Les Vraies Voix de l'emploi avec Chanael Le Noir, Directrice Générale – Dans le noir International, Lotfi Ouanezar, Directeur Général chez Association Emmaüs Solidarité et Yann Bucaille, Founder & CEO de Café Joyeux
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NewsTranscription
00:00 Les vraies voies qui font bouger la France, 19h20, les vraies voies de l'emploi, Jérôme Lavergne.
00:06 Et des vraies voies de l'emploi avec trois très très belles entreprises ou associations en notre compagnie.
00:15 Une lueur d'espoir du restaurant Dans le Noir.
00:17 Le restaurant Dans le Noir, né en 2004, offre bien plus qu'un repas.
00:21 Avec des guides inattendus, il propose une profonde leçon d'humanité et de courage.
00:25 Chanel Lenoir, directrice générale de Dans le Noir International, sera avec nous pour en discuter.
00:31 De même, Emmaüs Solidarité, ce n'est pas simplement que des promesses d'un toit, d'un repas,
00:36 mais aussi, on le verra, d'un emploi pour garantir au long cours la réinsertion d'un certain nombre de personnes.
00:43 Au-delà de répondre à l'urgence de l'hébergement,
00:46 il y a des rendez-vous en termes d'insertion d'emplois de formation.
00:50 L'hôte-fille Ouanesard, le directeur général de Emmaüs Solidarité, va nous en parler.
00:54 Et à la carte des Cafés Joyeux, des recettes faites maison et le sourire d'un nouvel horizon depuis 2017,
01:00 les Cafés Joyeux offrent des formations aux personnes en situation de handicap mental ou cognitif,
01:05 ouvrant la voie à un avenir professionnel.
01:07 Yann Bucay, fondateur et directeur général, nous en dira plus.
01:10 Et on a même avec nous le plaisir d'avoir Nicolas Destey, skipper du bateau Café Joyeux.
01:17 Les vrais voix Sud Radio
01:21 Bonsoir à tous les trois. Bonsoir Chanel Lenoir.
01:24 Bonsoir.
01:25 Bonsoir Lofti Ouanesard.
01:27 Bonsoir.
01:27 Bonsoir Yann Bucay.
01:29 Bonsoir.
01:29 Et on vous salue aussi, avant que vous mettiez les voiles, mais vous restez avec nous jusqu'à la fin.
01:33 Nicolas Destey, speaker du bateau le Café Joyeux.
01:36 Vous nous avez concocté, mon cher Jérôme Lavernie, un magnifique plateau ce soir.
01:42 Par force et par obligation, on a bien entendu encore une fois une nouvelle tentative de Rémi André,
01:46 le quart de Montsien de Sud Radio en matière de météorologie,
01:50 ne pouvant réprimer la tentation d'agiter quelques petits nuages venant assombrir nos cieux.
01:55 Alors il faut il faut il faut illuminer tout cela.
01:58 Et c'est un sourire vous travaillez aujourd'hui de cette émission,
02:03 effectivement, qui va présenter des initiatives, des missions qui, au-delà de donner une chance, en donnent une deuxième.
02:11 Tous nos parcours de vie sont ponctués parfois d'épreuves, d'épreuves un peu difficiles.
02:16 Se retrouver à la rue, c'est pariolo.
02:18 Ça demande aussi de la part des acteurs qui accompagnent les gens qui s'y retrouvent,
02:22 beaucoup d'empathie, beaucoup d'humilité aussi, pour pouvoir comprendre la problématique et le chemin de chacun.
02:29 À la clé, néanmoins, eh bien si l'on veut garantir au long cours une réinsertion,
02:36 une insertion est juste simplement derrière une réussite de très beau sourire comme nous allons en avoir ce soir,
02:42 eh bien c'est bien évidemment à la clé avec une solution en termes de démarche et de recherche professionnelle.
02:49 Alors est-ce que quelque part, ce qui vous réunit tous ce soir,
02:53 outre le fait d'être dans les vraies voiles de l'emploi de Sud Radio,
02:56 c'est pas votre rapport à l'humain et en particulier au plus fragile ?
03:01 Chanel Lenoir.
03:02 Si, ou peut-être le fait de le voir différemment.
03:05 C'est-à-dire que la différence, je pense, pour nous tous,
03:08 c'est une chose que l'on voit pas comme un problème ou un blocage, mais au contraire,
03:12 comme peut-être une source de richesse, de diversité, d'enrichissement de l'humain.
03:16 Et donc c'est par exemple comme ça que Dan Lenoir le voit.
03:19 Lofti Wenezar.
03:21 Je partage ce qui vient d'être dit. Pour nous, vous savez, chaque personne...
03:23 Bien près du micro.
03:24 Chaque personne qui arrive chez nous a une histoire, un talent et des savoir-faire.
03:29 Et nous, notre mission, c'est d'aller chercher ceux-là, parce qu'on croit dans l'humain,
03:33 et je pense que cette société, malheureusement, laisse parfois des gens sur le bord du chemin.
03:38 Notre mission, c'est de tendre la main et d'avancer ensemble.
03:41 Ian Buckeye.
03:42 Oui, complètement. Et dans la continuité de ce que dit Lofti ou Chanel,
03:47 c'est qu'il y a une récompense à la clé.
03:50 C'est qu'on croit venir rendre service à quelqu'un.
03:52 Et en fait, tout ça, c'est source de joie.
03:55 Parce que ce monde dans lequel on vit, qui veut uniformiser tout,
03:59 qui refuse de, ne serait-ce que de regarder la personne à côté de soi
04:07 sous prétexte qu'elle est différente ou trop différente,
04:10 en fait, c'est une société qu'on ne veut pas, parce qu'elle est triste, cette société-là.
04:13 En revanche, dès l'instant où on commence à tendre la main, comme vous le dites,
04:16 ou effectivement à valoriser la différence, comme tu disais,
04:20 eh bien là, tout d'un coup, on a un cadeau.
04:23 C'est la joie. C'est ça. Donc je pense qu'on est tous d'accord là-dessus.
04:27 Un petit décryptage supplémentaire. Dans notre société qui aime bien agiter le verbe "o"
04:33 et parfois rester les bras ballants, on aime bien les majuscules.
04:36 On aime bien affubler le mot "humanitaire", "humaniste", "humain" d'un H majuscule,
04:42 là où on s'aperçoit que vos trois initiatives ne visent en aucune façon des chiffres mirifiques.
04:47 Un restaurant, c'est quelques personnes, une dizaine peut-être d'employés.
04:53 Et petit pas à pas, on arrive à faire des miracles comme lorsque vous accueillez une personne en particulier
04:59 qui va avoir un destin en particulier,
05:01 et il y a peut-être la clé là d'obtenir de très grands résultats en conservant donc l'humilité
05:07 que vous avez eue au démarrage de vos entités et dans leur développement,
05:13 eh bien de le faire encore une fois, personne par personne, pas à pas.
05:18 Et bien évidemment avec cette vertu qu'on oublie trop souvent aujourd'hui,
05:23 du sourire et de la simplicité.
05:26 - Chanel ?
05:28 - Oui, il y a aussi des impacts indirects, par exemple au sein des restaurants dans le noir,
05:32 on va avoir des guides serveurs qui sont non voyants,
05:34 mais en fait ils sont là parce que ce sont les meilleurs,
05:36 donc c'est là aussi qu'on regarde différemment le handicap.
05:38 Pour nous c'est juste qu'on a regardé les compétences et ce sont les meilleurs.
05:41 Donc peut-être qu'au total on a 80 personnes dans tous nos restaurants qui ont cet emploi,
05:46 mais on a aussi 2 millions de clients qui ont vécu cette expérience
05:49 et qui ont changé de regard sur le handicap et ça c'est important.
05:52 - Oui, alors peut-être que certains de vos collaborateurs aussi sont pourvus
05:55 du diplôme le plus demandé par les entreprises aujourd'hui,
05:57 l'agrégation, le doctorat, le CAP, le master de savoir-être,
06:01 en tout cas de détermination, de volonté.
06:03 Petite leçon aussi, peut-être tous que nous sommes à ne pas avoir vécu ces épreuves,
06:10 souriez-vous travailler, à son pendant et son équivalent symétrique,
06:14 ne faites pas la gueule parce que vous travaillez.
06:17 Il y a des gens pour qui c'est une réelle chance que vous, que vos 3 entités ont redonné.
06:23 - Lothfi Wannézar, les gens qui ont voulu sortir de la rue,
06:25 on imagine qu'ils ont une reconnaissance immense pour vous ?
06:28 - C'est très fort, très fort en émotion, très fort en interaction
06:32 entre la personne qui accompagne et la personne accompagnée.
06:34 Vous savez aujourd'hui à MLS Solidarité, on accueille plus de 7000 personnes quotidiennement.
06:39 Des hommes, des femmes, des enfants malheureusement,
06:42 qui ont connu la rue, des primo-arrivants, des personnes aussi qui arrivent de la province,
06:46 qui arrivent à Paris pour chercher l'île d'Orado,
06:48 malheureusement ce n'est pas toujours l'île d'Orado.
06:50 Et notre mission c'est d'abord de ne pas les juger.
06:52 Les accueillir de manière inconditionnelle, et ça c'est important,
06:55 de leur dire "Venez, entrez chez nous, vous allez vous poser, vous allez vous reposer,
06:59 vous allez reprendre des forces et repartir dans la vie".
07:02 - Et Yann Buckeye ?
07:03 - Oui, la mission qui a fait Joyeux c'est l'inclusion par le travail,
07:09 parce qu'on considère qu'une personne qui est exclue du monde du travail,
07:12 finalement est exclue du monde en soi.
07:15 Et ce que vous disiez Jérôme, c'est tout à fait ça,
07:17 c'est que même si au Café Joyeux on a le sentiment, on a conscience,
07:21 parce qu'on le mesure, on voit, on a des témoignages,
07:23 qu'on change des vies, véritablement.
07:26 Ça change complètement un écosystème de la personne en situation de handicap mental,
07:30 quand elle a un travail, ça change la vie de sa famille,
07:34 ça change la vie de tout son entourage,
07:37 mais on ne va pas changer le monde tout seul.
07:39 - C'est-à-dire que, effectivement, comme ce que disait Chanel,
07:42 on a une autre mission qui est le changement de regard,
07:44 et c'est ça les Cafés Joyeux, c'est de montrer que c'est possible.
07:48 Le travail doit être accessible à tous, quelle que soit ma situation.
07:52 - Et c'est pourquoi on en parle ce soir dans les Vraies Voix de l'Emploi de Sud Radio
07:55 avec Jérôme Lavernie.
07:57 On se retrouve dans quelques instants,
07:58 vous voulez poser vos questions ou témoigner ?
08:00 Tiens, vous pouvez nous appeler au 0826 300 300,
08:04 on se retrouve dans quelques instants.
08:05 Et on se retrouve pour les Vraies Voix de l'Emploi en compagnie de Jérôme Lavernie
08:08 et en compagnie de Chanel Lenoir,
08:10 directrice générale de Dans le Noir International.
08:12 Si le restaurant Dans le Noir plonge ses clients dans la plus profonde pénombre,
08:16 c'est une lueur d'espoir qu'ils offrent à ses employés
08:18 et une magistrale leçon d'humanité.
08:21 Alors Chanel Lenoir, présentez-nous le concept Dans le Noir.
08:25 - Alors c'est assez simple,
08:26 vous êtes plongé dans un noir qui est absolu,
08:29 donc obscurité totale,
08:30 et vous êtes guidé par des serveurs qui sont non voyants,
08:33 tout simplement parce que ce sont les meilleurs pour vous guider Dans le Noir.
08:36 Et vous allez découvrir un menu surprise.
08:38 Et c'est là que vous allez devoir faire travailler vos sens,
08:41 pour découvrir ce que vous êtes en train de manger,
08:43 et croyez-moi c'est pas simple.
08:44 - Parce que quand on est Dans le Noir et qu'on voit pas ce qu'on a dans l'assiette,
08:46 les papilles gustatives ne fonctionnent pas de la même manière ?
08:49 - Pas du tout. Aujourd'hui on dit que 80% de l'information passe par la vue,
08:52 donc une fois qu'on est privé de celle-ci,
08:54 il faut faire travailler les autres sens et on n'a pas l'habitude.
08:56 - Et comment est né le concept ?
08:58 - Alors le concept a été monté par Edouard Debreuil, il y a 20 ans,
09:01 l'année prochaine, on fêtera nos restaurants.
09:03 - Le premier restaurant.
09:04 - Exactement, à Paris.
09:06 Et Edouard Debreuil était un entrepreneur qui avait déjà monté de nombreuses sociétés dans divers domaines,
09:12 et cherchait quelque chose de plutôt avec un impact utile,
09:15 et il a rencontré dans ce cadre des associations, notamment dans la déficience visuelle,
09:19 et donc on n'a pas inventé ce concept,
09:21 parce que c'était une manière de sensibiliser les familles,
09:23 l'entourage des personnes déficientes visuelles,
09:25 que de les faire manger avec un bandeau sur les yeux.
09:27 Simplement, il en a fait un concept de gastronomie,
09:31 puisqu'aujourd'hui on est une entreprise qui invite ses clients à venir manger dans le noir absolu,
09:36 c'est-à-dire qu'on est vraiment un restaurant avant tout,
09:38 et c'est l'expérience sensorielle que l'on promeut,
09:41 et en fait les convives découvrent l'expérience humaine,
09:45 et tout le côté inclusif a posteriori.
09:48 - Alors c'est purement formidable,
09:50 puisqu'on a parlé d'empathie qui était absolument nécessaire à l'accueil des différents publics que vous accompagnez,
09:56 sauf que cette empathie n'est pas forcément naturelle.
09:58 Or vous, vous la reproduisez de façon, si ce n'est artificielle,
10:02 mais pour vos clients, de telle sorte à pouvoir se mettre en lieu et place de vos guides,
10:07 comme vous les appelez.
10:08 Alors comment vous les recrutez ces guides ?
10:10 - Alors on travaille avec des associations,
10:13 parce que c'est souvent elles qui ont les réseaux de personnes déficientes visuelles,
10:16 et en fait on a un seul prérequis, c'est la motivation.
10:19 C'est notre plus gros prérequis, la motivation, l'envie de travailler.
10:23 Et après on explique quel va être le poste, bien sûr,
10:26 parce qu'il faut pouvoir se projeter,
10:27 et on se trouve souvent, et moi aussi,
10:30 dans des réunions où on réunit des personnes intéressées, des candidats potentiels,
10:34 et pour la première fois ils entendent
10:36 "Vous êtes les meilleurs pour ce poste",
10:37 là où on leur a toujours fermé la porte.
10:39 - Alors quelle est la proportion de gens,
10:42 parmi ceux que vous employez, qui ont déjà eu une expérience professionnelle
10:46 précédente à celle que vous leur offrez ?
10:49 - Je dirais 30 à 40% maximum,
10:51 mais on a des profils de tout âge, ça peut aller d'étudiants
10:55 qui sont en études ou qui ont abandonné les études,
10:58 à des personnes qui ont 70 ans, 65 ans.
11:02 - Qui parfois ne sont pas aveugles de naissance, par exemple,
11:06 qui sont devenus par accident ou par maladie.
11:08 - Exactement. Donc on a des personnes qui sont malvoyantes,
11:11 des personnes qui sont non-voyantes totalement,
11:12 on a des personnes qui le sont depuis la naissance,
11:14 et d'autres à qui c'est arrivé au cours de la vie,
11:16 ou à qui c'est en train d'arriver.
11:17 Et donc à chaque fois ce sont des histoires complètes à écrire.
11:21 - Alors ça c'est très très important, parce que je disais en introduction
11:24 que parfois sans s'embarquer à des grands mots
11:28 et avec des majuscules d'humanitaire, d'humanisme, etc.,
11:31 l'idée c'était de procéder pas à pas,
11:33 et non pas de définir des grandes catégories.
11:35 On a ce tort en France parfois de concevoir des plans
11:39 avec des catégories qui sont visées sans être indélicats.
11:43 Vous voyez, un jeune, une solution.
11:46 Alors nous, nous Philippe, on n'aime pas du tout.
11:48 - On préfère un ?
11:49 - Un chauve, une solution. Voilà.
11:51 On préfère cette catégorie-là.
11:53 - Sauf que vous, le public que vous accompagnez,
11:55 il n'y a pas de catégorie d'âge, il n'y a pas de catégorie d'origine.
11:58 Et ça c'est relativement précieux,
12:00 et c'est une formidable leçon,
12:02 une magistrale leçon supplémentaire que vous attribuez.
12:04 - Chanel Lenoir.
12:06 - C'est ça.
12:06 - Justement, quels sont vos besoins de recrutement
12:08 et est-ce que vous accompagnez sur le volet de la formation ?
12:10 Parce que le public des employés aveugles ou malvoyants,
12:13 c'est quand même plus, c'est pas du tout méprisant,
12:16 plus compliqué que pour quelqu'un qui voit bien
12:18 et qui n'a aucun problème d'intégration dans le monde du travail.
12:21 - Tout à fait, il y a une réalité, c'est qu'il n'existe pas d'école
12:24 pour des personnes qui seraient mal ou non voyantes
12:26 pour devenir serveurs, qui plus est dans le noir absolu.
12:29 Parce que les formations aujourd'hui ne sont pas forcément accessibles
12:32 et n'existent pas pour servir dans le noir absolu.
12:34 Donc on a développé notre propre formation,
12:36 qui fait aujourd'hui presque 40-45 heures,
12:39 et après ces 45 heures de formation,
12:41 une personne qui n'a jamais travaillé dans le milieu de l'hospitalité
12:44 peut devenir serveur.
12:46 - Je rappelle pour rebondir sur la question que je vous posais tout à l'heure,
12:49 le résultat c'est que vous donnez
12:51 leur premier travail à 60% de vos employés,
12:55 c'est énorme, c'est considérable.
12:58 Alors est-ce que vous avez des candidats voyants
13:00 qui sont jaloux et qui veulent travailler pour vous ?
13:02 - Bien sûr, on a des candidats voyants,
13:04 et dans cette idée de ne pas discriminer d'une manière ou d'une autre,
13:07 en fait on fait des tests,
13:08 et c'est le cas aussi pour tous les candidats qui postulent,
13:12 c'est qu'on a un entretien assez classique de motivation,
13:14 mais aussi on a un test de mobilité.
13:16 Parce que le tout pour guider des clients,
13:19 c'est de ne pas les perdre et de ne pas se perdre soi-même.
13:22 Et donc pour tous on fait passer ce test,
13:24 et en fait il s'avère que des personnes qui sont voyantes sont assez mauvaises,
13:28 il faut le dire sur ce test,
13:29 parce que dans le noir absolu c'est pas si simple.
13:31 - Est-ce que vous avez inspiré d'autres entreprises ?
13:33 - Alors, inspirer, je sais pas.
13:36 Je sais qu'on est un modèle en France
13:39 sur le fait d'avoir 50% de personnes en situation de handicap.
13:42 C'est aussi, on le disait tout à l'heure,
13:44 notre goutte d'eau dans l'océan sur le recrutement d'un public en situation de handicap.
13:48 On sait que c'est un océan et que nous on représente une petite goutte d'eau.
13:52 Par contre les clients qui changent de regard quand ils viennent vivre cette expérience,
13:55 c'est une chose,
13:55 et les entreprises qui quand elles viennent vivre cette expérience se disent
13:59 "Nous aussi en fait le handicap on pourrait l'intégrer,
14:01 handicap et performance c'est finalement compatible."
14:03 Alors ça c'est important.
14:04 - Et Yann Buccal le disait juste avant la pause,
14:07 le mot clé c'est "regard" aussi,
14:08 parce que la double peine parfois pour un certain nombre de personnes
14:12 ayant traversé des difficultés, qu'elles soient d'ordre,
14:14 relevant de la santé ou de la vie sociale,
14:17 c'est que le regard vient se surajouter comme une peine supplémentaire.
14:22 Et ce que vous faites est formidablement précieux parce que du coup
14:26 il force ceux qui n'ont pas connu ces difficultés-là à porter un autre regard,
14:31 et à s'interdire un regard parfois sans doute un peu méprisant
14:35 au-delà des semaines pour les personnes en situation de je sais pas quoi ou de je sais pas qui,
14:40 qui exonèrent les 51 euros de semaine de faire des choses parfois aussi honorables.
14:46 Et bien ce travail sur le regard il est fondamental
14:50 et vraiment chapeau bas à vos trois entités
14:53 pour cette construction véritablement du regard,
14:56 et dans votre cas à double titre.
14:58 - Et vous faites également, vous avez parlé des entreprises,
15:01 vous faites des team building,
15:03 vous avez fait même des escape games et des activités sensorielles,
15:07 dites-nous tout.
15:08 - En fait le noir est un véritable outil
15:11 qui permet de remettre la communication par exemple à niveau,
15:15 c'est-à-dire qu'une entreprise qui vient faire un brainstorming dans le noir,
15:18 le stagiaire va parler de la même manière que le PDG.
15:21 Donc on brise les a priori, on brise les préjugés,
15:24 donc les gens parlent facilement entre eux, se tutoient très facilement,
15:28 on casse un peu les codes,
15:29 et donc c'est aussi intéressant pour les entreprises
15:31 parce que du coup c'est un outil pour faire des choses dans le noir,
15:34 pour réfléchir, pour bâtir, et surtout pour faire de la cohésion d'équipe.
15:38 Donc on a énormément d'entreprises qui viennent dans nos restaurants
15:41 pour des événements de fin d'année, pour des événements de cohésion,
15:44 et du coup pour faire changer aussi les regards finalement.
15:46 - Et que disent les gens ?
15:48 Alors, soit en groupe dans les entreprises qui font un team building par exemple,
15:52 ou un escape game,
15:53 ou les particuliers,
15:54 un monsieur qui dit "tiens j'amène madame dîner"
15:57 ou madame, monsieur, peu importe,
15:59 dans le noir qui est quand même un restaurant on peut dire différent,
16:03 qu'est-ce qu'ils disent après en partant ?
16:06 - Ils ont des étoiles dans les yeux,
16:08 et je dirais que tout ça peut être symbolisé par le point d'interrogation
16:12 qui est à la fin de notre marque,
16:13 qui embête beaucoup les journalistes qui l'oublient tout le temps dans les articles,
16:16 mais c'est dans le noir point d'interrogation
16:18 parce que nous ce qu'on veut c'est pas apporter des réponses
16:20 ou dire "la vérité elle est là, il faut faire ça",
16:22 mais c'est juste que les gens se posent des questions.
16:23 Sur "ah ouais la tomate elle a ce goût là en fait quand je sais pas que je mange de la tomate"
16:27 ou "ah je croyais que c'était du thon en fait c'était du veau",
16:29 mais aussi sur "j'ai parlé à mon voisin et pourtant il a deux tatouages,
16:33 il a les cheveux rouges alors que jamais je lui aurais parlé dans la vraie vie"
16:36 ou alors "ah ben là j'ai été guidée par une personne non voyante
16:39 et d'habitude c'est moi qui l'aide à traverser la route".
16:41 - Une chose certaine, regarder n'est pas toujours voir,
16:44 et parfois en fermant les yeux on voit d'un peu plus près,
16:47 d'un peu plus en profondeur sans doute les choses,
16:50 et par le biais d'un autre sens.
16:52 - Et l'adresse pour aller chez Dans le Noir ?
16:54 - Alors à Paris c'est dans le 4ème arrondissement et puis...
16:57 - 51 Rue Quimquampoua c'est ça ?
17:00 - Exactement, très précis.
17:01 Et puis on ouvre notre 6ème établissement français la semaine prochaine à Marseille,
17:06 au sein du République, on est en partenariat avec un restaurant
17:10 qui a aussi de très belles valeurs et que l'on partage sur l'inclusion.
17:13 - Il y en a 6 en France, où sont les 4 autres ?
17:14 Paris 4ème donc rue Quimquampoua ?
17:16 - À Bordeaux, à Strasbourg, à Toulouse et à Nantes.
17:20 - C'est parfait, vous vous quadrillez de plus en plus.
17:23 Bravo à vous, restez avec nous de toute façon,
17:25 dans quelques instants on va parler d'Emmaüs Solidarité
17:29 en compagnie de Lotfi Wenezar,
17:31 je peux vous dire une chose, nos invités du soir mettent une pêche
17:35 et donnent une espérance dans la vie absolument magnifique Jérôme Lavergne.
17:38 - C'était le but de la manœuvre pour contrecarrer les mauvaises manœuvres de Rémi André.
17:41 (rires)
17:43 - Jérôme Lavergne, 3 très très belles entreprises d'association avec nous,
17:47 on avait Chanel Le Noir de Dans le Noir,
17:49 restaurant où ce sont des aveugles ou des malvoyants qui vous servent,
17:53 acteur majeur de la solidarité en France depuis l'appel de l'abbé Pierre durant l'hiver 54,
17:59 ça va faire bientôt 70 ans,
18:01 l'association Emmaüs se partage en plusieurs entités dont nous accueillons ce soir
18:06 Lotfi Wenezar d'Emmaüs Solidarité,
18:09 qui au-delà d'un toit et d'un logement s'efforce d'ancrer dans le temps,
18:12 le soutien apporté aux plus démunis.
18:14 Bonsoir Lotfi Wenezar.
18:16 - Bonsoir.
18:16 - Alors pouvez-vous nous rappeler l'émission d'Emmaüs Solidarité qui est une entité d'Emmaüs ?
18:21 - Exactement, vous l'avez dit, donc Emmaüs Solidarité a été créée par l'abbé Pierre en 1954,
18:26 notre mission elle est simple et à la fois difficile,
18:29 nous accueillons plus de 7000 personnes quotidiennement,
18:32 des hommes, des femmes, des enfants, essentiellement des personnes privées de logement,
18:36 et nous en fait on va les accueillir de manière inconditionnelle, ça c'est important,
18:41 pour leur redonner donc un accès à un hébergement et surtout un logement qui reste la finalité,
18:46 mais le logement n'est pas une finalité, une fois que les personnes arrivent chez nous,
18:49 elles doivent aussi avoir accès à la santé et l'emploi qui est important,
18:53 et je rajouterai effectivement aussi la culture, le loisir,
18:56 en fait finalement ce qu'on cherche à faire, c'est que les gens quand ils viennent chez nous,
19:00 deviennent des vrais citoyens qui ont accès aux services qu'on trouve dans une grande ville,
19:05 ou dans une petite ville, et être comme madame et monsieur tout le monde.
19:09 - Jérôme Lavergne.
19:10 - On ne dit pas assez qu'il y a un lien trop étroit entre le logement, la santé et l'emploi,
19:16 et lorsque l'un des trois est impacté malheureusement, il est rare que les deux autres ne le soient pas aussi,
19:22 d'où le caractère précieux de votre travail.
19:26 Alors à l'origine quand même, bien sûr cet appel de l'abbé Pierre qui n'a pas appelé des subventions,
19:33 il serait précieux aujourd'hui qu'on revoie peut-être le financement de l'action publique,
19:37 et le financement de l'action associative,
19:39 qui repose trop fréquemment sur des demandes de subventions,
19:42 avant même de savoir s'elles correspondent à un réel besoin.
19:45 Donc cette figure de l'abbé Pierre est quand même tellement emblématique,
19:50 et manque tellement dans sa dimension humaine.
19:53 Mais oui, ce que vous faites est éminemment précieux,
19:55 parce qu'il faut accompagner sur les trois volets,
19:59 et votre présence est précieuse aujourd'hui,
20:02 parce qu'on a tout fait, vous l'avez dit tout à l'heure,
20:05 vous avez parlé de jugement.
20:06 On peut très bien considérer que quelqu'un qui est dans la rue,
20:09 et qui boit par exemple, qui a une addiction à l'alcool,
20:13 on peut très bien lui jeter la pierre sur le motif qu'il dépense de l'argent bêtement,
20:18 il compromet sa santé, mais qui a dormi dehors ?
20:20 De la même façon que qui a mangé dans le noir ?
20:23 Qui a dormi dehors ?
20:24 Pour ne pas avoir l'humanité nécessaire pour se dire,
20:28 mais zut, c'est peut-être une voie pour se réchauffer,
20:31 pour oublier, pour passer et traverser toutes les heures d'une nuit.
20:35 - Je suis Moinezard.
20:37 - Oui, c'est important ce que vous dites,
20:39 parce que Solidarité fait partie des associations
20:42 qui sont un peu comme le dernier filet de sécurité de la société,
20:44 ou peut-être le premier maillon de la chaîne.
20:46 On va tendre la main pour des gens qui ont tout perdu,
20:49 et je peux vous assurer que ça va très vite,
20:51 dans des grands centres urbains comme Paris, Lyon, Marseille,
20:53 ou même dans des endroits reculés.
20:55 Donc nous, notre mission, c'est de redonner confiance.
20:58 Et redonner confiance, ça passe, vous l'avez dit,
21:00 par l'accès à l'hébergement et au logement,
21:03 à la santé, mais l'emploi.
21:05 Et puisque aujourd'hui, effectivement,
21:06 les missions sont plus axées sur l'accès à l'emploi,
21:09 on a, pour cette mission d'accès à l'emploi,
21:13 on a créé un pôle, qu'on a appelé le pôle Emmaüs Solidarité Compétences,
21:17 qui est regroupé de 35 salariés.
21:19 Leur mission, elle est composée de trois phases.
21:21 D'abord, la formation, c'est important.
21:24 Les gens aussi ont besoin d'être formés.
21:26 Formation à l'apprentissage du français,
21:27 formation à visée professionnelle, des formations spécialisées.
21:31 On a aussi un pôle dédié aux allocataires des RSA.
21:34 On a 38% de sortie de nos allocataires vers des entreprises.
21:37 Et on a un pôle qu'on appelle le pôle emploi,
21:40 qui va créer des passerelles entre le monde associatif,
21:42 notre association en l'occurrence, et les entreprises.
21:45 Alors justement, si certains chefs d'entreprise nous écoutent,
21:48 ou responsables au sein de l'entreprise,
21:49 est-ce que vous avez besoin d'une recrudescence encore davantage,
21:53 de collaboration et de partenariat avec les entreprises ?
21:56 Comment peuvent-elles faire pour se rapprocher de vous
21:59 et pour voir dans quelle mesure elles peuvent appuyer votre démarche
22:02 et voire accueillir certains de vos bénéficiaires ?
22:05 Nous faire confiance, on sait faire.
22:06 Nous avons aujourd'hui des personnes qui sont en capacité
22:10 d'occuper un emploi, de bien le faire, et de progresser au sein de l'entreprise.
22:13 Ça c'est important, parce que nous formons des personnes
22:16 qui ont énormément de compétences.
22:18 Les gens ont des compétences.
22:19 Nous, notre mission, c'est d'aller chercher ces compétences,
22:22 de leur redonner cette estime de soi, et de les accompagner.
22:25 Par exemple, ce qu'on fait actuellement avec 3 ou 4 entreprises,
22:28 avec L'Oréal, avec le groupe Adagio, avec Accor,
22:32 on va travailler sur des petits groupes,
22:34 et on va faire une immersion dans l'entreprise.
22:36 C'est-à-dire que nous, en fait, on va désigner un référent
22:39 qui va accompagner l'entreprise, et va suivre la personne
22:42 dans ses premiers mois, dans ses premières semaines au sein de l'entreprise.
22:46 Donc, toute personne est en capacité d'accéder à un emploi,
22:49 et ça on sait faire.
22:50 Lothfi Bouanézar, comment se fait l'intégration au sein de vos entreprises partenaires ?
22:53 Est-ce que vous avez également des recrutements au sein de vos équipes ?
22:56 Bien sûr, on va travailler sur des outils.
22:58 Par exemple, on a des job dating,
23:00 on a des rencontres dédiées sur comment refaire un CV.
23:03 On cherche parfois, par exemple, ce qui nous manque,
23:06 c'est des entreprises qui acceptent des stagiaires.
23:08 Même, par exemple, le premier pas avant l'emploi,
23:10 c'est de nous faire confiance.
23:12 Et je crois que cette passerelle-là entre l'entreprise et les associations
23:15 doit évoluer, doit encore se renforcer.
23:18 On sait que les entreprises aujourd'hui ont une politique héresseuse,
23:20 c'est très bien, mais il faut la développer, il faut rentrer dans le détail.
23:23 Moi, ce qui m'intéresse, c'est qu'on s'adapte à chaque parcours.
23:26 Puisque chaque personne que nous accueillons à Email Solidarité,
23:29 une personne singulière, avec un parcours bien particulier,
23:32 il faudra s'adapter et renforcer ce lien des associations
23:37 vers le monde de l'entreprise.
23:38 - Quand on regarde votre site internet, vos actions sont très nombreuses,
23:41 ça va de la maraude à l'hébergement.
23:43 - Exactement.
23:44 - Parlez-nous un peu de vos actions.
23:45 - Exactement. Aujourd'hui, en 2023,
23:47 Email Solidarité, c'est quoi ? C'est 122 dispositifs.
23:50 122 dispositifs pour accompagner 7000 personnes,
23:54 en Île-de-France et en Loire-et-Cher essentiellement.
23:57 On va travailler effectivement sur l'aller vert,
23:59 donc on a 4 maraudes, à Paris, en Val-de-Marne,
24:02 on a 5200 d'hébergement.
24:04 Là, on accueille les personnes de manière inconditionnelle.
24:07 Mais nous avons également des dispositifs basés sur le logement accompagné,
24:12 comme les pensions de famille et les résidences sociales.
24:14 Donc c'est important de la rue au logement.
24:17 C'est ça aujourd'hui, Email Solidarité, avec des missions transversales,
24:21 l'accès à la santé.
24:22 On a une mission de santé qui est dédiée,
24:24 qui fait un travail formidable sur l'accès au droit et sur le parcours de santé.
24:28 On a une mission dédiée notamment à l'emploi, je viens d'en parler,
24:31 mais aussi on a des missions dédiées à la culture,
24:33 qui est très importante, à l'accès aux loisirs, aux vacances.
24:36 Finalement, c'est ce que je vous disais,
24:39 c'est comment rendre une personne autonome, citoyenne,
24:42 avec des vraies forces pour affronter cette vie qui n'est pas toujours simple.
24:46 - Je disais, votre action montre de façon magistrale
24:49 combien il est nécessaire, il est impérieux de sortir de cette politique,
24:52 des catégories, de faire entrer dans des catégories.
24:55 On ne peut pas accueillir et on ne peut pas aider de la même façon
24:58 un demandeur d'emploi qui a un toit et celui qui n'en a pas.
25:01 Parce que celui qui n'en a pas, il est dans une urgence absolue
25:05 de ne pas avoir son corps compromis par des problèmes de santé
25:11 pour pouvoir encore mieux se positionner.
25:13 Et là, votre travail est éminemment précieux.
25:16 Est-ce que vous évaluez une recrudescence des gens ayant perdu un logement ?
25:21 - Vous savez, les chiffres, quand on regarde les chiffres de la Fondation Habert-Pierre,
25:25 c'est édifiant. 300 000 sans domicile fixe,
25:28 4 millions de personnes en situation de mal logement,
25:30 10 millions de personnes qui sont considérées aujourd'hui dans le pays
25:33 comme personnes pauvres qui gagnent moins de 1 200 euros selon l'indice de l'INSEE.
25:37 C'est énorme, ça fait 14,5% de la population qui est en grande difficulté.
25:42 Évidemment, pour répondre à votre question, moi je prends des chiffres très simples.
25:46 Je regarde mon rapport d'activité de 2021 et le rapport d'activité de 2022.
25:51 15 à 20% de personnes ont plus que nous accueillons tous les jours.
25:55 Oui, il y a une précarité qui augmente.
25:57 Oui, les moyens ne sont pas à la hauteur des besoins.
26:01 - Il faut impérativement relier le logement à l'emploi.
26:03 C'est un SMIG à Paris.
26:06 Ce n'est pas du tout la même chose qu'un SMIG en Lauser pour pouvoir se loger.
26:10 Or, le but de la manœuvre, en travaillant, c'est de pouvoir vivre décemment
26:13 et d'avoir un toit et une assiette un peu remplies.
26:16 - Et on peut vous aider également, par exemple, en tant que bénévole ?
26:19 - Tout à fait, il faut aller sur notre site internet "On cherche des bénévoles".
26:22 - Donnez le nom.
26:23 - Vous allez sur Emmaüs Solidarité, vous avez une page dédiée.
26:26 Les gens peuvent devenir bénévoles, peuvent donner des cours de français,
26:29 peuvent faire du soutien scolaire.
26:32 On cherche aussi des entreprises qui ont aussi des bâtiments
26:34 qu'on pourra occuper pour faire un centre d'hébergement, une pension de famille.
26:38 Il y a plein de façons d'aider.
26:40 Et notamment dans une région comme l'Île-de-France,
26:42 il y a énormément d'opportunités, énormément d'activités à faire.
26:46 Vous savez, la question des sans-abris ou de la grande précarité,
26:51 c'est l'affaire de tous.
26:53 - Une société ne peut pas laisser une partie de sa population sur le bord du chemin.
26:57 - Exactement.
26:58 - Merci beaucoup, vous restez avec nous,
27:00 Lothfi Wannézar, directeur général de Emmaüs Solidarité.
27:03 Tout de suite, on va parler des cafés joyeux avec Yann Bucay
27:07 et avec un éminent navigateur Nicolas Destey
27:09 qui va prendre la Transat Jacques Vabre dans quelques jours
27:12 sur le couloir du bateau.
27:13 Café joyeux, on se retrouve dans quelques instants.
27:16 Sud Radio, les vraies voies qui font bouger la France.
27:19 19h20, les vraies voies de l'emploi.
27:22 Jérôme Lavergne.
27:24 - Et on continue avec 15 cafés joyeux,
27:27 près de 15 qui depuis l'ouverture du premier en 2017,
27:29 accueillent des personnes en situation de handicap mental ou cognitif
27:34 en leur offrant une vraie perspective de carrière.
27:37 Nous sommes en compagnie de Yann Bucay, fondateur et directeur général des Cafés Joyeux.
27:43 Bonsoir.
27:43 - Bonsoir, Philippe.
27:44 - Et vous êtes accompagné, vous avez tous les deux le sweatshirt
27:47 des Cafés Joyeux de Nicolas Destey, skipper,
27:50 qui va faire la route du café dans quelques semaines.
27:54 On va en parler.
27:56 Alors tout d'abord, Yann Bucay, comment sont nés les Cafés Joyeux ?
27:59 Et rappelez-nous ce que c'est.
28:01 - Les Cafés Joyeux, c'est né d'une rencontre totalement imprévue
28:07 avec un jeune garçon autiste de 20 ans qui s'appelle Théo
28:11 et qui, le lien avec la voile, sur un bateau à la fin d'une navigation
28:16 me pose une question complètement loufoque,
28:19 il me demande un travail.
28:21 Il me dit "Captain, il paraît que toi tu es patron."
28:24 - Est-ce que vous aviez une entreprise avant de fonder les Cafés Joyeux ?
28:26 - À l'époque je travaillais dans un milieu international, dans les énergies,
28:31 et il m'interpelle et il me dit "T'as pas un métier pour moi ?"
28:37 Et moi je le regardais en me disant "Il a dû touper ce Théo,
28:42 parce que j'organise une journée sur mon bateau pour faire de la voile,
28:47 et je pensais qu'il allait me dire merci, c'est sympa, c'était chouette."
28:52 Non, il me demande un travail.
28:54 Et donc je lui ai répondu aussi simplement qu'il m'a posé la question
28:58 "Non, j'ai pas de métier pour toi."
29:01 Et là, lui qui était tout joyeux, tout souriant, il rayonnait,
29:04 son visage s'est recroquevillé, et il s'est mis en colère.
29:08 Il m'a dit "C'est pas juste."
29:10 Parce que oui, Captain, je suis handicapé, mais moi je peux travailler.
29:14 Je peux être utile. Je veux un métier comme toi.
29:18 Et ça, Philippe, ça a été le déclencheur d'une histoire que j'imaginais pas.
29:24 Parce que je suis rentré à la maison,
29:27 quasiment fondu en larmes devant ma femme, en me disant "En fait ce qu'on fait, ça sert à rien."
29:31 On embarque des gens faire du bateau, c'est sympa, ils sont contents,
29:35 mais en fait, il a raison.
29:38 - C'est l'agréable, il faut créer l'utile. - Eh oui.
29:41 Jérôme Lavergne, cette histoire, moi, m'a toujours scotché, je l'avoue.
29:46 - La règle d'or, c'est de se coucher moins tarte molle.
29:48 Autrement dit, de conserver la capacité d'écouter, de regarder, d'entendre.
29:54 Voilà donc une initiative qui n'est pas née d'un grand plan
29:58 érigé par je ne sais combien de grands savants, d'hôtes et autres techniciens.
30:02 Non, ce qui est simplement né d'une conversation.
30:05 Point barre.
30:06 Chapeau bas aussi à vos deux initiatives d'ailleurs également pour les restaurants dans le noir,
30:10 parce que vous êtes une entreprise, il faut le rappeler.
30:12 Il faut le rappeler.
30:13 Et on a tôt fait en France d'accorder une sorte de monopole de la gentillesse, de la bienveillance, de l'humanisme
30:20 au seul secteur public et associatif parce que ne gagnant pas forcément d'argent.
30:24 Eh ben non.
30:25 Ce jeune, il voulait bosser. Qu'à la clé une entreprise soit rentable,
30:29 eh ben ça n'a strictement aucune importance.
30:32 En plus, vertu supplémentaire, vous apportez une leçon magistrale
30:38 de l'intérêt qu'il peut y avoir à ne pas faire forcément la gueule.
30:41 Et il est précieux que vous vous appelez joyeux
30:45 tout en étant une initiative tout aussi simple, autre vertu,
30:49 dont on perd la pratique malheureusement aujourd'hui.
30:51 - Yann Buckeye.
30:52 - Oui, en réponse à ce que vient de dire Jérôme,
30:56 complètement d'accord.
30:57 On est une entreprise et c'est quelque part le cœur du projet.
31:03 C'est l'entreprenariat.
31:04 Je pense que dans France, il y a des initiatives associatives qui sont formidables
31:09 et heureusement qu'on en a. Et on a eu un témoignage à l'instant avec Emmaüs Solidarité.
31:14 N'empêche, si le monde de l'entrepreneuriat,
31:17 le monde de l'entreprise privée ne se saisit pas de la question, on ne va pas y arriver.
31:21 Et le but, l'objectif des Cafés Joyeux, c'est de créer de la valeur.
31:24 Et ce n'est pas moi qui crée la valeur, ce sont nos équipiers avec handicap.
31:27 - Et justement, vous avez comme développement, l'international,
31:30 j'ai vu que vous avez ouvert deux restaurants.
31:32 Parce que ce sont des restaurants,
31:33 vous ne servez pas que du café, vous servez à manger, du thé, etc.
31:36 Vous vendez également par correspondance au Portugal, à Lisbonne et à Cachecaiche.
31:40 Cachecaiche, c'est une banlieue résidentielle de Lisbonne.
31:42 - Oui, parce qu'en fait, on n'avait pas prévu ça.
31:46 Moi, je n'ai pas fait de business plan dans ce projet.
31:48 - Vous avez fait ça avec le cœur et avec l'étreinte.
31:50 - Avec le cœur, avec ma femme.
31:52 - Vous n'avez pas fait ça avec un tableau Excel.
31:53 - Non, il y a le tableau Excel, il est sorti beaucoup plus tard.
31:55 - L'expert comptable a dû l'apprécier.
31:58 - Alors après, je vous en parlerai du tableau Excel.
32:00 Parce qu'à un moment, quand on commence à regarder la chiffre du bas,
32:02 c'est là qu'on a lancé le café, le café torréfié.
32:05 Parce qu'effectivement, il faut être rentable.
32:07 Et si vous voulez, en réponse à votre question sur le Portugal,
32:13 c'est que ce projet d'inclusion par le travail en milieu ordinaire,
32:17 avec des contrats comme les autres,
32:19 avec des droits identiques à ceux qui travaillent dans une entreprise comme toute entreprise,
32:25 et bien finalement, ça fait mouche.
32:28 On est sollicité dans énormément de pays.
32:31 Et c'est pour ça qu'on est allé au Portugal.
32:33 - Oui, alors il faut quand même rappeler pour nos auditeurs,
32:35 parce que, allez, mettons la main à la poche,
32:38 que vous vendez du café, que vous vendez du thé,
32:40 et que les particuliers peuvent commander sur votre site internet
32:44 pour s'associer à défaut de venir dans l'un des Cafés Joyeux,
32:46 parce qu'ils n'en sont pas fous.
32:47 - Vous en avez à la main pour ceux qui nous regardent par internet,
32:49 vous avez du café moulu, du café en grain, vous avez des capsules.
32:53 - Chers auditeurs, à vos cartes bleues.
32:55 - Merci, mais oui, parce que ça, c'est une pub qui est totalement désintéressée.
32:59 - C'est fabriqué par des personnes qui sont en situation de handicap,
33:01 collectif, autiste, trisomique, etc.
33:04 - Oui, dans toute la partie logistique et dans la torréfaction.
33:06 Et ce qui est très important, c'est qu'on est dans une entreprise ordinaire
33:10 qui est détenue par une fondation.
33:12 C'est-à-dire que ce n'est pas mon entreprise,
33:14 ce n'est pas l'entreprise de mon épouse ou de qui que ce soit,
33:16 c'est une entreprise désintéressée.
33:18 C'est-à-dire qu'on est en train de valoriser un nouveau modèle,
33:22 un peu une hybridation d'entrepreneuriat désintéressé, d'intérêt général.
33:26 C'est une forme de capitalisme 100% social.
33:30 Et je pense que ça, c'est l'avenir aussi.
33:32 Et c'est pour ça qu'on en fait de la publicité,
33:34 parce qu'aujourd'hui, on a 3000 entreprises qui consomment du Café Joyeux chez eux.
33:37 Ce qui permet aux chefs d'entreprise de faire participer ses collaborateurs
33:42 à une mission d'inclusion.
33:43 Parce que tous les bénéfices, 100% des bénéfices,
33:46 permettent de recruter des personnes avec trisomie 21,
33:48 avec autisme dans nos cafés restants, Café Joyeux.
33:51 Et donc on en fait de la publicité, comme avec vous à l'instant,
33:54 comme avec Nicolas.
33:56 - Et vous êtes venu accompagner Nicolas Destez, skipper,
33:59 qui va prendre dans quelques semaines le départ de la route du café,
34:02 ça ne s'invente pas, aux couleurs des Café Joyeux.
34:06 Dites-nous tout.
34:07 - Absolument. On a déjà fait la route du rhum avec Café Joyeux l'année dernière.
34:11 - Oui. Mais vous n'avez pas créé les rhumeries joyeuses.
34:14 - On reste sur le café et du thé.
34:16 Il n'y en a pas mentionné le thé, mais il y a aussi le thé Joyeux qui marche très bien.
34:19 Et l'idée, c'est de mettre dans la lumière la mission de Café Joyeux,
34:24 aux côtés des autres bateaux sponsorisés de manière classique
34:27 par des entreprises qu'on connaît tous.
34:28 Mais voilà, de faire exister Café Joyeux,
34:30 de mettre sur le devant de la scène les gens qui sont normalement invisibles,
34:35 et de faire du coup la pub pour faire connaître la mission et vendre les produits.
34:40 - C'est une transat en solitaire ?
34:41 - Là, c'est en double. La route du rhum était en solitaire l'année dernière.
34:44 Et là, c'est une transatlantique en double.
34:46 - Vous partez avec un équipier ou une équipière ?
34:49 - Avec un collègue qui n'est pas un équipier joyeux,
34:52 dans le sens où on l'entend chez Café Joyeux,
34:54 qui sont les personnes comme les guides,
34:56 je sais dans le noir, mais les gens qui vous servent,
34:59 que vous vous pénétrez l'enceinte d'un café joyeux.
35:03 Mais on a l'honneur de porter les couleurs de Café Joyeux, on fera tout pour...
35:08 - Il y a une question, le jeune autiste qui vous avait interpellé,
35:12 est-ce qu'il a eu du travail finalement ?
35:14 - On a fait un appel à Théo, on l'a recherché, c'était en 2013.
35:17 Le temps qu'on mette le projet, parce que vous voyez,
35:19 on a ouvert le premier café en 2017, c'est-à-dire quasiment 3-4 ans plus tard.
35:24 Et en fait, on n'a pas retrouvé Théo,
35:25 mais c'est comme s'il était plus que omniprésent partout, il est dans notre cœur.
35:30 Et je me dis, il a rendu un service incroyable.
35:33 Aujourd'hui, 154 équipiers en CDI,
35:36 c'est à la fois une goutte par rapport à ce qu'il y a à faire,
35:38 mais en même temps, c'est ça de gagné.
35:40 - Et des Café Joyeux, il y en a un peu partout, à Paris, à Toulouse, à Lysy, dites-les.
35:44 - Oui, on est à Bordeaux, on est à Lyon, on est à Tours, on est bientôt à Angers,
35:48 on a le premier café ouvert à Rennes,
35:50 on va ouvrir à Marseille aussi, pas très loin de l'avenue de la République.
35:54 Et puis on a des projets à l'étranger encore,
35:57 parce qu'on pense que la France a quelque chose à montrer,
36:01 c'est sa capacité à être un leader dans le social.
36:04 - Les petits ruisseaux font les grandes rivières et parfois des bouches dans l'océan.
36:09 - Eh bien écoutez, c'est magnifique, surtout qu'Akash Kaïch passe le tâche
36:12 qui se jette dans l'océan d'ailleurs, comme c'est votre dernière ouverture.
36:15 Je connais assez bien cette région au Portugal.
36:18 Merci et je tiens à vous dire bravo à tous les trois,
36:21 Chanel Lenoir, directrice générale de Dans le Noir, Lothfi Mwanesar,
36:25 directeur général de Emmaüs Solidarité et Yann Bucay,
36:28 fondateur et directeur général des Café Joyeux,
36:30 bonne chance Nicolas Destey pour la route du café.
36:35 Ça commence quand ? - Le 29 octobre.
36:37 - Le 29 octobre, merci Jérôme Lavergne de ce plateau qui donne vraiment beaucoup d'espoir.
36:42 Je vous le dis franchement, tout de suite,
36:43 Sud Radio à votre service avec Cécile de Ménibus,
36:46 et juste après, au cœur de la mêlée avec François Trillaud et l'équipe des Sports.