L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 8 Septembre 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
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00:00 * Extrait de « Les Matins de France Culture » de Guillaume Erner *
00:07 77 ans et presque toutes ses dents, c'est le journal de Tintin qui publie aujourd'hui
00:12 un numéro anniversaire auquel plus de 80 auteurs et dessinateurs de BD ont participé.
00:18 Hergé a marqué plusieurs générations d'artistes, de lecteurs, d'auditeurs.
00:23 France Culture est proche des aventures de Tintin puisque comme vous le savez, votre
00:28 station favorite dispose d'un certain nombre d'enregistrements des albums de Tintin et
00:33 notamment du « Secret de la licorne ». Et pour célébrer Tintin comme il se doit,
00:38 nous sommes avec Pierre Rassouline.
00:40 Bonjour.
00:41 Bonjour.
00:42 Pierre Rassouline, vous êtes journaliste, écrivain, auteur de nombreux livres dont
00:45 une biographie d'Hergé publiée aux éditions Plon.
00:49 Et nous sommes en duplex de Bruxelles avec Clara Lodwig et Johan Demoor.
00:55 Bonjour.
00:56 Bonjour.
00:57 Johan Demoor, vous êtes dessinateur de presse et de bande dessinée humoristique.
01:00 Vous avez participé à ce numéro spécial et vous avez notamment travaillé avec votre
01:04 père qui était l'assistant d'Hergé sur une œuvre inachevée de l'artiste dans
01:09 les années 1980.
01:10 Et puis, Clara Lodwig, vous êtes dessinatrice et autrice de BD.
01:15 Vous avez vous aussi participé au numéro spécial qui paraît aujourd'hui, vous êtes
01:19 comment le dire, un peu la caution jeune parce que les amateurs de Tintin sont de
01:26 7 à 77 ans.
01:28 Mais voilà, tous n'ont pas 7 ans.
01:31 Nous allons justement immédiatement entendre la naissance de Tintin ou plus exactement
01:37 Hergé qui explique comment Tintin est né.
01:40 Ce petit bonhomme est né vraiment presque sans réfléchir.
01:44 Je me suis dit qu'est-ce qui sera facile à dessiner.
01:46 J'ai fait un rond.
01:47 Je mets un petit accent là au-dessus pour la petite mèche.
01:49 Et puis comme ça, au moins j'avais des chances de le réussir.
01:53 Enfin, qu'on le reconnaisse à chaque dessin à peu près.
01:57 Et donc ça s'est fait comme ça très légèrement et sans penser du tout à ce qui
02:01 pourrait suivre.
02:02 Pierre Assouline, explication de texte et de dessin par rapport à cette naissance de
02:07 Tintin.
02:08 Oui, bien entendu, avec le recul, on a toujours tendance, enfin les artistes, les grands artistes
02:14 à simplifier les choses, à dire que c'est venu comme ça.
02:17 C'est drôle parce que ça me fait penser à Georges Simenon quand on lui demandait
02:21 comment est né Maigret, il dit ça m'est apparu comme ça.
02:23 Pratiquement les mêmes mots.
02:25 Ce qui est frappant, c'est que Hergé, comme Simenon d'ailleurs, a travaillé, a beaucoup,
02:32 beaucoup travaillé et qu'au départ, bien sûr, il y a cette intuition, cet instinct
02:37 presque naturel, mais aussi du travail, c'est à dire faire des dessins, faire des essais.
02:42 Quand on regarde tout ce qui a été fait et qui est aux archives de Moulinsard, eh
02:48 bien, on se rend compte qu'il y a toujours eu des préparations, des préparatifs.
02:53 Et ça, c'est le cas des grands artistes.
02:54 Ça veut dire que finalement, l'improvisation avait peu de place dans le travail d'Hergé ?
02:59 Non, mais quand même, quand même beaucoup de travail.
03:01 Et ça, il l'a montré toute sa vie.
03:03 C'est à dire que ça, on n'imagine pas.
03:05 Il faut vraiment entrer dans sa correspondance pour le comprendre et aussi dans tous les
03:09 dessins préparatoires à quel point Hergé a travaillé, notamment entre le début, les
03:16 années 30 et les années 60, énormément travaillé tout seul.
03:20 Le regard des deux dessinateurs avec qui nous sommes en duplex sur Tintin.
03:25 Clara Lodwig, pour vous, qui est une jeune dessinatrice, Tintin, qui est-ce ? Quel regard
03:31 portez-vous sur lui ?
03:32 Tintin, pour moi, ce n'est pas une bande dessinée que j'ai énormément lu.
03:38 J'ai lu tous les Tintins, évidemment, mais je dirais que quand je me compare à d'autres
03:42 collègues, ce n'est pas ma référence première.
03:44 Par contre, je vois surtout une influence indirecte par des auteurs qui, eux, revendiquent
03:53 vraiment une filiation directe avec Tintin et que moi, j'apprécie.
03:57 Mais Tintin, lui-même, ce n'est pas 100% ma tasse de thé, en fait.
04:02 Et vous, Johan Demour ?
04:04 Oui, quand j'entends Hergé parler de simplifier un personnage, quelque chose de simple, un
04:11 cercle, etc.
04:12 Je me suis pensé à l'estampe japonaise, à Okusai, qui fait des choses très simples,
04:18 ou les débuts des mangas d'Okusai, etc.
04:20 Ça me touche énormément.
04:22 J'avais déjà entendu ça, mais je trouve ça vraiment extraordinaire.
04:26 Quant au travail de Hergé, comme Pierre Assolide en parle, effectivement, c'était une bête
04:32 de travail.
04:33 Mais il ne travaillait pas tout à fait seul.
04:35 Il a quand même eu un studio, dont mon père a fait partie.
04:39 Et Jacques Martin aussi, Le Loup, etc.
04:44 C'était quand même une équipe assez formidable.
04:46 Hergé était tellement intelligent qu'il savait se mettre des gens autour de lui qui
04:52 avaient énormément de talent.
04:54 Et bon, je sais que mon papa, avec Hergé, s'entendait très bien au niveau du boulot.
04:59 Ils se comprenaient et ils se respectaient mutuellement.
05:02 Et je trouve que ce sont quand même des éléments importants dans l'œuvre d'un artiste.
05:08 Des choses qui comptent sur l'élaboration des dessins Pierre Assolide.
05:11 Oui, bien sûr, vous avez raison.
05:13 Sauf que c'est intervenu après la guerre, essentiellement.
05:15 La fondation du studio Hergé et tous les collaborateurs, bien entendu, c'est après.
05:22 Alors que moi, je parlais de la période des années 30-40, qui a été quand même peut-être
05:27 celle des très grands albums, même s'il y en a eu d'autres après.
05:30 Il y a quand même des bijoux de la Casa Fior qui n'est pas si mal.
05:34 Bien sûr, bien sûr.
05:35 Non, je rigole.
05:36 Je pourrais citer le Lotus Bleu et beaucoup d'autres, bien sûr.
05:39 On va écouter un autre extrait de l'interview d'Hergé où il évoque les qualités morales
05:46 du personnage de Tintin.
05:48 Tintin, c'est un grand scoot, non ?
05:50 Oui, c'est un peu ça, évidemment.
05:52 Il y a une filiation.
05:53 Le Totor, c'était un vrai scoot.
05:56 Tintin, lui aussi, il est un peu de cet esprit-là.
05:58 C'est l'esprit d'aventure, de jeu, je dirais.
06:01 Et avec les qualités qu'on prête au scoot.
06:05 Des brouillards.
06:06 Des brouillards, fidèles à la parole donnée, respectueux de la nature aussi déjà, bons
06:15 avec les animaux, enfin, etc.
06:17 Optimistes, solides, costauds.
06:19 Pierre Assouline, là aussi, un commentaire sur la manière dont Hergé décrit son personnage.
06:25 Un scoot, il a raison, parce qu'il est scoot comme Hergé.
06:28 Hergé est resté toute sa vie un scoot, catholique, conservateur.
06:34 Son héros lui ressemble.
06:37 Mais évidemment, au départ, c'est assez appuyé, notamment chez les soviets et quand
06:44 il est au Congo.
06:45 Et puis, par la suite, ou très très rapidement, Hergé a l'intelligence et l'intuition de
06:50 faire de son personnage un héros universel.
06:53 Donc, il débelgicise, il déchristianise, si je puis dire, pour en faire avant tout
07:00 peut-être l'un des fondateurs, sur le plan moral, de l'idéologie des droits de l'homme.
07:07 Oui, en quelque sorte.
07:08 Et ça, on le voit bien dans le Lotus bleu.
07:11 Il y a même une case où on dit que c'est né à ce moment-là, quand ils sauvent Chang
07:17 du fleuve, que les droits de l'homme sont nés à ce moment-là.
07:20 Parce que c'est ce qu'on appelle une évolution politique.
07:22 Il faut rappeler, Pierre Hassouline, dans quelle ère idéologique Hergé se mouvait
07:30 au début, lorsque Tintin a débuté ses aventures, du côté de la droite dure belge, de la droite
07:38 rexiste.
07:39 Oui, je ne dirais pas rexiste, non.
07:41 Tintin est né dans un journal qui s'appelait Le XXe siècle et notamment Le Petit Vingtième,
07:48 qui était le supplément pour la jeunesse de ce journal.
07:52 Ce journal était dirigé par l'abbé Ouellet et cet abbé a été le mentor d'Hergé.
07:57 Il lui doit énormément.
07:59 Il a toujours payé sa dette à l'abbé Ouellet.
08:02 Hergé n'était pas quelqu'un d'ingrat.
08:04 Il est resté fidèle à ses amis et il vient de ce milieu.
08:08 Il y est toujours resté.
08:09 Le rexisme, peut-être une définition ?
08:11 Le rexisme, c'est quand même le fascisme belge.
08:14 Hergé n'a jamais été rexiste.
08:16 Il a très bien connu Léon De Grelle qui se vantait beaucoup d'avoir inspiré Tintin.
08:22 Ils ont travaillé dans les mêmes journaux, etc.
08:25 Il y a eu peut-être des accointances, mais il n'a jamais été rexiste.
08:29 Ce qui est sûr, c'est qu'il a ce milieu-là nourri dès le départ et qu'il ne s'en
08:35 est jamais dépris.
08:37 Il ne l'a jamais renié.
08:38 L'anticommunisme, l'antisémitisme ?
08:40 Ou l'antiparlementarisme.
08:41 Tout ça, oui.
08:42 Mais quand on l'énonce ainsi, c'est une idéologie.
08:46 Hergé n'a pas de sens politique.
08:48 Ce n'est pas un idéologue.
08:50 Ce n'est pas un militant.
08:51 C'est quelqu'un qui agit par les sentiments, comme son personnage, ou plutôt son personnage
08:56 comme lui.
08:57 Donc, il ne faut pas l'encarter.
08:59 Pour autant, il ne faut pas renier ce qu'il est fondamentalement.
09:02 Et lui, d'ailleurs, n'y songe pas.
09:04 À la Libération, il a quelques petits problèmes.
09:07 Ses amis, ses amis de toujours, ont beaucoup plus de problèmes que lui.
09:13 Certains finissent sous les balles, d'autres ont des procès, ils finissent en prison.
09:17 Il leur reste fidèle.
09:18 Et ça, c'est remarquable.
09:20 Clara Lodwik, vous êtes, je le rappelle, une jeune dessinatrice belge.
09:24 Pourquoi Tintin vous parle peu ? Est-ce que c'est justement pour les raisons qu'on
09:30 vient d'évoquer la manière dont celui-ci est né dans une presse décrite par Pierre
09:37 Assouline à l'instant comme catholique ? Est-ce que vous avez peu d'acquaintances
09:42 avec le dessin ? Bref, votre regard, vous aussi, sur Tintin ?
09:46 Le dessin, je le trouve magnifique.
09:48 Je n'ai rien à rapprocher au dessin et rien à Tintin en général.
09:52 Mais pour moi, c'était très sérieux comme bande dessinée.
09:56 J'aimais vraiment bien les bandes dessinées très fantaisistes avec beaucoup de rebondissements
10:02 délirants.
10:03 Autant, on peut retrouver ça un petit peu dans Tintin, pour moi, c'était trop sérieux.
10:10 Et il y avait des textes trop longs.
10:13 Et voilà.
10:14 D'accord, trop d'esprit de sérieux.
10:16 Pierre Assouline.
10:17 Elle a raison.
10:18 C'est très sérieux.
10:19 C'est un bon garçon, Tintin.
10:20 C'est un reporter.
10:21 C'est un scout.
10:22 C'est un scout, oui.
10:23 Mais c'est surtout un reporter.
10:26 Il a ceci d'extraordinaire.
10:28 Parce que moi, je voulais être reporter à cause de Tintin.
10:31 Mais tous les reporters ne sont pas sérieux, Pierre Assouline.
10:34 Oui, mais celui-ci a ceci d'extraordinaire.
10:36 C'est que d'abord, il ne manipule jamais d'argent dans tous ses voyages.
10:40 Et ensuite, on ne le voit jamais écrire.
10:42 Ça, c'est formidable comme reporter.
10:45 De la radio, on ne sait pas.
10:47 Juan de Mour, vous aussi, votre regard sur Tintin par rapport à ce personnage qui a
10:54 évolué politiquement malgré tout.
10:57 Oui, oui.
10:58 Je ne garde pas un souvenir parce que je l'ai lit encore de temps en temps.
11:04 Mais je trouve que scénaristiquement, c'est d'une force incroyable la manière dont les
11:11 histoires sont construites.
11:12 Parce que Clara dit qu'il y a quand même énormément d'absurdité dans les histoires
11:18 de Tintin.
11:19 C'est un théâtre vivant où les personnes se contredisent, ne se comprennent pas.
11:24 Tout ne sont les sourds.
11:26 Le capitaine a le doigt.
11:28 Les Duponts ne sont pas des vrais flics.
11:31 Enfin, tout est un théâtre humain.
11:34 C'est du Molière.
11:35 C'est complètement fou.
11:36 Et j'ai toujours rigolé.
11:37 Et les Belges, parce qu'on fait de les 77 ans du journal Tintin, on a toujours, dans
11:42 nos conversations scolaires, même en adulte, employé des expressions bruxelloises qu'il
11:47 y a dans Tintin.
11:48 Donc, ça fait partie de notre ADN en Belgique.
11:51 C'est incroyable.
11:52 Mais pas seulement en Belgique.
11:54 C'est le cas en Europe.
11:56 Évidemment en France.
11:57 Ailleurs, dans certains autres pays européens.
12:00 Mais notamment pour la France.
12:02 Tintin, ça fait partie de l'imaginaire collectif.
12:04 Il faut bien dire une chose.
12:06 Si on parle encore aujourd'hui, en 2023, de Tintin et d'Hergé comme on le fait, c'est
12:11 bien parce que Hergé a eu du génie.
12:14 C'est un personnage universel et intemporel qui a traversé le temps.
12:18 Ça fera bientôt un siècle.
12:20 C'est énorme.
12:21 Et il n'y a pas beaucoup de personnages fictifs qui ont atteint ce niveau de notoriété,
12:28 de puissance et de pénétration.
12:30 C'est quand même générationnel, qu'on le veuille ou non.
12:35 La preuve, on l'a entendu tout à l'heure.
12:37 Mais Hergé continue à exercer une influence réelle ou inconsciente sur énormément d'artistes.
12:44 Pierre Hassouline, on vous doit une biographie d'Hergé.
12:48 Clara Ludwig, Johan de Moor, vous avez participé à ce numéro spécial du journal de Tintin
12:54 aux 80 auteurs et dessinateurs de BD célèbres.
12:57 Les 77 ans de ce journal.
12:59 On se retrouve dans une vingtaine de minutes pour évoquer la manière dont le personnage
13:04 à la houppette a vécu durant ses 77 ans.
13:08 Et nous retrouvons nos invités.
13:19 Autrement dit, deux dessinateurs belges en duplex de Bruxelles.
13:24 Clara Ludwig et Johan de Moor.
13:26 Et ici même à Paris, je suis en compagnie de l'écrivain et journaliste Pierre Hassouline.
13:30 On vient d'entendre notre camarade Jean Lémarie Pierre Hassouline parler politique.
13:36 La politique de Tintin, Hergé d'ailleurs, a-t-il fait un personnage écologique ?
13:41 Tintin aime la nature, il aime les animaux ?
13:43 Oui, il aime beaucoup les animaux, dès le départ d'ailleurs.
13:46 Et en même temps, on l'a reproché dans Tintin au Congo notamment.
13:50 C'était les débuts d'être parfois cruelle avec des animaux.
13:55 Pas personnellement, mais il y avait des scènes de chasse qui étaient un peu contestées,
14:02 enfin qui auront été par la suite.
14:03 Parce que c'est des préoccupations que n'avaient pas les lecteurs des années 30, bien entendu.
14:08 Ce que l'on peut dire en tout cas dans l'évolution politique d'Hergé,
14:11 puisqu'on l'a évoqué avec vous il y a quelques minutes,
14:14 il était à l'origine à l'extrême droite et puis il a glissé.
14:18 C'est un pragmatique, Hergé.
14:20 Oui, mais ce n'est surtout pas un opportuniste.
14:23 C'est ça qui me frappe et que je trouve remarquable.
14:26 Moi, je ne juge pas ses opinions, mais ce que je juge en bien et positivement,
14:31 c'est sa fidélité à ses convictions, à ce qu'il est depuis le début,
14:35 et notamment à ses amitiés politiques.
14:38 Encore une fois, il a toujours été un homme de droite.
14:41 Alors évidemment, il y a une évolution, c'est qu'après la guerre,
14:45 ce n'est pas tellement une question de gauche ou de droite,
14:47 parce que ce n'est pas ça qui compte,
14:51 mais il se convertit au bouddhisme.
14:53 Et ça, c'est quelque chose qui est très fort chez lui, très sincère.
14:57 Sa femme, Fanny, s'est également convertie au bouddhisme
15:01 et ça a beaucoup compté dans son évolution.
15:06 C'est-à-dire ?
15:07 C'est quelque chose de moral.
15:12 C'est aussi important que, ça peut paraître bizarre,
15:16 parce qu'on parle de politique, mais de sa passion pour l'art contemporain.
15:20 Ce sont des choses qu'on ne soupçonne pas dans un esprit
15:24 qui a souvent été qualifié de conservateur, d'académique ou de traditionnel.
15:29 Il va vers des peintres à une époque où ce n'est pas vraiment évident.
15:36 On écoute un extrait des aventures de Tintin,
15:39 mis en onde par France Culture, le secret de la licorne.
15:43 Ça y est !
15:47 Du pirate !
15:48 Les grappins sont lancés !
15:49 Hop !
15:50 Et avec de féroces hurlements, les flibustiers se précipitent à bord de la licorne !
15:55 Aïe ! Arrière ! Chapeau ! Arrière !
16:00 Arrière ! Chapeau !
16:14 Laissez-moi cette homme, camarade ! Je le tuerai moi-même.
16:25 Viens, dis donc ! Où la gaufre ?
16:29 Tu es un vieux corpuchon !
16:33 Tu n'as plus le souverain !
16:36 Tu ne vas pas me tuer ! Tu ne vas pas me tuer !
16:40 Tu n'es rien ! Tu n'es rien !
16:42 Aïe ! Scolopende !
16:44 Capitaine, calmez-vous !
16:46 Gare à vous ! Ça va te marrer !
16:49 Attention ! Ne me laissez pas dire !
16:52 Voilà, c'est à peu près ce qui est arrivé à mon aïeule.
16:57 Un extrait de la fiction que France Culture a consacrée à Tintin, "Le secret de la licorne".
17:02 Vous la retrouvez bien sûr sur le site de France Culture.
17:06 Le lien justement qui existe, Pierre Assouline, entre les BD de Tintin et les romans.
17:11 Puisque vous êtes romancier et journaliste, d'ailleurs, votre roman "Le portrait" sur la famille Rothschild
17:16 va être mis en onde par France Culture la semaine prochaine. On l'entendra partir de mardi.
17:20 RG, il est comme tout le monde, et surtout comme tous les grands artistes, c'est au départ un lecteur.
17:26 C'est un grand lecteur, Jules Verne et tout le reste.
17:29 Eh bien, ça reste, et ça se voit dans ses créations et dans ses Tintins. Pourquoi ?
17:35 Parce que fondamentalement, il y a l'influence du feuilleton.
17:39 On peut citer Eugène Su et beaucoup d'autres, mais c'est l'esprit du feuilleton.
17:44 Et ça, ça se retrouve dans cette technique bien particulière qui consiste, lorsqu'on crée une bande dessinée,
17:51 à faire un appel en bas à droite de la page pour la semaine suivante.
17:57 Il ne faut jamais oublier qu'au départ, les aventures de Tintin sont publiées dans un hebdomadaire, le petit 20ème.
18:04 Et donc, c'est un hebdomadaire qui donne rendez-vous à la semaine prochaine.
18:08 Chaque fois qu'une planche est publiée, elle donne rendez-vous.
18:12 Eh bien, c'est un art particulier, non seulement de savoir terminer une planche,
18:17 mais de savoir la terminer de manière à ce qu'on ait envie de connaître la suite.
18:22 Et ça, c'est l'esprit du feuilleton. C'est très important.
18:25 Johan Demour, pour vous, la bande dessinée de Tintin est une sorte de modèle absolu.
18:31 Expliquez-nous pourquoi, en quoi d'ailleurs elle se distingue d'autres bandes dessinées, peut-être plus actuelles ?
18:38 Plus actuelles ? Mais écoutez, j'ai un problème parce que moi, j'ai eu Tintin et le journal Tintin dans mon biberon.
18:48 Donc, je ne suis pas très, très objectif.
18:51 Non, mais c'est votre subjectivité qu'on veut.
18:53 Oui, oui, je sais, je sais. Mais ça allait avec Bobet Bobet, ça allait avec Jacobs aussi dans le journal Tintin, ça allait avec Corentin.
19:01 Donc, c'est un melting pot incroyable. Et ce n'est qu'à mon adolescence que j'ai commencé à faire un tri.
19:07 Et que là, j'ai constaté que Tintin, comme je l'ai déjà dit, racontait, avait un scénario.
19:13 Je ne savais pas ce que c'était un scénario, mais que l'histoire était construite d'une manière redoutable.
19:20 Et chez Jacobs aussi. Et là, je conteste Clara qui disait qu'il y avait beaucoup de textes.
19:26 Et Jacobs, il y en a bien plus.
19:28 Et donc, voilà, ça m'a influencé tout le temps parce que je trouvais que toute l'image de Tintin, les décors, la position d'une case, la manière dont c'est dessiné, la fameuse ligne claire.
19:44 C'est quelque chose qui est passionnant à imiter aussi.
19:48 J'ai redessiné toutes les vignettes de voir et savoir, qu'était l'histoire de l'aviation, des bateaux, etc.
19:55 Parce que j'aime l'histoire et voilà, j'ai copié beaucoup Tintin, comme beaucoup d'artistes ont copié des artistes antiques, etc.
20:03 Et pour moi, Hergé est un auteur classique, finalement.
20:07 C'est Ingres, c'est Okusai, comme j'ai dit.
20:10 C'est quelqu'un d'immense dans l'histoire de l'art et l'histoire universelle en général.
20:17 Vous Clara Lodwig, justement, puisque vous nous avez dit tout à l'heure que vous étiez peut-être plus sensible au dessin d'Hergé.
20:25 Celui-ci, la ligne claire, que vous évoque-t-il ?
20:29 La ligne claire ?
20:31 Eh bien, moi-même, je dessine plutôt en ligne claire et j'ai été énormément influencée par des auteurs qui se revendiquent vraiment comme une filiation d'Hergé.
20:46 Par exemple, Bruno Hetz, qui a vraiment repris des dessins de la première période d'Hergé.
20:52 Et alors, chez lui, je retrouve justement tout ce qui est extrêmement, peut-être encore populaire et libre et brut.
21:01 Et ça, j'aime vraiment beaucoup.
21:03 En fait, moi, le seul truc que je n'aime pas trop, c'est quand ça devient trop sage.
21:06 Mais les premières périodes d'Hergé, les premiers dessins, j'aime vraiment beaucoup.
21:10 Et les auteurs qui s'inspirent de ça, je les aime beaucoup aussi.
21:12 Pierre Haselgin ?
21:13 Je suis étonné que notre interlocutrice n'ait pas encore cité Franquin.
21:17 Parce que la sagesse un peu académique qu'elle reproche à juste titre à Hergé,
21:23 justement, le modèle inversé, c'est quand même la folie extraordinaire d'André Franquin.
21:30 Donc, j'imagine qu'elle est peut-être plus proche.
21:33 Et puis même par rapport au personnage de Tintin, le personnage de Spirou, qui était beaucoup plus déjanté.
21:39 Vous savez qu'il y a eu une vieille rivalité entre le joueur Tintin et Spirou.
21:43 Et que voilà, ce sont deux esprits quand même différents.
21:46 Même si les dessinateurs ont été de l'un à l'autre.
21:49 Clara Ludwig, que pensez-vous ?
21:51 Moi, je suis plutôt Tim Bop et Bobette, qui était le grand penchant un peu néerlandophone de Tintin.
21:59 Comme Johan, on est d'accord.
22:02 Johan et moi, on est tous les deux bilingues.
22:04 Et donc, pour nous, Tintin, Bop et Bobette, c'est un peu...
22:07 Alors, moi, je suis quand même plutôt Bop et Bobette.
22:09 Mais c'était le penchant beaucoup plus, pour moi, libre, exalté, complètement délirant, folklorique, populaire,
22:18 qui mélange tous les mythes et légendes.
22:20 Et donc, moi, c'est vraiment ça qui m'a baignée le plus.
22:23 Plus que Franquin ou Hergé d'ailleurs.
22:25 Comme dit Hergé, le bruegel de la bande dessinée.
22:28 Oui, voilà, vraiment. Moi, c'est ça.
22:30 Ce qui me frappe, parce que là, on parle d'influence.
22:34 Et il est évident qu'Hergé a influencé énormément, consciemment ou inconsciemment.
22:39 Là, je ne fais pas un parallèle avec Simonon, mais je ferai un parallèle avec un autre de mes héros personnels,
22:44 qui est Cartier-Bresson.
22:46 C'est que...
22:47 Le photographe.
22:48 Le photographe. Dans les deux cas, Cartier-Bresson et Hergé, ils ont eu une influence considérable.
22:53 Mais ce qui est intéressant, c'est la manière dont ensuite les artistes se sont émancipés.
22:59 Et parfois, en allant contre cette influence.
23:03 Et donc, qu'ils soient sous influence ou contre cette influence,
23:07 c'est toujours par rapport à ce modèle extraordinaire qu'ils y définissent.
23:13 Les albums de Tintin, ses aventures, les 7 boules de cristal.
23:18 On écoute un extrait de cette fiction France Culture,
23:23 à retrouver bien sûr sur le site de votre radio préférée.
23:26 [Musique]
23:38 Formidable !
23:39 [Musique]
23:42 Je ne sais pas pourquoi, mais chaque fois que je l'entends, je pense à ce cyclone qui fait face au bateau.
23:47 Alors que je naviguais dans la mer des Antilles.
23:50 [Musique]
24:13 C'était « Les 7 boules de cristal », une coproduction France Culture, Hergé Moulinsard et la comédie française Clara Lodwig.
24:21 Je crois que c'est votre album préféré, Tintin ?
24:24 Oui, « Les 7 boules de cristal », oui.
24:26 J'étais très impressionnée par la momie que je pouvais moi-même voir au musée du Cinquantenaire quand j'étais petite.
24:31 Et oui, ça donne des cauchemars, cette momie.
24:34 Mais oui, il y a des passages qui font assez peur chez Tintin.
24:39 Justement, celui-là, quand on voit la momie qui éclate des boules de cristal la nuit à côté de Tintin, c'est juste horrible.
24:46 Et en plus, quand tu sais qu'elle existe en vrai, que tu peux la voir, cette momie, ça devient vraiment…
24:52 C'est ce que j'aimais bien d'ailleurs, quand même, dans l'œuvre d'Hergé et d'ailleurs de Willy van der Seen aussi,
24:57 c'est que tu retrouves des objets de la réalité que tu peux revoir en ville ou dans des musées, dans les livres.
25:07 Et en tant que Bruxelloise, je pouvais aller au marché aux puces, je pouvais voir le musée du Cinquantenaire et ça, c'est super.
25:15 Alors, là aussi, Pierre Asselineau…
25:17 Dans le numéro spécial du journal de Tintin, qui paraît en ce moment, qui est assez extraordinaire,
25:24 parce que c'est un énorme recueil, on a interrogé un certain nombre d'artistes et de créateurs à propos de leur Tintin à eux.
25:32 Et je crois, pour rejoindre ce qui vient d'être dit, que c'est Patrice Lecomte, le metteur en scène,
25:37 qui raconte que la case de Rascard Capac, passant par la fenêtre pendant la nuit,
25:44 c'est une chose qui l'a fait cauchemarder pendant des années et des années et qu'encore aujourd'hui, quand il y pense, il ne s'en remet pas.
25:52 C'est-à-dire la puissance de pénétration du dessin d'Hergé et de ses scénarios.
25:57 Johan de Mourvoux, votre album préféré de Tintin, quel est-il ?
26:01 Oh ! Mais j'aime beaucoup les bijoux de la Castafior, parce que c'est un peu le...
26:08 J'aime bien les gens qui ne se comprennent pas. J'aime beaucoup la non-communication,
26:14 quand ils font le test de la télévision en couleur, etc. Ce sont des choses incroyables.
26:20 On était, juste avant Steve Jobs comme ça, on essayait d'avoir la technologie, l'intelligence artificielle et rien ne fonctionne.
26:29 Même, ah je ris dans ce... Rien ne passe le perroquet, rien ne fonctionne dans cette histoire.
26:36 En fait, ça ne raconte rien, simplement qu'il n'y a pas de communication. Je trouve ça extraordinaire. Moi j'aime bien.
26:43 Je crois qu'il s'agisse d'Hergé, comme beaucoup d'autres, qui ont une œuvre véritable et qu'on suit pendant toute sa vie, on peut évoluer.
26:53 Moi, quand j'étais petit, c'était les deux albums sur la lune, parce qu'ils m'ont fait rêver, parce qu'ils m'ont fait partir sur la lune.
27:00 Ensuite, arrivé à l'âge adulte et quand j'étais étudiante, c'était le Lotus bleu, parce que je trouvais que, politiquement et idéologiquement, j'allais dire,
27:10 c'est un album qui méritait d'être vraiment analysé et qui est vraiment un album important.
27:16 Et puis, à une époque de ma vie, Tintin au Tibet a compté parce que c'est un album issu de la dépression.
27:23 Un album tout blanc, celui de la pureté, l'éloge de l'amitié. Mais aujourd'hui, pour moi, le plus passionnant, c'est les bijoux de la Castafior.
27:32 Parce que c'est... D'abord, il est totalement surréaliste. C'est peut-être le plus belge, en ce sens, de tous ces albums, et le plus fou. Le plus fou.
27:42 - Le plus belge, d'ailleurs, c'est intéressant, parce que vous avez fait un rapprochement avec Simnon.
27:47 Et effectivement, lorsqu'on vous entend rapprocher ces deux personnages, on se dit qu'il y a une forme de belgitude à la fois chez Maigret et chez Tintin.
27:58 - Oui, il y a une belgitude. Chez Tintin, c'est même... Il y a des Belgiquins chez Tintin.
28:04 C'est une expression qui a été... Un néologisme qui a été forgé, qu'on retrouve dans certains albums.
28:11 Oui, c'est très belge. Mais ça montre quand même, je crois, aux Français qui ont, comme vous le savez, tendance à annexer des grands artistes belges
28:22 dès lors que leur notoriété dépasse Bruxelles. Et pour en faire des Français. Jacques Brel, Maigret, etc.
28:30 Eh bien, ce qui est intéressant avec autant Hergé que Simnon, c'est que ça donne aussi, quand même, notamment Hergé, conscience de ce que peut être l'ironie,
28:42 l'humour très particulier et aussi l'esprit surréaliste belge.
28:46 - Alors, est-ce que ça vous parle, ça Clara Ludwig, par exemple, l'esprit belge ? Est-ce qu'il y en a chez Tintin ?
28:51 Est-ce que d'ailleurs, c'est une notion qui fait sens pour vous ?
28:54 - Je sais pas, je suis belge.
28:56 - Ah oui, alors du coup, les Belges n'ont pas un regard sur eux capable, effectivement, de distinguer ce qu'il y a de belge en eux ?
29:06 - Écoutez, c'est compliqué. Je vois ce que vous voulez dire, évidemment. Est-ce que c'est comme ça pour tout le monde ?
29:14 Le côté surréaliste, en tout cas, le côté pas pris au sérieux, alors pour moi, du coup, Tintin, c'est un peu sérieux.
29:20 Et le fait qu'a priori, tout est pris un petit peu, avec beaucoup de second degré, oui, je vois que c'est belge.
29:28 - Yoann Demour ?
29:29 - Oui, nous sommes un petit pays qui a été envahi pendant des siècles par les Français, entre autres, les Hollandais, les Espagnols, etc.
29:37 Et on nous a dit, vous les Belges, taisez-vous.
29:40 Et alors, on s'est eus, et on est rentrés dans nos chaumières, on a fermé nos petites fenêtres, on a allumé la bougie,
29:48 et on s'est mis à dessiner, à contester, à dessiner, et toute cette absurdité aussi, et ce regard un peu décalé,
29:56 vient de cette manière de ce petit pays qui doit s'entendre avec plusieurs langues, et donc, toute cette absurdité,
30:04 on en rigole nous-mêmes, on appelle nous-mêmes, face à la Belgitude, ni le surréalisme, mais on vit avec ça, au quotidien, carrément au quotidien.
30:13 Et Hergé nous a apporté, avec ses expressions bruxelloises qu'il met, que ce soit du bordure, ou du sildave, ou que sais-je encore,
30:22 toute cette relativité dans une bande dessinée, ça c'est quelque chose qui nous a nourri, qui nous nourrit toujours.
30:30 - Mais alors justement, comment distinguer Hergé de la formidable postérité de la bande dessinée belge, Yoann Demour ?
30:37 - Pardon, excusez-moi, quoi ?
30:39 - Comment distinguer Hergé de la postérité de la bande dessinée belge ? Parce qu'on peut dire que son héritage est partout dans la bande dessinée belge.
30:47 - Oui, oui, oui, mais enfin bon, nous sommes en 2023, et je constate que de nombreux auteurs, de jeunes auteurs maintenant,
30:57 se font influencer par d'autres séries, ou d'autres personnages que Tintin.
31:04 Ça je dois constater qu'autour de moi, des nièces, des jeunes, ne me parlent plus du tout de Tintin, mais des mangas par exemple,
31:11 ou des comics américains, ou d'internet, tout ce qui se fait sur internet au niveau de la bande dessinée.
31:17 Donc je sens quand même qu'ils disent "oui, non, c'est vieux".
31:21 - Clara Ludwig, c'est ce que vous dites ?
31:24 - Moi je ne dis pas que c'est vieux en soi, comme je vous dis, Bob et Bobette, c'est tout aussi vieux, et j'aime énormément,
31:31 et je lis encore, et ça m'influence vraiment au quotidien dans mon travail.
31:35 - Parce qu'il y a des nouveaux albums ?
31:36 - Littéralement, bon, il y a des nouveaux albums, mais je ne les lis pas trop.
31:38 Mais je pense en effet que là pour le moment, de ce que je vois, c'est que la plus grande influence vient plutôt du Japon, du manga,
31:45 et que oui, a priori, je pense que ça va prendre place dans les prochaines années.
31:49 - Un concierge à soulignes.
31:50 - Il ne faut pas se voiler la face, c'est générationnel, Tintin.
31:55 Il y a un moment où ça parle beaucoup moins aux jeunes.
31:59 Alors évidemment, il y a le cinéma, il y a les dessins animés qui tentent de faire vivre cette œuvre,
32:03 mais il ne faut pas oublier une chose qui est fondamentale, c'est que cette œuvre est close.
32:08 Avec la mort d'Hergé, elle est close.
32:11 C'est-à-dire qu'il y a la volonté qu'il n'y ait pas d'héritier officiel désigné, comme ça a été le cas pour Alix,
32:19 ou comme ça a été le cas pour Blake Amortimer, pour poursuivre l'œuvre sans son inventeur, sans son créateur.
32:27 C'est très difficile de faire vivre une œuvre close, mais c'est le risque qu'a pris Hergé.
32:32 Je pense qu'il a eu raison, mais c'est son point de vue.
32:35 Il faut évidemment le respecter et heureusement que sa veuve l'a toujours fait respecter.
32:41 On ne sait pas ce qui se passera plus tard, mais ça compte beaucoup dans le fait qu'aujourd'hui, ça parle beaucoup moins aux jeunes.
32:50 D'ailleurs, il y a le fait aussi que le journal de Tintin et Johan de Moore ait cessé de paraître à la fin des années 80.
32:59 Oui, c'était un peu dans l'air du temps.
33:03 Une maison d'édition, c'est aussi une maison commerciale, donc ça doit quand même rapporter.
33:08 Tout ça était en perdition.
33:10 Un peu plus tard, une dizaine d'années après, c'est Assuivre qui a disparu pour des raisons similaires.
33:15 Il a aussi un magazine français, mais qui a marqué aussi la bande dessinée en général.
33:21 Je ne pense pas que ça reviendra un de ces jours à un magazine.
33:25 Il y a des rêves comme ça, mais je pense que les décennies changent, les siècles changent maintenant.
33:31 Et nous allons vers l'intelligence artificielle probablement.
33:35 Clara Lundvik, il se trouve quand même que la bande dessinée en général, la bande dessinée belge d'ailleurs, se porte aussi plutôt bien.
33:43 Oui, je pense, j'espère en tout cas.
33:46 J'ai l'impression qu'en tout cas, il y a plein de nouvelles autrices et nouveaux auteurs qui émergent.
33:51 Il y a énormément qui arrive en fait.
33:53 Peut-être pas tout n'est pas encore publié, mais ça arrive, c'est sûr.
33:57 Est-ce que ça veut dire, Pierre Assouline, que Tintin appartient désormais à l'histoire de la bande dessinée ?
34:04 Le fait justement d'essayer de relancer le journal de Tintin, même avec ce clin d'œil pour ses 77 ans.
34:10 Qu'est-ce que ça évoque pour vous ?
34:11 C'est impossible à relancer.
34:13 Ça appartient au passé.
34:15 Là, c'est un numéro anniversaire.
34:16 C'est formidable qu'il l'ait fait pour les 77 ans.
34:19 Mais ça n'ira pas plus loin.
34:21 C'est un one-shot, comme on dit.
34:24 Évidemment qu'il appartient à l'histoire.
34:26 C'est un classique moderne.
34:29 Mais c'est quand même un classique moderne du XXe siècle.
34:33 Fondamentalement, il faut le prendre comme tel.
34:36 Il ne faut pas rêver.
34:38 Johan Demour, comment les auteurs qui ont participé à ce numéro anniversaire ont été choisis ?
34:45 Qu'est-ce qui a présidé justement à cette réunion ?
34:48 Ça, je ne sais pas.
34:50 Mais je pense qu'ils ont pris la crème de la crème.
34:53 Donc, voilà.
34:56 Je pense qu'ils ont proposé à différents auteurs, qui n'étaient pas que des auteurs du Lombard, d'un peu partout.
35:03 Et leur ont laissé carte blanche pour traiter un personnage du XXe siècle.
35:09 Et voilà.
35:10 Donc, moi, je me suis rebaladé dans le premier numéro du journal Tintin pour essayer de trouver Tintin.
35:16 Mais comme c'est un petit nerveux, je ne l'ai jamais trouvé.
35:19 Donc, il est toujours en déplacement.
35:21 Et voilà.
35:22 Donc, c'est quelque chose qui a été construit comme ça.
35:25 Et je trouve que la réponse des auteurs est assez formidable.
35:30 C'est gai pour un auteur de pouvoir s'amuser avec un autre personnage qui n'est pas le sien.
35:35 Et de pouvoir en faire un délire.
35:38 Je trouve ça assez chouette.
35:39 Bon, merci beaucoup à vous deux qui êtes à Bruxelles.
35:43 Bonne journée, Belge Clara Ludwig et Johan de Moor.
35:47 Merci, Pierre Hassouline, de nous avoir accompagnés.
35:50 On peut retrouver donc votre biographie d'Hergé.
35:53 Et puis, à partir de mardi prochain et toute la semaine,
35:56 France Culture va diffuser une adaptation inédite de votre roman Le Portrait,
36:00 consacré à la famille Rothschild.
36:02 Et puis, on retrouve bien entendu ces 80 auteurs
36:07 qui célèbrent les 77 ans du journal de Tintin.