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Aujourd'hui, Clara nous parle du livre "Dialogues en public" de Pier Paolo Pasolini.

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Amusant
Transcription
00:00 - Chère Wissem Belkasem, de livres il en est question maintenant avec Clara Dupont-Mono.
00:04 - Oui Wissem Belkasem, parce qu'on a parlé un petit peu avant l'émission,
00:07 et vous me disiez combien vous aimez le cinéma italien de l'après-guerre.
00:11 C'est votre passion.
00:13 - Vous me connaissez si bien.
00:15 - Bien sûr, mais bien sûr. Et notamment Pierre Paolo Pasolini,
00:20 que vous adorez, alors je le dis pour Aymeric, ça n'est pas un joueur de la juve,
00:23 mais c'est un cinéaste dont Wissem vous avez vu tous les films.
00:27 Films qui, je le rappelle, ont fait scandale à chaque fois qu'ils sont sortis de Pasolini.
00:33 Et pour rappel également, Pasolini, il est mort assassiné une nuit de novembre 1975,
00:39 sur une plage italienne, à coups de bâton, par des hommes qui criaient "sale PD" et "sale communiste".
00:45 Alors, il y a une chose qu'on sait assez peu dans la vie de Pasolini,
00:50 c'est que de 1960 à 1965, il a tenu la rubrique "Courrier des lecteurs"
00:56 d'un journal hebdomadaire qui s'appelait "Vie Nueve".
01:00 Et c'est ce "Courrier des lecteurs" et les réponses de Pasolini
01:04 qui sont aujourd'hui publiées dans un livre génial qui s'appelle "Dialogue en public".
01:09 Et alors merci aux éditeurs spéléologues qui descendent dans les entrailles d'une oeuvre
01:15 et qui en remontent comme ça des pépites.
01:17 Il faut bien comprendre qu'à ce moment-là des années 60, Pasolini, c'est une gigastar.
01:23 C'est un peu comme si aujourd'hui Marion Cotillard tenait le "Courrier des lectrices"
01:27 dans le journal "Femmes Actuelles". Mais on n'en est pas très loin.
01:30 Et il se trouve que Pasolini adore ça.
01:33 Les lettres arrivent de partout, de Rome, de Turin, de Naples, de Milan.
01:38 Il y a de tout. Il y a des ouvriers, des femmes au foyer, des étudiants, des retraités.
01:42 Puis alors ça va de "Cher Pasolini, je ne trouve pas de fiancé, aidez-moi"
01:48 à "Mon fils est fasciste, que faire ?"
01:50 On est dans l'Italie des années 60. C'est ça aussi.
01:53 En passant par "Brigitte Bardot a tenté de se suicider, comment l'expliquez-vous ?"
01:58 ou il y a une que j'adore qui est "Est-ce que vous auriez la gentillesse de faire des films compréhensibles ?"
02:04 Et il répond à chaque fois.
02:05 Et à chaque fois les gens commencent leurs lettres par "Cher Pasolini".
02:09 Et c'est ce que je trouve le plus intéressant parce qu'en fait ça dessine un rapport à la célébrité
02:14 qu'on a complètement perdu aujourd'hui.
02:16 Il se trouve que Pasolini détestait la célébrité.
02:20 Pour lui c'était un fardeau.
02:21 Et d'ailleurs dans sa réponse au lecteur qui évoque la tentative de suicide de Brigitte Bardot,
02:26 il dit, je le cite "Moi qui ai eu ces dernières années un certain succès,
02:30 je sais ce que cela veut dire et je comprends très bien les velléités suicidaires de cette jeune femme".
02:36 Alors c'est sûr que les 33 procès qui lui ont été intentés n'ont pas aidé à la sérénité.
02:42 Mais en même temps, le statut de peephole donne à Pasolini
02:47 quelque chose que je trouve très beau qui est le devoir, la notion de devoir.
02:51 Lui il pense profondément "Vous êtes connu, donc vous devez écouter les vies autour de vous
02:58 et vous devez leur répondre".
03:00 Au lieu de privilégier, la célébrité elle oblige.
03:04 Et c'est là le fondement de son engagement artistique qui est en fait très politique.
03:09 En tant que figure publique, Pasolini est d'abord une autorité.
03:13 Mais en tant que communiste, il est d'abord un égal, écrit Florent Lahage dans la préface de ce recueil.
03:19 Donc il va donner à la mère de famille une leçon de poésie.
03:23 Il va expliquer aux cinéphiles pourquoi la révolution sauve la tradition.
03:27 Il en est convaincu.
03:28 Il va dire d'ailleurs à un élève de seconde, je cite "Votre professeur de religion est un menteur".
03:34 En fait, il rééquilibre la relation à chaque fois.
03:36 Ce qui n'empêche pas de temps en temps d'engueuler les lecteurs.
03:39 Mais ce faisant, il incarne une magnifique figure de l'artiste, la tête qui crée,
03:44 mais les deux pieds enfouis dans la vie.
03:48 Je vous redonne les références.
03:49 Pierre Paolo Pasolini, Dialogue en public, et publié aux éditions José Corti.
03:54 Saskia de Ville : Merci, Clara Dupont-Monnaud, pour ce joli choix.

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