Jeudi 25 mai 2023, SMART BOURSE reçoit Kevin Thozet (Membre du comité d'investissement, Carmignac)
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00:00 (Générique)
00:09 -D'abord, la vue globale macro de Carmignac,
00:12 avec Kevin Tauzé, membre du comité d'investissement
00:15 de Carmignac Gestion.
00:17 Bonjour, Kevin. -Bonjour, Édouard.
00:19 -Merci d'être avec nous.
00:21 La vue globale macro, évidemment,
00:23 avec l'idée qu'il y a une destination devant nous
00:26 qui s'appelle soft landing, ralentissement/épisode récessif,
00:32 mais que le voyage prend toujours plus de temps.
00:35 C'est le schéma qu'on a jusqu'à aujourd'hui.
00:37 La destination est connue,
00:39 mais le voyage prend toujours un peu plus de temps.
00:43 Est-ce que c'est le schéma dans lequel vous êtes aujourd'hui
00:46 en termes d'analyse macro, Kevin, chez Carmignac ?
00:49 L'événement du jour, c'est la révision à la baisse
00:52 de la croissance allemande, qui fait entrer l'économie allemande
00:56 depuis deux trimestres maintenant.
00:58 Est-ce que ça s'inscrit dans cette vue macro économique aujourd'hui
01:02 ou est-ce que ça la fait évoluer ?
01:04 -Oui, c'est que le contexte dans lequel on est,
01:06 vous le souvenez, la bonne tenue des marchés d'action
01:10 dans cet environnement, alors qu'il y a un certain nombre
01:13 de nuages qui s'amoncèlent, et ça depuis plusieurs mois,
01:16 on a quand même un contexte de croissance économique mondiale
01:19 qui est plutôt résiliente globalement.
01:22 On a été, donc on le voit dans la reprise post-Covid,
01:25 on a vu une forme de désynchronisation
01:27 entre les grands blocs, on en a parlé de nombreuses fois,
01:30 et on est encore là-dedans.
01:32 On a encore une épargne excédentaire
01:34 qui est importante aux Etats-Unis,
01:36 le consommateur américain est plus dedans.
01:39 En Europe, on avait des quartiers de commandes
01:41 particulièrement fournis, parce qu'on avait ces fameux
01:44 groupes de tremblements, ils sont là aussi en train de se résorber,
01:48 et puis on avait la Chine, qui était complètement contre-temps,
01:52 et avec la réouverture de la Chine, on avait ces espoirs-là,
01:55 de désynchronisation, et des synchrones.
01:57 Ce qui nous attend, c'est aussi dans ça
01:59 dont on va parler, c'est qu'il y a un risque important
02:02 de voir un ralentissement de plus en plus prononcé
02:05 et avec une vraie forme de synchronisation.
02:08 Ce qui se passe en Allemagne,
02:10 c'en est peut-être aussi un signe avancé.
02:13 Il y a sans doute d'autres raisons à ça,
02:16 on parlait de l'atterrissage en douceur
02:18 ou de l'atterrissage en douleur.
02:20 Si globalement, ce qu'on voit, c'est une forme de résilience,
02:23 une forme d'économie entre le secteur manufacturier
02:26 et le secteur des services, et ça impacte aussi l'Allemagne.
02:29 -Cette situation, c'est vrai qu'il y a deux mondes,
02:32 le monde des services, le monde industriel
02:35 et le monde manufacturier.
02:36 L'Allemagne souffre avec le poids de l'industrie
02:39 et un modèle économique qui est prêt à revers
02:42 depuis quelques années, avec l'accélération de l'histoire.
02:45 Quand on regarde l'économie américaine,
02:48 vous gardez quand même dans la balance
02:50 une vision encore constructive
02:52 de la demande finale privée aux Etats-Unis,
02:55 à ce stade, Kévin.
02:56 -Oui, là aussi, c'est-à-dire que le consommateur américain,
02:59 on l'a déjà dit à plusieurs reprises,
03:02 il ne faut pas jouer contre la Fed,
03:04 il ne faut pas jouer contre le consommateur américain.
03:07 On est encore dans cette phase-là.
03:09 Ce réservoir d'épargne, cet épargne excédentaire,
03:12 elle est déclinante, elle devrait repomper
03:15 sur des niveaux pré-Covid d'ici la fin de cette année,
03:18 le début de 2024.
03:19 Là aussi, on va bien arriver à une forme d'essoufflement,
03:22 et de l'autre côté, il y a un durcissement monétaire
03:25 qui a été sans précédent, par son ampleur, son amplitude,
03:29 des hausses de taux, sous le travail
03:31 de retournement de l'assouplissement
03:33 quantitatif également.
03:35 C'est M. Friedman qui le disait, un économiste américain,
03:38 que la transmission de la politique monétaire,
03:41 elle agit avec un décalage et avec des degrés différents.
03:44 C'est bien ça qui se joue sous la surface aussi,
03:47 c'est que ce durcissement des conditions de crédit,
03:50 il a un impact sur la croissance,
03:52 il a un impact sur la croissance du crédit,
03:55 moins de croissance du crédit,
03:56 ça veut dire moins d'investissement
03:59 des entreprises, on a aussi une contraction budgétaire
04:02 aux Etats-Unis. -Oui, enfin, contraction,
04:04 on verra ce qu'il en est après le relèvement du plafond
04:08 de la dette et le compromis. On a un déficit encore
04:11 de 7 % du PIB sur 12 mois glissant aux Etats-Unis.
04:13 -Mais... -C'est pas non plus
04:15 une austérité dédiante. -Non, mais là aussi,
04:18 on a décalé la trajectoire, ce qu'on anticipe chez Carmignac,
04:21 c'est que l'économie américaine entrera en récession
04:24 au quatrième trimestre de cette année.
04:27 -Mais toujours un peu plus tard. -On a aussi décalé
04:29 nos anticipations, on est sur le troisième trimestre
04:32 de cette année, mais on a décalé ça d'un trimestre.
04:35 Donc ça, c'est pour ce qui est des Etats-Unis,
04:38 en Europe aussi, on a eu les chiffres de croissance
04:41 en Allemagne, après, sur le trimestre ou la séquence qui vient,
04:45 on peut avoir une croissance européenne
04:47 qui est assez résiliente, on a la saison de tourisme
04:50 qui reprend, il y a encore...
04:53 Il y a encore, on va dire, une capacité à dépenser,
04:56 il y a des économies, notamment au sud de l'Europe,
04:59 qui sont très exposées, en tout cas, dont l'économie
05:02 est relativement assez tributaire de cette reprise
05:05 de la saison touristique, 10-15 % au Portugal, par exemple,
05:08 c'est non neutre, donc là aussi, on peut avoir des bonnes nouvelles.
05:12 Sur la suite de la séquence, une récession aux Etats-Unis,
05:15 une récession européenne, qui est extrêmement liée
05:18 à l'économie américaine, même plus qu'à l'économie chinoise.
05:21 -Comment vous comprenez la séquence ou la stratégie de pause
05:25 signalée par la Réserve fédérale américaine,
05:27 qui est un concept discuté, on l'a vu avec les minutes
05:30 de la dernière réunion de politique monétaire de début mai ?
05:34 Il y avait l'idée, pour les marchés,
05:38 que la pause était forcément le prélude à de prochaines baisses de taux.
05:42 Cette idée n'est pas forcément partagée de manière majoritaire
05:45 ou consensuelle au sein du FOMC.
05:47 -Non, et là aussi, c'est-à-dire que,
05:49 entre ce qu'indique la Réserve fédérale
05:52 et ce qu'anticipent les marchés, il y a aussi un écart,
05:55 parce que la Réserve fédérale dit qu'elle va aller en pause.
05:58 Les marchés disaient plutôt qu'elle va tourner casac
06:02 et elle va même baisser ses taux,
06:04 même jusqu'à 2,5 % de baisse de taux
06:06 qui étaient anticipés par les marchés,
06:08 sans doute de façon un peu trop croissante.
06:11 On peut se poser des questions sur la capacité
06:14 des autorités budgétaires et monétaires
06:16 à résister, on va dire, en tout cas,
06:18 à maintenir cette trajectoire de durcissement monétaire
06:22 avec une conjoncture qui se dégrade.
06:24 De là à aller voir tourner casac aussi rapidement que ça,
06:27 ça nous semble quand même un peu complaisant.
06:30 Sur ces parties de courbe de taux,
06:32 plutôt les parties courtes des courbes de taux,
06:35 on évite d'aller trop travailler sur ces points de courbe-là.
06:38 C'est là aussi des points de courbe
06:40 qui sont très sensibles à des publications d'inflation.
06:43 On est dans cette dynamique de désinflation,
06:46 mais on peut avoir des surprises.
06:48 On en a eu cette semaine en Angleterre.
06:50 Mais sur les points plus longs de courbe,
06:53 il y a des choses à faire.
06:54 Moins de croissance économique, une récession,
06:57 la désinflation, ça tend à être favorable
06:59 pour ces obligations les plus longues
07:02 et mises par des Etats bien notés, notamment les Etats-Unis.
07:05 -La question de la durée est importante.
07:08 Il faut un peu plus de temps pour arriver.
07:10 Ca veut dire que le refroidissement
07:12 ou le ralentissement n'ira peut-être pas suffisamment vite
07:16 pour que la Fed soit totalement confortable
07:19 avec l'inflation d'ici deux ou trois mois.
07:22 Ca va prendre encore beaucoup plus de temps.
07:24 -Oui, là aussi, si on regarde nos anticipations,
07:27 c'est que sur le 1er trimestre de 2024,
07:29 on a une inflation aux Etats-Unis qui soit encore autour de 3 %.
07:34 Donc, voilà, le travail est pas encore...
07:37 Le travail est pas encore fait.
07:38 Ce qui est important pour les autorités monétaires américaines,
07:42 c'est de regarder la direction que ça peut prendre.
07:45 Ca donne une indication sur le pivot,
07:47 le point de retournement, il est pas pour tout de suite,
07:50 il est pour la fin de cette année, le début de 2024.
07:53 Ca requiert un peu d'ajustement.
07:55 -Sur le plan de la dynamique de marché,
07:58 de la question de la liquidité des marchés,
08:00 comment vous abordez, comment on regarde,
08:03 avec des programmes de réduction de bilan
08:05 qui sont toujours en cours aux Etats-Unis, en Europe ?
08:08 L'Europe va même muscler un peu sa réduction de bilan.
08:11 Les banques européennes vont massivement rembourser
08:14 tous les emprunts à taux préférentiel qu'elles ont pu faire,
08:17 une grande partie, en tout cas,
08:19 qu'elles ont pu faire auprès de la BCE ces dernières années.
08:23 Ca arrive dans les prochaines semaines.
08:25 Le relèvement du plafond de la dette,
08:27 si on part du principe que le plafond de la dette américaine
08:31 sera relevé, va permettre au trésor américain
08:34 de reconstituer son cash et son compte courant
08:36 auprès de la Réserve fédérale américaine.
08:39 Le trésor américain opère déjà sous contrainte
08:41 depuis le mois de janvier et vide son compte courant
08:44 pour survenir, subvenir aux dépenses courantes
08:47 de l'administration américaine,
08:49 ce qui va se traduire par un déluge d'émissions billetaires
08:53 aux Etats-Unis et donc une liquidité de marché
08:56 qui va s'assécher encore plus.
08:57 -Des réserves bancaires aux Etats-Unis
09:00 qui devraient baisser d'entre 500 et 800 milliards.
09:03 -Oui. -De l'ordre de 15 à 25 %
09:05 du volume total.
09:07 Donc c'est non négligeable, on le sait.
09:09 La liquidité, c'est aussi un facteur
09:12 qui alimente beaucoup les marchés,
09:14 qui alimente aussi des phénomènes de bulles.
09:16 On a à peu près, on va dire, les mêmes montants
09:19 qui vont être sortis de l'eurosystème
09:22 entre juin et septembre avec les TLTRO.
09:25 Pareil, autour de 800 milliards de dollars,
09:28 avec les programmes de soutien exceptionnel
09:31 et d'assouplissement quantitatif qui sont retournés.
09:34 Ca veut dire, encore une fois,
09:35 que la liquidité est sortie du marché.
09:38 Sur la séquence, la séquence qui se met en place
09:40 sur les marchés financiers,
09:42 ce qu'on a eu jusqu'à présent,
09:44 on pourrait encore voir sur une échelle de quelques mois,
09:47 qu'il y a une forme de fil du rasoir qui tient bien.
09:50 Les investisseurs sont peu positionnés,
09:53 notamment sur les actifs les plus risqués.
09:55 La récession, le ralentissement économique,
09:58 c'est ce que vous soulignez.
10:00 Tant qu'on a des publications économiques
10:02 qui ne surprennent pas trop à la baisse
10:04 et qui pointent vers ça, c'est bien digéré
10:07 par les marchés financiers.
10:09 Pareil sur le front de l'inflation.
10:11 On a des marchés qui peuvent tenir.
10:13 Sur la séquence qui suit, c'est peut-être plus compliqué.
10:16 On a dit qu'il y a ce risque de synchronisation
10:19 dans le ralentissement.
10:21 On n'a pas trop parlé de la Chine,
10:23 mais le déversement de l'épargne excédentaire
10:26 ne se fait pas trancher.
10:27 Il y a moins de croissance économique,
10:29 des liquidés qui ont sorti.
10:31 Il y a quand même un moment où il faudra réduire la voilure
10:34 sur ces marchés d'actifs risqués.
10:37 -Comment ça s'équilibre dans une stratégie diversifiée
10:40 chez vous, chez Carmignac, Kevin ?
10:42 C'est-à-dire prendre en compte que le voyage continue,
10:45 mais se préparer à une séquence d'atterrissage
10:48 qui finira par arriver.
10:49 -Il me semble trois choses à faire.
10:52 Sur les marchés d'actions, on en a parlé,
10:54 il y a encore de la valeur à investir
10:56 dans la séquence d'attrissage.
10:58 On va éviter d'avoir des positions, des secteurs,
11:01 des sociétés trop exposées au cycle.
11:03 On parle du secteur technologique ou des semi-conducteurs,
11:07 c'est peut-être l'exception,
11:09 car l'intelligence artificielle pourrait faire ce pont.
11:12 -Et c'est très localisé aussi, peut-être, sur quelques valeurs.
11:16 -On va dire, en dehors de ça,
11:17 plutôt des secteurs moins exposés au cycle,
11:20 la santé, la consommation,
11:22 et certaines valeurs technologiques.
11:24 Ensuite, il y a un autre moteur de performance
11:27 que sont les marchés du crédit,
11:29 parce que là aussi, on a quand même une dichotomie
11:32 entre les signaux envoyés par les marchés obligataires
11:35 et ceux envoyés par les marchés d'actions.
11:37 On a certains marchés obligataires,
11:39 les marchés du crédit, certains marchés de la dette émergente,
11:43 notamment les segments de la dette locale,
11:45 qui ont des rendements à deux chiffres,
11:48 ça veut dire des instruments, des segments
11:50 qui intègrent déjà cette, on va dire,
11:52 dégradation de la conjoncture économique.
11:55 Donc, voilà, ils sont déjà prêts, en tout cas, en partie prêts,
11:58 et il y a des niveaux de rendement à quasiment deux chiffres
12:02 qui permettent aussi de digérer...
12:04 -Il y a une prime de risque confortable.
12:06 -Ca fait deux moteurs de performance
12:08 dans un portefeuille diversifié comme Kermiak Patrimoine.
12:11 Après, on a un moteur de gestion des risques,
12:14 et j'en ai déjà un peu parlé,
12:16 c'est la duration, donc les obligations d'Etat,
12:20 bien notées, qui, là aussi, on a retrouvé de la valeur
12:23 sur ces instruments-là, et là aussi, voilà,
12:26 duration, ça rime avec récession, avec désinflation
12:29 et diversification, et donc, on se retrouve
12:31 avec une séquence où on peut à nouveau marcher
12:34 sur les deux jambes quand on gère un portefeuille diversifié.
12:37 C'est un peu comme ça qu'on voit les choses,
12:40 parce que là aussi, le risque, c'est qu'on a un atterrissage
12:43 en douleur de l'économie américaine,
12:45 et si on a des mauvaises nouvelles sur ce front-là,
12:48 des actifs du crédit, par contre,
12:50 des actifs bien notés défensifs, on aura, une fois,
12:53 ce mouvement balancé dans un portefeuille.
12:56 -On verra dans quelle mesure les trésoreries américaines
12:59 restent bien notées dans les prochaines semaines.
13:02 C'est le petit événement du jour, Fitch,
13:05 qui a mis sous surveillance, avec implication négative,
13:08 la dette américaine, qui est encore triple H chez Fitch,
13:11 triple H chez Moody's, et qui n'est plus que double A+
13:14 chez S&P depuis 2011.
13:15 Merci beaucoup, Kevin Tozay,
13:17 du comité d'investissement de Carmignac qui était avec nous en plateau pendant cette demi-heure d'émission.