La Minute de Verité Tragédie de la gare de Lyon

  • l’année dernière
La médecine légale, les investigations et les témoignages se combinent pour reconstituer certaines des pires catastrophes au monde. Grâce aux reconstitutions historiques, l'archivage des images, la médecine légale, les témoignages des experts et des témoins oculaires, nous recréons dans le détail les derniers instants des catastrophes les plus désastreuses de notre époque.

Category

📺
TV
Transcription
00:00 Paris, gare de Lyon, en pleine heure de pointe.
00:05 Des milliers de voyageurs s'apprêtent à rentrer chez eux, quand soudain, un train entre à vive allure dans la gare.
00:13 307 tonnes de métal percutent un train de banlieue rempli de passagers.
00:25 56 personnes trouvent la mort. C'est le pire accident ferroviaire que la capitale ait connu.
00:31 Grâce à la simulation informatique, nous allons vous montrer précisément ce qui s'est passé à la gare de Lyon.
00:38 Les catastrophes sont rarement le fruit du hasard.
00:42 Elles résultent souvent d'un enchaînement d'événements malheureux que nous allons tenter de reconstituer dans cette Minute de Vérité.
00:49 Paris.
00:51 Paris.
01:14 Le centre nerveux du réseau ferroviaire français. Un réseau qui compte parmi les plus vastes d'Europe, avec plus de 34 000 kilomètres de voies.
01:23 Grâce à un programme de modernisation lancé au début des années 80, il est de plus en plus sophistiqué et performant.
01:33 18h20.
01:40 Le train de 17h38 en provenance de Melun, destination Paris-Gare de Lyon, est à l'heure.
01:45 Ce trajet d'une quarantaine de kilomètres dure environ 50 minutes.
01:50 Huit wagons composent ce convoi, piloté par un conducteur de 42 ans, Daniel Solin.
01:58 Il travaille pour la SNCF depuis l'âge de 15 ans.
02:09 Le légende d'accompagnement, Jean-Charles Beauvais, le contrôleur du train, est lui aussi un ancien de la maison, entré à la SNCF dès sa sortie de l'école.
02:16 Pour l'heure, c'est un trajet de routine.
02:19 Mais à 18h36, à 8 kilomètres de Paris, au moment où le train traverse la gare du Vert de Maison, quelque chose d'anormal se produit.
02:28 Une jeune femme dans le deuxième wagon se lève et tire le signal d'alarme.
02:38 Une sonnerie retentit aussitôt dans la cabine du conducteur pour le prévenir.
02:41 Et les freins sont actionnés automatiquement.
02:45 La jeune femme descend précipitamment et disparaît.
02:49 Avant que le train puisse repartir, le conducteur doit rebrancher l'alarme et réarmer les freins.
02:59 Une procédure familière qui ne doit prendre que quelques minutes.
03:05 Surtout, le conducteur prévient le poste de commande centralisé pour signaler cet arrêt.
03:09 18h40.
03:12 Craignant un retard prolongé, la plupart des passagers descendent pour finir leur trajet par un autre moyen.
03:17 Les autres se résignent à ne pas arriver à Paris à l'heure prévue.
03:21 Le conducteur et le contrôleur réarment le système de freinage pour que le train puisse repartir.
03:34 La gare de Lyon desserre le sud-est de la France et une partie de la banlieue parisienne.
03:38 Sous son magnifique extérieur datant du 19e siècle se cache un des centres ferroviaires les plus sophistiqués d'Europe.
03:46 C'est également une des gares les plus fréquentées du réseau SNCF.
03:50 Elle gère aussi bien les TGV grande ligne que les trains de banlieue.
04:00 Le centre nerveux qui coordonne tous les va-et-vient des trains est le poste de commande centralisé, le PCC.
04:05 Comme tous les jours, le chef régulateur de service chapeaute la sécurité tout en s'assurant que les 350 trains qui arrivent en gare et en partent circulent de manière aussi fluide que possible.
04:16 Une de ses priorités est de faire face à la menace terroriste.
04:22 Depuis le début des années 80, des groupes terroristes arabes ont en effet pris Paris pour cible.
04:29 Ils dénoncent la présence de forces françaises au Liban et exigent la libération de certains prisonniers.
04:33 Plusieurs attentats ont eu lieu dans des trains à destination ou en provenance de Paris.
04:38 Une assistante commerciale, Colette Pacalet, se dirige vers la gare de Lyon.
04:48 Elle a quitté son bureau en retard et a peur de rater son train.
04:57 Divorcée depuis peu, elle a hâte de retrouver son fils Nicolas, 13 ans.
05:01 Quand je finis mon travail, automatiquement je me dépêche de rentrer pour venir m'occuper de mon fils, lui faire à manger, m'occuper de ses devoirs, bien sûr.
05:14 Dominique Aubert-Pavie, 40 ans, qui travaille au Louvre, se dépêche elle aussi pour prendre le même train.
05:26 Comme des milliers d'autres usagers, elle se perd un peu dans les nouveaux horaires d'été.
05:30 Avec les changements d'itinéraires et d'horaires, on risque fort de se tromper et de manquer son train.
05:35 Daniel Sola s'est occupé des freins et il peut repartir en direction de Paris.
05:45 Mais la manœuvre a été bien plus longue que prévue et le train accuse désormais un retard de 26 minutes.
05:54 Le régulateur de service lui donne l'ordre de ne pas marquer l'arrêt prévu à Maison-Alfort et de se rendre directement en Gare de Lyon pour rattraper une partie du retard.
06:02 Mais ce contre-temps n'est pas le seul souci de la régulation.
06:05 19h04
06:10 Il y a un problème sur le train de banlieue au départ de la Gare de Lyon.
06:14 C'est celui que Colette et Dominique espèrent prendre.
06:18 À bord des trains de banlieue, il y a un conducteur et un contrôleur.
06:27 André Tanguy, le conducteur, est prêt, mais l'agent d'accompagnement est en retard.
06:33 Et sans lui, le train ne peut pas partir.
06:35 C'est une bonne nouvelle pour Colette Pacalet qui avait peur de le rater.
06:40 Soulagée de le voir toujours à quai, elle arrive même à avoir son siège habituel dans le wagon de tête.
06:46 Mais qui dit retard, dit plus de monde.
06:49 Autre retardataire, Dominique Aubert-Pavie.
06:54 Ce train était bondé. Il faisait chaud, parce que c'était en été, c'était en souterrain, il faisait humide, moite.
07:07 Passagers et conducteurs n'ont d'autre choix que d'attendre l'arrivée de l'agent.
07:16 Le train se trouve quai numéro 2, celui où le train retardé en provenance de Melun doit arriver.
07:22 Mais il n'y a pas lieu de s'inquiéter.
07:26 Les aiguilleurs ayant pré-programmé les aiguilles pour empêcher le train entrant d'accéder au quai numéro 2.
07:32 500 mètres avant d'arriver en gare, les voies vont automatiquement se mettre en place pour envoyer le convoi vers le quai numéro 1.
07:39 19h07
07:42 Le Melun Paris roule à près de 100 km/h.
07:45 Un feu jaune lui indique qu'il faut commencer à ralentir.
07:49 Un peu plus loin se trouve une rampe raide qui descend jusqu'à la gare de Lyon.
07:53 Daniel Solin actionne les freins, mais ils répondent à peine.
07:57 A sa grande horreur, le cheminot constate qu'il ne peut pas ralentir.
08:06 Arrêtez tout, j'ai pas de frein.
08:09 Le train de 300 tonnes est devenu fou.
08:12 Et il est à moins de 2 km de la gare noire de Monde.
08:16 Malgré tous ses efforts, il n'arrive pas à réduire la vitesse.
08:24 C'est l'heure de pointe.
08:27 Et les quais comme les trains en attente sont bondés.
08:36 Le conducteur ne sait plus quoi faire.
08:38 Puis il se souvient qu'il y a un frein manuel quelque part.
08:41 Jean-Charles Beauvais, le contrôleur, essaie de le trouver.
08:46 Je demande ce qui nous arrive.
08:48 On freine, pas de frein, pas de réponse.
08:52 Il décide donc de partir dans le train.
08:55 Il est à moins de 2 km de la gare noire de Monde.
08:58 Il est à moins de 2 km de la gare noire de Monde.
09:01 Il est à moins de 2 km de la gare noire de Monde.
09:05 Il décide donc de partir dans le train à la recherche de ce frein manuel.
09:08 A force d'actionner les freins, le conducteur parvient à légèrement ralentir le convoi.
09:17 19h0730.
09:24 Il adresse un appel de détresse au PCC.
09:27 Arrêtez tout, j'ai pas de frein.
09:29 Arrêtez tout, j'ai pas de frein.
09:31 Paniqué, il enfonce le bouton d'alarme générale.
09:34 Les passagers qui ne peuvent pas l'entendre n'ont pas encore conscience du danger.
09:38 Mais cela déclenche une sonnerie stridente au PCC de la gare de Lyon
09:43 et dans les cabines de tous les trains de banlieue dans les alentours.
09:46 Immédiatement, les aiguilleurs font passer tous les feux verts au rouge.
09:54 Les conducteurs s'arrêtent où qu'ils se trouvent.
09:57 En quelques secondes, tout le réseau est paralysé.
10:02 A l'exception d'un train.
10:04 Incapable de faire quoi que ce soit depuis sa cabine, le conducteur regroupe les passagers vers l'arrière du train.
10:13 En gare de Lyon, le contrôleur du train retardé vient enfin d'arriver.
10:18 Mais le conducteur, André Tanguy, voit le feu passer au rouge.
10:22 Il ne sait pas ce qui se passe.
10:25 Et le son strident qui émane de sa radio lui interdit de s'en servir pour se renseigner.
10:30 [Sifflement]
10:32 [Bruit de train]
10:35 19h08
10:37 [Bruit de train]
10:39 Le train fou à bord de la rampe qui va le conduire jusque dans la gare.
10:43 Il reprend de la vitesse dans la descente.
10:46 [Bruit de train]
10:50 "Vite dans le fond du train ! Vite, vite, vite !"
10:53 Le conducteur a réussi à faire s'entasser tous les passagers dans la voiture de queue
10:58 et les empône en attendant l'impact désormais inévitable.
11:01 "Panique. Beaucoup de panique."
11:04 Malgré cela, Jean-Charles Beauvais cherche toujours désespérément le frein manuel.
11:09 "Je me demandais bien ce qui allait arriver. C'était pas ma dernière erreur qu'elle t'arrive."
11:13 [Musique]
11:16 "Les ATMs !"
11:18 [Bruit de train]
11:20 19h08
11:23 [Bruit de train]
11:26 Gare de Lyon, André Tanguy ne sait toujours pas pourquoi le feu est au rouge.
11:30 [Bruit de train]
11:36 Dans la voiture 2, Dominique Aubert-Pavie en a assez d'attendre.
11:40 [Bruit de train]
11:42 "Je quitte donc ce train. Avec difficulté, comme il y avait beaucoup de monde. Pardon, pardon."
11:49 [Bruit de train]
11:53 Madame Aubert-Pavie se faufile entre les passagers pour sortir.
11:56 [Bruit de train]
11:58 19h08
12:01 [Bruit de train]
12:03 Les aiguilleurs voient passer le train à toute vitesse devant eux.
12:06 Au lieu d'être déviés vers le quai numéro 1 comme prévu,
12:10 ils se dirigent droit sur le train bondé de passagers de la voie numéro 2.
12:14 [Bruit de train]
12:16 Un aiguilleur diffuse tout de suite une alerte via le service des appels en gare
12:22 pour ordonner l'évacuation du train.
12:24 [Bruit de train]
12:26 Dès qu'il l'entend, André Tanguy demande à ses voyageurs d'évacuer le train le plus rapidement possible.
12:32 "Évacuez le train, évacuez le train !"
12:35 [Bruit de train]
12:37 Les passagers se précipitent pour sortir.
12:40 [Bruit de train]
12:42 19h0845
12:45 [Bruit de train]
12:47 André Tanguy voit le train fou se précipiter vers lui.
12:51 Il sait que le sien est encore rempli de monde.
12:53 Sans penser à sa propre sécurité, il répète courageusement et inlassablement son message.
12:59 "Dépêchez-vous, dépêchez-vous tous ! Descendez vite, très très vite ! Traînez pas, traînez pas ! Vite, descendez, descendez, descendez !"
13:06 [Bruit de train]
13:08 Quelques secondes plus tard, les 300 tonnes du train en provenance de Melun
13:13 [Bruit de train]
13:15 percutent la rame qui attendait sur le quai numéro 2.
13:19 [Bruit de train]
13:22 Dominique Aubert-Pavie est descendue juste à temps, mais elle ressent la puissance de la collision.
13:28 [Bruit de train]
13:30 "Il y a eu une poussière noire, mais épouvantable, un nuage noir, qui s'est répandu autour du train.
13:38 Donc on n'y voyait presque plus rien.
13:40 Cette poussière est assez vite retombée, et c'est là que je me suis rendu compte seulement
13:46 qu'un train était rentré dans un autre.
13:49 Et le train qui est descendu a écarté la motrice, et a pénétré au centre."
13:55 A bord du Melun Paris, tous les passagers s'étaient réfugiés à l'arrière.
13:59 La plupart sont indemnes.
14:02 [Bruit de train]
14:04 "Au moment de l'impact, je marchais, donc j'étais arrivé dans la dernière voiture.
14:08 [Bruit de train]
14:10 Donc j'ai entendu un grand bruit et une petite secousse, puisque je ne suis même pas tombé,
14:15 je n'étais pas en train de marcher, je me suis juste rattrapé à une barre."
14:17 [Bruit de train]
14:19 Mais pour ceux qui étaient à bord du train à quai, les choses sont bien différentes.
14:23 "On peut plus, on peut plus !"
14:25 André Tanguy n'avait pas la moindre chance. Il a été tué sur le coup.
14:29 [Bruit de train]
14:31 [Bruits de souffrance]
14:33 Colette Pacalé était dans le wagon de tête qui a encaissé l'essentiel de l'impact.
14:37 [Bruits de souffrance]
14:43 "Au départ, je pense que ça peut être une bombe. Je ne sais pas combien de temps ça a duré.
14:47 10 secondes, 20 secondes, je n'ai aucune idée du temps.
14:51 Oh là là, je vais mourir, papa au secours."
14:54 [Bruits de souffrance]
14:59 Quelques secondes auparavant, Colette se réjouissait à l'idée de passer la soirée avec son fils.
15:04 La voici désormais prisonnière de la carcasse de métal, avec des dizaines d'autres passagers grièvement blessés.
15:11 Si elle ne reçoit pas rapidement des soins, elle risque de ne pas en réchapper.
15:14 [Bruits de train]
15:18 L'accident s'annonce d'ores et déjà comme une véritable tragédie.
15:22 [Bruits de train]
15:27 [Musique]
15:30 Un reporter photographe a immortalisé l'horreur de la collision quelques secondes après le drame.
15:35 [Musique]
15:39 Charles Beauvais découvre une scène de cauchemar.
15:42 [Musique]
15:48 "C'est vrai qu'on voit toujours des images, une espèce d'odeur de brûlée, des gens écrasés dans le wagon.
15:58 On voit tout ça.
16:00 Et juste après l'impact, le début de gémissement, des choses comme ça.
16:07 On a envie de fuir."
16:09 19h20.
16:12 Onze minutes après l'accident, les premiers secours arrivent sur les lieux.
16:17 [Musique]
16:20 Le docteur René Jankovici, un chirurgien qui a pourtant connu les horreurs de la guerre civile au Tchad, n'a jamais rien vu de semblable.
16:28 "On a l'impression que c'est une boîte de sardines qui a été ouverte.
16:34 C'est l'horreur totale. Il y a des corps qui pendent par la fenêtre, qui sont piqués.
16:37 On voit des gens décapités, on voit des gens amputés.
16:40 C'est même pas de la chirurgie de guerre, c'est pire que de la chirurgie de guerre."
16:43 [Musique]
16:46 L'ampleur des dégâts devient vite évidente.
16:49 Secouristes et pompiers estiment que plus d'une centaine de personnes sont prisonnières du train écrasé.
16:55 Colette Pacalé en fait partie.
16:59 Elle est coincée entre deux banquettes de la première voiture.
17:03 [Cris de la foule]
17:05 "Je sais pas qu'on s'est écrasé sur du métal, je sais pas que le train est arrivé sur nous.
17:11 Tout ce que je pense, moi, tout ce que je veux, c'est sortir du train."
17:16 19h30
17:19 La majeure partie des passagers étant gravement blessés, les pompiers doivent intervenir rapidement.
17:26 Mais l'amas de métal empêche les sauveteurs d'accéder aux survivants.
17:32 [Musique]
17:35 Malgré tout, Colette est finalement libérée de sa prison de métal.
17:40 [Bruit de la voiture]
17:43 23h
17:45 Colette fait partie des rares chanceux.
17:48 Des dizaines d'usagers sont encore bloqués sous des tonnes de ferraille.
17:52 Les secouristes savent que beaucoup mourront d'hémorragie ou suite à l'état de choc, si on ne les dégage pas dans les plus brefs délais.
17:59 Le docteur Giancovici et son équipe prennent une décision macabre.
18:02 Le seul moyen de désincarcérer au plus vite les blessés les plus atteints est de pratiquer une amputation des membres bloqués.
18:09 C'est seulement sur le quai qu'on diagnostique la gravité des blessures de Colette Pacali.
18:15 Elle a les hanches et le bassin fracturés et a perdu énormément de sang.
18:20 Les médecins craignent qu'elle ne passe pas la nuit.
18:23 [Bruit de la voiture]
18:27 [Bruit de la voiture]
18:29 Jacques Chirac, alors maire de Paris, et le ministre des transports, Louis Mermaz, se rendent sur les lieux.
18:35 La SNCF appartient à l'état et celui-ci exige des réponses.
18:40 [Bruit de la voiture]
18:44 Midi
18:46 Exténuées, les pompiers n'extraient plus que des cadavres.
18:52 Les wagons tordus sont finalement découpés et dégagés du quai pour que les enquêteurs puissent commencer leur travail.
18:59 On dénombre 56 morts et 57 blessés.
19:05 A l'hôpital, le cœur de Colette s'arrête de battre, mais les médecins parviennent à la ramener à la vie.
19:12 Après trois mois de convalescence, elle rentrera chez elle, auprès de son fils.
19:17 La foule pleure les victimes de l'accident.
19:21 C'est le pire accident ferroviaire jamais survenu dans la capitale.
19:25 Mais au chagrin s'ajoute la colère.
19:30 Le réseau ferré français est un des plus sophistiqués d'Europe.
19:36 De nombreuses procédures de sécurité visent à éviter les accidents comme celui-ci.
19:43 Comment un tel désastre a-t-il pu se produire ?
19:48 Le train Melun-Paris était un modèle Z5300.
19:52 Il y en a environ 140 en service sur le réseau banlieue.
19:55 Il semble que les freins du train fou aient mal fonctionné.
19:59 Mais d'autres souffrent-ils du même défaut caché ?
20:02 Le lendemain du drame, le gouvernement désigne une équipe de six hommes pour mener l'enquête.
20:13 En recrassant le fil des événements et en analysant en détail l'enquête qui a été faite,
20:17 nous allons vous révéler ce qui s'est vraiment passé.
20:20 Pourquoi les freins n'ont-ils pas fonctionné ?
20:23 Pourquoi personne n'a-t-il dirigé le train vers une autre voie ?
20:26 Et pourquoi les passagers de la rame de la voie 2 ont-ils appris si tardivement qu'un train fondait sur eux ?
20:31 La simulation informatique va vous emmener là où aucune caméra ne peut aller, au cœur de la catastrophe.
20:39 [Musique]
20:41 Les enquêteurs ont fait déplacer l'épave sur une voie de garage.
20:50 Trois jours plus tard, ils entament un examen millimètre par millimètre des wagons détruits
20:55 pour découvrir le problème qui a affecté le système de freinage.
20:58 [Musique]
21:01 Jean-Pierre Pascal est le principal conseiller technique de l'équipe d'enquêteurs.
21:06 [Musique]
21:08 Il dirige un organisme de recherche sur les transports
21:11 et c'est aussi un expert des systèmes de freinage des trains.
21:14 [Musique]
21:16 Il est choqué par l'ampleur du désastre.
21:18 [Musique]
21:20 Cet accident de la gare de Lyon,
21:22 qui démontre l'importance du nombre des victimes
21:25 et l'importance de la catastrophe,
21:28 a été tout à fait exceptionnel.
21:30 Ce n'était pas quelque chose que je pouvais avoir connu avant.
21:35 Je ne l'avais jamais vu faire.
21:36 [Musique]
21:38 Il sait que depuis plusieurs années, des terroristes s'en prennent au réseau SNCF.
21:42 [Musique]
21:45 Ont-ils employé une nouvelle tactique pour semer la mort sur les voies ?
21:49 [Musique]
21:51 En attendant que les enquêteurs trouvent la réponse à cette question,
21:54 des centaines de milliers d'usagers vont vivre dans la peur d'un attentat.
21:58 [Musique]
22:00 Jean-Pierre Pascal commence aussitôt son enquête.
22:04 [Musique]
22:06 Sa première tâche consiste à examiner l'épave.
22:09 Il sait que les freins n'ont pas fonctionné, mais il doit comprendre pourquoi.
22:13 En fouillant les wagons, il découvre immédiatement quelque chose qui attire son attention.
22:17 Il semble qu'un robinet du système de freinage a été fermé.
22:21 [Musique]
22:24 Un robinet qui alimentait l'ensemble des freins du train,
22:28 qui était fermé et qui aurait dû être ouvert.
22:30 [Bruit de freinage]
22:33 C'est une découverte troublante.
22:35 Quelqu'un a-t-il trafiqué les freins ?
22:37 Les enquêteurs doivent désormais envisager une hypothèse choquante.
22:41 Le train a peut-être été victime d'un sabotage.
22:44 [Bruit de train]
22:46 [Bruit de train]
22:48 [Bruit de train]
22:50 [Bruit de train]
22:52 [Musique]
22:54 Les freins sont actionnés par de l'air comprimé produit dans la voiture motrice.
22:58 [Musique]
23:01 Cet air comprimé passe ensuite dans la conduite générale d'alimentation
23:04 qui court sur toute la longueur du train composée de 8 wagons.
23:07 Chacun d'eux est équipé de freins individuels
23:10 qui reçoivent l'air acheminé par ce tuyau.
23:13 [Musique]
23:15 Il y a un robinet d'arrêt à l'arrière de la motrice.
23:17 Sur le train fou, la manette de ce robinet était en position fermée.
23:21 Elle empêchait donc l'air comprimé de circuler dans le train.
23:25 [Bruit de train]
23:29 Pour les enquêteurs, il n'y a qu'une conclusion possible.
23:32 Quelqu'un a dû fermer le robinet.
23:34 [Bruit de train]
23:36 Jean-Pierre Pascal sait que seul quelqu'un ayant une connaissance pointue
23:39 du fonctionnement du système de freinage aurait pu faire ce geste.
23:42 [Bruit de train]
23:44 [Musique]
23:46 Il ne croit donc pas à la thèse de l'attentat terroriste.
23:49 [Musique]
23:51 Pourtant, il est évident que la conduite d'alimentation a été fermée.
23:54 [Musique]
23:59 Mais qui l'a manipulée ?
24:01 Il interroge le conducteur, Daniel Solin, et le contrôleur, Jean-Charles Beauvais.
24:07 [Bruit de train]
24:12 Daniel Solin l'informe que les freins ont fonctionné correctement
24:15 pendant les 58 premières minutes du trajet.
24:18 [Bruit de train]
24:20 Le train s'est même arrêté rapidement lorsque quelqu'un a déclenché le système d'alarme
24:25 à hauteur de la gare du Vert de Maison, 33 minutes avant la catastrophe.
24:28 [Musique]
24:30 La manette a donc dû être actionnée après.
24:33 [Musique]
24:35 La personne qui a tiré le signal d'alarme a-t-elle quelque chose à voir avec l'accident ?
24:39 Impossible d'expliquer son geste car elle a disparu avant que le contrôleur puisse l'interroger.
24:44 [Musique]
24:46 Vous avez vu qui a tiré l'alarme ?
24:48 [Bruit de train]
24:50 Les médias lancent un appel pour tenter d'identifier la personne en question.
24:54 Le lendemain de la tragédie, une mère célibataire de 21 ans se présente.
24:58 [Bruit de train]
25:00 Elle explique qu'elle emprunte généralement ce train pour aller au Vert de Maison chercher ses enfants à l'école.
25:06 Or, elle ignorait que compte tenu des horaires d'été, ce train ne desservait plus cette gare.
25:11 [Bruit de train]
25:13 Paniquée à l'idée de ne pas arriver à l'heure à l'école, elle tire le signal d'alarme
25:18 qui actionne automatiquement les freins.
25:21 [Bruit de train]
25:23 [Musique]
25:25 Pour Jean-Pierre Pascal, cet acte est irresponsable mais n'a rien de suspect.
25:29 [Musique]
25:33 Il interroge ensuite le contrôleur sur ses faits et gestes après cet arrêt intempestif.
25:38 [Bruit de train]
25:40 Celui-ci lui explique qu'il est allé réarmer le signal d'alarme
25:44 mais que le levier était bloqué et qu'il ne pouvait pas le faire bouger.
25:48 Ce levier se trouve entre le premier et le deuxième wagon.
25:52 [Musique]
25:54 À l'époque, il fallait passer entre les voitures et tirer sur...
25:58 Il y avait un accès à une tirette.
26:00 [Musique]
26:02 Le levier est situé juste à côté de la manette du système de freinage
26:06 qui a été retrouvé en position fermée.
26:08 [Bruit de train]
26:10 Mais aucun des deux cheminots ne signale quoi que ce soit à son sujet.
26:14 [Bruit de train]
26:16 Le conducteur essaie à son tour mais le levier ne bouge pas.
26:19 [Bruit de train]
26:22 On voit exactement ce qu'il avait fait.
26:23 L'espace est tellement petit qu'il y a 50 centimètres entre deux voitures.
26:29 [Bruit de train]
26:31 Après plusieurs minutes d'effort, le conducteur parvient à décoincer le levier
26:36 mais en remontant en cabine, il constate que les freins sont toujours bloqués.
26:40 [Bruit de train]
26:42 [Bruit de train]
26:44 [Bruit de train]
26:46 Jean-Pierre Pascal est perplexe.
26:50 Pourquoi la procédure standard n'a-t-elle pas déverrouillé les freins ?
26:53 [Bruit de train]
26:55 En s'appuyant sur les plans du circuit de freinage, il découvre un détail qui l'intrigue.
26:59 [Bruit de train]
27:01 [Bruit de train]
27:03 Lorsque la manette de la conduite générale est en position fermée,
27:07 un mécanisme de sécurité se déclenche pour bloquer les freins
27:11 même après la reconnection du signal d'alarme.
27:13 [Bruit de train]
27:15 C'est un système de sécurité empêchant un train de repartir
27:19 et ne dispose pas de freins pneumatiques.
27:21 Après avoir songé que quelqu'un avait manipulé la manette pour saboter le train,
27:25 l'enquêteur envisage dès lors une autre hypothèse.
27:28 [Bruit de train]
27:30 Le conducteur l'a-t-il fermé par erreur ?
27:33 Il épluche à nouveau les interrogatoires du conducteur.
27:36 [Bruit de train]
27:38 "Quand on lui a interrogé, quand on lui a posé des questions, il a reconnu.
27:43 Il a dit j'ai touché à ce robinet, de la façon que je viens de dire.
27:48 Robinet D a pris de la force pour essayer de débloquer ce signal qu'il pensait coincé."
27:55 Ces déclarations confirment l'intuition de Jean-Pierre Pascal.
27:59 En essayant de réarmer le signal d'alarme,
28:02 le cheminot a préappui sur la manette de la conduite générale
28:06 et il l'a accidentellement fait basculer en position fermée.
28:09 [Bruit de train]
28:11 [Bruit de train]
28:13 [Bruit de train]
28:16 Le conducteur pense avoir simplement rebranché le signal d'alarme.
28:19 [Bruit de train]
28:21 [Bruit de train]
28:23 [Bruit de train]
28:25 Mais en fermant le robinet, il a coupé l'alimentation en air comprimé du système de freinage de l'ensemble du train.
28:30 [Bruit de train]
28:32 Les freins des 7 wagons de queue sont alors serrés,
28:35 ce qui constitue une nouvelle énigme pour l'enquêteur.
28:38 Les freins étant bloqués, comment le conducteur a-t-il pu repartir ?
28:43 Le seul moyen de les débloquer consiste à réalimenter le système pneumatique
28:47 ou à débloquer manuellement les freins de chaque wagon.
28:50 [Bruit de train]
28:52 [Bruit de train]
28:54 D'après le plan de sécurité, le conducteur aurait dû appeler les ingénieurs
29:00 qui auraient certainement décelé son erreur.
29:02 [Bruit de train]
29:04 Mais comme il a hâte de repartir, il passe outre la procédure et débloque les freins lui-même.
29:11 Il ignore qu'il a bougé la manette de la conduite générale
29:13 et que le système est bloqué par manque de pression d'air.
29:16 Il est convaincu que les freins sont bloqués à cause d'un problème bien connu des conducteurs.
29:21 [Bruit de train]
29:23 [Bruit de train]
29:25 "Je suis devant un cas qui est connu des cheminots, qui est un cas de surpression."
29:29 [Bruit de train]
29:31 Daniel Solin pense qu'il y a une poche d'air dans le système pneumatique.
29:36 Elle se forme parfois lorsque le signal d'alarme est encloché,
29:40 ce qui provoque une surpression au niveau de chaque frein.
29:42 Il pense qu'une purge va permettre de l'évacuer et de débloquer les freins.
29:47 Il passe donc en revue 7 des 8 wagons avec le contrôleur.
29:51 [Bruit de train]
29:53 "Donc monsieur Solin a purgé les freins jusqu'à ce que je lui dise que ça soit bon.
29:59 Moi je ne suis pas vraiment technicien, je l'ai assisté dans ses actions."
30:06 [Bruit de train]
30:09 [Bruit de train]
30:10 Effectivement, les freins se débloquent.
30:13 Pourtant la décision du conducteur va s'avérer désastreuse.
30:18 [Bruit de train]
30:20 Alors qu'il pense avoir purgé le système pour refaire fonctionner les freins,
30:24 il a en réalité vidangé le peu d'air comprimé qui restait dans le circuit.
30:28 [Bruit de train]
30:30 [Bruit de train]
30:32 En débloquant les freins, il a sans le savoir déjoué un des systèmes de sécurité.
30:38 Et la manette de la conduite générale étant fermée, l'air comprimé ne peut pas remplir le système.
30:44 [Bruit de train]
30:46 Le train n'a quasiment plus de freins.
30:49 [Bruit de train]
30:51 [Bruit de train]
30:53 Jean-Pierre Pascal et ses collègues ont dressé la liste de plusieurs erreurs humaines effrayantes.
30:59 Daniel Solin a non seulement neutralisé le système d'approvisionnement en air comprimé des freins,
31:04 mais il a en plus désarmé les freins de chacune des voitures.
31:07 [Bruit de train]
31:08 [Bruit de train]
31:10 Inconscient de son erreur, il explique par la suite à Jean-Pierre Pascal
31:14 que l'indicateur de pression en cabine lui a fourni une lecture correcte.
31:18 [Bruit de train]
31:20 Il en conclut que tous ses freins sont opérationnels.
31:23 En fait, en fermant la manette de la conduite générale, il a isolé la motrice du reste du train.
31:29 Et son tableau de bord lui indiquait uniquement la pression dans le premier wagon.
31:33 [Bruit de train]
31:36 À 19h02, le train reprend enfin la direction de Paris.
31:40 [Bruit de train]
31:42 Pour rattraper le temps perdu, il atteint bientôt la vitesse de 100 km/h.
31:47 Le train de 300 tonnes, qui ne dispose plus que d'un huitième de sa capacité de freinage, fonce vers la gare de Lyon.
31:54 [Bruit de train]
31:56 C'est encore une chance d'arrêter le train.
31:58 En vertu des horaires d'été, le train doit faire un dernier arrêt à Maison-Alfort,
32:04 6 km avant Saint-Herminus.
32:06 [Bruit de train]
32:08 La gare de Maison-Alfort est sur une portion plane.
32:11 Si le conducteur avait utilisé ses freins ici, il aurait eu le temps de s'arrêter au moins 4 km avant d'atteindre Paris.
32:18 [Bruit de train]
32:20 Jean-Pierre Pascal doit donc découvrir pourquoi Daniel Solin n'a pas constaté qu'il n'avait pas de freins à hauteur de Maison-Alfort.
32:26 Il interroge le régulateur qui était en service à la gare de Lyon ce soir-là.
32:30 [Bruit de train]
32:32 [Bruit de train]
32:33 [Bruit de train]
32:35 [Bruit de train]
32:37 [Bruit de train]
32:39 Pour rattraper le temps perdu, le régulateur ordonne donc au conducteur de ne pas marquer l'arrêt à Maison-Alfort et d'aller directement jusqu'à Saint-Herminus.
32:47 [Bruit de train]
32:49 6 minutes avant le drame, le train traverse la petite gare sans s'arrêter.
32:52 [Bruit de train]
32:54 C'était sa dernière chance d'utiliser ses freins avant de descendre vers la gare de Lyon.
32:57 [Bruit de train]
33:00 Il lui reste cependant deux procédures d'urgence pour éviter une catastrophe.
33:03 [Musique]
33:07 Le train est équipé d'un frein de secours réostatique.
33:10 [Bruit de frein]
33:12 Et à la gare de Lyon, le personnel peut utiliser l'aiguillage pour dévier le train fou sur une voie dégagée.
33:18 [Bruit de train]
33:20 Pourquoi ces deux manœuvres ont-elles échoué ?
33:23 Jean-Pierre Pascal se penche sur la dernière étape du trajet pour voir ce que le conducteur a fait après avoir constaté que ses freins étaient défectueux.
33:30 [Bruit de train]
33:32 Deux minutes avant le drame, un feu jaune indique au conducteur qu'il doit commencer à ralentir.
33:37 [Bruit de train]
33:39 Le train est alors à un peu plus de 1500 mètres de la gare de Lyon.
33:42 [Bruit de train]
33:44 L'enquêteur analyse le tachygraphe, l'appareil embarqué qui enregistre les vitesses.
33:48 [Bruit de train]
33:51 Elle confirme qu'avec un seul frein, le conducteur a ralenti son train de 96 à 45 km/h.
33:56 [Bruit de train]
33:58 C'est alors qu'il aborde la rampe la plus pentue de France qui descend dans la gare souterraine.
34:04 Il reprend alors de la vitesse.
34:06 [Bruit de train]
34:08 Mais le conducteur a encore une chance de ralentir son convoi.
34:13 [Bruit de train]
34:15 [Bruit de train]
34:17 [Bruit de train]
34:20 Il dispose d'un frein auxiliaire réostatique, c'est-à-dire électrique,
34:23 qui sert à ralentir les trains pour éviter d'user les sabots des freins.
34:27 Pourquoi ne pas l'avoir utilisé ?
34:29 [Bruit de train]
34:31 [Bruit de train]
34:33 [Bruit de train]
34:35 Le conducteur explique que le contrôleur est bien parti à la recherche d'un frein manuel dans les wagons.
34:39 [Bruit de train]
34:41 Mais Jean-Pierre Pascal sait que même s'il l'avait trouvé, cela n'aurait servi à rien.
34:47 Le frein manuel n'est en effet conçu que pour stabiliser un train à l'arrêt
34:50 et il n'est pas assez puissant pour arrêter un train lancé à grande vitesse.
34:54 Mais le frein auxiliaire, qui aurait pu réduire la vitesse,
34:57 s'actionne depuis la cabine, juste sous le nez du conducteur.
35:01 Pourquoi ne pas s'en être servi ?
35:03 L'enquêteur découvre alors que les conducteurs rechignent à l'utiliser car il est parfois source de problèmes.
35:08 [Bruit de train]
35:13 La conjugaison avec le frein pneumatique conduit assez souvent à des enrayages,
35:18 on dirait des blocages de roues.
35:20 En général, les conducteurs ne l'utilisent pas.
35:24 [Bruit de train]
35:26 Le conducteur n'a donc pas l'habitude de recourir au frein réostatique
35:29 et, paniqué, il a oublié d'où on l'actionnait.
35:32 Jean-Pierre Pascal calcule que si le conducteur l'avait utilisé en plus du seul frein pneumatique,
35:37 encore opérationnel,
35:40 il aurait suffisamment ralenti le train pour éviter une collision aussi violente.
35:43 [Bruit de train]
35:46 D'après les calculs que j'ai faits à l'époque, on peut penser que le...
35:51 presque un choc bénin.
35:54 Le train se serait quasiment arrêté.
35:57 Mais il n'y a pas pensé.
35:59 Cet oubli fatidique lui fait perdre la dernière chance de stopper le train devenu incontrôlable.
36:05 [Bruit de train]
36:10 Il ne reste donc plus que le système de sécurité en gare de Lyon.
36:13 Jean-Pierre Pascal analyse les actions entreprises par le personnel.
36:17 La procédure standard face à un train fou veut qu'on l'identifie et qu'on le détourne sur une voie libre.
36:24 Pourquoi cela n'a-t-il pas été le cas ?
36:28 [Bruit de train]
36:30 Une minute trente avant la collision.
36:32 Le régulateur de service informe les enquêteurs qu'il a entendu l'alerte radio.
36:38 Gare de Lyon, j'ai plus de freins ! Gare de Lyon, j'ai plus de freins !
36:42 Lors d'un appel de ce genre, le conducteur doit donner son nom et sa position.
36:48 Arrêtez tout, j'ai pas de freins ! Arrêtez tout, j'ai pas de freins !
36:52 Mais dans la panique, celui-ci commet une erreur tragique.
36:57 [Bruit de train]
37:00 Il oublie de s'identifier.
37:04 Le régulateur ne sait pas d'où provient l'alerte radio et la voie du conducteur est tellement déformée par l'émotion qu'il ne l'a pas reconnue.
37:11 Or, s'il ne sait pas de quel train il est question, il ne peut pas le dévier.
37:16 [Bruit de train]
37:18 Le régulateur de service explique aux enquêteurs que lorsqu'il a essayé de rappeler le conducteur mystère, il n'a réussi à joindre personne.
37:25 Le conducteur n'était plus dans sa cabine.
37:29 Jean-Pierre Pascal et son équipe constatent que le régulateur est alors dans une situation très délicate.
37:34 [Bruit de train]
37:36 Tout ce qu'il sait, c'est que le train fou est un des quatre qui s'apprête à entrer en gare.
37:41 [Bruit de train]
37:43 Les enquêteurs découvrent que le PCC a alors essayé de joindre les quatre conducteurs.
37:49 Par élimination, il était possible d'identifier l'auteur de l'appel et de dévier son train sur une voie libre.
37:55 [Bruit de train]
37:58 Mais là encore, il y a un hic.
38:00 Avant de quitter sa cabine, le conducteur a déclenché l'alerte générale.
38:04 Celle-ci envoie un sifflement ondulatoire strident à tous les trains du réseau.
38:08 Les conducteurs qui l'entendent doivent s'arrêter immédiatement et attendre les instructions.
38:13 Le problème est que les conducteurs ont alors tous appelé la régulation pour savoir ce qui se passait.
38:18 Le régulateur explique que c'est cette vague d'appels qui l'a empêché d'identifier le train fou à temps pour le dévier.
38:24 [Bruit de train]
38:27 Les enquêteurs vont cependant découvrir qu'à ce stade, la catastrophe était encore évitable.
38:31 En arrivant en gare, le train devait être dévié sur le quai 1, qui était dégagé.
38:38 [Bruit de train]
38:40 Comment se fait-il qu'il ait percuté le train de banlieue du quai B voie 2 ?
38:43 [Bruit de train]
38:46 [Bruit de train]
38:50 C'est la nouvelle question à laquelle l'enquêteur Jean-Pierre Pascal doit désormais répondre.
38:55 La réponse est pour le moins déstabilisante.
38:57 [Bruit de train]
39:05 Il constate que la technologie de la gare de Lyon permet aux aiguilleurs de programmer les aiguillages à l'avance.
39:11 Il découvre ensuite que l'accès à la gare souterraine aurait dû être programmé plus tôt dans la journée, avant l'apparition du problème.
39:20 Le train fou était sur la voie 2S, qui le menait alors au quai B voie 2.
39:25 [Bruit de train]
39:28 Mais 500 mètres avant l'entrée en gare, l'aiguillage devait automatiquement le faire changer de voie pour le faire arriver quai 1.
39:34 [Bruit de train]
39:38 Le train fou aurait alors percuté les butoirs, et dans ce cas l'accident aurait été beaucoup moins meurtrier.
39:44 [Bruit de train]
39:48 À mon avis, il n'y aurait pas eu de blessés. Son train aurait peut-être été un peu abîmé, mais il n'y aurait pas eu de blessés.
39:53 Les aiguilleurs ont-ils oublié de préparer le programme ?
39:58 Après vérification, l'enquêteur constate qu'il n'y a pas eu d'oubli.
40:03 Les aiguilleurs ont effectué leur travail correctement. Que s'est-il donc passé ?
40:08 Jean-Pierre Pascal analyse les derniers instants qui ont précédé la collision.
40:12 [Bruit de train]
40:15 Il découvre que lorsque les aiguilleurs entendent l'alarme générale, ils doivent lancer la procédure générale de fermeture.
40:21 [Bruit de train]
40:23 Il s'agit d'une mesure exceptionnelle, qui fait passer tous les feux au rouge.
40:28 [Bruit de train]
40:30 Tous les trains au départ ou à l'arrivée de la gare de Lyon doivent s'arrêter.
40:34 Mais cette procédure a aussi une conséquence que les aiguilleurs n'ont pas anticipée.
40:39 [Bruit de train]
40:42 C'est pour ça qu'il est devenue la dernière chance d'éviter la catastrophe.
40:45 Pour permettre aux aiguilleurs de contrôler manuellement le réseau, cette mesure annule toute la programmation antérieure du trafic.
40:53 De fait, l'aiguillage ne va pas dévier le train vers la voie dégagée, mais se bloquer dans sa position initiale.
41:00 Désormais, rien ne peut plus empêcher la collision.
41:04 [Bruit de train]
41:06 [Bruit de train]
41:08 [Bruit de train]
41:11 C'est l'ultime pièce du puzzle.
41:12 Les enquêteurs ont reconstitué l'enchaînement des événements malheureux qui ont conduit à la tragédie de la gare de Lyon.
41:18 Ils savent pourquoi le train devenu incontrôlable a pu poursuivre sa course.
41:23 Pourquoi les mesures de sécurité ont toutes été inopérantes.
41:27 Et comment un ultime coup du sort a pu provoquer la mort de plusieurs dizaines de banlieusards.
41:32 H - 33 minutes
41:35 [Bruit de train]
41:37 À bord du Melun Paris, une jeune femme actionne le signal d'alarme.
41:40 [Bruit de train]
41:41 Il faut ensuite réarmer le signal pour refaire fonctionner les freins normalement et repartir.
41:46 [Bruit de train]
41:48 Pendant cette manœuvre, le conducteur ferme accidentellement le système d'air comprimé des freins qui se retrouve bloqué et donc inutilisable.
41:55 H - 20 minutes
41:58 Le conducteur, croyant à tort à une surpression, actionne la tirette de purge des freins.
42:03 [Bruit de train]
42:05 [Bruit de train]
42:07 H - 7 minutes
42:09 [Bruit de train]
42:10 [Bruit de train]
42:12 Le train repart en direction de la gare souterraine.
42:15 Mais personne ne sait qu'il n'a quasiment plus de freins.
42:18 [Bruit de train]
42:20 H - 2 minutes
42:22 [Bruit de train]
42:24 Quand le conducteur actionne les freins, rien ne se passe.
42:27 Il alerte la gare, mais oublie de s'identifier.
42:30 [Bruit de train]
42:32 H - 1 minute 30
42:35 [Bruit de train]
42:38 Le train repart en direction de la gare souterraine.
42:40 Mais personne ne sait qu'il n'a plus de freins.
42:43 [Bruit de train]
42:45 Le conducteur ferme le système d'air comprimé des freins qui se retrouve bloqué et donc inutilisablement.
42:50 [Bruit de train]
42:52 Le conducteur, croyant à tort à une surpression, actionne la tirette de purge des freins.
42:56 Mais personne ne sait qu'il n'a plus de freins.
42:59 [Bruit de train]
43:01 Le conducteur actionne les freins.
43:04 [Bruit de train]
43:07 Sur lui, il reste à son poste, répétant sans cesse son message.
43:10 [Bruit de train]
43:12 [Bruit de train]
43:14 L'accident fait 56 morts.
43:17 [Musique]
43:19 Les enquêteurs ont établi que sans le sacrifice du conducteur André Tanguy, ce bilan aurait été beaucoup plus lourd.
43:26 [Musique]
43:28 Tanguy fait figure de héros.
43:30 [Musique]
43:32 [Musique]
43:34 [Musique]
43:36 [Musique]
43:37 [Musique]
43:39 Le rapport d'enquête conclut que la tragédie de la gare de Lyon est due principalement à une suite d'erreurs du conducteur,
43:45 mais elle met aussi en lumière plusieurs défauts techniques et des problèmes de sécurité.
43:50 La manette de la conduite générale était trop facile d'accès et trop aisée à sa beauté.
43:55 Le système radio était trop compliqué et les conducteurs auraient eu besoin d'une formation accrue pour l'utiliser.
44:03 Le rapport recommande que les aiguilleurs puissent à l'avenir faire passer tous les feux au rouge,
44:06 sans pour autant que cela annule les programmations antérieures.
44:09 [Musique]
44:11 [Musique]
44:13 La jeune femme qui a actionné le signal d'alarme,
44:16 le conducteur
44:18 et le chef régulateur de service ont été mis en examen pour leur rôle dans cet accident.
44:23 [Musique]
44:25 Le régulateur et la passagère ont été relaxés, mais le conducteur a finalement été condamné à 4 ans de prison, dont 6 mois fermes.
44:32 Colette Pacalet s'est remise de ses blessures,
44:34 mais elle déplore que seul le conducteur ait été condamné.
44:38 Pour elle, la SNCF doit assumer sa part des responsabilités.
44:42 La SNCF est fautive, mais je veux dire, la SNCF,
44:47 dans sa globalité,
44:50 c'est pas une personne, c'est pas deux personnes, c'est un ensemble de choses qui a fait que,
44:56 que voilà, ça a "merdé" entre guillemets,
45:01 ce jour-là, et voilà.
45:02 [Musique]
45:04 Même si elle a eu de la chance, Dominique Aubert-Pavie reste tentée par le fait qu'elle a survécu,
45:10 quand tant d'autres ont trouvé la mort.
45:12 [Musique]
45:14 En 2002, elle a décidé d'assister à une cérémonie célébrée à la gare de Lyon.
45:19 Elle y a rencontré pour la première fois les familles des victimes.
45:23 Il s'est passé quelque chose aussi que je n'oublierai pas, de très émouvant.
45:28 Et d'un coup, des dames sont restées, et se sont approchées de moi. Et alors, là...
45:31 Et elles m'ont dit "Madame, vous êtes le seul trait d'union avec nos morts".
45:39 Et ça, c'est quelque chose que je n'imaginais pas.
45:43 [Cri d'un homme qui s'éclaire]
45:45 Suite à cet accident, la SNCF a instauré un ensemble de nouvelles mesures de sécurité.
45:50 Un système d'interphone remplacera progressivement l'ancien signal d'alarme.
45:56 Il permettra aux usagers de s'adresser au conducteur,
45:58 mais seul le conducteur pourra freiner en cas d'urgence.
46:01 La SNCF a revu la formation de ses conducteurs
46:05 et a progressivement supprimé les manettes de conduite générales.
46:08 Les transmissions radio sur le réseau ont également été améliorées.
46:12 [Musique]
46:15 Cette modernisation a coûté cher en vie humaine.
46:19 Mais la France dispose aujourd'hui d'un des réseaux ferrées les plus sûrs
46:23 et les plus avancés d'Europe.
46:25 d'Europe.
46:25 *Musique épique*

Recommandations