c'est fondamental.
22:41C'est un point fondamental qu'il faut bien avoir à l'esprit.
22:44Jusqu'à la mort de Drougdel, d'Elpara, etc.,
22:48de tous ces chefs djihadistes algériens d'Acme,
22:51Acme était un mouvement califal.
22:56Et depuis la mort de ces émirs algériens,
23:00l'Acme sur zone, je ne parle pas d'Acme internationale,
23:03je parle de l'Acme sur zone,
23:05c'est devenu un mouvement ethno-islamique,
23:08c'est-à-dire touarego-islamique,
23:11avec une vision, non pas de califat,
23:15mais d'intérêt ethnique des touaregs.
23:17Et cela, Paris ne l'a pas vu.
23:20Moi, je l'ai souvent expliqué,
23:22j'ai dit attention, ce n'est plus du tout la même chose.
23:25La politique que la France avait contre Yad Gali, par exemple, doit changer.
23:29Parce que Yad Gali n'est plus la cause du problème,
23:33c'est peut-être la solution du problème.
23:35Pour le Nord, par exemple,
23:37la situation dans la région des Trois Frontières est complètement différente.
23:40Et la région de Burkina Faso, également différente.
23:42Moi, je parle du Nord Mali.
23:45Et donc, aujourd'hui, dans cette zone,
23:48les combats se déroulent entre soi-disant Acme,
23:51c'est-à-dire les touaregs, et l'État islamique.
23:54C'est là où se déroulent les combats les plus violents.
23:57Et c'est là où l'Algérie est inquiète.
23:59Parce qu'au Nord de la région des Trois Frontières,
24:01on est quasiment prêt, quasiment sur la frontière algérienne.
24:04Et si les touaregs sont battus par l'État islamique,
24:08c'est la frontière algérienne qui est touchée.
24:11Donc, il y a un jeu qui est compliqué.
24:13Moi, je ne sais pas ce que font les Algériens, je n'ai pas d'éléments.
24:16Mais logiquement, il n'est pas pensable
24:19que les Algériens ne regardent pas ça de très près.
24:22Oui, vu que ça les touche directement.
24:24En maintenant revenant à la France,
24:26le point de départ de la déstabilisation,
24:28même si les facteurs sont profonds, ça demeure Nicolas Sarkozy
24:31avec l'intervention en Libye,
24:32qui va effectivement libérer des énergies,
24:34notamment touaregs, mais également toubous, etc.,
24:36qui étaient contenus.
24:37La réaction atomique.
24:38La réaction atomique.
24:39Tout à fait.
24:40Et puis on a tout ce qu'on a eu,
24:41c'est-à-dire le Mali, etc.,
24:43puis l'intervention française pour stopper les touaregs.
24:46Pour stopper une partie des touaregs.
24:49Au Mali, en tout cas.
24:50Oui, au Mali.
24:51Il y a une partie des touaregs qui était sur le MNLA
24:54et la partie des touaregs qui était avec Yagheg Ghali.
24:57Parce que Yagheg Ghali a monté son mouvement.
25:00Vous voulez que je développe ce point ?
25:02C'est important.
25:03Parce qu'il s'est passé que Yagheg Ghali
25:05était le chef des précédents mouvements touaregs.
25:07Et la dernière guerre touareg,
25:09celle qui se termine en 2007-2008,
25:11se termine sous les auspices de la négociation algéro-libyenne.
25:15Et les touaregs, certains touaregs,
25:19considèrent que Yagheg Ghali les a trahis.
25:21Donc, les touaregs qui considèrent que Yagheg Ghali les a trahis
25:24partent en Libye.
25:25Et ils rentrent dans l'armée libyenne.
25:27Et Kadhafi, en fait, c'est une unité saharienne.
25:30Et quand ces touaregs reviennent au Mali,
25:34juste avant la mort de Kadhafi,
25:36ils ont compris assez vite que Kadhafi était perdu,
25:38ils reviennent au Mali.
25:39Et là, c'est le MNLA.
25:41Ils vont déclencher l'insurrection touareg.
25:44Et Yagheg Ghali, tout naturellement,
25:47dit, c'est moi le chef.
25:48Non, tu n'es pas...
25:50Ah bon ?
25:51Eh bien, je crée un mouvement concurrent.
25:53Et il va prendre la carte islamiste.
25:55Il va créer son mouvement.
25:56Et c'est lui qui va foncer sur Bamako.
26:03C'est qu'une partie des touaregs.
26:04Et là, ensuite, l'armée française intervient, Serval, etc.
26:07Donc, dès le début, il y a, si vous voulez,
26:09une mauvaise analyse qui est faite par la France.
26:12Pas par les services français, pas par les militaires,
26:15mais par les politiques.
26:17Parce que toutes les notes qui ont été transmises,
26:21toutes les notes d'analyse, etc.
26:23sont passées au panier.
26:25Par contre, à cette époque-là, on est en 2012,
26:29le Niger a été globalement épargné
26:31par cette révolte des touaregs.
26:33D'ailleurs, vous l'expliquiez par le fait
26:35qu'ils avaient mis en place une configuration politique
26:37très intéressante où le Premier ministre était touareg
26:40et où le Président.
26:42Ce qui permettait d'intégrer politiquement les touaregs
26:44dans le jeu politique.
26:45Il avait fait un peu comme les Libanais.
26:46Oui, mais pourquoi ça finit par voler en éclat ?
26:49Ça volait en éclat tout simplement parce qu'il y a eu la...
26:52En fait, ça n'a pas volé en éclat au Niger,
26:55ça volait en éclat par la contagion du conflit du Mali.
26:58D'accord.
26:59Et sur cette contagion du conflit du Mali
27:03est venu se greffer l'État islamique,
27:06qui est, alors lui, est véritablement
27:08pour un califat régional.
27:11Alors qu'à la fois le mouvement des peules...
27:14Acme, en fait, a deux cartes de fer au feu.
27:18Il a donc les touaregs au nord, ethno-islamisme,
27:22et il a les peules au sud, ethno-islamisme aussi.
27:27Et il y a, en plus de cela, donc à l'Est,
27:30dans la région de la frontière,
27:31un authentique mouvement islamiste
27:34qui, lui, nie l'existence des ethnies,
27:37ou veut les dépasser,
27:39ni l'existence des États,
27:40considérant que chaque État, c'est un affaiblissement de la Houma,
27:43et qu'il faut tout détruire pour créer le califat universel, etc.
27:46Donc, c'est une opposition mortelle.
27:49C'est une opposition mortelle entre les ethno-islamistes
27:53et les islamistes purs.
27:54Et d'autant ajouter à l'équation des Kanouris avec Boko Haram.
27:58Ah, mais les Kanouris sont...
28:00Les Kanouris conforment au Nigeria
28:03la masse de manœuvre de Boko Haram.
28:06Si vous voulez, là, au Nigeria...
28:08Alors, nous avons deux...
28:09Boko Haram a éclaté en deux au Nigeria.
28:11Il a les héritiers du Boko Haram, mouvement canal historique,
28:16et la nouvelle branche qui, elle, s'est ralliée à l'État islamique.
28:20Et là, nous sommes dans une anarchie totale
28:22avec un mouvement qui est excessivement dangereux
28:26parce que, si vous regardez une carte,
28:28vous voyez, le Cameroun a un doigt qui va vers le Lakshad,
28:32et cette région...
28:33On parle de la région des trois frontières
28:35entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
28:37Là, vous avez le Cameroun, vous avez le Nigeria,
28:41vous avez le Niger, vous avez le Tchad.
28:44Et chacun de ces États est, lui-même,
28:47la caisse de résonance ou l'éventail de conflits
28:50avec sa propre périphérie au nord, à l'est, au sud.
28:53Donc, vous avez une bombe en fragmentation potentielle, là,
28:57qui va exploser,
28:59qui ne peut qu'exploser,
29:01avec, en plus, la mèche qui va être allumée par le nord.
29:05La mèche va être allumée par le nord,
29:07par la Libye,
29:09avec les mouvements irrédentistes tout bouts
29:11qui sont soutenus par la Turquie.
29:14Les tout bouts, juste pour les gens qui ne connaissent pas,
29:16c'est une population nomade de peau noire,
29:18contrairement au Touareg,
29:19qui est plutôt dans le sud-est libyen.
29:22Qui est dans le nord,
29:23qui vit dans le sud-ouest libyen,
29:28et dans le nord du Tchad,
29:30et une petite partie au Niger.
29:33Une toute petite partie au Niger.
29:34Par contre, vous vous rappelez,
29:35là encore c'est important pour les auditeurs,
29:36que les tout bouts ont une organisation
29:39beaucoup moins hiérarchique que les Touareg,
29:41qui fait qu'elle est profondément instable en interne.
29:43C'est plutôt basé sur des clans,
29:45et davantage que sur des tribus.
29:47C'est régional.
29:48C'est régional.
29:49Vous avez les clans tout bouts du nord,
29:52et il y a des alliances, des conflits.
29:56Toute la guerre du Tchad,
29:58des années 1980-1995,
30:02c'était une guerre inter-tout-bout,
30:05avec participation des Ahara.
30:07Au Tchad, 85% de la population
30:11s'est trouvée prise en otage
30:13des luttes internes de 15% de la population du nord.
30:16Donc c'est assez passionnant ce qu'il s'est passé.
30:20Donc, ce qui se passe en ce moment
30:23avec ce qui peut se passer au Tchad,
30:25c'est le grand retour de la Turquie.
30:27L'otomanisme.
30:29Parce que n'oublions pas que
30:31toute cette région de Libye était terre otomane.
30:35Et nous avons des cartes tout à fait intéressantes
30:38des années 1898-1900,
30:41quand se font les grandes négociations
30:43qui vont précéder véritablement le partage.
30:45Je ne parle pas du partage théorique,
30:47je parle du partage physique sur le terrain.
30:49Et là, on dépêche l'Empire ottoman.
30:53Mais l'Empire ottoman a des revendications.
30:55Et l'Empire ottoman demande
30:57que lui soit réservé une partie de l'Afrique
31:00qui va jusqu'au Tchad.
31:02Par Bilma.
31:04Parce que Bilma,
31:06et là, l'Empire de Kanem, les Kanouïs.
31:08On retombe sur votre question, sur les Kanouïs.
31:12Parce que traditionnellement,
31:14l'Empire de Kanem
31:16était l'Empire qui faisait le lien
31:18avec l'otomanisme méditerranéen
31:20pour le grand commerce tchado-méditerranéen
31:23qui passait par Bilma, Mourzouk,
31:25et qui remontait jusqu'à la Méditerranée.
31:27Et les Turcs avaient des garnisons.
31:29Mourzouk, garnisons partout.
31:31Pour sécuriser les routes commerciales.
31:33Absolument.
31:35Et les Turcs, l'Empire ottoman,
31:37revendiquent une sorte de corridor,
31:39la Libye jusqu'au Tchad.
31:41Et bien aujourd'hui,
31:43ce corridor est en train d'être remis en place.
31:45Pas du côté de Benhazi,
31:48pas du côté de la Cyrénaïque,
31:51mais du côté de la Tripolitaine.
31:53D'accord.
31:55Alors maintenant, vous prononstiquez
31:57que le prochain sur la liste,
31:59en termes de potentiel d'instabilité,
32:01c'est le Tchad.
32:03Je parle l'Afrique francophone.
32:05Le Cameroun est bien menacé.
32:07Le Cameroun est bien menacé
32:09avec un président qui est quand même très âgé.
32:11Il y a également là
32:13une garde présidentielle excessivement puissante.
32:15N'est-ce pas ?
32:17Alors quel va être le jeu ?
32:19En plus au Cameroun,
32:21il y a toute cette opposition entre le Nord et le Sud.
32:23Et puis le Nord, qui est musulman,
32:25est minoritaire démographiquement.
32:27Ce n'est pas le cas du Nigeria
32:29où c'est moitié-moitié à peu près.
32:31Mais ce sont des vieux empires guerriers.
32:33D'accord.
32:35Alors là, ce sont des peuls, mais qui n'ont pas intérêt
32:37à la déstabilisation. Là, ce sont les émirats-peuls.
32:39Ce sont les lamis, les lamis d'eau, les chefs.
32:41Ce n'est pas du tout le même courant
32:43que le courant des petits peuls révolutionnaires
32:45du Massinat malien.
32:47Là, c'est la grande aristocratie peul
32:49descendant des conquérants
32:51de l'époque
32:53des empires peuls du XVIIIe, début du XIXe,
32:55donc qui, eux,
32:57luttent contre les islamistes.
32:59Les islamistes
33:01les considèrent comme de mauvais musulmans
33:03et ils luttent contre les islamistes.
33:05Mais vous avez
33:07le problème des frontières. Vous avez le problème de Boko Haram.
33:09Vous avez le problème
33:11au Sud. Au Sud, vous avez quand même
33:13toute la zone anglophone
33:15qui est en quasi-rébellion contre la zone francophone.
33:17Et vous avez
33:19la contagion
33:21de la Centrafrique.
33:23C'est un pays qui est menacé,
33:25le Cameroun, très menacé.
33:27Le Tchad. Vient le Tchad, lui.
33:29Les problèmes du Tchad n'ont pas été réglés.
33:31Le problème du Tchad,
33:33il y a effectivement le problème Nord-Sud.
33:35Mais les combats
33:37principaux n'ont pas opposé
33:39les gens du Nord et les gens du Sud.
33:41La première phase, après l'indépendance,
33:43a opposé, effectivement,
33:45le Nord et le Sud.
33:47Le Sud a été battu rapidement.
33:49Ce qui fait que les combats ont opposé
33:51les nordistes entre eux.
33:5315% de la population,
33:55ces 15% se sont battus entre eux
33:57et le reste a
33:59compté les coups.
34:01Alors toute la question est de savoir aujourd'hui
34:03si les alliances
34:05qui avaient été faites à l'époque d'Idriss Déby
34:07sont encore licites.
34:09Quel va être le rôle
34:11de la contagion soudanaise ?
34:13Parce que n'oublions pas que les rebelles
34:15des milices
34:17qui se battent contre l'armée du
34:19Soudan, ce sont
34:21les djandjaouides
34:23qui avaient mené la guerre contre
34:25les populations sédentaires
34:27au Soudan et qui
34:29menaient la guerre de partout.
34:31Donc nous sommes là
34:33dans un... Là encore, des bombes
34:35en fragmentation de tous les côtés.
34:37De quel côté va peser ?
34:39Quels vont être les intérêts des uns et des autres ?
34:41Quelles vont être les alliances ? Que vont jouer les Arabes ?
34:43Parce qu'il y a des tribus arabes au milieu...
34:45Minoïtaires, mais qui ont un rôle stratégique.
34:47Les tribus guerrières, les tribus
34:49les Ouellets de Slimane et qui
34:51sont une partie sur la Libye, une partie
34:53sur le Tchad, une partie, toute petite
34:55partie également sur le Niger.
34:57D'ailleurs en parlant d'Arabes, juste une question rapidement,
34:59revenons au Niger.
35:01Bazoum est originaire d'une
35:03ethnie d'ascendance arabe.
35:05Alors comment expliquer dans un schéma
35:07d'ethno-mathématiques, comme vous l'expliquez très bien,
35:09qu'il ait pu devenir président ?
35:11Il n'y a pas de base ethnique.
35:13Non, il y a eu un autre phénomène
35:15qui s'est passé, et ce n'est pas
35:17le premier cas.
35:19Je vous mets tout de suite passé
35:21l'exemple de la Guinée qui va vous expliquer cela.
35:23En Guinée, il y a deux grandes ethnies.
35:25Les Malinqués et les Peuls.
35:27Les Malinqués étaient au pouvoir avec
35:29Sékoutouré. Et les Malinqués ont
35:31véritablement... Sékoutouré c'était une dictature
35:33atroce et les Malinqués ont
35:35vraiment très très
35:37maltraité les Peuls.
35:39Après la mort de Sékoutouré, période d'instabilité.
35:41Et les Malinqués
35:43se sont dit
35:45il serait quand même pas mal
35:47de laisser passer un peu de temps
35:49avant que nous reprenions le pouvoir.
35:51Et
35:53il ne faut surtout pas que ce soit les Peuls qui le prennent.
35:55Et les Peuls avaient été tellement étriés
35:57par les Malinqués à l'époque de Sékoutouré
35:59qu'ils n'étaient pas prêts à prendre le pouvoir.
36:01Donc il va y avoir un accord tacite
36:03qui va être pris entre
36:05les ennemis,
36:07les deux pôles majoritaires,
36:09Peuls et Malinqués,
36:11pour mettre au pouvoir le membre
36:13d'une équipe minoritaire qui sera là
36:15comme fondée de pouvoir, un pouvoir
36:17intermédiaire, un SOSO. Des SOSO
36:19qui sont 10%. Et c'est là où ils mettent
36:21le général au pouvoir. Le général qui lui
36:23va s'installer pendant un moment.
36:25Donc comment se fait-il
36:27que
36:29un homme représentant 10%
36:31soit arrivé au pouvoir ?
36:33Il n'y a pas d'ethnomathématique.
36:35L'élection n'était pas une élection alors.
36:37C'est-à-dire que ça a été truqué
36:39pour faire pas venir.
36:41Sinon les gens n'auraient pas voté.
36:43Il y a eu le fait que
36:45les deux ethnies principales se sont mises d'accord
36:47pour mettre un personnage...
36:49Que s'est-il passé au Niger ?
36:51Issoufou,
36:53le président Issoufou,
36:55l'ethnie majoritaire,
36:57et dans son parti
36:59présidentiel,
37:01Bazoum. Bazoum ne représente rien.
37:031%, moins de 1%.
37:05Donc il ne monte pas un parti politique.
37:07Il va être au sein
37:09du parti au pouvoir
37:11une sorte d'électron
37:13comme à l'époque
37:15du parti unique.
37:17Il va exister à l'intérieur
37:19de ce qui est devenu le parti unique, le parti au pouvoir.
37:21Et il va être excessivement
37:23loyal à Issoufou.
37:25Et il n'a pas le choix en même temps, parce qu'il n'a pas d'alternative.
37:27Il n'a pas d'alternative.
37:29Et Issoufou, qui ne peut pas se représenter,
37:31va par le biais du parti
37:33qui est devenu quasiment le parti unique,
37:35le parti au pouvoir,
37:37faire élire Bazoum
37:39en disant de toute façon
37:41je n'ai pas de danger avec lui.
37:43Alors Bazoum n'est pas seul, parce qu'il y a les Touaregs
37:45qui votent pour lui. Les Touaregs ont à peu près 11 ou 12%.
37:47Les Toubous, quelques pourcents.
37:49Bazoum a quand même au départ
37:51un bloc ethnique, disons, de 12%.
37:53En plus de ce 0,5%.
37:55Et donc
37:57il va arriver au pouvoir
37:59en tant que représentant
38:01du parti au pouvoir.
38:03Il va garder, comme on dit vulgairement,
38:05la place au chaud pour Issoufou.
38:07Et là-dessus, il va vouloir
38:09mener une politique personnelle
38:11de lutte contre la corruption.
38:13Lutte contre la corruption, ça ne veut pas dire
38:15j'ai les mains blanches.
38:17Ça veut dire je voudrais qu'une autre équipe
38:19soit autour du gâteau.
38:21Donc il va écarter
38:23l'équipe des généraux qui étaient
38:25autour d'Issoufou et qui vont se mutiner
38:27contre lui. Voilà.
38:29Alors évidemment, c'est pour ça qu'il ne faut
38:31pas avoir une lecture
38:33j'allais dire mathématique
38:35au sens
38:37démonstration mathématique.
38:39Je dis toujours en Afrique,
38:41l'ethnie n'explique pas tout
38:43mais rien ne s'explique sans l'ethnie.
38:45Et ce n'est pas parce que vous avez
38:47une ethnie qui a 1%
38:49qu'elle ne sera pas au pouvoir. Parce qu'il y a d'autres
38:51éléments qui viennent jouer là-dessus.
38:53Ça c'est fondamental. Alors si vous avez une vision
38:55comment dire essentialiste,
38:57vous passez à côté de la réalité. Il faut non seulement
38:59avoir une vision essentialiste
39:01mais la pondérer par l'analyse
39:03existentialiste.
39:05Tout à fait. Donc il faut toujours avoir
39:07un dialogue avec le réel et les évolutions du réel.
39:09Alors maintenant revenons à la macronie.
39:11Alors il y a deux
39:13manières de lire les choses.
39:15Alors soit Macron est tombé
39:17au mauvais moment, c'est-à-dire que toutes les contradictions
39:19qui ont été enclenchées depuis
39:21Sarkozy, etc. ont atteint
39:23leur acme à l'époque de Macron.
39:25Et que voilà, la perte de l'Afrique n'est pas imputable
39:27à Macron mais c'est juste que ça a
39:29coïncidé avec le mandat de Macron.
39:31Et puis l'autre explication, c'est ce qu'on avait commencé
39:33à élaborer tout à l'heure, vulgarité,
39:35ce manque de tact, ce manque
39:37de diplomatie.
39:39Est-ce qu'il y a d'autres facteurs propres à la
39:41macronie qui pourraient être
39:43à l'origine de cette perte d'influence de plus en plus
39:45importante de la France dans cette région ?
39:47Moi je crois que la synthèse des deux donne
39:49l'accès de compréhension. Effectivement
39:51nous sommes à une époque où
39:53nous sommes en changement de paradigme.
39:55Le changement de paradigme
39:57est fondamental.
39:59Par exemple,
40:01le Maroc prend une place
40:03de plus en plus importante dans la géopolitique
40:05à la fois
40:07géopolitique et économie de l'Afrique,
40:09de cette partie de l'Afrique de l'Ouest.
40:11Il y a le retour de la Russie,
40:13il y a la Turquie,
40:15il y a l'Inde,
40:17il y a la Chine, il y a
40:19un effacement général
40:21de ce qu'on appelait l'Occident
40:23et il y a
40:25au-dessus de cela
40:27une sorte de rejet
40:29de rejet philosophique
40:31d'un certain
40:33nombre de
40:35modes venus d'Occident
40:37qui ne passent pas en Afrique.
40:39Tout cela,
40:41tout cela si vous voulez,
40:43effectivement, c'est la toile de fond.
40:45Macron
40:47n'aurait pas été là.
40:49Ces phénomènes se seraient peut-être produits
40:51différemment mais
40:53comme disaient les marxistes, les lignes de force
40:55étaient là.
40:57Et les contradictions allaient éclater.
40:59Je parle en langage marxiste.
41:01Des fois ils n'ont pas tort.
41:03Tout à fait.
41:05Moi je suis benvillien, je dirais des constantes.
41:07Mais disons...
41:09Alors,
41:11à cela s'ajoute
41:13la dimension humaine.
41:15Et je pense que Macron a accumulé
41:17toutes les maladresses.
41:19Vous me direz que Sarkozy avait fait déjà très fort
41:21avec le discours de Dakar.
41:23Mais au moins il a un bilan relativement positif
41:25du point de vue des relations avec la Russie.
41:27Quand je parle de Sarkozy, c'est quelqu'un qui a joué
41:29le rôle traditionnel de la France, celui de la médiation
41:31dans le conflit en Géorgie.
41:33Macron, c'est les bourdes tout azimuts.
41:35Moi je parlais de l'Afrique.
41:37Il était évident
41:39que pour la Géorgie et pour la Russie,
41:41Sarkozy...
41:43Bon, alors Macron
41:45a tout accumulé.
41:47Il a quand même réussi, ça il faut le faire,
41:49il a réussi à se fâcher
41:51à la fois avec
41:53l'Algérie et le Maroc. Parce que généralement
41:55quand on se fâche avec l'Algérie,
41:57on est bien avec le Maroc.
41:59Et vice-versa, c'est la politique
42:01traditionnelle depuis 30 ans. Là,
42:03il s'est mis tout le monde à dos.
42:05Au Liban.
42:07J'arrive,
42:09c'est moi, j'arrange tout.
42:11C'est la rue pour trouver du travail.
42:13C'est la suffisance.
42:15Start-up.
42:17Et au Niger,
42:19quand il a ridiculisé
42:21le président en disant
42:23réparer l'électricité...
42:25Alors,
42:27le paradoxe,
42:29vous allez dire que je manie le paradoxe,
42:31mais finalement il y a une réussite de Macron
42:33en Afrique, une réussite,
42:35c'est avec le pire ennemi de la France,
42:37le Rwanda.
42:39Le Rwanda qui a insulté la France
42:41pendant des décennies, Kagame
42:43qui est la France,
42:45et qui est en train de se noyer, Kagame,
42:47parce qu'il a tellement poussé
42:49qu'il est lâché par tout le monde.
42:51Et au moment où il est lâché
42:53par tout le monde, la France
42:55se réconcilie avec lui.
42:57C'est quand même extraordinaire.
42:59Macron va réussir le coup de génie,
43:01le coup de génie politique,
43:03d'aller au Congo,
43:05Kinshasa,
43:07le principal pays francophone,
43:09et qui subit
43:11l'invasion, l'attaque
43:13permanente, le pillage du Rwanda,
43:15dans la région du Kivu,
43:17dans toute la partie Est,
43:19et il va arriver
43:21dans ce pays qui est en quasi-guerre
43:23contre eux,
43:25en expliquant qu'évidemment
43:27si le Congo,
43:29si l'armée congolaise prend une raclée,
43:31c'est de sa faute, c'est pas la faute du Rwanda.
43:33Mais quelle maladresse !
43:35Je ne parlerai pas
43:37de la soirée dans la boîte de nuit.
43:39Oui, oui.
43:41Mais...
43:43Toutes les maladresses.
43:45Mais là, il y a une autre hypothèse.
43:47Peut-être mon côté un peu paranoïaque.
43:49Imaginons que Macron ne soit pas
43:51aussi bête qu'il en a l'air.
43:53Ah, il n'est pas bête !
43:55Ça, on est d'accord. Mais l'intelligence peut être
43:57mise au service du mal, pas toujours au service du bien.
43:59Peut-être que toutes ces bourdes
44:01ne sont pas des bourdes, mais qu'il s'agit de sabotage.
44:03Conscient,
44:05au profit,
44:07je ne sais pas, d'une oligarchie, des Etats-Unis,
44:09de l'État profond, d'autres choses.
44:11Peut-être que le gars est en train de
44:13s'aborder les intérêts de la France.
44:15Volontairement, comme il l'a fait avec
44:17les privatisations, avec la vente d'entreprises
44:19françaises aux Etats-Unis qu'il a autorisées, etc.
44:21Peut-être que c'est dans le même logiciel.
44:23Peut-être que c'est tout simplement quelqu'un qui trahit
44:25les intérêts de la France.
44:27Je ne rentrerai pas dans ce calcul parce que
44:29je ne sonde pas les reins et les âmes.
44:31Mais il y a Maurras.
44:33Quand il était ministre de l'économie,
44:35il a quand même autorisé la vente de fleurons
44:37de l'industrie française aux Etats-Unis.
44:39Comme disait Charles Maurras,
44:41une politique se juge à ses résultats.
44:43Alors effectivement, dans le domaine industriel,
44:45résultat, il vend
44:47les fleurons de l'industrie française
44:49aux multinationales.
44:51À l'époque, il était au ministère
44:53de l'économie.
44:55Ensuite, les échecs
44:57et résultats de ces deux
44:59quinquennats. La France n'existe
45:01plus au Sahel.
45:03La France a perdu
45:05l'essentiel de ses positions en Afrique.
45:07Et la France s'est mis à dos
45:09son plus vieil ami
45:11en Afrique qui est le Maroc.
45:13Il ne reste plus qu'à se mettre à dos le Sénégal
45:15et la boucle sera bouclée.
45:17Sans parler du Proche-Orient, avec le Liban,
45:19avec la Syrie...
45:21Sans parler du Proche-Orient...
45:23Bon, voilà, je constate...
45:25Il faut le faire exprès, je veux dire,
45:27c'est un peu bourde, peut-être.
45:29Oui, ça relèverait
45:31de la haute trahison, en ce moment-là.
45:33Je ne suis pas qualifié pour parler de cela.
45:35On verra. Alors maintenant,
45:37dernier point, le froid diplomatique avec le Maroc.
45:39Le Maroc a déjà connu des froids
45:41diplomatiques, notamment en 2015, etc.
45:43À l'époque, c'était la gauche.
45:45Traditionnellement, quand la gauche est au pouvoir en France,
45:47ça va très mal avec le Maroc. Parce qu'il y a toujours
45:49cette pensée idéologique anachronique
45:51qui relève peut-être
45:53même d'un complexe freudien.
45:55La gauche voit dans le Maroc
45:57ce qu'elle était
45:59avant, c'est-à-dire une monarchie,
46:01et qu'il y a le complexe, qu'ils ont tué le père,
46:03c'est-à-dire lui, XVI.
46:05Tout à fait !
46:07Mais quand la droite est au pouvoir, ça va bien.
46:09Mais là, avec Macron...
46:11On va voir ce que va dire Mélenchon la semaine prochaine.
46:13Ça va être drôle, effectivement. J'aurais aimé être là pour être un peu taquin,
46:15mais je n'aurais pas le temps.
46:17Alors maintenant, ce n'est ni la gauche
46:19ni la droite. Avec Macron,
46:21c'est quand même une forme d'oligarchie apatrie
46:23de nomade qui est au pouvoir.
46:25Comment expliquer les bourses d'Italie et du Maroc
46:27de la part de Macron ? Je ne parle même pas de la France.
46:29La France, c'est autre chose. La France, c'est un Etat avec une tradition,
46:31avec beaucoup de choses. Moi, je parle de la macronie
46:33de Macron. Parce que c'est la start-up
46:35anglo-saxonne,
46:37on s'appelle par son prénom
46:39immédiatement, on se tape sur le dos
46:41et on va faire un jogging ensemble.
46:43C'est ça. Donc,
46:45Macron ne fait pas la différence
46:47entre le PDG d'une
46:49grosse boîte et le souverain
46:51du monarchie millénaire.
46:53Et voilà.
46:55Donc, pour lui,
46:57c'est la même chose. On tape dans le dos
46:59du roi d'Angleterre.
47:01On appelle Sa Majesté
47:03« Bonjour Mohamed ».
47:05C'est l'aberration
47:07complète d'une méconnaissance.
47:11Vous parliez de la gauche,
47:13mais à l'époque
47:17des grands ministres de gauche de Mitterrand,
47:19de Hollande,
47:21ça ne serait pas passé.
47:23Il y avait certes un froid,
47:25mais il y avait toujours de l'élégance.
47:27Il y avait un froid, mais il y avait de la retenue.
47:29Là, il y a véritablement
47:33la manière dont
47:35le président Macron
47:37s'est adressé au Maroc
47:39au moment du tremblement
47:41de terre. Mais c'est
47:43une méconnaissance de tous les
47:45usages.
47:47On devrait apprendre ça en première
47:49année.
47:51C'est incompréhensible.
47:53Vous savez très bien, mieux que moi, qu'on part
47:55souvent de la Vème République à une forme de monarchie
47:57élective. Parce qu'effectivement, c'est un pouvoir
47:59présidentiel fort. C'est une monarchie élective
48:01et que quelque part, on est dans la continuité
48:03non assumée de la monarchie française.
48:05Peut-on dire de ce point de vue
48:07que peut-être Jacques Chirac a été
48:09le dernier monarque ? Et qu'avec Sarkozy,
48:11on est entré dans un nouveau paradigme,
48:13où on a des gens qui ont une constitution
48:15trop grande pour eux. Comme quelqu'un
48:17qui porte un costume qui n'est pas sa taille.
48:19Qui serait ridicule.
48:21Disons qu'avec tous les défauts qu'on peut
48:23reconnaître à Chirac,
48:25Chirac était un homme
48:27d'une autre génération. Oui, c'est le dernier monarque.
48:29D'abord,
48:31Chirac,
48:33comme Giscard d'Estaing,
48:35comme Mitterrand, étaient des gens
48:37qui avaient fait la guerre.
48:39Ils avaient fait la guerre. Ou la guerre de 40,
48:41ou la guerre d'Algérie. Mais ils avaient
48:43fait la guerre. Ils avaient porté l'uniforme.
48:45Ils savaient ce que c'était
48:47que la vie en communauté. Ils savaient ce que
48:49c'était que la mort.
48:51Giscard
48:53a été blessé quand
48:55il était officier
48:57de cavalerie en 1944.
48:59Chirac a fait
49:01une guerre d'Algérie qui était
49:03tout à fait honorable.
49:05C'était le période de sa vie où il était le plus heureux
49:07parce qu'il était au contact des hommes, etc.
49:09Arrive derrière des gens
49:11qui sont d'une autre génération.
49:13Une génération
49:15qui n'a pas fait de la guerre, bien sûr.
49:17Qui n'a même pas fait son service militaire.
49:19Qui n'ont
49:21comme expérience que l'expérience
49:23des bancs de faculté,
49:25des diplômes,
49:27et des actions placées
49:29en bourse.
49:33Des gens qui ne sont plus
49:35en contact avec ce qui fait
49:37le tréfonds de la nation française.
49:39Ils ne connaissent
49:41pas le monde rural.
49:43Ils ne connaissent pas le monde de la province.
49:45Ils ne connaissent pas le monde de l'armée.
49:47Ils connaissent quoi ?
49:49Ils connaissent le monde des startups.
49:51Aussi bien
49:53Sarkozy d'ailleurs
49:55que Macron.
49:57Hollande, c'était un peu différent.
49:59Hollande est un peu différent.
50:01Déjà Hollande, il est devenu président
50:03accidentellement.
50:05C'est par défaut.
50:07Oui, tout à fait.
50:09Voilà ce qu'on peut dire.
50:11Dans le personnel actuel,
50:13je ne vois pas
50:15très bien qui peut relever
50:17tout ça, parce qu'il faut tout reprendre
50:19à zéro. Quand vous pensez
50:21que Macron a détruit
50:23nos grands corps diplomatiques.
50:25Et puis il y a déjà l'éducation qui l'a passé de tout.
50:27Elle a été sabordée et massacrée.
50:29Alors ça, l'éducation,
50:31ça remonte à plus loin que ça.
50:33La destruction de l'éducation française remonte
50:35à 1945, quand De Gaulle
50:37a fait un pacte avec les communistes.
50:39Staline
50:41lui a dit, ok,
50:43nous ne lançons pas d'insurrection
50:45en France, mais
50:47en échange, il faut des ministères
50:49pour les communistes. Et il va
50:51donner aux communistes
50:53l'éducation nationale,
50:55les transports, etc. Et c'est à partir de ce
50:57moment-là que le vert se met dans le fruit
50:59de l'éducation nationale.
51:01Et descente,
51:03descente, descente jusqu'au niveau où ça en est
51:05aujourd'hui. Ça, ça remonte
51:07véritablement au lendemain de la guerre.
51:09Ça remonte à la libération.
51:11— D'accord. Mais on a la convergence
51:13de tous ces facteurs-là qui se retrouvent actuellement.
51:15— Tout arrive.
51:17Tout arrive.
51:19Peut-être que le noeud gordien
51:21sera tranché. Peut-être,
51:23comme dirait encore les marxistes, va-t-il y avoir un saut qualitatif
51:25brusque ? Je ne sais pas.
51:27S'il n'y a pas un saut qualitatif
51:29brusque, ça va être un saut arrière
51:31brusque. Et à l'heure actuelle,
51:33avec l'alignement
51:35des pays d'Europe
51:37sur l'OTAN,
51:39sur les États-Unis,
51:41imaginons
51:43que la guerre en Ukraine
51:45ne se termine pas
51:47comme l'OTAN l'avait pensé.
51:49Que va-t-il se passer ?
51:51Eh bien peut-être ce qui s'est passé
51:53en Slovaquie
51:55hier avec...
51:57— Oui, le parti chaud russe conservateur.
51:59— Regardez en Allemagne.
52:01Les sondages donnent quand même
52:0360% de la population contre
52:05le soutien à l'Ukraine.
52:07— Même la Pologne s'est fâchée avec l'Ukraine.
52:09— La Pologne !
52:11C'est en train de...
52:15La leçon de, comment dirais-je,
52:17la force du réel est là.
52:19Imaginons, je ne sais pas moi,
52:21ce n'est pas mon domaine, mais imaginons...
52:23Si vous avez une vision géostratégique,
52:25imaginons que la Russie
52:27ne décrète pas même la guerre.
52:29Ce qui n'est pas impossible.
52:31Parce que la Russie n'a pas engagé ses forces.
52:33— Pas du tout. Elle n'a pas décrété l'économie de guerre encore.
52:35Il n'y a pas de mobilisation générale.
52:37— Et puis les 400 000 hommes russes,
52:39ils ne sont pas intervenus.
52:41Il y a quelques unités qui se battent.
52:43Imaginons que l'armée russe
52:45fasse une offense.
52:47Je suis dans le si.
52:49Quelle va être la réaction
52:51des classes politiques européennes
52:53qui vont dire « Nous sommes dans la crise économique
52:55qui est plus brouillée que la Russie.
52:57Nous sommes ruinés parce que nous sommes
52:59à la remorque du dollar qui est lâché
53:01par le monde entier.
53:03Mais nous, nous sommes les derniers
53:05à pouvoir permettre au dollar de survivre.
53:07Il va y avoir des révolutions en Europe.
53:09En Allemagne, la crise économique est là.
53:11On peut tout faire avec les Allemands
53:13sauf toucher à leur confort.
53:15Et là, leur confort commence à être touché.
53:17D'où les réactions électorales.
53:19Voyez les sondages électoraux.
53:21Voyez les partis politiques
53:23qui, jusque-là, étaient
53:25les partis politiques maudits
53:27qui sont donnés
53:29à 25% des voix.
53:31Qui aurait dit cela il y a 2 ans ?
53:33Qui aurait dit cela il y a 3 ans ?
53:35Comme disait bien Dominique Wehner
53:37l'inconnu dans l'histoire,
53:39le hasard dans l'histoire.
53:41Il y a l'élément qui fait que...
53:43Alors c'est pour ça que je vous dis qu'il peut y avoir
53:45un secrétaire brusque. Tout est possible.
53:47Comme disait quelqu'un, j'ai oublié le nom,
53:49quand je vois des Français sortir dans la rue,
53:51je ne m'inquiète pas. Par contre, quand je vois des Allemands
53:53sortir dans la rue, ce n'est pas très joli en général.
53:55Oui, parce que les Français sont à l'habitude.
53:57Les Allemands, en général, quand ils sortent,
53:59c'est une fois par siècle et ça se termine toujours mal.
54:01Oui, ce n'est pas bon.
54:03Bernard Lugand, merci infiniment pour votre générosité,
54:05pour votre temps.
54:07Et j'espère vous revoir très prochainement.
54:09A bientôt. Vous êtes toujours le bienvenu au Maroc.
54:11Je rappelle que vous êtes né au Maroc.
54:13Très charnel.
54:15Et on remercie également
54:17toutes les personnes qui nous ont suivi en l'attendant
54:19et on se retrouve très prochainement pour un nouvel épisode.

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