Aujourd'hui, Clara Dupont-Monod nous parle d'un roman : "Klara et le soleil", de Kazuo Ishiguro.
Retrouvez toutes les chroniques de Clara Dupont-Monod dans « C'est encore nous ! » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-clara-dupont-monod
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00:00 Marlène Saldana avec nous, qui aime beaucoup la lecture et qui va pouvoir apprécier la
00:04 chronique de Clara Dupont-Monnaud.
00:06 Et bien oui, Marlène Saldana, parce que vous me disiez juste avant l'émission, on a un
00:09 peu discuté, combien vous aimez la littérature japonaise.
00:14 Et bien oui.
00:15 Absolument.
00:16 Et notamment l'immense écrivain Kazuo Ishiguro.
00:19 Donc ça, je vous ai entendu.
00:20 Ici, on bichonne nos invités.
00:22 Et c'est pourquoi je vous ai amené le dernier chef d'œuvre de Kazuo Ishiguro qui vient
00:28 de sortir en poche et qui s'appelle "Clara et le soleil".
00:31 Alors Kazuo Ishiguro, pour ceux qui ricanent, c'est quand même un peu respect puisqu'il
00:35 est pris Nobel de littérature en 2017, qu'il est traduit dans plus de 40 langues et que
00:40 parfois certains de ses écrits sont adaptés au cinéma.
00:43 C'est le cas notamment des "Vestiges du jour", 8 nominations aux Oscars 1994.
00:48 Voilà, ceci pour replacer un petit peu le bonhomme.
00:51 Oui, il n'est pas totalement underground.
00:53 Il est bien dans le système aussi.
00:55 Il n'est pas tellement.
00:56 Mais on peut être non-underground et bourré de talent.
00:58 Et d'ailleurs, pour vous en donner une mini idée de ce talent, je vais vous lire la première
01:03 phrase de "Clara et le soleil".
01:06 Je cite "Quand Rosa et moi étions neuves, on nous avait placés au milieu de la boutique,
01:13 à côté de la table des magazines, ce qui nous permettait de voir la moitié de la vitrine".
01:19 Voilà, génie.
01:20 Pourquoi ? Parce que quand Rosa et moi étions neuves, nous lecteurs, on se dit "mais c'est
01:27 un poupée qui parle ou un objet".
01:30 Et bien oui, en effet, la poupée s'appelle Clara.
01:33 Elle est dotée d'une intelligence artificielle.
01:36 Et ensuite, dans cette première phrase que je viens de vous lire, on entend les mots
01:39 "boutique", on entend "vitrine".
01:40 Et en effet, ces poupées sont exhibées, showgirls justement.
01:44 Elles sont en vente pour les enfants, lesquels dans ce livre ne vont plus à l'école,
01:50 mais ils grandissent avec ces robots de pointe qu'on appelle des "AA", c'est-à-dire
01:54 amis artificiels.
01:55 Donc vous voyez en une seule phrase, à savoir la première, qu'Azuri Shiguro, il réussit,
02:01 sans le dire explicitement, à nous situer temporellement, c'est-à-dire qu'on comprend
02:06 qu'on est dans le futur, et il arrive à nous faire admettre la voix d'une machine.
02:11 Alors sauf que Clara, toute machine qu'elle est, elle a une particularité, c'est qu'elle
02:16 est emplie de bonté.
02:18 Génie bis.
02:20 Génie du pitch, c'est-à-dire que la mensuétude, la gentillesse, l'empathie, la bienveillance,
02:27 toutes ces valeurs humaines, ils décident qu'elles habitent un cœur mécanique.
02:32 Et du coup, le jour où une petite fille prénommée Josie s'arrête devant la vitrine, reluque
02:37 Clara et chavire d'amour, ce qui avec un prénom pareil est un peu normal, c'est
02:42 comme Marlène, l'excellence en deux syllabes, mais alors commence une histoire d'humanité
02:49 racontée du point de vue de l'androïde.
02:52 D'autant que Josie est malade, que Clara ça, elle le voit tout de suite, et tout le
02:56 livre, ça va être les tentatives de Clara pour que Josie parvienne à guérir.
03:01 Et tout est toujours raconté du côté du robot.
03:04 Et donc vous voyez qu'avec ce personnage de machine, qu'est-ce qu'il fait ? Kazuo
03:07 Ishiguro, en fait il fait quelque chose de très simple et très difficile, il anime
03:11 l'inanimé.
03:12 Et ce que je trouve passionnant, c'est que la grande période qui a adoré faire ça,
03:18 humaniser l'inerte, animer l'inanimé, c'est qui ? Le Moyen-Âge, bien sûr.
03:23 Je vous rappelle qu'au Moyen-Âge, on donne un prénom aux cloches.
03:26 En fait, leur son est tellement familier, je l'aurais pris comme un compliment, parce
03:33 que c'est un son qui est tellement familier, qui rythme les journées des habitants au
03:38 Moyen-Âge, qu'il était complètement naturel de les prénommer exactement comme
03:41 des amis.
03:42 Et de la même façon, on donnait aussi un prénom aux épées, Excalibur c'est ça,
03:47 et d'ailleurs au Japon médiéval, l'équivalent d'Excalibur c'est Kusanagi, c'est le prénom
03:52 d'une épée légendaire.
03:53 Donc vous voyez que Kazuo Ishiguro, mine de rien, il perpétue cette tradition médiévale
03:58 avec les outils du 21e siècle, avec les problématiques du 21e siècle, en inventant, Clara, cette
04:05 automa tendre.
04:06 Je vous redonne les références, Clara et le soleil de Kazuo Ishiguro est paru en poche
04:11 chez Folio et Folio réédite quasiment l'intégralité des textes de Ishiguro.
04:16 Merci Clara Dupont-Meneau.