Les océans jouent un rôle économique et géopolitique absolument considérables, et on a pourtant un peu tendance à les oublier. L'établissement des frontières maritimes crée des tensions, parfois des conflits, qui peuvent être réglés par le droit international.
J'essaie dans cette vidéo d'expliquer les bases du partage des océans et tente de montrer que les tensions qui en résultent peuvent impacter de manière non-négligeable les relations diplomatique entre certains Etats.
Le Monde en Cartes a pour objectif de traiter de différents sujets par le prisme de la cartographie, qui permet de visualiser une situation donnée.
Facebook : facebook.com/mondeencartes
Twitter : @mondeencartes
J'essaie dans cette vidéo d'expliquer les bases du partage des océans et tente de montrer que les tensions qui en résultent peuvent impacter de manière non-négligeable les relations diplomatique entre certains Etats.
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00:00 Salut à tous et bienvenue dans le Monde en Cartes.
00:02 Après la révolution chinoise le mois dernier, nous allons aujourd'hui parler des océans.
00:06 Les océans jouent un rôle économique et géopolitique absolument considérable,
00:10 mais on a pourtant tendance à un peu les oublier.
00:12 On regarde sur les cartes les terres émergées plutôt que ces grands espaces bleus.
00:15 Il est temps de changer la donne, c'est parti !
00:17 Les océans représentent 71% de la surface de notre planète et abritent 97% de l'eau qui s'y trouve.
00:23 On considère habituellement qu'ils sont au nombre de 5,
00:26 du plus grand au plus petit en termes de superficie, on trouve le Pacifique, l'Atlantique, l'Indien, l'Antarctique et l'Arctique.
00:33 De nombreux bouts d'océans sont disputés entre différents pays depuis longtemps.
00:36 Ils sont stratégiques car ils habitent de ressources naturelles essentielles,
00:39 des ressources en nourriture avec la pêche et des ressources en énergie situées dans les sous-sols marins,
00:44 notamment avec le pétrole et le gaz.
00:46 Voici par exemple les zones contrôlées par la France.
00:48 Malgré une superficie représentant moins de 1% des terres émergées,
00:51 la France, grâce à ses territoires d'outre-mer, détient le second espace maritime en termes de superficie,
00:57 juste derrière les Etats-Unis.
00:58 Les océans sont également les autoroutes du commerce mondial.
01:01 80% des marchandises sont acheminées via les routes maritimes que l'on voit sur cette carte.
01:05 Cela représente plus de 10 milliards de tonnes par an.
01:08 Alors comment nous partageons-nous ces immenses étendues d'eau ?
01:11 Qui a le droit d'y faire quoi ?
01:12 Vous allez voir qu'il n'est pas toujours évident de répondre à ces questions.
01:15 On entre ici dans le droit international qui est souvent sujet de l'interprétation.
01:19 C'est la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui, en gros, régit le droit des océans.
01:23 Cette convention a été signée en 1982 à Montégobay, en Jamaïque,
01:27 et entrera en vigueur 12 ans plus tard, en 1994.
01:30 Alors en gros, que dit cette convention ?
01:32 En fait, beaucoup de choses, mais on ne va s'attarder que sur les points les plus importants.
01:36 Elle délimite par exemple les zones sous contrôle des pays.
01:39 Prenons un pays, voici sa côte.
01:41 A partir de ce que l'on appelle la ligne de base et sur 12 000 marins,
01:44 se trouve la mer territoriale.
01:46 Le pays est totalement souverain sur ses eaux, ainsi que sur le sous-sol et l'espace aérien.
01:50 Il y fait appliquer ses lois et réglementations,
01:52 mais il doit néanmoins laisser passer les navires étrangers
01:55 à condition que ceux-ci ne représentent aucune menace et ne soient pas agressifs.
01:59 Après la mer territoriale, on trouve sur 12 000 marins également la zone contiguë.
02:04 Dans cette zone, l'Etat a le droit de prévenir les infractions à ses lois et règlements douaniers,
02:08 fiscaux, sanitaires ou d'immigration.
02:11 Et on trouve ensuite et surtout la zone économique exclusive, ou ZEE,
02:15 qui s'étend quant à elle sur 200 000 marins à partir de la ligne de base.
02:19 Dans cette ZEE, l'Etat côtier a des droits souverains aux fins d'exploration,
02:23 d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles,
02:26 qu'elles se situent dans l'eau ou dans les sous-sols.
02:29 Dans la partie de la ZEE se trouvant après la zone contiguë,
02:32 les autres états ont plus de droits,
02:34 ils peuvent naviguer ou survoler la zone plus librement
02:37 et peuvent également poser par exemple des câbles ou des pipelines sous-marins.
02:40 La ZEE peut ensuite se prolonger via ce que l'on appelle le plateau continental.
02:44 Selon la convention, le plateau continental représente
02:47 toute l'étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de l'Etat côtier.
02:51 C'est donc une limite géologique, qui reste parfois difficile à déterminer.
02:55 Nous avons donc défini les règles qui donnent des droits aux états sur les océans.
02:58 Mais que se passe-t-il lorsque deux états côtiers se trouvent très proches l'un de l'autre ?
03:02 Car j'ai ici représenté un cas finalement assez simple.
03:04 Mais sur cette même carte, ajoutez un autre état de l'autre côté de l'étendue d'eau.
03:08 On voit ici qu'il y a conflit, car l'espace maritime n'est pas assez large
03:12 pour respecter les 200 000 marins de ZEE attribués à chaque état.
03:16 Dans ce cas, la largeur est coupée en deux selon la règle de l'équidistance.
03:20 Mais le cas se complique à nouveau si vous ajoutez une île à cette carte
03:24 et que cette île se trouve à proximité du second état, mais appartient au premier.
03:28 La frontière maritime devra alors être redessinée.
03:31 Car en effet, les îles jouissent des mêmes ZEE que les parties continentales.
03:35 La convention dit "la mer territoriale, la zone contiguë,
03:39 la zone économique exclusive et le plateau continental d'une île
03:42 sont délimitées conformément aux dispositions de la convention
03:45 applicables aux autres territoires terrestres".
03:48 Comprenez que toute île a donc une importante stratégie considérable
03:51 pour le contrôle des sous-sols.
03:52 Et c'est pour cette raison que nombre d'entre elles sont disputées.
03:55 Prenons maintenant quelques exemples.
03:57 La mer de Chine méridionale s'étend du détroit de Taïwan au nord
04:00 jusqu'au sud du Vietnam et au nord de l'île de Borneo en Malaisie.
04:03 Et à l'intérieur, voici l'archipel des îles Spratlys.
04:06 Cet archipel est constitué de 14 îles principales
04:09 ainsi que d'une centaine d'îlots qui restent émergés à marée haute.
04:12 Et ce point est important car cela permet l'établissement de ZEE
04:15 à partir de ces îlots, ce qui n'aurait pas été le cas
04:17 s'ils étaient submergés à marée haute.
04:20 Cette zone est stratégique au niveau économique et géopolitique
04:23 car elle comprend d'une part une réserve de pêche non négligeable
04:26 et des réserves hypothétiques en pétrole et gaz dans ses sous-sols
04:29 et c'est d'autre part un point de passage d'une très grande partie
04:32 du transport de marchandises mondiales du fait notamment
04:34 de la proximité avec la Chine.
04:36 C'est pour ces raisons que les Spratlys sont disputées
04:38 entre tous les pays de la région, la Chine, le Vietnam,
04:41 les Philippines, la Malaisie et Brunei.
04:44 En contrôlant officiellement ces îles, les pays contrôleraient
04:46 également leurs ZEE adjacentes et ainsi les réserves naturelles
04:49 précédemment citées.
04:51 Voici les ZEE revendiquées par chacun des pays.
04:54 On voit qu'il y a de nombreux chevauchements et cela crée des tensions dans la région.
04:57 La Chine est sûrement l'acteur le plus important,
05:00 elle revendique la souveraineté sur la totalité de l'archipel,
05:03 on voit donc que sa ZEE s'étendrait bien loin de ses territoires continentaux,
05:06 jusqu'au large de l'île de Borneo en Malaisie.
05:08 Cette revendication s'inscrit dans sa stratégie plus globale
05:11 de contrôle de la mer de Chine méridionale,
05:13 en faisant une véritable mer intérieure,
05:15 et dans sa volonté d'y contrôler la navigation
05:17 et ainsi s'imposer comme leader dans la région.
05:19 La Chine s'est même lancée dans la création d'îlots artificiels
05:22 dans l'archipel, avec l'espoir que des ZEE soient établis autour.
05:25 Mais cela a été refusé par la Cour permanente d'arbitrage,
05:28 une juridiction internationale.
05:30 La quasi-totalité des îles émergées en permanence sont occupées,
05:33 la plupart du temps abritant des installations militaires des uns ou des autres.
05:36 On voit par cet exemple que le contrôle d'îles minuscules
05:39 est un moyen efficace de profiter des richesses des océans,
05:41 et que dans cette région, aucun pays ne semble vouloir lâcher le morceau.
05:44 D'autant que les Spratlys ne sont pas les seules îles posant problème,
05:47 nous trouvons aussi les îles Paracel, les îles Pratas,
05:50 les îles Sankaku, plus au nord, non visibles sur la carte,
05:53 autant de situations qui participent à déstabiliser la région.
05:56 Prenons maintenant un exemple moins connu, celui de l'Arctique.
05:59 Nous voici représentés d'une manière moins commune,
06:01 on se rend compte ici de la proximité de certains états qui n'est pas souvent mise en avant.
06:05 Nous avons la Russie, la Norvège avec Svalbard,
06:08 le Danemark avec le Groenland, le Canada, et les Etats-Unis avec l'Alaska.
06:12 Avec le réchauffement climatique, la banquise arrive de plus en plus tard dans l'année,
06:16 et fond de plus en plus vite.
06:18 Les océans se retrouvent libres des glaces entre 3 et 5 mois par an,
06:21 au lieu de 2 à 2,5 mois auparavant.
06:23 Les pays riverains y voient donc une opportunité à la fois
06:26 en termes d'exploration des ressources naturelles des sous-sols,
06:28 et en termes d'exploitation des nouvelles routes maritimes qui se créent alors.
06:32 Les ZEE, jusqu'aux 200 000 marins ayant déjà été négociés et déterminés
06:36 autour du pôle Nord par chacun des états,
06:38 l'enjeu se situe ici autour des plateaux continentaux.
06:41 Au cours des années 2000, les pays riverains ont enchaîné les missions sous-marines
06:45 dans le but de déterminer l'étendue des plateaux continentaux,
06:48 et donc également l'élargissement des ZEE auxquels ils pouvaient prétendre.
06:51 Cela a conduit à des mésententes,
06:53 par exemple la Russie soutient que la dorsale de Lomonosov,
06:56 chaîne de montagne sous-marine, est l'extension de leur plateau continental,
07:00 lorsque le Danemark, au contraire, soutient que cette dorsale
07:03 fait géologiquement partie du Groenland.
07:05 Quant au Canada, il estime qu'elle prolonge l'archipel arctique canadien.
07:08 Mais ce n'est pas le seul point de tension.
07:10 Voici l'ensemble des zones revendiquées en tant que plateaux continentaux.
07:13 On voit qu'il y a un certain nombre de chevauchements situés tout autour du pôle Nord.
07:17 Malgré tout, la plupart des ressources naturelles en pétrole et en gaz
07:20 semblent se trouver dans les ZEE déjà définies.
07:22 Quant aux routes maritimes, malgré l'accélération du réchauffement climatique,
07:25 elles ne seront praticables que dans de nombreuses années encore.
07:28 D'autant que plusieurs sondages réalisés en 2011 et 2013
07:31 auprès des compagnies maritimes montraient qu'elles n'avaient pas vraiment l'intention
07:35 de développer leurs activités dans l'Arctique.
07:37 L'enjeu autour de l'océan Arctique est donc bien réel, mais annuancé.
07:41 Il reste néanmoins un exemple intéressant montrant l'importance pour les États
07:44 de disposer d'espaces maritimes.
07:46 On voit par exemple que le Groenland est un territoire absolument stratégique
07:49 pour le Danemark, qui verrait sa ZEE réduite à néant sans sa possession.
07:52 Prenons un dernier exemple, celui-ci plus concret.
07:54 Pour cela, allons en Afrique de l'Ouest, au large de la Côte d'Ivoire et du Ghana,
07:58 deux pays souhaitant développer leur activité pétrolière.
08:01 En 2010, une compagnie pétrolière britannique, la Tuller Oil,
08:04 découvre un gisement de pétrole offshore.
08:06 Le problème, c'est que la frontière maritime entre les deux pays
08:08 n'avait jamais été tracée officiellement.
08:10 Un accord plus ou moins tacite existait entre les deux voisins
08:13 qui respectaient une sorte de ligne médiane.
08:15 Alors lorsque le Ghana a commencé à exploiter le gisement,
08:18 la Côte d'Ivoire a estimé que son voisin violait ses droits souverains
08:21 et exclusifs sur son plateau continental.
08:23 Aucun accord amiable n'a pu être trouvé.
08:25 Et c'est fin 2017 que le Tribunal international du droit de la mer
08:28 a finalement tranché le litige,
08:30 donnant raison au Ghana dans les limites maritimes qu'il avait pu présenter
08:33 et qui incluait le gisement dans son espace maritime.
08:36 La Côte d'Ivoire, quant à elle, estimait que le gisement
08:38 se trouvait dans une zone qui lui revenait de droit,
08:40 comme représenté ici sur la carte.
08:42 Par ce cas concret, on voit que les limites des espaces maritimes
08:44 peuvent être déterminantes.
08:46 Nous avons ici deux pays africains pauvres
08:48 et qui comptent énormément sur le pétrole pour développer leurs économies respectives.
08:51 Ces gisements offshore représentent donc de réelles opportunités
08:54 qu'aucun ne souhaite laisser s'échapper.
08:56 Finalement, tous ces exemples nous montrent une chose.
08:58 Les océans sont tout autant convoités que les terres,
09:00 que ce soit pour des raisons économiques ou géopolitiques.
09:03 Et ils sont déterminants eux aussi dans l'évolution des relations internationales.
09:06 C'est tout pour aujourd'hui, merci d'avoir regardé cette vidéo.
09:08 J'espère que cette petite intro au rôle des océans vous aura plu.
09:11 Ce sont des éléments à prendre en compte
09:13 lorsque l'on essaie de comprendre les mécaniques géopolitiques.
09:15 N'hésitez pas à vous abonner, à partager la vidéo
09:17 et à mettre un pouce bleu, ça fait toujours plaisir.
09:19 Et sur ce, je vous dis au mois prochain pour une nouvelle vidéo.
09:21 Salut !
09:23 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]
09:26 [Visite www.amara.org/join]
09:29 (...)