Chirurgiens en ZONE DE GUERRE

  • l’année dernière
"HONDELATTE PART EN LIVE : AVEC LES CHIRURGIENS DE GUERRE" / Christophe Hondelatte en immersion dans le camp de réfugiés syriens de Zaatari.
Mars 2011, début la guerre civile en Syrie. Très vite, une partie de la population syrienne fuit vers la Jordanie. Pour faire face à un afflux croissant de réfugiés, la Jordanie décide début août de créer un camp au Nord du pays. C’est la naissance de Zaatari. 70.000 personnes y vivent actuellement. Mais ils sont entre 2 et 3.000 à arriver à chaque jour.
Pour éviter une catastrophe humanitaire, la France, en accord avec l’ONU et sous tutelle de la Jordanie déclenche en août 2012 l’opération Tamour et décide l’envoi d’une antenne chirurgicale. 100 militaires au total dont une trentaine de personnel médical. Objectif : soigner les civils et les militaires quelque soit leur camp.
Christophe Hondelatte va passer plusieurs jours aux côtés des deux chirurgiens de guerre et de leurs équipes.
Il partagera leur urgence absolue pour tenter de comprendre la vie de ces hommes et femmes engagés volontaires pour une mission de deux mois.
Tout au long du documentaire, le journaliste livrera son ressenti sur ses rencontres et ses impressions à chaud sur la façon d’aborder ce métier hors du commun, au service des autres, sur une zone de conflit.
Transcript
00:00 Je suis Gabriel, ce médecin est un spécialiste de santé publique.
00:03 Son travail consiste à prévenir les épidémies.
00:06 L'objectif est de vacciner tous les enfants de moins de 15 ans.
00:10 Dans le camp.
00:12 Aujourd'hui, ils sont estimés à 30 000.
00:15 Tout petit, je rêvais d'aider les autres.
00:19 Sauver, secourir, protéger.
00:22 Finalement, je suis journaliste.
00:24 Alors j'ai décidé d'aller à la rencontre de ces hommes et de ces femmes ordinaires
00:28 qui exercent des métiers hors du commun.
00:31 Aujourd'hui direction Zaatari, au nord de la Jordanie,
00:38 qui accueille des réfugiés de la guerre en Syrie.
00:41 C'est fou parce que là-bas on voit pas la fin.
00:44 En août 2012, la France a ouvert ici une antenne chirurgicale.
00:48 100 militaires au total, dont une trentaine de médecins, d'infirmiers et d'aides-soignants.
00:57 Je vais vivre quelques jours avec ces chirurgiens de guerre
01:00 qui viennent en aide aux victimes du conflit syrien.
01:03 - 2 mg/kg. La seringue d'Adrè elle est où ?
01:08 Urgence absolue pour ces hommes et ces femmes
01:11 venus sauver des vies en plein désert.
01:14 - Petite fille. - Petite fille. - Bienvenue.
01:19 - 3 !
01:20 - 4 !
01:21 - 5 !
01:22 - 6 !
01:23 - 7 !
01:24 - 8 !
01:25 - 9 !
01:26 - 10 !
01:27 - 11 !
01:28 - 12 !
01:29 - 13 !
01:30 - 14 !
01:31 - 15 !
01:32 - 16 !
01:33 - 17 !
01:34 - 18 !
01:35 - 19 !
01:36 - 20 !
01:37 - 21 !
01:38 - 22 !
01:39 - 23 !
01:40 - 24 !
01:41 - 25 !
01:42 - 26 !
01:43 - 27 !
01:44 - 28 !
01:45 - 29 !
01:46 - 30 !
01:47 - 31 !
01:48 - 32 !
01:49 - 33 !
01:50 - 34 !
01:51 - 35 !
01:52 - 36 !
01:53 - 37 !
01:54 - 38 !
01:55 - 39 !
01:56 - 40 !
01:57 - 41 !
01:58 - 42 !
01:59 - 43 !
02:00 - 44 !
02:01 - 45 !
02:02 - 46 !
02:03 - 47 !
02:04 - 48 !
02:05 - 49 !
02:06 - 50 !
02:07 - 51 !
02:08 - 52 !
02:09 - 53 !
02:10 - 54 !
02:11 - 55 !
02:12 - 56 !
02:13 - 57 !
02:14 - 58 !
02:15 - 59 !
02:16 - 60 !
02:17 - 61 !
02:18 - 62 !
02:19 - 63 !
02:20 - 64 !
02:21 - 65 !
02:22 - 67 !
02:23 - 68 !
02:24 - 69 !
02:25 - 70 !
02:26 - 71 !
02:27 - 72 !
02:28 - 73 !
02:29 - 74 !
02:30 - 75 !
02:31 - 76 !
02:32 - 77 !
02:33 - 78 !
02:34 - 78 !
02:35 - 79 !
02:36 - 80 !
02:37 - 80 !
02:38 - 90 !
02:39 - 91 !
02:40 - 92 !
02:41 - 93 !
02:42 - 94 !
02:43 - 95 !
02:44 - 96 !
02:45 - 97 !
02:46 - 98 !
02:47 Depuis plus de 40 ans est la guerre des six jours des centaines de milliers d'exilés palestiniens.
02:52 Le camp de réfugiés de Zaatari est à une heure de route d'Aman.
02:58 Direction plein nord, à 10 km de la frontière syrienne.
03:02 Je suis impatient de rencontrer ces chirurgiens de guerre français.
03:07 Mi voici. Premier constat, ici ne rentre pas qui veut.
03:22 Il faut montrer pas de blanche.
03:24 Le policier...
03:26 Bienvenue à Zaatari.
03:34 Mes premiers pas dans le camp.
03:48 Il fait 25 degrés et je dois trouver le groupement militaire français.
03:53 Grille ouverte, l'officier de presse m'attend.
03:57 Il ne me quittera plus d'une semaine.
03:59 C'est sympa comme ce petit camping.
04:03 Tu vois que c'est particulier.
04:05 Comme le veut la tradition militaire, je suis accueilli par le patron, le colonel Bossion.
04:11 Bienvenue à Zaatari et sur l'emprise française.
04:15 Petite emprise, un petit terrain de football, un terrain de football.
04:18 Minuscule enclave dans un camp que je pressens immense.
04:28 C'est rude, non? - Spartiate.
04:30 Ça a l'air.
04:32 Ici, vous avez notre centre opération.
04:40 C'est le centre névalgique du détachement Tamour.
04:43 Pourquoi Tamour? Parce que c'est un grand Tamour?
04:45 Tamour, ça veut dire figue.
04:47 D'accord. - Figue ou date.
04:48 Vaut mieux le laisser en arabe, ça parle mieux.
04:51 Tamour.
04:57 Tamour, c'est le nom de code de cette opération humanitaire déclenchée en août 2012 par la France,
05:03 avec l'objectif de soigner la population syrienne.
05:07 Durant mon séjour ici, plusieurs visages vont devenir familiers.
05:19 Fabienne, adjudant, 31 ans, infirmière, célibataire.
05:26 - Ça nous rappelle pourquoi on fait ce métier?
05:28 Didier, chirurgien orthopédiste, colonel, 43 ans, marié, père de trois enfants.
05:36 - On appelle ça les pages chemisées, comme dans le film Full Metal Jacket.
05:41 J'arrive enfin à l'antenne chirurgicale.
05:44 Mon guide est cette fois le docteur Patrice Ramihara.
05:47 - On fait vraiment de la chirurgie d'urgence.
05:49 Chef de l'antenne chirurgicale, 42 ans, médecin anesthésiste, marié, père de trois enfants.
05:55 - Le bloc, il est là, en fin de compte.
05:57 - D'accord.
05:57 - Le bloc opératoire qu'on a actuellement dans l'armée française.
06:06 Je comprends vite que c'est ici que je vais passer pas mal de temps.
06:10 - Il faut savoir qu'avec ça, c'est un bloc qui est totalement équipé comme en France.
06:14 - Et donc là, les patients?
06:19 - Il s'est pris un éclat.
06:22 - Et qui est là avec son père?
06:24 - C'est son papa qui est là. Il a des enfants, on fait comme en France.
06:26 Il est arrivé hier soir, on a opéré dans la nuit.
06:30 - Pas de fièvre? - Pas de fièvre, les paramètres sont bons.
06:33 Ce petit bout de chou à 5 ans, il me fait levé de la victoire.
06:37 C'est mon premier contact avec les victimes de Bachar el-Assad.
06:41 - Juste une question, colonel.
06:52 - Quels blessés? En fait, c'est des blessés de quel camp? Vous le savez?
06:54 - Nous, on ne fait pas de distinguo. On soigne des victimes du conflit.
06:58 On ne sait pas s'ils sont ou combattants ou victimes collatérales de cette guerre.
07:03 Nous prenons tous les blessés, nous les traitons.
07:06 - Ça peut être des gens de chez Bachar, de l'armée de Bachar ou des insurgés?
07:09 - On ne peut pas faire le distinguo.
07:12 Ça m'étonnerait quand même que ce soit des gens du camp d'en face.
07:15 - Vous êtes sûr? - Je n'en suis pas à 100% sûr.
07:18 - Mais c'est plutôt des insurgés?
07:19 - C'est plutôt des gens de la Révolution, mais sans être certains,
07:24 puisque nous ne leur demandons pas ce genre de choses.
07:26 - Ici, c'est un homme égal à un homme.
07:28 - Tout à fait, quel que soit son camp.
07:30 Pourtant, je vais constater ici que je ne rencontrerai a priori
07:36 que des combattants de l'armée syrienne libre,
07:39 les opposants à Bachar el-Assad et des civils,
07:42 victimes collatérales de la guerre entre les deux camps.
07:45 8 heures du matin, pour tous, rassemblement militaire.
07:55 - Détachement au commandement.
07:56 Seule exception, Fabienne, l'infirmière et Audrey, l'aide soignante.
08:00 - Ça sert bien à l'historisme, à toi.
08:02 Tu es morte.
08:03 C'est la relève des collègues de nuit.
08:09 Et la première question.
08:11 - Vous avez fait de l'entrée? - Non, il n'y a que deux blocs qui sont là.
08:15 - Il y a deux blocs, finalement?
08:16 Pas de nouveaux blessés cette nuit.
08:18 Personne n'a pu passer la frontière.
08:20 Gabin, l'infirmière de nuit, briefe Fabienne sur les patients encore en soins.
08:24 - Il faut qu'il se lève dès aujourd'hui.
08:26 - Il ne s'est pas encore levé?
08:27 - Non, et aujourd'hui, on est 25, tu vas se prendre ce point de fixateur à faire.
08:30 - D'accord.
08:31 - Salut les frères!
08:32 15 lits au total.
08:34 Ce matin, chez les hommes, ils sont presque tous occupés.
08:37 Comme tous ses collègues, Fabienne est à Zaatari pour un mandat de deux mois.
08:42 - Donc lui, il est au bloc.
08:44 - Oui, il est au bloc.
08:45 - Salut les gonzesses, vous avez bien dormi?
08:47 Après les hommes, elle passe dans la tente d'en face, celle des femmes et des enfants.
08:54 - Alors, qu'est ce que j'ai à te dire?
08:56 Elle a bien dormi, Rawan.
08:58 Rawan qui va très bien aussi, ma foi, elle est constante, c'est normal.
09:01 Rawan, 12 ans, ici avec son papa.
09:04 Rawan a été criblée par l'explosion d'un obus.
09:07 Elle a été hospitalisée avant l'arrivée de Fabienne.
09:10 - Il y a les fils rouges, c'est à dire ceux qui passent de mandat en mandat.
09:14 Notamment la petite Rawan qui était là déjà au mandat précédent et qui est là depuis le début de notre mission.
09:20 Et là, on a sa cousine en face qui, elle, donc initialement n'était pas hospitalisée.
09:24 Mais en fait, l'évolution de son pansement ne s'est pas déroulé comme on le voulait.
09:28 Donc, du coup, on l'a hospitalisée pour pouvoir surveiller un petit peu les soins et la cicatrisation.
09:36 Deux enfants d'une même famille touchés par la guerre.
09:39 Décidément, les petits Syriens payent un lourd tribut.
09:42 - 1, 2, 3.
09:44 Comme ce jeune homme blessé par balle, déjà opéré en Syrie,
09:49 il repasse ce matin sur la table d'opération pour lui permettre de remarcher.
09:53 - C'est dingue, quoi. On a l'os apparent, là.
10:06 - C'est ça, c'est la séquelle de chirurgie de guerre.
10:09 Je retrouve Didier, le chirurgien orthopédiste.
10:13 C'est un pente de l'hôpital militaire bégin à Paris.
10:16 Il sera mon professeur.
10:18 - Il vaut mieux qu'il ait une cicatrice un peu charnue.
10:21 - Plutôt que c'est d'horreur. Il n'a pas trop une bronzesse avec ça.
10:24 - Il y a eu une fracture, je pense, a priori ballistique.
10:27 On voit bien la calcification d'ici.
10:29 La calcification, c'est une solidification anarchique de l'os.
10:35 Didier va devoir le raboter pour permettre aux blessés de remarcher.
10:38 L'anesthésie est partielle. Seul le bas du corps est endormi.
10:51 - Ça permet de garder les patients éveillés.
10:56 L'avantage, pas la peine de mettre l'homme sous assistance respiratoire
11:03 et de consommer inutilement de l'oxygène.
11:05 Ici, tout est importé de France.
11:08 J'enfile une blouse de chirurgien.
11:16 Plus que jamais, Dr. Harms.
11:19 - Ce qu'on a, en la tenant juste par le col,
11:23 elle est pliée de telle manière où elle va se mettre droite.
11:26 Et après, en la tenant comme ça, vous rentrez une main dans la manche.
11:31 Ça va tenir. L'autre main dans la manche.
11:33 - Alors, touchez à rien pour l'instant.
11:35 - Voilà, les mains ici.
11:37 Encore pousser bien.
11:40 Habillé par le chirurgien, c'est quand même...
11:44 - C'est classe.
11:45 - Moi, je dis que c'est classe.
11:46 - Même lui, il n'y a pas le droit tous les jours.
11:49 Imaginez votre privilège.
11:51 Et voilà.
12:00 Là, on va pouvoir le poser.
12:02 Ce qu'on appelle le champage.
12:06 On met les champs stériles.
12:08 Même sous tente, même en plein désert,
12:13 le souci d'hygiène est le même qu'en France.
12:15 - On y va ? - Ouais.
12:20 - On va utiliser le bistouri électrique.
12:24 - De voir la chose de si près, c'est un privilège.
12:29 L'orthopédie, ce n'est pas toujours des gestes très fins.
12:31 - Oui, oui.
12:32 - Mais il y a tout.
12:35 Vous pouvez avoir la microchirurgie.
12:37 - Il y a des choses un peu ambulantes.
12:39 - On opère avec des fils qui sont plus fins que des cheveux.
12:43 C'est marrant, ils parlent comme si on comprenait.
12:47 - Tu aimes faire ça, là ?
12:53 - C'est de la chirurgie.
12:55 - Ouais, dès que tu as les mains dedans, tu es heureux.
12:59 Mais la partie "je vis dans la poussière, je dors sur un lit picot"...
13:03 - Ce n'est pas toute l'année, ça.
13:04 Alors plus on vieillit, moins on le supporte.
13:07 - Je te confirme.
13:08 Mais comment tu as su, avant de le faire, que tu serais heureux de faire ça ?
13:12 - Ça, c'est une grande question.
13:14 En troisième, j'ai dit que je voulais être chirurgien.
13:16 - En troisième ?
13:17 - Orthopédiste. En troisième du collège.
13:19 - Tes parents étaient médecins ?
13:21 - Oui, cardiologues.
13:22 Ils m'ont emmené au bloc...
13:24 - Pour te dégoûter ?
13:26 - Exactement.
13:27 - Sérieux ?
13:28 - Il a dit "tu verras".
13:29 Et puis, en se disant qu'une fois qu'il aura eu ça,
13:32 il va peut-être changer d'avis.
13:34 Et je suis revenu en disant "c'est génial".
13:37 - Tu vois bien ?
13:40 - Absolument.
13:41 - Tu dors comme tes beaux gosses.
13:42 Beaux gosses, mais à quel prix ?
13:48 35 points de suture.
13:50 Le patient peut admirer tout de suite sa nouvelle cuisse.
13:54 Opération réussie pour Didier.
13:57 - C'est normal.
13:58 Dans l'aile opposée, Fabienne et Audrey, l'aide soignante, attaquent les soins.
14:07 - On va essayer de faire quelques pas jusqu'à la chaise.
14:10 Super !
14:17 Cet homme, opéré hier du tibia, doit déjà se lever.
14:24 - On est obligé de se lever très tôt,
14:27 parce que les patients, on ne peut pas les garder longtemps.
14:31 Il y a un brassage qui est très important.
14:33 On est censé accueillir tous les soirs de potentielles urgences.
14:37 Donc, on veut avoir le maximum de disponibilité.
14:40 Il faut faire de la place pour accueillir les nouveaux blessés.
14:44 L'antenne chirurgicale ne dispose que de 15 lits.
14:47 - On va refaire les lits.
14:53 Comme ça, on peut faire les pansements sur quelque chose de propre.
14:55 C'est bien, ils nous aident, les patients.
15:02 C'est génial.
15:03 Une manière de dire merci.
15:05 - Tu ne vas pas avoir froid, toi ?
15:07 Sans les chirurgiens français, ces deux-là auraient peut-être perdu leur jambe.
15:12 - Donc, vous, les pansements, c'est pas aujourd'hui.
15:15 Audrey, elle, fait la toilette des patients.
15:18 C'est le seul robinet d'eau de l'antenne chirurgicale.
15:22 Et l'eau vient de ces bidons.
15:24 - Alors, ça, c'est les réserves d'eau, en fait.
15:29 Parce qu'il n'y a pas d'eau courante branchée directement.
15:32 L'eau, c'est le principal problème à Zaatari.
15:38 Alimenter en eau des dizaines de milliers de personnes en plein désert
15:42 est un exploit.
15:43 Le précieux liquide est livré chaque jour par camion-citerne.
15:48 2 millions de mètres cubes tous les jours.
15:51 Dans le camp français, l'eau est stockée dans ces réservoirs soupes.
15:58 Et pour l'eau chaude, une simple bouilloire.
16:04 À l'antenne, Audrey a appris le système D.
16:06 - On fait chauffer l'eau pour les patients.
16:09 Parce qu'en fait, il n'y a pas d'eau chaude sur les eaux,
16:11 donc il faut qu'ils se lavent à l'eau froide.
16:14 - Maman, tu as des malades ?
16:20 Eh bien, tiens.
16:20 Non ?
16:23 - Yes, yes.
16:24 - Ah là ?
16:25 D'accord.
16:27 Alors, qu'est-ce que tu caches, toi ?
16:30 Des plateaux repas.
16:32 Le problème, c'est que c'est qu'ils adorent stocker la nourriture.
16:35 C'est pas trop compatible avec les sons.
16:37 - Pourquoi ?
16:39 - Je pense qu'ils sont un peu dans cette...
16:43 Dans cette optique où on conserve tout au cas où on va manquer.
16:48 On a des plateaux qui datent d'hier, enfin...
16:50 Avec la guerre, ces enfants n'ont pas toujours mangé à leur faim.
16:58 Je veux me rendre compte par moi-même de l'étendue de ce temps.
17:15 Et c'est Gunther, le capitaine en charge des relations civiles,
17:18 qui sera mon guide.
17:18 - Il y a un autre phénomène ici, c'est que les gens luttent contre l'ennui.
17:26 Contre l'enfermement, parce que les journées se succèdent et se ressemblent.
17:30 Ils n'ont pas de travail.
17:31 Ils n'ont plus vraiment de rôle social.
17:35 - Il n'y a plus d'école ?
17:35 - Il n'y a plus...
17:36 Enfin, si, il y a une école.
17:37 Le dilemme pour ces réfugiés, s'installer ou pas.
17:42 - Il y a beaucoup de signes extérieurs que l'on décrypte au fur et à mesure.
17:46 On voit bien que les gens commencent à s'installer là, dans la durée.
17:48 Petit à petit, les commerces se sont étoffés.
17:50 On arrive à trouver des produits maintenant,
17:53 qui ne sont plus des produits de première nécessité,
17:54 mais des produits presque de confort.
17:56 - Oui, je vois parfumerie, vêtements.
17:59 - Alors, parfumerie, vêtements, des machines à laver.
18:02 Il y a certaines tentes qui sont équipées de machines à laver.
18:04 Ici, on va tourner.
18:06 On a quitté Hartford, qui était orienté nord-sud,
18:09 que l'on a baptisé les Champs-Elysées.
18:12 Donc ça, c'est vraiment...
18:12 C'est pour retrouver un peu notre esprit français.
18:15 - Et cette avenue, on l'a baptisée Avenue Foch.
18:17 - D'accord.
18:17 C'est fou, hein ?
18:19 C'est gigantesque.
18:20 - C'est gigantesque.
18:21 Ils sont 70 000 et plus de la moitié ont moins de 18 ans.
18:27 Ce camp est géré par le HCR,
18:30 le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés,
18:32 sous l'autorité, bien sûr, des Jordaniens.
18:34 Quand les Syriens arrivent ici, ils n'ont plus rien, ou presque.
18:39 - Les biens les plus précieux qu'ils ont ici, ce sont les téléphones mobiles.
18:43 Pourquoi ? Parce qu'on est à 10 km de la frontière.
18:46 Donc les gens discutent.
18:48 Ils se renseignent sur leur maison.
18:51 Est-ce que la maison a été détruite ou pas ?
18:53 - Voilà, ils captent les réseaux syriens, quoi, en fait.
18:55 - Ils captent les réseaux syriens.
18:56 Ils se renseignent, évidemment, sur l'état de santé de leurs proches.
18:59 - C'est fou parce que là-bas, on voit pas la fin du camp.
19:01 - Oui.
19:02 - Enfin, on le voit, mais...
19:03 - C'est fou, parce que là-bas, on voit pas la fin du camp.
19:07 - Oui.
19:07 - Enfin, on le voit, mais...
19:09 Des tentes et des préfabriqués à perte de vue.
19:12 2 à 3 000 Syriens arrivent ici tous les jours.
19:15 Peu à peu, Zaatari dévore le désert.
19:20 Et bientôt, le camp prévu pour 150 000 personnes ne suffira plus.
19:26 - Ils arrivent ici comment ? À pied ?
19:28 - Non, ils sont pris en charge par les autorités jordaniennes à la frontière.
19:31 Donc, les gardes frontières qui les font monter dans des bus.
19:33 Et on les emmène ici, dans le camp.
19:35 Ils passent une première nuit dans le camp à même le sol sur une natte.
19:38 Et au petit matin, on leur donne une tente qu'ils montent eux-mêmes.
19:41 - D'accord.
19:41 - Donc, malgré tout, la traversée, ça reste une odyssée.
19:44 C'est pas simple.
19:45 C'est quand même une épreuve.
19:46 C'est quand même une épreuve.
19:48 - Moi, Christophe.
19:50 - Hamouda.
19:50 - Hamouda.
19:52 - Louaï.
19:54 - Koussaï.
19:54 - Abed.
19:55 - Mohamed.
19:56 - Mounaaf.
19:57 - Tahsir, je te l'ai dit.
19:59 - Tahsir, oui, oui, oui, oui.
20:02 - Au bloc, Patrice, l'anesthésiste, prépare le deuxième opéré de la journée.
20:20 Quand soudain, l'urgence reprend le dessus.
20:22 - Il est pas endormi, lui, encore.
20:28 - Oui, il vaut mieux.
20:29 - On sort celui-là, on met l'autre à la place.
20:35 L'homme sur la civière vient d'arriver.
20:40 Il est gravement blessé.
20:41 Le dos et un bras déchiqueté par l'explosion d'une bombe.
20:45 - Attendez que tout le monde soit prêt pour le transférer.
20:47 - Tout le monde est prêt ? - Oui.
20:49 - Un, deux, trois.
20:51 C'est encore un combattant de l'armée syrienne libre.
20:58 - On va juste sortir le patient.
21:00 Heureusement, ce patient n'était pas encore sous anesthésie.
21:08 Encore quelques secondes et Didier ne pouvait plus retarder l'opération prévue.
21:12 - On fait la radio du thorax ?
21:16 - Un, deux, trois, go.
21:18 - Et on pose.
21:21 - Il n'y a rien sur le thorax ?
21:25 - C'est une grosse blessure balistique.
21:27 Vous avez ça que en situation de conflit.
21:29 - 2 mg/kg, 25 dessus.
21:33 La seringue d'Adrès, elle est où ?
21:36 L'homme a très mal.
21:38 Il faut faire vite.
21:39 Pour Patrice, l'anesthésiste, l'urgence est de le stabiliser
21:43 et de le préparer pour le bloc.
21:45 - Le but, c'est pas d'aller trop vite pour griller des étapes,
21:50 mais c'est de gagner du temps sur les choses simples.
21:52 Et donc, en gros, on gagne un peu en matière de survie pour les patients.
21:56 C'est Emmanuel, le deuxième chirurgien de l'antenne,
21:59 qui est chargé d'extraire le projectile.
22:01 - Bingo !
22:03 Ça, c'est du lourd.
22:05 Ce morceau de métal a fait beaucoup de dégâts.
22:09 - Le bras, on peut raccourcir un peu.
22:11 On s'est fait un bras plus court, mais il vaut mieux avoir un bras raccourci
22:14 que pas de bras du tout.
22:14 - C'est une balle de kalachnikov, n'est-ce pas ?
22:20 - On a un fumeur cassé sans projectile.
22:26 - Il n'y a pas de plaid, il n'a pas eu de...
22:28 - Donc là, c'est le 3RH1, capitaine.
22:31 - Et ça, c'est une balle, une balle de kalachnikov.
22:36 - Donc c'est fait pour faire très mal.
22:37 Les avions ont lancé des obus quand les enfants rentraient de l'école.
22:41 - C'est un obus de Bafang-Al-Assad.
22:43 - Déjà, une petite évaluation des affaires.
22:55 - Emmanuel est viscéraliste.
22:59 Lui et Didier, l'orthopédiste, sont les deux chirurgiens de l'antenne.
23:03 Ils s'assistent mutuellement.
23:05 C'est Emmanuel qui va poser les broches.
23:08 Les deux chirurgiens ont réussi à éviter l'amputation.
23:16 - Emmanuel est en train de vérifier avec un petit doc l'air de poche
23:20 qu'on sent bien les poux, que la main est bien vascularisée.
23:23 - Tu l'avais un moment.
23:29 On a mis le bras en sécurité.
23:37 La main est vascularisée, le bras est stabilisé.
23:41 Le pronostic vital n'est pas mis en jeu et il va être transféré
23:44 sur un hôpital jordanien pour la suite du traitement.
23:47 Le bras de ce combattant a été raccourci d'environ 10 cm,
23:51 mais il garde son bras et sera envoyé pour la suite
23:54 dans un hôpital d'Amal.
23:55 - C'est la mi-temps.
23:58 J'abandonne provisoirement le bloc opératoire.
24:05 Besoin de prendre un peu l'air.
24:08 Le job de ces chirurgiens est impressionnant.
24:18 Pendant deux mois dans la poussière,
24:21 et en confort rudimentaire, loin de leur famille et de leurs amis,
24:25 ils sauvent des vies.
24:27 Au même moment, Rawan, la petite syrienne gravement blessée
24:34 à la jambe, profite des derniers rayons du soleil avec sa famille.
24:37 Mais c'est l'heure de rentrer pour les soins.
24:42 Et c'est Audrey qui s'en occupe.
24:49 Rawan a déjà été amputée d'un orteil.
24:52 Elle a subi trois opérations et elle devra passer
24:55 une dernière fois au bloc demain.
24:57 - Rawan, tu m'aides ?
25:01 On voit beaucoup d'enfants, mais on s'y attache vite en plus.
25:07 Puis, ils restent là longtemps parce que les enfants,
25:09 on les garde en général avec nous.
25:12 Ça nous permet de les surveiller un peu plus de près.
25:15 S'ils ont des traitements à prendre, on est sûr qu'ils les prennent,
25:18 tout ça, parce que, de par mon expérience dans d'autres pays,
25:22 les parents vendaient souvent les médicaments des enfants.
25:26 Donc, au moins, là, on est sûr de les avoir auprès de nous.
25:29 À Zaatari, pour des raisons de sécurité,
25:35 les militaires français sortent rarement de leur campement,
25:38 ce qui limite forcément les activités extra professionnelles.
25:42 Seul exutoire, le sport.
25:45 Footing pour Patrice, muscu pour Emmanuel.
25:48 - Pour peu qu'on ait besoin d'être seul, c'est très, très compliqué ici.
25:51 Parce qu'on est...
25:53 C'est une petite enclave, on vit toujours les uns sur les autres.
25:56 Le sport, c'est la bulle où personne ne pénètre.
25:59 C'est assez agréable.
26:02 Fabien, elle, enchaîne les uppercuts avec ses collègues.
26:11 Un bon moyen d'évacuer la pression.
26:15 - Le stress, on arrive à le gérer avec l'expérience.
26:18 Mais c'est vrai que ça aide pas mal.
26:22 Il faut que je fasse du sport tous les jours.
26:24 Ça me permet de me défouler.
26:26 On s'entretient physiquement.
26:28 Et ça nous change d'activité.
26:43 Il est 20 heures.
26:45 Patrice, l'anesthésiste, supervise le transfert Véraman
26:48 du patient qui a évité de justesse l'amputation du bras.
26:52 Ce voyage Véraman est à risque.
27:04 Deux infirmiers français l'accompagnent.
27:06 Une heure de route.
27:08 Patrice prévoit un appareil de réanimation cardiaque.
27:12 Les ambulances jordaniennes n'en sont pas équipées.
27:14 - On l'a reçu à 14h30.
27:28 On l'a déchoqué en un quart d'heure.
27:32 Il est passé au bloc en une demi-heure.
27:34 Ça a duré une heure et demie de temps de faire la chirurgie.
27:38 Et puis après, là, on est dans des bons délais.
27:41 Ça lui laisse quand même pas mal de chance.
27:43 Patrice et son équipe ont consacré six heures au total
27:49 à ce blessé de guerre.
27:51 Ce soir, quatre infirmiers ont une mission.
28:01 Chargés de lourdes malles, ils remontent les Champs-Elysées de Zaatari.
28:05 Ils ont rendez vous avec ce colosse syrien, un boulanger.
28:09 Il prête son fourreau français, car ce soir, pour l'équipe médicale,
28:13 c'est pizza.
28:14 La journée fut rude, comme toutes les autres.
28:23 Autour d'un feu de camp, on décompresse.
28:25 Audrey, la soignante, se confie.
28:28 - Je me suis engagée à 18 ans parce que j'avais envie de partir de chez moi,
28:32 sortir d'une vie familiale un petit peu, vivre des aventures
28:35 qu'on peut vivre ici.
28:36 C'est des beaux souvenirs, c'est une belle expérience.
28:40 C'est enrichissant, on prend beaucoup de maturité.
28:42 C'est ici, au coin du feu, que toute cette équipe soudée
28:47 trouve l'énergie pour affronter le quotidien.
28:50 Comme tous les matins, Patrice se rend au rassemblement.
29:05 Les chirurgiens, eux, sont restés au lit.
29:07 Généralement, on essaie qu'il y ait toujours une représentation de l'équipe
29:10 au rassemblement, puis ça fait partie un peu de la vie militaire.
29:12 Donc, voilà.
29:13 Moi, en tant que chef d'antenne, j'essaie d'y être.
29:16 - Attention pour les couleurs !
29:23 Envoyez !
29:26 - 9 heures du matin, c'est l'ouverture de la grille à l'hôpital français.
29:42 Les enfants attendent le top départ pour entrer.
29:46 Comme chaque jour, ils sont des dizaines à venir se faire vacciner.
29:50 - C'est rigolo, on dirait qu'ils vont jouer.
29:55 Une brouette en guise de poussette.
29:58 - On va essayer de se créer un cheveu.
30:02 Je suis Gabriel.
30:05 Ce médecin est un spécialiste de santé publique.
30:08 Son travail consiste à prévenir les épidémies.
30:11 - On l'interprète ici, on enregistre chaque personne.
30:13 Et on leur donne un carnet de vaccination.
30:15 - D'accord.
30:16 - Carnet de vaccination qui permet d'enregistrer les vaccins qui sont faits aujourd'hui.
30:22 Le vaccin d'aujourd'hui est contre la rougeole,
30:24 une infection virale 20 fois plus dévastatrice que la grippe espagnole.
30:29 - Donc là, c'est le travail à la chaîne, capitaine.
30:31 L'objectif est de vacciner tous les enfants de moins de 15 ans, dans le camp.
30:36 Aujourd'hui, ils sont estimés à 30 000.
30:40 Ce matin, Gabriel espère vacciner 250 enfants, ce qui me paraît énorme.
30:45 Et sous l'autorité de ce médecin, je vais faire ma première vaccination.
30:50 - Oui, j'ai toutes les cartes.
30:54 Hop, c'est cassé, franco.
30:57 Voilà.
30:58 - Ça va, j'ai été bon ?
31:10 - Ah bah très, très bien, c'est impeccable.
31:12 - C'est une affaire qui roule, ça.
31:18 - C'est une affaire qui roule.
31:19 - Mais comment ça se fait que l'armée française s'est trouvée avec ça,
31:21 comme mission de vacciner ?
31:23 - C'est les tout premiers épidémiologistes qui sont venus avec le premier mandat.
31:27 La mission a fait un travail d'évaluation des besoins en santé du camp.
31:30 Et c'est des personnes de vacciner.
31:33 Et sur un camp de réfugiés, c'est vraiment une action prioritaire.
31:35 L'OMS, c'est une des dix priorités.
31:37 Avec trouver un toit aux gens, avec leur donner à manger,
31:41 avec leur apporter de l'eau propre.
31:42 Vacciner les enfants contre la rougeole est vraiment une des grosses priorités.
31:46 Il y a des choses importantes à faire.
31:48 Depuis 2012, les Français ont vacciné 20 000 gamins contre la rougeole.
31:55 Pour éviter une épidémie, il faut vacciner 95% des enfants du camp.
32:00 Retour à l'hôpital français.
32:06 Je rends une petite visite à l'homme opéré hier de la cuisse.
32:09 - Comment ça va ?
32:11 - Ça va, merci.
32:14 - Vous avez vu la plaie, comme elle est belle ?
32:17 - Oui, la cicatrice est belle.
32:20 - Ça, maintenant, vous allez...
32:22 Vous êtes marié ?
32:23 - Non.
32:26 - Maintenant, vous allez pouvoir vous marier.
32:27 - Parce que la plaie...
32:31 - Est-ce que ma plaie est infectée ?
32:33 Et comment va l'os ?
32:34 - L'os, nickel.
32:45 - L'os, le bois, c'est bon.
32:47 - On a tout enlevé et mis de la cire au fond.
32:50 - On a nettoyé et on a nettoyé le os.
32:53 - Merci.
32:54 - Merci.
32:54 - Super, super, super.
32:56 Moi, je ne suis pas médecin.
32:57 - Ce n'est pas un docteur.
32:57 Un peu plus loin, Rawan, la petite Syrienne, est au bloc pour sa grève de peau.
33:06 Didier et Emmanuel, nos deux chirurgiens, se préparent.
33:10 - 50, j'ai mis 30.
33:10 On lui prélève un carré de 4 cm à l'intérieur de la cuisse pour la bonne viabilité du greffon.
33:20 - On va faire un petit quadrillage pour augmenter la taille de la greffe, en fait.
33:26 Comme un barési, en fait.
33:28 - C'est mieux quand tu t'appliques.
33:30 - Monsieur, je suis déjà au maximum, je suis désolé.
33:34 - Ces jeunes, il faudra vraiment les surveiller comme le lait sur le flot.
33:37 Là, on peut estimer que si tout se passe bien, dans 5 jours, Rawan, elle sort de l'antenne, elle sort de l'hôpital et elle retourne dans le camp.
33:48 Et on ne la revoit pas.
33:49 Rawan sort du bloc et part en salle de réanimation.
34:05 Pendant que Rawan se réveille lentement, Patrice me prend au dépourvu.
34:08 - Tu vas faire la partie anesthésique et puis la partie chirurgicale?
34:14 - Tout.
34:14 - Tout?
34:15 - Je veux tout.
34:16 Tu fais une anesthésie générale, là?
34:19 Jed a porté cet homme.
34:22 Il a pris une balle dans le dos, une blessure superficielle.
34:26 - C'est ça qu'on va aller chercher.
34:29 - Ceci est une balle de Kalachnikov, n'est-ce pas?
34:31 - C'est une balle de Kalachnikov, je ne sais pas.
34:34 - Oui, c'est une balle de Kalachnikov.
34:35 On voit bien.
34:36 Me voilà donc, aide anesthésiste.
34:40 - Là, si on te laisse faire, c'est qu'il n'y a aucun risque.
34:44 Souvent, on aime bien former les gens.
34:47 Par exemple, là, on a un jeune caporal qui fait partie du poste de secours.
34:51 On les forme au geste d'urgence.
34:52 - D'accord.
34:52 - Il faut essayer d'être le plus étanche possible.
34:59 Tu mets ta main là, comme ça.
35:01 - D'accord.
35:02 - OK.
35:03 - Là, c'est super bien, là.
35:07 Tu pré-oxygènes très bien.
35:08 - Je suis bien, là.
35:09 - Ah oui, c'était parfait.
35:10 C'était parfait.
35:11 Il y a le chirurgien qui contrôle toujours l'anesthésiste.
35:15 - Heureusement que je suis là pour surveiller.
35:17 Mais Patrice assure et c'est un bon produit.
35:21 - Le premier produit que j'injecte, c'est du Sufinta.
35:26 C'est mille fois plus puissant qu'un morphine.
35:29 C'est un morphinique de synthèse.
35:32 Donc, il y a des posologies à respecter.
35:33 C'est pour ça qu'on fait des études.
35:35 En plus du morphinique, on utilise ce qu'on appelle un hypnotique.
35:41 - Ça s'appelle du lait de coco.
35:42 Le morphinique efface la douleur.
35:44 L'hypnotique endort le patient.
35:46 - C'est vrai que ça ressemble un peu à du poncho coco.
35:49 Mais ça n'a pas du tout les mêmes vertus.
35:50 Emmanuel, le viscéraliste, entre en scène.
35:56 C'est à son tour d'opérer.
35:58 - On se le met en équipage latéral gauche.
36:01 - Vas-y.
36:03 A sa gauche, je suis aux premières loges.
36:04 La balle est à quelques centimètres au dessous de la peau, près de la colonne.
36:09 - C'est vers le bas plutôt.
36:10 Attends, je te presse là, Christophe.
36:11 Je te presse ici.
36:12 - On ne va pas faire le...
36:12 - Tu peux tenir ça comme ça ?
36:13 - Oui.
36:13 J'accepte bien volontiers de donner un coup de main au chirurgien.
36:17 - Voilà.
36:19 Elle dit "coucou Christophe, attrape moi".
36:22 Ça, c'est une belle.
36:24 - C'est une balle de Kalachnikov, ça.
36:25 7,62.
36:26 - Première opération.
36:29 - Quand je pense qu'ils font toutes ces études pour ça.
36:31 J'ai extrait ma première balle.
36:36 Un peu plus tard, Didier tient à me montrer sa petite collection.
36:43 - Tu as les...
36:45 - Ça, c'est la collection de tous les éclats qu'on a retirés.
36:51 Ça, c'est l'éclat qu'il y avait dans le dos du patient.
36:56 - C'est quoi, éclat d'obus, ça ?
36:58 - On ne sait pas, oui, c'est un éclat d'obus, certainement.
37:00 Et ça, c'est une balle, une balle de Kalachnikov.
37:02 Elle est complètement tordue et déformée parce qu'elle a rencontré de l'os.
37:08 Donc, il a complètement déformé.
37:10 Et on appelle ça des balles chemisées, comme dans le film Full Metal Jacket.
37:14 C'est-à-dire qu'il y a un noyau en plomb et l'extérieur, c'est une chemise en général en cuivre.
37:19 - Donc, c'est fait pour faire très mal, quoi.
37:21 Des trophées de guerre comme autant de vies sauvées.
37:26 Fin d'après-midi, juste le temps de faire un peu de sport avant la tombée de la nuit.
37:36 Comme d'habitude, la petite famille se retrouve au coin du feu.
37:48 Ce soir, c'est soirée créole.
37:50 Cyndia, l'infirmière antillaise, prépare des beignets de bananes.
37:55 - Ça fait du bien au moral, comme on est moins de notre famille, quand même.
37:58 C'est important de se retrouver, de retrouver un petit peu de chaleur humaine.
38:04 Ça fait du bien.
38:06 Emmanuel et Didier, les deux chirurgiens, préfèrent quitter le groupe.
38:18 Comme chaque soir, ils s'isolent pour appeler leurs enfants.
38:21 - Marie-Camille.
38:25 - Coucou.
38:28 Tu sais qu'à la fin des vacances, moi, je rentre.
38:30 Une quinzaine de minutes avec les enfants, ça fait du bien.
38:35 - C'est Didier.
38:42 Bon.
38:46 A demain.
38:47 - Je l'aurais fait visiter l'hôpital avec l'ordinateur.
38:53 - Pas les choses importantes, mais on leur montre les tentes de loin, etc.
38:57 Ça leur donne une idée de là où on vit, en tout cas.
39:00 Le fait d'être sous tente, ça les fait un peu rêver.
39:03 - On a la chance d'avoir un réseau Internet qui marche bien
39:07 quand on n'a pas de moyens de communication.
39:09 Notamment, il y a des missions où on n'a que le téléphone.
39:11 Ça dévide, c'est un peu difficile.
39:14 - Vous leur dites, vous êtes chirurgien de guerre, qu'en Syrie, il y a un conflit ?
39:18 - Non, ce sont des thèmes qu'on n'aborde pas, parce que la guerre,
39:21 ça génère l'anxiété et c'est jamais très bon.
39:24 - Une ambulance.
39:26 22 heures, le balai des ambulances reprend.
39:32 La pause est terminée.
39:34 Deux blessés graves.
39:35 Autour de moi, c'est l'agitation.
39:38 - Attention radio.
39:41 - Lui, il a une plaie où ?
39:55 - J'ai pas d'éclats sur la jambe.
40:06 - On peut voir le trou de sortie.
40:07 - Pour nous, c'est déstabilisant parce qu'on a un fémur cassé,
40:13 sans projectile, avec un trou d'entrée.
40:15 - Il n'y a pas de trou de sortie ?
40:17 - Pas de trou de sortie.
40:17 - Mais en principe, le trou de sortie est plus gros que celui d'entrée.
40:21 - En plus, oui, normalement, il y a un effet cône.
40:23 La balle, surtout quand elle...
40:24 - Elle percute en eau.
40:26 - Quand elle percute en eau, ça se met à tourner sur elle-même.
40:28 Et le trou de sortie est beaucoup plus large que le trou d'entrée.
40:30 La victime souffre, mais elle devrait survivre.
40:34 - Il y a une urgence, mais là, tout est stabilisé.
40:36 On peut se permettre de repasser à un deuxième contrôle,
40:40 tout vérifier si on n'est pas passé à côté d'aucune plaie,
40:43 si on n'a rien oublié.
40:44 Pendant ce temps-là, Cyndia et Audrey font la radio
40:48 du deuxième patient, étrangement silencieux.
40:51 - La balle est dans le pelvis.
40:53 Et dans le pelvis, il y a la vessie, le rectum,
40:56 il y a plein de choses.
40:57 Donc, il y a des gros vaisseaux qui passent.
40:59 - Donc, ça a pu faire des dégâts.
41:01 - C'est typiquement le genre de malade qui ne veut pas attendre.
41:04 Il n'y a qu'un seul bloc opératoire.
41:10 Dans l'urgence, l'équipe choisit qui peut attendre.
41:13 Le blessé va rester une demi-heure sur le billard.
41:15 - Un chirurgien militaire, c'est le métier qu'on ne peut pas faire ailleurs.
41:21 La chirurgie sous tente au milieu de nulle part,
41:23 en autonomie complète.
41:24 Pour faire de la chirurgie de guerre, je crois qu'il y a que nous qui le faisons.
41:27 Et il y a un côté vraiment, vraiment excitant.
41:32 Surtout quand on est jeune.
41:33 Peut-être que plus tard, ça serait un peu pesant.
41:35 Mais je crois que pour un jeune chirurgien, c'est quand même vraiment extra.
41:39 - C'est le... - C'est le... - Il n'y a pas de problème ? - On est occupé.
41:51 - C'est quoi ? - Ciseaux ? Vas-y, Didier.
41:55 Je vais finir avec Céline et Sonia.
41:59 - Il n'y a pas de plaies ? Il n'a pas eu de déclin ou de balles ?
42:12 - Non. - C'est mon fracture.
42:14 - Si ça aurait été une blessure par balle, je l'aurais prit.
42:17 Les médecins français ne prennent que des blessés de guerre.
42:21 C'est leur spécialité.
42:23 Il est minuit, l'ambulance repart vers l'un des deux autres hôpitaux du camp.
42:28 Le lendemain matin, une heure de voiture au milieu du désert.
42:42 Direction Amman, la capitale de millions d'habitants.
42:47 J'ai rendez-vous dans un hôpital de la ville avec Didier et Patrice,
42:56 qui sont venus prendre des nouvelles du patient syrien qu'ils ont sauvé de l'amputation.
43:01 Il est toujours en observation, suivi par des médecins jordaniens.
43:04 - Certainement, on va conserver un bras avec des séquelles,
43:11 mais il y aura un bras qui sera en partie fonctionnel.
43:13 - Qui sera en partie fonctionnel. - En partie fonctionnel, oui.
43:15 Ce qui est très bien pour lui. - Il a eu du pot de votre trouveuse, voilà.
43:18 - On peut dire ça comme ça. - Il arrive d'où ?
43:23 - Il a un contact avec sa famille ?
43:26 - Non, pas encore. Il vient juste de me demander d'appeler chez lui.
43:30 - Et il a un numéro de téléphone ? Il veut appeler ?
43:36 Est-ce que je peux lui donner mon téléphone ?
43:38 - Tu veux appeler chez toi si on te donne un téléphone ?
43:41 - On va lui donner mon téléphone.
43:45 - Allô, maman ?
43:58 Comment tu vas ?
44:00 Tu peux me passer papa ?
44:05 Non, non, rien de grave, je te jure.
44:09 J'ai juste un petit rhume.
44:11 Je te promets.
44:12 Passe-moi papa, s'il te plaît.
44:15 Allô, papa, oui.
44:17 Écoute-moi, j'ai été blessé par balle.
44:20 Non, non, rien de grave.
44:23 Je suis à l'hôpital en Jordanie.
44:26 Je me repose et je rentre bientôt.
44:28 Je comprends son gros mensonge.
44:34 Il ne veut pas inquiéter ses parents, bloqués à Deira,
44:37 l'une des villes martyrs de Syrie.
44:39 Merci, merci beaucoup.
44:44 Vous pouvez juste lui demander qui il est et d'où il vient ?
44:49 - Il vient de Syrie, de Deira.
44:53 - C'est un soldat ?
44:56 - C'est un soldat de l'armée libre.
45:02 Il a été blessé pendant un combat.
45:07 - Ah, il a été blessé pendant les combats.
45:11 Merci, merci à vous, mais bon courage.
45:14 Retour à Zaatari.
45:33 Pour Awan, c'est bientôt la fin de l'épreuve.
45:36 Ce soir, elle va dormir chez elle.
45:38 C'est un peu la chouchou de Fabienne.
45:42 - Ça fait partie des raisons pour lesquelles je pars en mission.
45:44 Les patients et plus particulièrement les enfants,
45:46 on s'attache vite, ils sont reconnaissants.
45:50 Et de les voir évoluer dans le bon sens, guérir et tout,
45:54 c'est vrai que ça fait des super souvenirs.
45:57 Ça nous rappelle pourquoi on fait ce métier.
46:09 Une ambulance arrive et à l'intérieur, pour une fois,
46:13 ça n'est pas un blessé de guerre, mais deux femmes.
46:17 L'une d'entre elles est enceinte.
46:19 L'accouchement est imminent.
46:21 En face de l'antenne chirurgicale se tient une tente blanche.
46:26 C'est celle de Gynécologie Sans Frontières,
46:28 une jeune ONG nantaise installée dans le camp français.
46:31 Ici, ils sont cinq à assurer un service d'obstétrique.
46:38 Je suis invité par Nora, l'une des gynéco,
46:40 à entrer sous la tente au moment où l'accouchement se termine.
46:43 Tout s'est bien passé.
46:46 - Garçon. - Petite fille.
47:02 - Petite fille. - Bienvenue.
47:04 Qui a besoin d'un petit peu d'oxygène.
47:06 - Combien de thèmes aujourd'hui?
47:10 - Il y en a eu quatre cette nuit, c'est le cinquième depuis minuit.
47:15 - Cinquième depuis minuit. - Hier, on en a eu douze.
47:17 - Hier, douze? - Oui, douze bébés.
47:20 Depuis son arrivée il y a deux semaines, Nora a accouché
47:24 neuf bébés en moyenne chaque jour.
47:26 - Il ne pleure pas assez, là? - Non, ça va, ça va.
47:29 Là, ça va. Il y en a du.
47:31 - De l'oxygène, un peu? - Oui, un petit peu.
47:35 - Regarde.
47:36 - Voilà, elle est en maillotte comme ça.
47:37 Comme Anaïs va vous montrer.
47:39 - Ah oui? - Oui.
47:40 - Attends, je vais trouver mon aiguille.
47:42 - Gana!
47:43 - Gana?
47:44 - Voilà.
47:45 Il se sent plus en sécurité comme ça.
47:47 - Il découvre le monde d'une manière un peu bizarre, lui.
47:51 Il se retrouve dans un camp de réfugiés.
47:53 - Et en fait, les femmes du camp pensent que,
47:56 comme il y a eu beaucoup de sacrifiés, beaucoup de morts, de tués en Syrie,
47:59 elles pensent que les bébés sont protégés
48:01 et que c'est pour ça qu'il y a beaucoup d'enfants qui naissent.
48:03 C'est leur croyance, dans le camp.
48:05 Voilà, voilà.
48:07 - Qu'ils sont protégés et qu'ils viennent renouveler.
48:08 - Oui.
48:09 Les morts au combat.
48:11 - On dirait que c'est le mien.
48:17 - Non, c'est pas le mien.
48:18 - On va le présenter à sa maman.
48:20 Ça fait du bien, ce sentiment que la vie continue,
48:31 que les familles se perpétuent.
48:34 Qu'il y a de l'espoir.
48:35 Avant de quitter Zaatari, une dernière chose me tient à coeur.
48:45 Raccompagner Rawan auprès des siens.
48:49 Après deux mois d'hospitalisation chez les médecins militaires français,
48:57 quatre opérations et pas mal de larmes,
49:00 elle rentre chez elle, dans le camp.
49:03 - C'est son frère.
49:13 - C'est son frère ?
49:15 - Oui.
49:15 Et c'est lui qui nous emmène dans ce mobil-homme de 10 mètres carrés,
49:20 où ils vivent à 7.
49:23 - Bonjour.
49:33 - Bonjour.
49:33 - Ça fait combien de temps que vous êtes là ?
49:37 - Ça fait deux mois et demi qu'on est là.
49:39 On a quitté la Syrie et on est arrivé directement ici.
49:42 - Qu'est-ce qui vous est arrivé ?
49:43 Les avions ont lancé des obus quand les enfants rentraient de l'école.
49:49 - D'accord.
49:51 C'est un obus de Bachar Al-Assad.
49:53 - Oui, bien sûr.
49:54 Un obus de Bachar Al-Assad.
49:54 - Vous êtes venu au camp pour les soigner.
49:59 Les enfants sont restés hospitalisés dix jours.
50:02 Mais le problème, c'est que dans les hôpitaux syriens,
50:05 il n'y a pas de médecin et pas de médicament.
50:08 - Quand elle sera totalement guérie, vous voulez rentrer en Syrie ?
50:13 - Inch'Allah, nous allons rentrer en Syrie.
50:15 - Mes enfants et ma femme vont rester ici.
50:17 - Pourquoi ils ne rentrent pas avec vous ?
50:22 - Vous savez, c'est dangereux là-bas.
50:23 Les bombes tombent jour et nuit.
50:25 Un jour, mon mari travaillait sur le toit de notre maison
50:29 et des obus ont explosé juste à côté de lui.
50:32 - Comment c'est la vie ici, madame ?
50:34 La vie est dure.
50:36 Les toilettes sont communes et c'est très sale.
50:38 Ce n'est pas comme chez nous.
50:39 Ici, il y a beaucoup de poussière et il fait très chaud.
50:42 - Vous pensez que vous allez rester combien de temps ici ?
50:44 On espère rester un mois, un mois et demi maximum.
50:47 Mais on dit ça depuis notre arrivée.
50:50 - Merci beaucoup.
50:52 - En tout cas.
50:52 À Zaatari, je n'aurai pas croisé que des combattants,
51:03 mais beaucoup de femmes et beaucoup d'enfants.
51:06 Dernier passage au camp pour saluer toute l'équipe médicale
51:26 qui a tenu à me faire une surprise.
51:34 - Je vous remets le produit de votre travail.
51:36 La balle que j'ai extraite.
51:42 Je repars ce soir.
51:44 Eux sont encore là pour une quinzaine de jours.
51:47 Tous rentreront en France avant sans doute d'accepter
51:51 une nouvelle mission.
51:52 Il est temps pour moi de repartir à la découverte de nouveaux horizons
51:57 où m'attendent d'autres hommes, d'autres femmes
52:00 au métier peu ordinaire.

Recommandée