Mafia une histoire 3/4 Mafia Les Repentis

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Mafia une histoire Mafia Les Repentis
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00:00 C'était sans doute le trafic le plus lucratif de toute l'histoire criminelle.
00:08 Entre 1979 et 1984, la mafia sicilienne introduit pour près de 2 milliards de dollars d'héroïne
00:15 aux Etats-Unis.
00:16 La drogue enrichit les gangsters des deux côtés de l'Atlantique.
00:22 Mais très vite, elle les mène à la guerre.
00:25 En Sicile, les chefs rivaux se disputent le contrôle du narcotrafic.
00:33 La terreur qui en résulte pousse l'un des parrains à enfreindre l'Omerta, la loi sacrée
00:40 du silence.
00:41 Cette trahison va permettre une offensive transatlantique contre la mafia, qui voit ainsi
00:51 s'ébranler pour la première fois son empire mondial.
00:58 A la fin des années 70, l'héroïne afflue aux Etats-Unis.
01:22 Elle arrive dissimulée dans des produits alimentaires italiens, avant d'être revendue
01:26 par des pizzerias appartenant à Cosa Nostra.
01:29 C'est la Pizza Connection.
01:32 L'Amérique est en proie à une véritable épidémie de drogue.
01:37 Mais pour la pègre, l'héroïne est avant tout rentable.
01:41 Très rentable.
01:43 Henry Hill était un grossiste de la mafia à New York.
01:48 Depuis, Hollywood a immortalisé son histoire dans les affranchis.
01:53 Il récupérait l'héroïne dans les pizzerias siciliennes et la revendait aux dealers de
02:03 la ville.
02:04 Même pour un gangster sans grade comme Hill, les profits étaient énormes.
02:12 J'empochais des quantités d'argent astronomiques.
02:21 Un grossiste se fait entre 20 et 30 000 dollars par jour.
02:27 Sérieusement.
02:28 Des sacs entiers d'argent, je ne savais même plus où le mettre.
02:31 On amasse tellement vite que ça change tout.
02:36 C'est carrément une autre vie.
02:38 On passe de quelques centaines de dollars à des millions très rapidement.
02:44 Palerme, capitale de la Sicile.
02:52 C'est d'ici que vient la drogue.
02:53 Dans les catacombes reposent des cadavres, préservés pour la postérité.
03:02 A Palerme, le culte de la mort est une tradition centenaire.
03:09 Dans les années 1980, la mort plane à nouveau sur l'île.
03:18 Les mafiosi se livrent à une guerre sanglante.
03:23 L'enjeu, le contrôle du narcotrafic vers l'Amérique.
03:29 C'est un gang impitoyable du village de Corleone qui a ouvert les hostilités.
03:35 Cette place forte de la mafia, perchée dans les montagnes du centre de la Sicile, a donné
03:42 son nom au personnage de Marlon Brando dans le film "Le Parrain".
03:52 Le chef de la famille corleonaise est un assassin, Totorina, plus simplement surnommée "la bête".
04:07 En 1981 et 1982, les cadavres de ces victimes surgissent dans les rues de Palerme tous les
04:19 trois jours.
04:22 Mais la loi du silence élève un mur infranchissable entre les tueurs et la justice.
04:27 Un soir, à Corleone, un rival de Reina est abattu devant le bâtiment où se réunit
04:34 le conseil municipal.
04:36 Dino Paternostro s'en souvient encore.
04:40 On a descendu l'escalier et il y avait un corps dans la rue.
04:49 Je n'avais que 25 ans et j'ai dit au maire "il faut appeler les carabiniers".
04:55 Il m'a regardé droit dans les yeux et m'a fait "appelez-les vous-même".
05:01 Il y avait une boucherie juste en face.
05:06 J'ai demandé si je pouvais utiliser le téléphone et ils m'ont répondu "non, le
05:12 téléphone est hors service".
05:16 Personne ne veut parler.
05:20 La police est impuissante face au carnage.
05:23 Mais plus pour longtemps.
05:29 A Palerme, cinq magistrats ont formé une unité spéciale de lutte contre la mafia.
05:37 Le juge Giovanni Falcon en est le moteur.
05:42 Falcon a grandi dans un quartier délabré du vieux Palerme.
05:50 L'endroit était une véritable pépinière de future mafiosi.
05:54 Mais l'homme a été élevé dans le respect de la loi, comme en témoigne sa sœur.
06:01 Nos parents ont eu une grande influence sur nous et en particulier sur le caractère de
06:13 Giovanni.
06:14 Avant tout autre chose, dans notre maison, le patriotisme et l'amour du pays étaient
06:21 des valeurs primordiales.
06:23 Il combat la Cosa Nostra depuis le palais de justice de Palerme.
06:32 Mais même là, il craint pour sa vie.
06:42 La protection de la police est insuffisante.
06:51 Des mafiosi notoires arpentent librement les couloirs du palais.
06:54 Liliana Ferraro était une amie proche et une consoeur de Falcon.
07:04 Elle se souvient d'une visite qu'elle lui avait rendue depuis le ministère de la justice
07:09 à Rome.
07:10 Quand je suis arrivée au bureau de Giovanni et que j'ai frappé à la porte, il était
07:20 en train de demander à un vieil homme de partir.
07:22 Il lui parlait sur un ton très sec et j'ai trouvé ça un peu étrange.
07:29 Plus tard, il m'a expliqué que l'homme était un collaborateur notoire de la mafia
07:35 qui avait réussi à s'introduire dans son bureau.
07:37 La tactique adoptée par Falcon pour lutter contre la mafia est simple.
07:45 D'un côté, l'héroïne entre en fraude aux Etats-Unis.
07:48 De l'autre, les dollars inondent la Sicile.
07:51 S'il parvient à remonter la piste de l'argent sale, il pourra inculper les chefs du crime
08:00 organisé.
08:01 Son enquête l'emmène en Amérique où les gangs locaux revendent la drogue introduite
08:17 par les Siciliens.
08:18 Ce film amateur a été tourné à Brooklyn au milieu des années 50.
08:28 Mais il ne s'agit pas d'Américains ordinaires.
08:32 Dominique Montilio a été élevé par son oncle, Ninogadji.
08:39 Ce dernier était un membre influent du clan Gambino, une des familles mafieuses les plus
08:44 puissantes du pays.
08:45 C'est lui qui a initié son neveu au crime.
08:50 A la fin des années 70, Montilio a rejoint les Gambino.
08:59 C'est depuis ce restaurant de Manhattan qu'il gère son trafic de drogue.
09:03 Autrefois, ce restaurant était mon QG.
09:14 C'est ici que je faisais toutes mes affaires, du deal de drogue au préusurier.
09:19 Je me sentais en sécurité ici.
09:25 J'avais toujours un endroit où planquer mes armes.
09:28 Montilio a vu l'héroïne rapprocher les mafias américaines et siciliennes, toutes
09:36 deux liées par la Paduguin.
09:37 Pour l'héroïne, les Américains et les Siciliens travaillaient main dans la main.
09:51 Ils s'entendaient.
09:52 Mais pour le reste, on avait très peu à faire à eux.
09:55 Mais les parrains sont devant un dilemme.
10:01 S'ils aiment l'argent que rapporte l'héroïne, ils appréhendent les longues peines de prison
10:06 encourues par les trafiquants.
10:08 Face à la menace de plusieurs décennies sous les verrous, ils craignent que leurs
10:13 hommes n'enfreignent l'Omerta, la loi du silence.
10:16 C'était "ne vous faites pas prendre".
10:22 On ne vous demandera pas d'où vient l'argent, mais ne vous faites pas prendre.
10:25 Ce qui les gênait, ce n'était pas le fait de vendre de la drogue, c'était plutôt
10:31 le danger que ça représentait.
10:32 Mais il est déjà trop tard.
10:36 Le danger est là.
10:38 Le trafic d'héroïnes rapporte plusieurs milliards de dollars chaque année à Cosa
10:52 Nostra.
10:53 Pour les autorités américaines, il est temps de démanteler le réseau sicilien.
10:57 La bataille est menée dans la rue par des hommes tels que Frank Panessa.
11:07 Cet agent de la DEA, équivalent américain de la brigade des stupéfiants, infiltre la
11:12 pègre new-yorkaise en se faisant passer pour un chauffeur de taxi.
11:15 Il a emmené plusieurs gangsters siciliens de New York à Philadelphie.
11:25 Et lorsque deux mafiosi de Philadelphie sont arrêtés, il leur propose à marcher.
11:32 "Si vous ne voulez pas aller en prison, présentez-moi aux Siciliens."
11:38 Il doit maintenant convaincre les Italiens qu'il est un parrain de la mafia.
11:43 "Nos deux informateurs ont choisi un restaurant dans le sud de Philadelphie, un vrai repère
11:51 de mafieux.
11:52 On est allés dîner là-bas avec les Siciliens.
11:54 J'étais assis entre les deux affranchis de Philadelphie et quand les plats sont arrivés,
12:01 ils m'ont servi en premier.
12:02 En voyant ça, les Siciliens, qui étaient des hommes d'honneur, ont su que je n'étais
12:07 pas n'importe qui."
12:09 Il s'agit de deux frères, Paolo et Giovanni Lapporta.
12:15 Sur ces photos de la DEA, prises à l'heure insue devant une pizzeria de Philadelphie,
12:20 on les voit en compagnie de Panessa.
12:21 La première étape est franchie.
12:32 Le policier a un pied dans la place.
12:35 L'opération peut commencer.
12:37 "Je leur ai dit que j'avais une société d'import-export.
12:43 Et quand ils sont venus me rendre visite, on a loué des camions sur lesquels on a mis
12:50 des panneaux aimantés où il y avait écrit "PRIMA, import-export, Trévoz, Pennsylvanie".
12:56 Si bien qu'en arrivant dans le parking, ils ont vu ma flotte de camions et ils se sont
13:00 dit que ça devait être une affaire réglo."
13:02 Il passe alors la vitesse supérieure.
13:07 Il leur parle d'un bureau en Allemagne qu'il propose d'utiliser pour écouler l'héroïne
13:11 aux Etats-Unis.
13:12 Giovanni Lapporta est impatient de voir ça par lui-même.
13:18 La DEA charge donc ses homologues allemands de créer une succursale de la société fantôme
13:24 de Panessa.
13:25 "À l'aéroport, un grand costaud, un Allemand, me prend dans ses bras en me disant "Franck,
13:38 quel plaisir, je ne l'avais jamais vu de ma vie".
13:41 Il se présente à Giovanni et nous emmène vers une grosse Mercedes.
13:47 Et il fait "Regardez ce que Franck m'a offert pour Noël".
13:52 On prend la voiture, on arrive devant un bureau où il y a écrit "Prima Import Export".
13:58 On entre et une jeune frôline blonde vient m'embrasser en disant "Franck, comme je
14:03 suis content de te voir, je t'ai fait tes biscuits préférés".
14:07 Et elle me tend un plateau de biscuits maison."
14:14 Cette opération risquée s'avère payante.
14:18 Panessa découvre une vaste entreprise criminelle.
14:21 Les frères Laporta lui confient qu'ils peuvent blanchir jusqu'à 5 millions de dollars par
14:27 jour, soit plus d'un milliard de dollars par an.
14:30 Et il ne s'agit pas que d'héroïne.
14:38 Ils lui révèlent qu'ils contrôlent également 75% de la distribution de cocaïne sur la
14:47 côte est.
14:48 Paolo Laporta est venu de Philadelphie et on s'est vu dans une pizzeria.
14:56 Sur la table, il y avait 30 kilos de cocaïne.
15:00 Il m'a dit "Tiens, prends quelques kilos".
15:03 J'ai répondu "Je ne fais pas ça, je m'occupe plutôt de l'autre truc, l'héroïne.
15:09 Je ne touche pas à la coke".
15:11 Un gamin de 6 ans, qui devait être le fils de Paolo, se tenait à côté de nous.
15:17 Et j'ai dit "Skumbay", qui veut dire en argot "ça me gêne", en désignant le
15:23 gosse et toute la dope sur la table.
15:25 Il a demandé au gosse "Qu'est-ce que tu vois ?" Et le petit a répondu en vrai
15:33 mafioso "Je ne vois rien".
15:35 J'ai aussitôt compris que c'était de la graine d'affranchi.
15:38 Pendant 9 mois, il surveille discrètement les Laportas, qu'il voit convoyer l'héroïne
15:56 par ferry depuis la Sicile jusqu'à New York et Philadelphie.
15:59 Au final, les deux frères purgeront chacun une longue peine de prison.
16:04 Vu les sommes d'argent impliquées, Panessa n'a aucun doute sur le sort qu'il attend
16:12 s'il est découvert.
16:13 La mafia élimine les traîtres et fait disparaître leur corps.
16:18 Henry Hill a lui-même été chargé plusieurs fois de se débarrasser des victimes.
16:29 Généralement, on les enterrait.
16:36 Sinon, on les jetait dans un parking, on les découpait en morceaux et on les mettait
16:40 dans une voiture qu'on emmenait à la casse.
16:42 Parfois, on en mettait même deux dans le coffre pour qu'ils soient écrasés et transformés
16:47 en cendriers au Japon.
16:49 Le meilleur endroit pour enterrer un corps, c'était dans nos propres bars, à la cave.
16:57 Il suffisait de creuser un trou et de balancer le cadavre dans la chaux pour qu'il disparaisse
17:06 au bout de quelques mois.
17:07 Définitivement.
17:08 Cette église afro-américaine était autrefois un bar de la mafia, géré par le tueur Roy
17:25 DiMeo.
17:27 C'était sans doute le bar le plus tristement célèbre de Brooklyn.
17:32 Il servait de QG au gang DiMeo.
17:37 Ils commettaient environ 70% de leurs meurtres ici.
17:41 Personne n'était totalement à l'aise avec ces types.
17:45 Et je dis bien personne.
17:47 Tout le monde en avait peur.
17:49 En Sicile, la terreur fait partie de l'ordinaire.
18:05 Quelque part sur l'île se cache l'homme qui gère le trafic d'héroïnes, le parrain
18:14 de Cosa Nostra, Totorina.
18:16 Il s'effrayait un chemin sanglant jusqu'au sommet pour faire main basse sur le narcotrafic.
18:27 Il aurait ordonné la mort de centaines de personnes.
18:31 En Sicile, rares sont ceux qui osent lui résister.
18:42 C'est le cas du procureur de Palerme, le juge Giovanni Falcone.
18:46 Depuis le palais de justice, Falcone et une poignée de collègues courageux livrent une
18:54 guerre solitaire et sans merci à la mafia.
18:56 Mais ils vont recevoir de l'aide.
19:05 En mai 1982, le gouvernement italien envoie un général en Sicile pour écraser la mafia.
19:15 Peu après son arrivée, il est abattu avec sa jeune épouse en plein centre-ville.
19:22 La population est indignée.
19:35 Pendant les funérailles, les deux cercueils sont applaudis.
19:39 Mais devant l'église, la foule conspue les politiciens présents et leur crache au visage,
19:46 en les accusant de tolérer Cosa Nostra depuis trop longtemps.
19:49 L'Etat offre enfin à Falcone le soutien dont il a besoin.
20:00 Liliana Ferraro est une collègue et une amie de longue date.
20:07 Elle est dépêchée à ses côtés par le ministère de la justice.
20:11 Elle découvre avec effarement ses conditions de travail.
20:18 La première chose que j'ai remarqué, c'était un vieux bureau en métal.
20:26 Il y avait une chaise à laquelle il manquait un pied, enfouie sous les documents et calée
20:34 par une pile de dossiers.
20:35 Giovanni m'a dit, voici notre bureau, voici nos outils et voici notre mode de fonctionnement.
20:45 Si tu penses pouvoir t'en sortir, tant mieux.
20:51 Falcone se remet à la tâche avec une énergie renouvelée.
20:57 Un grand coup de filet se prépare.
21:02 Le piège se referme peu à peu sur deux parrains étroitement associés à Totorina.
21:07 Une prise qui est à la base de la plus grande défaite de l'histoire de la mafia.
21:13 Aux Etats-Unis, les agents du FBI chargés de démanteler le réseau sicilien de l'héroïne
21:30 sont sur une piste.
21:31 Ils enregistrent tous les appels passés depuis Nickerbocker Avenue à Brooklyn.
21:44 De nombreux mafiosi siciliens habitant le quartier utilisent les téléphones publics pour gérer
21:49 leurs affaires sans savoir qu'ils sont surveillés.
21:52 Ces images ont été prises à l'heure insue par le FBI.
22:03 Mais les hommes parlent un dialecte sicilien incompréhensible, même pour la plupart des
22:08 Italiens.
22:09 Ils emploient également des codes.
22:11 Chemise, par exemple, signifie héroïne.
22:25 L'agent Carmine Russo va remédier au problème.
22:30 Né en Sicile, il a émigré aux Etats-Unis à l'adolescence avant de rejoindre les rangs
22:37 du FBI.
22:38 Tout comme le juge Giovanni Falcon, il éprouve une haine profonde pour la mafia.
22:44 Il comprend le Sicilien et ne tarde pas à relever des références mystérieuses au chef
22:50 de l'opération.
22:51 On ne l'appelait jamais par son nom.
22:58 On l'appelait le berger, l'oncle, le professeur, mais jamais par son nom.
23:07 Bien sûr, ça a piqué ma curiosité.
23:10 Les enquêteurs n'ont aucun moyen de l'identifier, jusqu'à ce que les Siciliens commettent
23:16 une erreur.
23:17 Une erreur qui va leur coûter très cher.
23:19 Au téléphone, ils évoquent des articles de journaux italiens sur le meurtre de plusieurs
23:26 mafiosi en Amérique du Sud.
23:28 Ils mentionnent en particulier un capot dénommé Gaetano Badalamenti.
23:37 Badalamenti n'est pas n'importe qui.
23:41 C'est l'ancien parrain de Cosa Nostra.
23:44 Après avoir perdu la lutte de pouvoir au sein de l'organisation, il a dû fuir au
23:49 Brésil pour sauver sa vie.
23:50 De là, il s'est mis à exporter des millions de dollars en héroïne vers les Etats-Unis.
23:58 Le plus étonnant, c'est qu'il agit pour le compte de celui-là même qui l'a détrôné,
24:04 Toto Riina.
24:07 En Sicile, tout est très clair.
24:11 Pas question pour Riina de laisser la haine s'interposer entre l'argent et lui.
24:17 Après avoir établi qu'il s'agissait d'un ancien parrain des parrains de la mafia sicilienne,
24:25 le FBI a concentré son enquête sur Gaetano Badalamenti.
24:31 L'opération s'accélère.
24:35 Le ministère de la justice américain envoie l'un de ses meilleurs agents, Richard Martin.
24:43 Il parle couramment italien et combat le crime organisé depuis des années.
24:47 Je leur ai dit, c'est un peu comme la pêche aux requins.
24:54 Quand on ramène le requin dans le bateau, il faut être sûr qu'on a les moyens de
24:57 le tuer.
24:58 Ce que je voulais dire, c'est qu'avant d'arrêter ce type, il fallait avoir de quoi
25:02 le condamner.
25:03 Au milieu de l'année 1983, le FBI fait une découverte capitale.
25:12 Ses agents soupçonnent un certain Pietro Alfano, propriétaire sicilien d'une pizzeria
25:19 dans la petite ville d'Oregon, dans l'Illinois, à quelques centaines de kilomètres à l'ouest
25:23 de Chicago.
25:24 En creusant un peu, ils font une trouvaille étonnante.
25:28 Alfano est le neveu de Gaetano Badalamenti.
25:39 Les deux hommes organisent les transactions d'héroïne au téléphone, en langage codé.
25:44 Mais Alfano oublie constamment les codes.
25:48 Le neveu de Badalamenti, Alfano, je l'avais surnommé "Alfano le bouffon", parce que
26:01 c'était un véritable crétin.
26:02 Badalamenti était le genre de gars à parler en langage codé et tout ça.
26:06 Mais Alfano n'arrivait jamais à se rappeler des codes.
26:13 S'il devait lui dire d'aller quelque part, il ne se rappelait jamais du nom de code de
26:16 l'endroit.
26:17 Mais Badalamenti n'avait pas le choix.
26:25 Il dépendait de lui pour la distribution dans le Midwest.
26:29 Le vieux parrain est exaspéré.
26:32 Il convoque son neveu et, dans sa colère, lâche le lieu du rendez-vous.
26:41 La capitale espagnole, Madrid.
26:44 Les autorités bondissent.
26:51 En avril 1984, les deux hommes sont arrêtés par la police espagnole.
27:01 Voici les images de leur interpellation.
27:04 Badalamenti, que l'on voit à gauche sur l'écran, sera condamné à 45 ans de prison
27:13 pour avoir introduit 1,6 milliard de dollars d'héroïne aux Etats-Unis en à peine 5
27:18 ans.
27:19 Les enquêteurs ont amputé la mafia de son principal fournisseur d'héroïne.
27:31 Mais la piste s'arrête là.
27:33 Badalamenti refuse d'enfreindre la loi du silence.
27:37 "Si tu nous donnes les informations qu'on demande, on doit pouvoir trouver un arrangement."
27:47 Il ne trahira pas l'homme qui contrôle le narcotrafic vers les Etats-Unis, Totorina.
27:56 La suite de l'histoire est désormais célèbre.
27:59 Au Brésil, un autre parrain est arrêté.
28:07 C'est un ami et un associé de Badalamenti, Tomaso Bouchetta.
28:14 Lui aussi a fui la Sicile pour échapper à Totorina.
28:17 Lorsqu'il a pris le pouvoir au sein de Cosa Nostra, Reina a tué deux de ses fils.
28:26 Les Italiens réclament l'extradition de Bouchetta, mais ce dernier est déterminé
28:34 à ne jamais revenir.
28:35 Il est convaincu que Reina les éliminerait, lui et sa nouvelle famille.
28:40 Il préfère avaler une ampoule de strychnine qu'il a dissimulée depuis son arrestation.
28:49 Mais sa tentative de suicide échoue et quand il émerge du coma, il est mis dans un avion
28:56 pour l'Italie.
28:57 Encore très faible, il descend de l'avion à l'aéroport de Rome, soutenu par deux
29:07 hommes et protégé par une couverture par balles.
29:09 Il prend alors une décision capitale.
29:14 Si les Américains protègent sa famille, il se vengera de Reina.
29:23 Mais pas comme l'exige traditionnellement la mafia.
29:26 En échange de sa coopération avec les Italiens et les Américains, il voulait juste que sa
29:35 famille soit protégée.
29:36 Il n'a pas demandé de réduction de peine ni de traitement de faveur.
29:40 La seule chose qu'il voulait, c'était s'assurer que sa famille serait en sécurité.
29:46 A Rome, Bucetta se met à table, révélant les sinistres secrets de la mafia.
29:53 Il devient ainsi le plus haut cadre de l'organisation à briser la loi sacrée du silence.
30:02 Il dévoile son univers clandestin au juge Falcon, qui se bat seul contre la mafia depuis
30:11 des années.
30:12 Entre juillet et septembre 1984, Bucetta parle, sans arrêt.
30:27 La reconstitution suivante reprend mot pour mot la transcription de ses aveux.
30:34 Toutes les familles de Palermo sont impliquées dans le narcotrafic.
30:40 Toutes.
30:41 Toutes.
30:42 Plus on se rapproche du parrain, plus les profits sont grands.
30:48 Ce qu'il a fait, c'est qu'il nous a décrit la structure de la mafia, aux États-Unis
30:59 et en Sicile.
31:00 La façon dont les deux travaillaient ensemble, et les règles qui permettaient à une organisation
31:06 présente dans le monde entier de fonctionner.
31:09 Bucetta explique que ce succès repose sur la discipline quasi-militaire imposée par
31:18 la mafia.
31:19 A la tête de chaque famille, il y a un capot, élu par les hommes d'honneur.
31:28 Un type pouvait décrocher son téléphone en Sicile, appeler Oregon, dans l'Illinois,
31:36 pendant les 30 secondes et conclure un contrat qu'il engageait.
31:39 Au bas de l'échelle, il y a les simples soldats, organisés par groupe de 10, sous
31:47 les ordres d'un capitaine.
31:48 Il a expliqué comment différents acteurs, dispersés dans le monde, pouvaient gérer
31:58 les divers aspects du narcotrafic et le faire fonctionner.
32:01 Ça fonctionne parce que tous les mafiosi sont liés par le serment prêté lors de
32:11 leur cérémonie secrète d'initiation.
32:13 Un serment qu'ils ne doivent rompre à aucun prix.
32:16 On le pique au bout du doigt et on verse son sang sur la figurine d'un saint.
32:24 Il a révélé que n'importe qui pouvait devenir membre de Cosa Nostra, un prêtre,
32:40 un médecin, n'importe qui, du moment que c'était un homme et un Sicilien.
32:44 Une fois accepté, il était lié par les mêmes règles et les manquements étaient
32:48 punis par la mort.
32:50 La figurine du saint est placée dans sa main puis enflammée.
32:55 Pendant qu'elle brûle, le novice dit "Que ma chair brûle comme ce saint, si je manque
33:15 à mon serment."
33:16 Le témoignage de Bouchetta permet de reconstituer le puzzle.
33:27 Il montre comment un gang de criminels de la Sicile rurale a réussi à mettre en place
33:31 le plus gros trafic d'héroïnes jamais vu aux Etats-Unis.
33:34 Depuis des années, le juge sicilien Giovanni Falcone essaye de traîner les chefs mafieux
33:53 devant la justice.
33:54 Les aveux du repenti Tommaso Bouchetta lui en donnent enfin l'occasion.
34:00 Il fait arrêter près de 400 mafiosi, parrains et soldats confondus.
34:06 Mais Totorina, le parrain des parrains, n'est pas parmi eux.
34:17 Les Italiens doivent maintenant trouver un endroit où juger tant de gens.
34:26 Il n'existe aucun bâtiment assez vaste et sûr dans la capitale sicilienne, Palerme.
34:35 Le ministère de la Justice décide de construire un bunker géant à l'intérieur de la prison
34:40 centrale.
34:41 C'est l'ami de Falcone, Liliana Ferraro, qui est chargée de superviser l'opération.
34:47 Craignant d'être tuée si la mafia le découvre, elle prend un maximum de précautions pour
34:54 faire le voyage depuis Rome jusqu'en Sicile.
34:56 Bien sûr, je réservais toujours les places sous un faux nom.
35:06 Et puis j'appelais le contremaître de l'entreprise qui construisait le bunker et je lui donnais
35:13 mon heure d'arrivée.
35:14 Il venait me chercher à l'aéroport avec une camionnette ou avec une voiture de chantier
35:21 toujours pleine de poussière.
35:22 Il avait une camionnette avec un sport de calcie.
35:31 Bouchetta attend le début du procès en lieu sûr aux États-Unis, protégé jour et nuit
35:35 par la DEA et le FBI.
35:39 Un jour, son beau-frère vient le voir.
35:43 Mais il ne s'agit pas d'une visite de courtoisie, comme le racontent ses gardiens.
35:48 Ils ont offert beaucoup d'argent à Bouchetta pour l'empêcher de témoigner, pour qu'il
35:55 arrête tout.
35:56 Il a refusé.
35:57 Le type est reparti pour transmettre sa réponse, alors ils l'ont assassiné.
36:04 Ils ont tué le messager.
36:07 À Palerme, le bunker qui doit abriter le procès est prêt.
36:17 Les murs sont en béton armé, suffisamment solide pour résister à une attaque de missiles.
36:25 Dans le tribunal lui-même, 30 cellules ont été prévues pour les accuser.
36:30 Le procès le plus spectaculaire de toute l'histoire de la mafia, le Maxi-Procès,
36:43 est sur le point de commencer.
36:44 Falcone est le représentant du ministère public et Tomaso Bouchetta le témoin vedette.
36:50 Quand il a été confirmé que Bouchetta témoignerait, on nous a averti qu'il y avait un risque
37:02 d'attaque aérienne, si bien que des patrouilles surveillaient le ciel au-dessus du bunker
37:09 24h/24.
37:10 Le procès débute en février 1986.
37:21 3000 militaires en armes gardent le bunker ainsi qu'un char de l'armée.
37:27 Près de 500 accusés seront jugés, environ 10% des effectifs de Cosa Nostra.
37:34 Ils sont inculpés de meurtre, de trafic de drogue et d'autres délits graves.
37:39 Les accusés perturbent sans cesse la procédure.
37:49 Seule l'apparition de Bouchetta parvient à ramener le silence dans la salle.
37:58 Il reste une semaine à la barre des témoins, protégés par un panneau en verre blindé
38:16 pour répéter ce qu'il a déjà dit au juge Falcone.
38:20 Il croyait vraiment qu'à un moment ou à un autre les Siciliens le tueraient.
38:27 Il a fait ce qu'il avait à faire, il a témoigné.
38:34 Et quand on a repris l'avion pour les Etats-Unis, alors qu'on était assis dans le 747 sur
38:38 le pont supérieur, il m'a dit "Tony, j'étais sûr que je ne reviendrai jamais."
38:45 Le 16 décembre 1987, le juge prononce son verdict.
38:52 344 mafiosi sont reconnues coupables et condamnées à un total de presque 3000 ans de prison.
38:58 Le procès a duré 22 mois.
39:02 Le maxi-procès marque l'apogée de la carrière du juge Giovanni Falcone.
39:19 Les autorités italiennes et américaines ont remporté une bataille décisive contre
39:27 Cosa Nostra.
39:32 Cette victoire ouvre la voie aux mafiosi prêts à se confier aux autorités.
39:35 L'OMERTA, la loi du silence qui a pendant des années régi la discipline impitoyable
39:46 de Cosa Nostra, est agonisante.
39:49 L'emprisonnement de nombreux parrains par les italiens et les américains jette la mafia
39:58 en pleine crise des deux côtés de l'Atlantique.
40:02 Des centaines d'affranchis sont désormais prêts à dénoncer leurs anciens camarades.
40:07 Dominique Montilio tombe alors pour extorsion.
40:12 Il est arrêté dans un restaurant de New York.
40:15 La police le traquait depuis des années.
40:19 Il est enfermé au Metropolitan Correction Center à New York.
40:31 Il sait que ses chefs sont terrifiés à l'idée qu'il puisse témoigner contre eux.
40:36 Il craint pour sa vie.
40:37 Je me disais pas question de mourir ici et de laisser ma femme et mes trois enfants se
40:48 défendre seuls.
40:49 Je ne vais pas mourir parce qu'ils ont une peur paranoïaque que je me mette à table.
40:55 Paradoxalement, je crois que c'est eux qui vous poussent à parler à cause de leur réaction.
41:02 Aujourd'hui, si vous vous faites arrêter, ils veulent vous buter.
41:05 Montilio a été élevé dans le respect absolu de la loi du silence.
41:14 Pourtant, il décide de coopérer avec la justice.
41:18 Jeune homme, il a fait la guerre du Vietnam.
41:23 Il sait que la trahison de sa famille et de ses origines sera pire.
41:27 Témoigner au tribunal, c'est...
41:33 J'aurais encore préféré être en train de patrouiller au Vietnam.
41:36 C'est difficile à expliquer, mais quand on se retrouve à la barre et qu'ils sont
41:43 assis à quelques mètres de vous, en train de vous dévisager, c'est vraiment un truc
41:52 difficile.
41:53 Ils ont amené ma grand-mère de 90 ans avec ses béquilles, des cousins, des oncles, des
42:08 tantes.
42:09 Ils amenaient tout le monde pour essayer de me secouer.
42:11 Et chaque nouvelle journée dans ce tribunal était comme la première.
42:14 Toujours aussi difficile.
42:17 Ailleurs, à New York, le filet se resserre sur d'autres gangsters.
42:23 Henry Hill a de gros ennuis.
42:27 Le FBI veut l'interroger à propos d'un braquage de 6 millions de dollars dans un
42:31 aéroport.
42:32 Le ministère de la Justice s'intéresse au meurtre d'un financier italien.
42:37 Le bureau du procureur de Brooklyn cherche des informations sur un corps non identifié.
42:42 Et pour couronner le tout, il risque la perpétuité pour trafic de drogue.
42:47 Il décide de coopérer.
42:51 Ils m'ont arrêté en tant que témoin clé et j'ai coopéré.
42:56 J'avais le choix entre la perpétuité et une balle dans la tête.
42:59 De toute façon, j'étais mort.
43:04 Quand ils la prennent, les Siciliens tentent de l'attirer dans cette pizzeria de Brooklyn
43:12 pour le faire éliminer.
43:13 J'ai encore des frissons quand je vois cet endroit.
43:18 Ça aurait pu être ma dernière demeure.
43:21 Je suis nerveux.
43:24 Ça fait un moment que ça ne m'était pas arrivé.
43:26 On se tire.
43:27 Sérieusement, il doit y avoir plein de cousins de tous ces types qui vivent encore dans
43:33 le quartier.
43:34 Il y a ici des gangs qui sont là depuis 50 ans.
43:39 Ça a bien changé, mais il y a toujours quelqu'un avec un oeil à la fenêtre.
43:45 On a vraiment le sentiment d'avoir trahi ses origines, sa famille, soi-même.
43:54 Au bout de plusieurs années, on commence à vivre avec, mais ça continue à être
44:02 gênant.
44:03 Montilio et Hill passeront le reste de leur vie sous une fausse identité, dans un lieu
44:13 secret à plusieurs centaines de kilomètres de leur ville natale, dans la crainte constante
44:18 de ce qui arriverait si la mafia les retrouvait.
44:20 L'un dans l'autre, j'aimerais bien oublier toute cette expérience, mais c'est impossible.
44:29 Je fais un rêve récurrent dans lequel je sors de la maison de Nino et sa cadillac est
44:36 garée dans l'allée.
44:37 Je sors et alors que je marche dans l'allée, je vois Nino, Roy, Chris, Anthony et Joey
44:45 cachés sous la cadillac de Nino.
44:47 Au moment où je passe, Roy me regarde et me fait « Eh Dominic, viens en enfer avec
44:55 nous ». Et le rêve s'arrête là.
44:58 L'empire du trafic d'héroïnes, bâti sur plusieurs décennies par la mafia, vient
45:07 de subir un sérieux revers.
45:09 Au large de la Sicile, les garde-côtes italiens fouillent les bateaux de pêche à la recherche
45:18 de drogue.
45:19 Ils en trouvent rarement.
45:24 Mais de part et d'autre de l'Atlantique, la guerre contre la mafia est loin d'être
45:39 terminée.
45:40 Pendant qu'il était interrogé par Falcon, le repenti Tommaso Bucetta a averti le juge
45:47 sicilien.
45:48 Cosa Nostra ne reculera devant rien pour le tuer.
45:54 N'oubliez jamais ça, une fois que vous avez un compte avec la mafia, vous ne pouvez le
46:01 solder qu'à votre mort.
46:04 Des centaines de mafiosi ont été envoyées en prison lors du maxi-procès.
46:08 Mais le parrain des parrains, Totorina, court toujours.
46:13 Il continue de contrôler son vaste empire criminel et d'assassiner ses rivaux.
46:19 Aux Etats-Unis, la Pizza Connection a été démantelée grâce à la plus grosse opération
46:30 jamais organisée par le FBI.
46:33 21 trafiquants d'héroïnes siciliens ont été condamnés et ont pris jusqu'à 45
46:38 ans de prison chacun.
46:39 Les mafias siciliennes et américaines ne travailleront plus jamais la main dans la
46:44 main.
46:44 Le jour où les mafiosi seront en prison.
46:47 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
46:51 La vérité, c'est qu'elle est à nous.
46:54 ❤️ par SousTitreur.com
46:57 [Bruit de l'espace]

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