Aujourd'hui, Clara nous parle du livre Les débuts de Claire Marin.
Retrouvez toutes les chroniques de Clara Dupont-Monod dans « C'est encore nous ! » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-clara-dupont-monod
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00:00 Clara Dupont-Mono, vous avez le pouvoir aussi, car vous avez le langage, le micro, la chronique littéraire.
00:05 Et oui, et surtout le pouvoir des aveux, puisqu'on a discuté un peu avant cette émission,
00:08 Christophe Benzitoun et Laélia Veyron, et vous me disiez combien vous aimez, outre la langue française,
00:14 le moment où une histoire d'amour commence.
00:17 Bah c'est comme ça, c'est votre petit univers secret, vous aimez l'instant où tout reste à écrire, cette promesse.
00:23 Alors du coup, parce qu'on a pensé à vous qu'on est comme ça ici, pour honorer vos âmes de grand romantique,
00:28 je vous présente un essai qui s'appelle "Les débuts", signé de la philosophe Claire Marin,
00:34 qu'on aime beaucoup, qui a écrit des livres sur la place.
00:37 Et cette fois, elle explore cette zone de fragilité et de frisson qu'est le début.
00:42 Alors pas forcément d'une histoire d'amour, à l'extrapole, ça peut être la première fois qu'on se lance dans un projet,
00:47 ça peut être quand on apprend une nouvelle langue, qu'on découvre un nouveau pays, ou par exemple...
00:51 - On passe en hebdomadaire ! - C'est ce que j'allais dire, exactement !
00:54 On change de rythme de diffusion, quand on a une émission quotidienne de grande ampleur.
00:59 "Vivre un début", écrit Claire Marin, c'est "recommencer à zéro".
01:03 Ce qui est logique, puisqu'il n'y a pas de référent, par définition, la première fois a toujours la couleur du neuf,
01:08 puisqu'on ne savait pas ce qu'il y avait avant.
01:10 Et du coup, certains débuts sont laborieux, c'est-à-dire qu'on ne sait pas comment faire,
01:13 ça peut être des débuts fébriles, des débuts angoissés, d'autant qu'un début peut réserver des surprises.
01:20 Et là, je pense à la première phrase d'un grand roman de Louis Aragon qui s'appelle "Aurélien".
01:25 Dans la première phrase, je la cite, "La première fois qu'Aurélien vit Bérenice, il la trouva franchement laide".
01:33 Et le résultat, c'est que c'est 140 pages d'une histoire d'amour, alors certes compliquée, mais histoire d'amour quand même.
01:39 Mais vous voyez, le début ne dessine pas forcément un coup de foudre, et pourtant.
01:44 On peut même devenir accro à cette pochette surprise qu'est le début,
01:48 et ça c'est presque une maladie. Claire Marin cite l'écrivain italien Italo Calvino qui lui parle,
01:55 je cite, d'une "pathologie des commencements".
01:58 Grande pathologie du 21ème siècle. Regardez par exemple Tinder qui est la version premium de cette maladie.
02:04 En gros, on veut uniquement des rencontres et pas vraiment de liens.
02:08 Et d'ailleurs, Claire Marin, elle relie cette maladie des commencements à celle de la consommation
02:13 où finalement le principe de nouveauté domine, il faut qu'il y ait du nouveau, du neuf, du pur, du jamais souillé.
02:20 Et pour ces névrosés du début, "on est grandioses dans la scène d'ouverture, on disparaît au premier acte",
02:27 écrit donc Claire Marin qui visiblement a interlouvé des ex de Emmerick Lomprey.
02:32 Mais quel dommage au fond, quel dommage, n'est-ce pas Emmerick Lomprey ?
02:35 Car ça veut dire quoi le début ? En fait peut-être rien, parce que le début, il arrive forcément après quelque chose qui se termine.
02:42 La première fois, elle annonce en creux la dernière. Ce qui démarre contient ce qui va s'achever.
02:48 En fait, le début appartient à une chaîne. Et voilà pourquoi Gilles Deleuze a dit,
02:53 cette phrase que j'adore, il a dit "on commence toujours par le milieu".
02:56 Et c'est vrai, nos commencements, ils se faufilent à travers deux instants.
03:00 Dans un mouvement beaucoup plus large, on est toujours entre, écrit Claire Marin.
03:05 Et le secret, c'est peut-être de savoir vivre chaque moment comme une première fois.
03:09 Et en fait, pour être heureux, de rester d'éternel débutant.
03:12 Ça, aucun problème pour Emmerick Lomprey. Je vous donne mes références.
03:15 Les débuts de Claire Marin, éparuchés autrement.
03:17 Merci beaucoup Clara Dupond-Monaud pour ce choix avec la philosophe de l'intime, on l'appelle.