Mafia une histoire Mafia quelle mafia
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00:00 Novembre 1957, au nord de l'état de New York.
00:05 Dans la paisible petite bourgade d'Apalachine se tient une réunion peu ordinaire.
00:10 Dans le jardin de l'un des plus riches habitants de la ville,
00:14 un groupe d'hommes d'affaires élégamment habillés se régalent de plusieurs dizaines de kilos de bœuf.
00:19 Un spectacle inhabituel qui attire l'attention,
00:23 et les policiers locaux surpris observent à couvert.
00:26 Ils ignorent encore qu'ils assistent à une réunion au sommet de la mafia américaine.
00:31 Les principaux chefs sont tous présents.
00:36 En fait, jusqu'à cet instant précis,
00:40 beaucoup nient l'existence même de la mafia.
00:43 Bien sûr, il y a des criminels aux États-Unis,
00:45 mais le crime organisé, un gang utilisant des rites d'initiation secret
00:49 et un code de conduite appliqué sous peine de condamnation à mort,
00:53 cela paraît relever du fantasme.
00:57 De l'autre côté de l'Atlantique, en Sicile, la situation est assez comparable.
01:02 C'est ici que la mafia est née, et sur l'île, rien n'échappe à son influence.
01:06 Pourtant, son existence même est souvent niée.
01:10 Le secret et une stricte discipline font ainsi la force de la mafia,
01:14 une force qui ne connaîtra bientôt plus de frontières.
01:19 En 1957, les mafias américaines et siciliennes deviennent internationales
01:24 en formant un conglomérat du crime qui brasse des centaines de millions de dollars.
01:30 C'est le début de la guerre contre le crime organisé.
01:37 Une guerre qui va s'étaler sur près d'un demi-siècle,
01:40 forçant les États-Unis et l'Italie à finalement affronter
01:43 la terrifiante conspiration criminelle qui se développait en leur sein.
01:49 (Générique)
01:52 ---
02:12 Au milieu des années 50, les États-Unis vivent une période de prospérité.
02:17 Au lendemain de la dépression et de la Seconde Guerre mondiale,
02:20 l'économie du pays est en plein boom.
02:22 Pour beaucoup d'hommes et de femmes ordinaires,
02:24 le rêve américain est devenu réalité.
02:27 (Générique)
02:33 Le crime organisé, lui aussi, est en pleine expansion.
02:37 (Générique)
02:39 Pour ceux qui grandissent dans une famille liée à la mafia,
02:42 le monde extérieur semble à peine exister,
02:45 si ce n'est en tant que source d'argent facile.
02:48 (Générique)
02:53 La mafia est organisée en groupes, appelés "familles".
02:56 Et le chef de chaque famille a le titre de parrain.
02:59 (Générique)
03:01 À New York, le chef de clan qui est resté le plus longtemps en activité,
03:05 c'est Joe Bonanno, dit Joe Bananas.
03:07 Il a dirigé la famille Bonanno du début des années 30
03:10 jusqu'au milieu des années 60.
03:12 (Générique)
03:14 Son autorité était fondée sur l'influence qu'il exerçait
03:16 au sein de sa communauté à New York.
03:19 Son fils, Bill, a vu de ses yeux comment son père opérait,
03:23 et lui-même est devenu plus tard un membre influent de la mafia.
03:26 (Générique)
03:29 Le mardi et le jeudi, mon père allait s'installer dans un bureau
03:34 et différentes personnes du quartier venaient le voir
03:37 pour lui demander un service.
03:41 Si une femme avait un enfant malade et qu'elle ne pouvait pas payer le docteur,
03:46 mon père arrangeait ça.
03:48 Si une autre femme était trompée par son mari
03:51 et qu'elle voulait savoir quoi faire, il s'en occupait aussi.
03:57 Il faisait ça deux fois par semaine.
04:00 Donc les gens ont commencé à se dire que s'ils avaient un problème,
04:03 ils savaient où aller.
04:06 (Générique)
04:14 Ces images d'un barbecue familial tourné à Brooklyn en 1957
04:18 semblent montrer un ménage américain ordinaire,
04:21 profitant de la prospérité nouvelle.
04:24 Mais les apparences peuvent être trompeuses.
04:27 Dominique Montilio est né dans une famille liée à la mafia new-yorkaise.
04:31 Certains de ses parents étaient des membres influents du clan Gambino,
04:34 l'une des principales branches américaines de la mafia.
04:38 Très jeune, Dominique Montilio a pris conscience
04:41 que sa famille était différente des autres.
04:45 J'ai grandi dans une famille mafieuse très traditionnelle
04:50 et c'était une vie très différente de celle de mes camarades d'école.
04:55 Je les remarquais dès le début, par exemple.
04:58 Il pouvait arriver que le FBI enfonce la porte
05:01 parce qu'on vivait dans la même maison que mon oncle.
05:05 Et il était très impliqué.
05:09 L'oncle de Dominique Montilio est un mafioso en pleine ascension,
05:14 un certain Nino Gaggi.
05:16 Un jour, à l'âge de 11 ans, le jeune Dominique court annoncer à son oncle Nino
05:20 qu'il a été élu chef de classe à l'école.
05:24 Je suis rentré à la maison tout content
05:27 parce que j'avais le badge avec marqué "chef de classe".
05:30 Il a dit "Super, et ça fait quoi, chef de classe ?"
05:33 Alors j'ai dit "Si la maîtresse sort de la salle, on surveille la classe
05:37 et si quelqu'un fait une bêtise, on note son nom au tableau."
05:40 Là, il m'a regardé et il a dit "Tu veux dire que t'es un mouchard ?
05:44 Un indique ?"
05:46 Moi, j'avais 10 ou 11 ans, qu'est-ce que je pouvais lui répondre ?
05:49 Il a dit "Demain, tu vas rapporter ce badge à la maîtresse
05:52 et tu lui diras que tu ne peux pas être chef de classe."
05:58 Bill Bonanno et Dominique Montilio ont tous deux grandi
06:01 dans une communauté coupée du monde extérieur.
06:04 La mafia américaine se faisait appeler "Cosa Nostra", ce qui est à nous.
06:08 Mais c'était un univers importé en Amérique
06:11 d'une île distante de plusieurs milliers de kilomètres.
06:15 Car c'est ici, en Sicile, que la mafia est née.
06:25 La plus grande île de la Méditerranée a une population de 5 millions d'habitants
06:29 et 3 kilomètres seulement la séparent du continent.
06:33 Comme Dominique Montilio, Léo Luca Orlando est né en 1947.
06:38 Mais lui a vu le jour à Palerme, la plus grande ville de la Sicile,
06:42 et il a choisi de combattre la mafia, non de rejoindre ses rangs.
06:46 La Sicile est une terre de contradictions.
06:49 Palerme est la capitale de la Sicile, c'est aussi la capitale de la mafia.
06:53 C'est la capitale de notre histoire, mais aussi de la honte de cette terre.
06:57 Dans le dialecte sicilien, "mafioso" signifiait autrefois intrépide ou magnifique.
07:06 Mais à partir de 1860 environ, le mot est associé aux éléments criminels de l'île,
07:11 souvent organisés en famille, unis par les liens du sang ou du mariage.
07:15 Or, les vies de ces hommes sont régies par le secret.
07:19 La mafia est un sujet tabou que l'on ne peut évoquer,
07:22 ainsi que Léo Luca Orlando l'a découvert à l'école.
07:25 À 15 ans, j'ai organisé avec d'autres élèves un séminaire sur la mafia,
07:31 contre la mafia.
07:33 Le directeur de l'école, un jésuite, a appelé mes parents.
07:38 Et il a dit "c'est un scandale, pourquoi est-ce que Léo Luca parle de la mafia ?
07:43 Nous n'avons rien à voir avec la mafia, donc nous n'en parlons pas."
07:48 Gréhi, c'était une zone d'ombre. On ne voit pas, on ne parle pas, on n'entend pas.
07:52 Ça, c'était la Sicile quand j'étais un jeune lycéen.
07:55 Joe Bonanno a grandi dans cet univers.
08:02 Il est né en Sicile en 1905, à Castellammare del Golfo, une jolie ville du bord de mer.
08:08 Et c'est seulement dans les années 1920 qu'il est parti pour l'Amérique.
08:17 La Sicile a une longue tradition de méfiance vis-à-vis des autorités.
08:21 Il y a un vieux dicton de là-bas qui dit que pour connaître un homme,
08:26 il faut connaître son père et le père de son père.
08:29 Dans ces conditions, ça laisse très peu de place à la trahison.
08:33 La force de la mafia repose en grande partie sur sa discipline de faire.
08:41 Et la règle la plus importante, c'est l'omerta, la loi du silence.
08:47 En Sicile, tous les mafiosi devaient prêter un serment sacré,
08:51 scellé par le sang, s'engageant à ne jamais trahir l'organisation
08:55 et à toujours obéir aux ordres.
08:57 Le novice, initié lors d'une cérémonie quasi religieuse,
09:03 devenait ainsi un homme d'honneur, comme on dit dans la mafia.
09:07 La branche américaine suivait exactement la même cérémonie traditionnelle.
09:15 On nous amenait dans une pièce et on nous donnait une image d'un saint.
09:19 On se piquait le doigt, assez pour faire couler une goutte de sang ou deux
09:23 qu'on mettait sur l'image pieuse.
09:25 Ensuite, on prenait cette image dans la main et ils y mettaient le feu.
09:29 Et là, on prêtait serment en disant simplement
09:32 « J'espère brûler comme ce saint brûle si je trahis mes frères. »
09:36 Violer ce serment équivaut à une condamnation à mort.
09:43 Notre culture nous a appris à agir en homme.
09:46 Et agir en homme, ça voulait dire se taire.
09:50 Pour Bill Bonanno et ses amis, l'omerta est bien plus qu'une simple loi du silence.
09:58 La racine du mot omerta vient du mot viril.
10:04 Donc ça signifie simplement « agir en homme ».
10:08 Et un homme n'attire pas d'ennuis aux autres.
10:13 Donc il ne dira pas « C'est John qui a fait ça ».
10:16 Quitte à frapper au visage, c'est John qui m'a frappé.
10:20 Un homme fera en sorte que John soit frappé au visage.
10:24 Dominique Montilio connaît la signification exacte de ces paroles.
10:31 Chez les mafiosi de la génération de son oncle,
10:35 les traditions siciliennes étaient profondément ancrées.
10:39 Et les valeurs qui primaient sur toutes les autres étaient la loyauté, le secret et la vengeance.
10:44 Ainsi, lorsque Nino Gaggi a le nez cassé dans une bagarre,
10:48 il est déterminé à prendre sa revanche.
10:50 Même s'il lui faut pour cela attendre des années.
10:54 Lorsque le moment arrive enfin de régler ce vieux compte,
11:04 le gangster emmène avec lui Dominique Montilio et Roy Dimeo, un autre mafioso.
11:09 On s'est garés assez loin de là où était ce type.
11:13 Il discutait avec des gens devant une confiserie et on attendait de l'autre côté de la rue.
11:19 J'avais un 22 avec un silencieux.
11:24 Nino et Roy avaient chacun un 38.
11:27 On a attendu et quand il est revenu à sa voiture, on a commencé à traverser la rue.
11:32 Là, il nous a repérés et il s'est mis à courir.
11:36 Et on l'a descendu pile au milieu du carrefour.
11:39 Au sein de la famille Gambino, de telles exécutions n'avaient rien d'inhabituel.
11:45 C'était l'anniversaire de ma femme.
11:48 Donc on avait quitté la fête pour remplir cette tâche.
11:52 Et après, on est revenu à la fête comme si de rien n'était.
11:58 On a ouvert les cadeaux, on a mangé le gâteau, c'était une affaire régulière.
12:03 Nino Gaggi était un gangster à l'ancienne.
12:06 Un homme dont toute l'existence était régie par les valeurs traditionnelles de la mafia sicilienne.
12:11 Moi, si quelqu'un m'avait cassé le nez, j'aurais attendu un peu.
12:16 Et ma vengeance, ça aurait été un nez cassé avec un petit quelque chose en plus, quelques doigts par exemple.
12:23 Mais pour Nino, qui a été un homme, il n'a pas été un homme.
12:31 Mais pour Nino, qui était de la vieille école sicilienne, ce n'était pas suffisant.
12:36 Il fallait que ça soit cent fois pire pour qu'il soit satisfait.
12:45 Les valeurs importées par les mafiosi siciliens reposent donc sur la violence, le secret et la méfiance vis-à-vis des étrangers.
12:56 Aux Etats-Unis, les gangsters vont combiner ces traditions à l'esprit d'entreprises américains
13:01 pour créer une toute nouvelle forme d'organisation criminelle.
13:04 Au début du XXe siècle en Sicile, un jeune homme ignore encore qu'il va transformer la physionomie de la pègre.
13:21 Salvatore Lucagna, né en 1897, deviendra en effet tristement célèbre sous le nom de Charlie "Lucky" Luciano,
13:28 le père de la mafia américaine moderne.
13:31 L'aire Carafridi, sa ville d'origine, est bâtie sur l'industrie du soufre, un travail difficile et dangereux.
13:41 Les soufrières sont en effet des installations grossières, où il fait si chaud que les mineurs travaillent nus.
13:49 Pourtant, ces ouvriers défavorisés doivent tout de même payer la mafia pour avoir le droit de travailler.
13:55 Et ils ne sont pas les seuls. Les propriétaires de la mine doivent eux aussi payer.
14:01 En Sicile, rien ni personne n'échappe à l'avidité de la mafia.
14:05 A l'âge de 10 ans, comme des centaines de milliers d'autres Siciliens, Luciano laisse la pauvreté de son pays à la main.
14:16 Pour commencer une nouvelle vie en Amérique.
14:19 Très vite, il tombe dans la criminalité, rejoignant à l'adolescence le gang des Five Points,
14:26 une bande tristement célèbre qui compte aussi parmi ses membres un certain Al Capone.
14:31 C'est alors l'époque de la prohibition.
14:36 13 années durant, il est illégal de fabriquer ou de vendre de l'alcool aux Etats-Unis.
14:42 Luciano et d'autres bootleggers vont gagner des millions en fournissant en quantité les boissons interdites.
14:48 Salvatore Lucania commence à se faire appeler Charles Luciano.
14:56 Il gagne aussi le surnom de Lucky, le chanceux, ainsi que des cicatrices au cou,
15:01 en survivant par miracle à une attaque à l'arme blanche.
15:04 A New York, le gangster dirige son empire criminel à partir d'une société de gangsters.
15:11 Il est aussi le premier criminel à partir d'une suite du luxueux Waldorf Hotel.
15:15 Là, il se fait appeler M. Charles Ross.
15:20 En 1932, Luciano atteint le sommet en éliminant Salvatore Maranzano,
15:27 qui est à l'époque le plus puissant parrain américain.
15:30 Mais ses affrontements constants sont mauvais pour les affaires.
15:39 Dans quelques îles dans le quartier italien, c'était presque garanti que deux d'entre eux allaient essayer de tuer le troisième.
15:45 Et le troisième complotait contre les deux autres.
15:50 Donc il y avait des cadavres dans les rues. Mais dans quel but ?
15:54 Luciano veut que les familles mafieuses enterrent leurs différents, et non leurs membres.
15:59 On ne peut pas gagner d'argent les armes à la main, c'était son expression.
16:04 J'ai entendu ça je ne sais combien de fois.
16:06 On ne peut pas gagner d'argent les armes à la main.
16:09 La solution de Luciano consiste à créer ce qu'il appelle la commission.
16:13 Un conseil d'administration de la mafia, regroupant les parrains des cinq familles de New York, ainsi que ceux de Chicago et Buffalo.
16:20 Si un chef de clan a des griefs vis-à-vis d'une autre famille, il peut en faire part à la commission.
16:27 Mais pour que son plan réussisse, Luciano doit se faire enlever de son corps.
16:35 Mais pour que son plan réussisse, Luciano doit gagner le soutien des autres chefs mafieux, et notamment de Joe Bonanno,
16:42 lequel vient de remplacer Maranzano, l'homme que Luciano a fait éliminer.
16:46 Luciano était américanisé, donc il parlait comme ça.
16:54 Mon père m'a toujours dit que Luciano parlait comme les américains.
17:02 Et il a dit "Ces types sont morts, je n'ai rien contre toi, et je sais que tu n'as rien contre moi, alors oublions le passé. Passons à autre chose."
17:09 Joe Bonanno accepte ainsi de soutenir le plan de Luciano, et tous deux vont siéger dans la première commission, aux côtés d'Al Capone.
17:19 L'idée de Luciano, c'était d'allier les mœurs mafieuses siciliennes, qui permettaient de former une organisation très soudée, avec le sens des affaires américains.
17:31 Fondamentalement, c'était ça, une sorte d'amalgame qui est devenue la mafia américaine, le crime organisé.
17:38 Une fois la paix établie, la mafia peut se concentrer sur ce qu'elle sait le mieux faire, gagner des millions de dollars avec les jeux clandestins, la prostitution et l'extorsion.
17:55 Rien d'étonnant donc, à ce que la vie de gangster semble si attirante pour de nombreux jeunes gens dans l'Amérique d'après-guerre.
18:01 Adolescent, Henry Hill est ainsi très impressionné par les mafiosis qu'il voit de sa fenêtre, dans l'appartement de ses parents à Brooklyn.
18:09 Je voyais toutes ces cadillacs, des types en costume noir avec des diamants énormes aux doigts, des jolies femmes.
18:21 Je me disais, mais qu'est-ce que c'est que ça ? Alors j'ai commencé à faire des petits boulots pour eux, laver leur voiture, etc.
18:26 Juste pour traîner avec eux, c'est comme ça que ça a commencé. C'était excitant.
18:31 Henry Hill rejoindra plus tard la famille Lucchese.
18:37 Un autre futur gangster, Frank Lotta, est lui aussi impressionné par les mafiosis qu'il voit dans sa jeunesse à Chicago.
18:48 En fait, j'ai grandi dans cet univers. Dans mon quartier, ils étaient tous mafiosis, escrocs, assassins.
18:58 Et c'était mes modèles, mes idoles. Je cirais leurs chaussures et au lieu de me donner une pièce de 5 cents, ils me donnaient un dollar.
19:08 Donc j'ai eu beaucoup d'argent très jeune. Il m'impressionnait. Et j'ai toujours su que je voulais être comme eux.
19:16 La discipline de fer que la commission impose au monde du crime permet à la mafia d'accroître sans cesse son pouvoir.
19:23 À New York, des endroits comme l'Equay deviennent de véritables bastions mafieux.
19:28 Grâce à son emprise sur les syndicats et les sociétés de pêche, la mafia gagne ici des millions de dollars par an.
19:35 Le même scénario se répète à travers toute la ville dans des industries comme le bâtiment, contrôlé par la famille Bonham.
19:42 Si on construit un immeuble et qu'on augmente même de 2 ou 3% seulement la valeur du béton utilisé, ça peut rapporter des millions de dollars.
19:53 Pour chaque mètre cube de béton coulé en ville, les familles Gambino, Genovese et tout le monde touchait sa part à travers les syndicats.
20:09 Il n'y avait pas seulement une petite chose.
20:13 Si on multiplie ça par les centaines, les milliers d'activités qui étaient concernées dans tout le pays, on obtient une force avec laquelle il faut compter.
20:23 À New York, la mafia semble étendre partout ses tentacules.
20:31 On dirigeait la ville en fait. On pouvait empêcher un immeuble d'être construit ou un film de se faire ou encore un show à Bordeaux.
20:39 Si on refusait d'obéir aux parrains, soit on se faisait tuer, soit on faisait faillite. Ils ne plaisantaient pas.
20:48 Pourtant, les syndicats ne sont pas encore là.
20:56 Les autorités nient l'existence d'une organisation criminelle nationale.
21:01 Ce qui s'explique en partie par le fait que la mafia achète sa protection.
21:07 Bill Bonanno raconte ainsi qu'il retrouvait des policiers corrompus dans un restaurant pour leur donner des pots de vin.
21:15 J'étais venu dîner dans un petit restaurant avec deux amis.
21:22 On était assis et ils m'ont dit "tu as l'air nostalgique tout à coup, qu'est-ce qu'il y a ?"
21:27 Alors j'ai dit "à la fin des années 40 et au début des années 50, je venais souvent ici, je m'asseyais dans le coin là-bas."
21:35 Et je venais retrouver un capitaine et deux lieutenants de police.
21:40 Un de mes amis a dit "pourquoi faire ?"
21:44 Je leur donnais leurs enveloppes.
21:49 Des enveloppes pour quoi ?
21:52 Pour qu'ils regardent ailleurs pendant qu'on s'occupait du jeu, des courses de chevaux, des paris et de la loterie clandestine.
22:00 Avec la commission à sa tête, la mafia connaît une période de forte prospérité.
22:06 Bill Bonanno grimpe les échelons et il va assister à plusieurs réunions en compagnie de son père, le parrain Joe Bonanno.
22:14 La commission se vante alors d'être si puissante qu'elle peut influencer le gouvernement.
22:19 Je me souviens d'une époque, et j'ai participé à certaines de ces réunions, où on prenait ce genre de décision.
22:30 "Vous serez le prochain juge fédéral, vous serez le prochain gouverneur, le prochain sénateur, le prochain candidat à la chambre des représentants."
22:42 Les hommes se levaient une fois ces décisions prises, et effectivement c'est ce qui se passait.
22:48 Le pouvoir de la mafia s'exerce ainsi dans l'ombre, impunément.
22:54 Jusqu'à ce que la tentation de gagner encore plus d'argent devienne irrésistible, forçant finalement le gouvernement américain à réagir.
23:02 Dans les années 50, aux Etats-Unis et en Italie, la mafia exerce une influence considérable.
23:17 Pourtant, les gouvernements des deux pays ne reconnaissent que du bout des lèvres l'existence du crime organisé.
23:23 De fait, les autorités ont alors un autre ennemi.
23:28 La guerre froide bat son plein, et la principale cible du FBI, ce sont les communistes américains, et non des gangsters d'origine italienne.
23:55 Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans les bureaux new-yorkais du FBI, quelques 400 agents faisaient la chasse aux communistes, tandis que cinq seulement s'occupaient du crime organisé.
24:05 Au ministère de la justice, où travaillait William Hunley, la situation était similaire.
24:13 Quand j'ai pris la tête de la section crime organisé du ministère de la justice, en 57, en fait il n'y avait que sept ou huit juristes qui se contentaient de découper des coupures de journaux.
24:26 Ils ne faisaient rien.
24:29 John Edgar Hoover est alors directeur du FBI. Il occupe le poste depuis plus de 30 ans.
24:38 Il est l'un des hommes les plus influents de Washington. Au total, il servira sous huit présidents.
24:44 En matière de sécurité nationale, ces décisions ne se discutent pas. Or pour Hoover, la priorité de l'Amérique, c'est la menace rouge.
24:52 Mais à partir de la fin des années 50, une série d'événements vont changer la donne, obligeant finalement les autorités et le pays entier à reconnaître l'existence de la mafia.
25:06 De nouveau, tout commence en Sicile. Et Joe Bonanno, le chef de famille new-yorkais, va jouer un rôle central.
25:14 Fin 1957, Joe Bonanno part en voyage dans sa Sicile natale. Il est né ici, dans la petite ville côtière de Castellammare del Golfo, avant d'émigrer aux Etats-Unis dans sa jeunesse.
25:32 Mais Joe Bonanno n'est pas venu faire un voyage sentimental. Le parrain est ici pour affaire.
25:38 Joe Bonanno a en effet maintenu des liens étroits avec sa famille et ses contacts mafieux au pays.
25:45 Et de vieilles connaissances lui ont demandé conseil au sujet d'un problème pressant.
25:54 Mon père m'a dit qu'un des chefs de la mafia de Palerme était venu le voir. Il lui avait dit que plusieurs personnes voulaient lui parler de certains problèmes qu'ils avaient là-bas en Sicile.
26:05 Une réunion a eu lieu ici, au Grand Hôtel des Palmes à Palerme. Un établissement qui compte parmi les plus luxueux de la capitale sicilienne.
26:19 Encore aujourd'hui, les détails de cette réunion, les participants ou l'ordre du jour restent entourés de mystères.
26:24 Mais Joe Bonanno n'était sans doute pas le seul Américain présent.
26:28 Charles "Lucky" Luciano vivait alors en Italie, car il avait été expulsé des Etats-Unis après la guerre.
26:37 Aujourd'hui, les autorités italiennes pensent que lui aussi était présent au Grand Hôtel des Palmes.
26:42 Du 10 au 16 octobre 1957 à Palerme, au Grand Hôtel des Palmes, il y a eu un sommet réunissant environ une trentaine de chefs mafiosi.
26:59 Il y avait la Cosa Nostra américaine et la mafia sicilienne.
27:03 Les principales familles américaines étaient représentées. Par exemple, la famille Bonanno, Joe Bonanno était présent.
27:11 Il y avait aussi Carmine Galante, Garofalo et des représentants des familles Genovese et Lucchese.
27:20 Lucky Luciano était là aussi. Il était déjà en Italie depuis 1947. Et puis il y avait aussi les chefs mafiosi locaux siciliens.
27:36 Au cours d'un dîner, les Italiens expliquent pourquoi ils ont voulu cette rencontre.
27:41 Il s'agit en fait d'une réunion d'affaires avec pour sujet principal le trafic de drogue.
27:46 Une activité très lucrative mais qui présente des risques.
27:49 Le but de cette réunion était de faire appel aux lumières de mon père pour savoir comment ils allaient résoudre une dispute qu'ils avaient entre eux au sujet du trafic de drogue en Turquie.
28:03 Les Siciliens sont confrontés à un dilemme.
28:09 Différentes familles mafieuses étaient en conflit pour décider s'il fallait s'impliquer dans ce trafic ou non.
28:18 Et la jeune génération ne voyait rien de mal dans le fait de gagner de l'argent.
28:23 En fait, le même débat sur la drogue agit alors la mafia américaine.
28:29 Joe Bonanno ne serait donc pas simplement venu pour donner des conseils mais surtout pour conclure un marché qui allait réorganiser le commerce mondial d'héroïne.
28:37 Selon le FBI, c'est cette réunion qui va permettre à la famille Bonanno de s'imposer comme l'un des acteurs principaux du trafic transatlantique.
28:46 Les Siciliens vont produire la drogue et l'introduire aux Etats-Unis, les Américains la distribuer et prélever leur part.
28:55 Pour la première fois, les mafias des deux côtés de l'Atlantique collaborent à grande échelle.
29:01 Un des premiers exemples de mondialisation mais avec le crime organisé qui tire les ficelles.
29:08 On peut dire que c'est à ce moment-là que les bases ont été jetées pour les futures collaborations entre la mafia sicilienne,
29:18 qui ne s'appelait pas encore Cosa Nostra, et la Cosa Nostra américaine, avec pour objectif principal le trafic d'héroïne.
29:27 Selon Bill Bonanno, l'organisation même de la mafia était également à l'ordre du jour.
29:34 Et son père aurait conseillé aux Siciliens de copier le système mis au point par Luciano pour résoudre les différents.
29:41 C'est pendant cette réunion qu'il leur a suggéré une des solutions possibles pour résoudre leurs problèmes et maîtriser un peu mieux la situation.
29:50 C'est-à-dire de faire comme les Américains et créer une commission.
29:57 Les Siciliens vont effectivement créer une commission, mais elle ne siégera que rarement, sans jamais égaler l'autorité de son équivalent américain.
30:08 Aux États-Unis, la drogue reste le point central des débats internes à la mafia.
30:12 La nouvelle organisation créée par Luciano a réglé tous les problèmes, à une seule exception près, les stupéfiants.
30:24 Au départ, Luciano a cru qu'il serait possible de tenir le crime organisé à l'écart des stupéfiants, parce que le jeu n'en valait pas la chandelle.
30:37 Le problème, c'était l'argent.
30:41 Pour la mafia, l'argent est toujours un argument irrésistible.
30:46 Les Américains organisent donc un sommet pour enterriner le marché avec leurs cousins Siciliens.
30:52 Une réunion qui va marquer l'histoire du crime organisé.
31:03 L'accord conclu entre les mafias siciliennes et américaines à la fin 1957 est un tournant pour les deux organisations.
31:09 L'argent de la drogue est la clé du problème, car tous savent que le trafic de stupéfiants peut rapporter bien plus que d'autres activités, comme le jeu clandestin ou l'extorsion.
31:20 Mais les peines de prison encourues sont aussi très longues.
31:26 Et les parrains craignent que leurs hommes ne brisent la loi du silence, s'ils risquent une incarcération de plusieurs dizaines d'années.
31:33 Il y avait des frictions à l'intérieur de certaines familles.
31:37 Certains, parmi les plus jeunes, en particulier à New York, Boston et Chicago, pensaient que c'était une nouvelle opportunité à ne pas manquer, en termes d'argent strictement.
31:47 La mafia de Chicago, connue sous le nom de Outfit, défend la lignée de la drogue.
32:00 Frank Colotta est alors un jeune gangster en pleine ascension.
32:03 À mon époque, c'était interdit de vendre de la drogue ou d'avoir quoi que ce soit à voir avec le trafic, sinon on se faisait dégommer.
32:12 On savait que si on trempait là-dedans, c'était un sale business.
32:16 C'était comme donner de la drogue à ses propres enfants.
32:20 Donc c'était tabou.
32:22 Et si on trempait là-dedans, on se faisait descendre.
32:27 Et si on trempait là-dedans, on se faisait descendre à coup sûr.
32:30 En novembre 1957, un mois à peine après la rencontre avec les Siciliens à Palerme, les familles mafieuses organisent une réunion.
32:41 Gio Bonanno doit être rejoint au sommet par un autre parrain, Vito Genovese.
32:47 Les deux hommes veulent que la mafia s'implique dans le trafic de drogue.
32:53 La préoccupation principale de Genovese, c'était les stupéfiants.
32:57 Il était directement impliqué dans le trafic, Bonanno aussi, et beaucoup des autres parrains trempaient de dents douces.
33:04 Donc son raisonnement était "de toute façon c'est une réalité, on ne trompe personne, alors rendons ça officiel pour vraiment gagner de l'argent avec".
33:14 Le sommet se tient à Palachin, une petite ville au nord de l'état de New York.
33:22 Joseph Barbara, un riche homme d'affaires qui entretient des liens avec la mafia, y accueille les chefs de famille dans sa propriété de 23 hectares.
33:29 L'endroit a été choisi pour son isolement, car il semble à l'abri des regards indiscrets, notamment ceux des policiers.
33:37 Mais malheureusement pour eux, les mafiosi ont commis là une erreur fatale.
33:47 Depuis plus d'un an en effet, la résidence est sous la surveillance de la police locale, qui a remarqué la présence sur les lieux d'un gros poisson new-yorkais, Carmine Galante, le bras droit de Joe Bonanno.
33:58 Le 14 novembre, les policiers ont ainsi la surprise de repérer plusieurs cadillacs avec des plaques qui ne sont pas du New Jersey.
34:07 Les agents s'approchent et voient alors une centaine d'hommes dégustant un barbecue.
34:13 Tous portent des costumes sombres, des chapeaux mous et des chaussures luisantes.
34:17 Si on ne sait pas que c'est un sommet de la mafia, si on arrive en plein milieu de la réunion, on pourrait se dire que c'est juste un barbecue entre amis.
34:29 Bizarrement, tout le monde est en costume pour un barbecue, mais bon, chacun ses goûts.
34:40 Tout à coup, quelqu'un repère les policiers.
34:43 Ce genre d'hommes, un peu comme les chiens de Pavlov, si quelqu'un dit "les flics", d'instinct, ils vont partir en courant. Et c'est exactement ce qu'ils ont fait.
34:55 La confusion est totale. Certains parrains se cachent ou courent à leur voiture, tandis que d'autres fuient dans les bois.
35:05 C'était grotesque. Probablement l'un des pires moments dans l'histoire de la mafia.
35:10 Tous ces grands parrains qui courent dans les forêts avec leurs costumes peau de requin, leurs cravates en soie et leurs chaussures italiennes à 500 dollars, c'était incroyable.
35:24 Joe Bonanno va échapper à cette débâcle.
35:29 Mais seulement parce qu'il est en retard.
35:31 Ils étaient sur le chemin et quand ils sont arrivés au pied de la colline, ils ont vu les voitures de police et les barricades, donc ils ont fait demi-tour et ils sont rentrés à New York.
35:41 Quelques 60 mafiosi sont arrêtés, identifiés et interrogés.
35:48 Pourtant, les autorités restent impuissantes. Se rassembler autour d'un barbecue n'est pas un délit et les gangsters n'ont pas le droit de se faire arrêter.
35:56 Mais si la justice ne peut rien, les médias vont condamner la mafia.
35:59 Dès le lendemain, en effet, le sommet de la pègre fait la une des journaux dans tout le pays.
36:03 L'incident d'Apalachie n'apporte ainsi finalement la preuve de l'existence de la mafia et de l'étendue de son pouvoir.
36:09 John Edgar Hoover, qui était directeur du FBI, avait dit que la mafia n'existait pas et qu'il n'y avait pas de crimes organisés à l'échelle nationale.
36:19 Mais après cette réunion, même lui a dû admettre qu'il y avait peut-être quelque chose.
36:27 Il y a eu une forte pression pour réagir et je l'ai moi-même ressenti, puisque c'est à la suite que la police a été éliminée.
36:33 Le juge a été éliminé, mais le juge n'a pas été éliminé.
36:37 Il a été éliminé, mais le juge n'a pas été éliminé.
36:41 Il a été éliminé, mais le juge n'a pas été éliminé.
36:45 Il a été éliminé, mais le juge n'a pas été éliminé.
36:50 Il y a eu une forte pression pour réagir et je l'ai moi-même ressenti, puisque c'est à la suite de tout ça que j'ai été nommé à la tête de la section "crimes organisés".
37:00 Pour faire face aux crimes organisés, les autorités doivent alors rattraper leur retard.
37:05 L'un de mes principaux motifs de plainte, c'était qu'on voulait mettre en commun les informations.
37:13 On voulait que les organismes d'investigation partagent ce qu'ils savaient sur les chefs de la mafia.
37:19 Pour rendre nos efforts visant à les poursuivre en justice plus réalisables.
37:26 Or, c'était impossible, ils ne voulaient pas.
37:29 D'abord, ils n'avaient rien et ensuite ils refusaient de partager ce qu'ils n'avaient pas.
37:34 La mafia est désormais sous les projecteurs de l'actualité, à tel point qu'elle attire bientôt l'attention du président américain et de l'opinion publique dans son ensemble.
37:46 En 1960, les Américains se rendent aux urnes pour choisir un nouveau président.
37:50 L'élection s'annonce comme la plus serrée depuis des années.
37:54 John Kennedy et son rival Richard Nixon sont au coup d'à-coup dans les sondages.
37:59 Le résultat semble impossible à prévoir et les deux candidats vont tout tenter pour faire venir les électeurs aux urnes.
38:05 Nous sommes ici pour faire face à la vraie guerre.
38:10 Nous sommes en train de faire face à la campagne pour les électeurs sans registre.
38:13 Nous essayons de faire face à ceux qui n'ont pas enregistré ou qui n'ont même pas le droit de voter dans cette élection.
38:18 Nous les mettons sur le livre pour qu'ils puissent voter en novembre.
38:21 C'est un domaine crucial en ce qui concerne le président Kennedy.
38:24 Depuis des dizaines d'années, la mafia a influencé la politique locale.
38:30 Mais tout à coup, des gangsters chevronnés vont utiliser leur réseau communiste pour se faire ennuyer.
38:36 Mais tout à coup, des gangsters chevronnés vont utiliser leur réseau communautaire à l'échelle nationale.
38:41 Frank Lotta, le mafioso de Chicago, raconte ainsi qu'on lui a ordonné de s'impliquer dans l'élection.
38:48 On nous a dit d'aller voir tous les Italiens et les Polonais pour leur dire qu'il y avait cet Irlandais, Kennedy, qui se présentait contre Nixon.
38:58 Et il fallait le faire élire.
39:03 Il nous fallait le plus de votes possible pour faire élire ce type.
39:06 La mafia aurait donc soutenu la candidature de Kennedy.
39:12 Mais ses motivations n'ont jamais été clairement établies, même si l'on a prêté à Joe Kennedy, le père de JFK, des liens avec le crime organisé.
39:20 Finalement, Kennedy est élu de justesse, battant Nixon d'à peine plus de 100 000 voix au niveau national.
39:32 Dans l'Illinois, les démocrates gagnaient avec seulement 9 000 voix d'avance.
39:57 Mais si la mafia escomptait qu'une administration Kennedy serait moins dure envers le crime organisé, ses espoirs sont déçus.
40:03 Robert, le frère cadet du nouveau président, devient ministre de la justice.
40:08 Or, il a déjà ardemment combattu le crime organisé en tant que conseiller auprès du comité anti-raquette du Sénat.
40:15 Sa nomination a d'ailleurs un impact immédiat sur le FBI et son directeur, John Edgar Hoover.
40:21 C'est à ce moment-là que Hoover a commencé à envoyer ses agents installer des micros cachés et des dispositifs d'écoute.
40:28 Parce qu'il savait que Kennedy allait exiger des résultats au sujet du crime organisé.
40:36 Le FBI met alors sur écoute deux des principaux centres d'activité mafieuse aux États-Unis, Chicago et Las Vegas,
40:49 où les lucratives activités de jeu sont gérées par l'Outfit, la mafia de Chicago.
40:53 Bien qu'il soit illégal d'écouter des conversations privées, même celles de gangsters présumés,
40:59 ces opérations vont faire beaucoup pour persuader le FBI que le danger mafieux est bien réel.
41:04 Ces dispositifs étaient illégaux, bien sûr.
41:17 Parce qu'il fallait rentrer par effraction.
41:19 En revanche, les informations recueillies, si elles n'ont pas convaincu Hoover,
41:24 ont certainement convaincu le FBI en tant qu'institution que la mafia existait réellement.
41:44 Ce n'est pas du tout ce que la mafia attendait.
41:47 Et certains mafiosi affirment qu'un accord a été conclu, puis bafoué.
41:51 J'étais stupéfait de voir Robert Kennedy attaquer le crime organisé aussi durement.
41:59 Parce que ça allait à l'encontre de tous les engagements pris par son père
42:06 pour obtenir l'aide et le soutien nécessaire pour faire élire John à la présidence.
42:12 Le gouvernement américain adopte une ligne plus agressive,
42:15 mais il échoue à infiltrer la mafia.
42:18 La force de l'honorable société repose en effet en grande partie sur la loi du silence, l'OMERTA.
42:24 C'est alors que la chance va sourire au FBI,
42:27 lors d'un épisode qui tire ses sources dans l'indécision persistante de la mafia au sujet du trafic d'héroïnes.
42:33 Giovalacci appartient à la famille genovèse.
42:39 Il fait partie du crime organisé depuis 30 ans.
42:41 Giovalacci n'avait pas été plus loin que la sixième à l'école.
42:46 Je crois qu'il avait commis son premier délit à l'âge de 6 ou 7 ans en entrant par effraction dans une épicerie.
42:52 Il avait été en prison à plusieurs reprises, mais il connaissait la loi de la rue.
42:57 Giovalacci était un gangster de bas étage qui n'aurait jamais pu être plus qu'un soldat.
43:07 Il n'aurait jamais pu se faire beaucoup d'argent.
43:09 En 1962, Giovalacci est incarcéré à Atlanta pour trafic de drogue.
43:16 Il craint que ses chefs ne le fassent exécuter en prison, car officiellement, la mafia est toujours hostile ou stupéfiant.
43:24 Giovalacci agit donc le premier, tuant un détenu qu'il croit commanditer pour l'éliminer.
43:30 Mais il y a erreur sur la personne.
43:36 Et c'est alors que sous l'effet de la peur ou du remords, Giovalacci craque.
43:39 Il devient témoin du gouvernement.
43:42 L'idée de départ, c'était de l'utiliser comme un dic pour le FBI, pour qu'il leur donne d'autres dealers.
43:49 C'est tout ce que le FBI voulait, d'autres dealers.
43:53 Mais Robert Kennedy a eu une meilleure idée, il a dit "Attendez, on va lui parler de la mafia".
44:04 Enfin, le mur de silence érigé par la mafia se fissure.
44:08 William Hundley est alors un des premiers à entendre les révélations de Giovalacci.
44:13 Dès qu'il a commencé à parler, on l'a emmené à Fort Dix en hélicoptère.
44:22 La prison était vide, donc on l'a installé là et on a commencé à l'interroger.
44:33 Giovalacci expose en détail la structure des familles mafieuses, de son niveau de soldat jusqu'au sommet, au parrain.
44:40 Mais aucune de ces informations ne sera utilisée dans le cadre d'un procès criminel,
44:45 car Robert Kennedy décide de se tourner vers la télévision, qui retransmet les séances du comité McClellan.
44:50 Bobby Kennedy a eu cette idée géniale, donnons-le en spectacle.
44:55 Giovalacci témoigne devant le comité du Sénat et le public national est fasciné.
45:01 Absolument fascinant.
45:03 Le monde interne de la nation a le spot de la publicité inacceptable,
45:11 lorsque le comité du Sénat commence à faire des écrits sur le crime.
45:15 Le sénateur de l'Arkansas, McClellan, est au travail.
45:18 William Hundley est présent lorsque le témoignage choc de Giovalacci est retransmis à travers les États-Unis.
45:27 Il ne voulait vraiment pas coopérer, ça ne fait aucun doute.
45:31 Mais lorsqu'il s'est retrouvé sous les projecteurs, devant la commission McClellan,
45:38 il a dû avoir une décharge d'adrénaline.
45:42 Et de façon assez perverse, je crois qu'il y a pris plaisir.
45:49 Pourquoi avez-vous décidé de le tuer à ce moment-là, à ce spot ?
45:53 Parce qu'il était le gars qui avait le spot à ce moment-là.
45:55 En d'autres termes, je pensais que c'était mon dernier jour, en anglais, sénateur.
46:01 Je pensais que c'était mon dernier jour.
46:04 En d'autres termes, c'était une défense pour vous, vous pensiez que si vous tuiez ce type,
46:08 qui vous pensiez que vous alliez être tué, de toute façon, que ce...
46:11 J'ai eu un peu de satisfaction, sénateur.
46:13 Vous avez eu de la satisfaction.
46:16 Le témoignage de Joe Valaci fait sensation.
46:19 En direct à la télévision, un gangster donne un fascinant aperçu du monde secret de la mafia,
46:25 ou "Cosa Nostra" comme il l'appelle.
46:27 En italien, "ce qui est à nous".
46:30 Joe Valaci confirme ainsi ce que les micros du FBI ont révélé
46:39 et que son directeur, John Edgar Hoover, commence à admettre à contre-coeur.
46:43 Une organisation criminelle moderne utilise effectivement aux Etats-Unis des rituels et des symboles siciliens
46:50 pour maintenir sa discipline interne et brasser des millions de dollars d'argent sale.
46:55 Il y avait toujours eu beaucoup de scepticisme à ce sujet.
47:12 Parce que personne n'avait jamais parlé.
47:15 Personne n'avait jamais raconté comment on devient un affranchi.
47:19 Apparemment, ça se passait exactement de la manière dont il l'avait décrit.
47:24 Il décide qui doit être choisi, il se rassemble et brûle cette image sainte.
47:28 Et voilà, on est un affranchi, membre de la mafia.
47:31 Pour la mafia américaine et la famille Bonanno en particulier,
47:34 le fait de ne pas être un affranchi n'est pas une question de la police.
47:38 C'est un fait de la société.
47:40 C'est un fait de la société.
47:42 C'est un fait de la société.
47:44 C'est un fait de la société.
47:46 C'est un fait de la société.
47:48 C'est un fait de la société.
47:50 C'est un fait de la société.
47:52 C'est un fait de la société.
47:54 C'est un fait de la société.
47:56 C'est un fait de la société.
47:58 C'est un fait de la société.
48:00 Pour la mafia américaine et la famille Bonanno en particulier,
48:03 l'apparition de Joe Valachi à la télévision est une catastrophe.
48:07 Le témoignage de Valachi a été un coup dur pour nous.
48:12 Ça ne fait aucun doute.
48:16 Jonathan, je peux dire quelque chose ?
48:20 Oui.
48:22 En ce que je vais vous dire maintenant,
48:25 je ne dois pas vous dire autrement.
48:28 C'est ce que je vous dis, ce que je vous expose,
48:32 à vous et à la presse et à tout le monde.
48:34 C'est mon doom.
48:36 Joe Valachi meurt d'un cancer en prison en 1971.
48:46 Il a contribué à briser le mythe selon lequel
48:49 il n'existait pas d'organisation criminelle nationale aux États-Unis.
48:53 La Cosa Nostra ne pouvait plus agir en secret,
48:57 à une époque où elle devenait de plus en plus active
49:00 sur la scène internationale avec ses cousins siciliens.
49:03 Et au sein des deux mafias, une fois brisé,
49:06 l'homerta n'a plus jamais été aussi forte.
49:10 Sous-titrage Société Radio-Canada
49:15 C'est un documentaire réalisé en partenariat avec
49:18 la Société Radio-Canada
49:21 Sous-titrage Société Radio-Canada