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Aujourd'hui, Clara nous parle du livre "Les silences d'Alexandrie" de Michel Gazier.

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Amusant
Transcription
00:00 Clara Dupond-Mono est avec nous pour la littérature.
00:02 Oui, on parlait du Nico Monde justement.
00:04 Alors, la briochée, être drag queen, c'est être un petit peu professeur de glamour.
00:09 Un petit peu quand même.
00:11 Ça dépend le personnage qu'on est, mais il n'y a pas que des personnages glamour
00:14 dans le drag, mais moi en tout cas, moi oui.
00:16 Voilà, et le grand public vous regarde cette émission aussi, donc Guillaume Meurice serait
00:20 certainement le plus mauvais élève vu comme il est sapé.
00:23 Et moi, il va de soi que j'aurais les félicitations du conseil de classe.
00:28 Et Mao, elle aurait le baccalauréat avec mention.
00:31 Ça, c'est normal aussi.
00:33 C'est pourquoi, en tant que professeur de glamour, je vous présente la briochée, un
00:38 merveilleux roman très doux et superbement écrit sur le métier de professeur.
00:44 Il s'appelle « Les silences d'Alexandrie », il est signé de Michel Gazier et celle
00:48 qui raconte toute l'histoire, elle est professeure de français.
00:50 Et un jour, alors qu'elle débute dans le métier, elle voit arriver dans sa classe
00:54 une nouvelle élève qui s'appelle Serena, elle est rousse et elle est très énervée.
00:59 Sur le formulaire d'entrée, à la case « Père », elle coche le mot « sang ». Elle
01:05 dit qu'elle est née à Alexandrie en Égypte, bon, et elle lit beaucoup.
01:09 Et d'ailleurs, le premier devoir qu'elle rend à sa prof de français, c'est un plagiat.
01:13 La prof, elle repère très vite les passages qu'elle a pompés.
01:16 La gamine, elle a mis un peu de Montaigne, un peu de Rousseau.
01:19 Et elle a mis notamment un peu du « Quatuor d'Alexandrie » qui est un grand et beau
01:23 livre de Laurence Durel.
01:25 Mais pour autant, la prof, elle ne rabroupe pas Serena.
01:28 D'abord parce que l'amour me la touche et surtout, en fait, elle l'oblige à réfléchir
01:34 sur son métier de professeur.
01:35 Pourquoi au fond, cette prof, elle a choisi ce métier ? Je cite « Envie de partager
01:40 le savoir, sécurité de l'emploi, longueur des vacances, rien de tout cela dans le fond.
01:44 J'aime la formule de Zazie dans le livre « Zazie dans le métro » de Raymond Queneau qui veut
01:49 être institutrice pour « faire chier les mômes ». »
01:53 Exactement.
01:54 Et c'est exactement ça.
01:55 Toute forme d'éducation, c'est génial comme formule, mais ça veut dire qu'en fait,
02:00 toute forme d'éducation, c'est d'abord une contrainte.
02:02 Et que quand on maîtrise la contrainte, alors à ce moment-là, on peut être libre.
02:06 Et c'est ça que ne comprend pas Serena, pour qui la contrainte est seulement un obstacle
02:11 à l'assouvissement de ses désirs.
02:13 Elle ne voit pas plus loin que ça.
02:14 Donc elle perturbe les cours, elle fugue, elle répond au prof, elle est insolente.
02:19 Les années passent.
02:21 Et puis la prof, elle prend de la bouteille.
02:23 Et un jour, elle est amenée à diriger un atelier d'écriture.
02:26 Arrive Serena.
02:27 Avec 10 ans de plus, la prof est soufflée.
02:30 Mais la jeune femme lui dit « Ah non, non, moi je ne m'appelle pas du tout Serena, vous
02:34 devez vous tromper.
02:35 D'abord, je suis née à Chartres et pas du tout en Alexandrie.
02:37 Donc vous faites erreur.
02:38 » Et dans le texte qu'elle lui rend, dans les ateliers d'écriture, on fait des textes,
02:42 la prof repère illico un extrait du Quatuor d'Alexandrie de Laurence Durel.
02:47 Bon.
02:48 Les années passent encore.
02:49 Un soir, la prof est à un dîner.
02:50 Son voisin de droite est un diplomate.
02:53 Il lui dit « Ah mais vous avez eu ma fille comme élève ! » Et la prof sait aussitôt
02:57 qu'il s'agit de Serena, censée donc ne pas avoir de père.
03:00 Donc elle devrait s'en détacher.
03:03 Elle devrait se dire « Bon, j'ai une élève mytho qui, visiblement, n'a pas terminé
03:07 sa crise d'ado et qui continue à brouiller les pistes.
03:09 » Mais en fait, elle n'y arrive pas.
03:11 D'abord parce qu'elle apprend que Serena a fait une tentative de suicide.
03:14 Et ensuite parce qu'elle se demande « Cesse-t-on jamais d'être l'enseignant qu'on a été
03:19 ? » Et plus loin, elle dit « Il restait en moi cette forme de culpabilité de l'enseignante
03:24 face à un élève perdu.
03:26 » Donc en fait, ce qu'elle explique en creux, c'est qu'être professeur, c'est
03:31 s'interroger sur la distance.
03:32 C'est être proche sans être poreux.
03:35 C'est être loin mais sans être distant.
03:38 C'est comment est-ce qu'on tend la main mais on n'y laisse pas son bras.
03:41 Et c'est comment créer la confiance sans devenir un confident.
03:45 Et la réponse, vous la trouvez dans les silences d'Alexandrie de Michel Gazier qui
03:49 est paru au Mercure de France.

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