Vendredi 23 juin 2023, SMART BOURSE reçoit Emmanuel Cau (Responsable de la stratégie actions, Barclays)
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00:00 [Musique]
00:10 Et c'est parti donc pour Smart Bourse, pour la première partie de cette émission nous avons le plaisir de retrouver en duplex Emmanuel Co.
00:16 Bonjour Emmanuel Co.
00:17 Bonjour Nicolas.
00:19 Bienvenue dans Smart Bourse, vous êtes Managing Director et responsable de la stratégie action chez Barclays.
00:25 Je vous propose de revenir dans un premier temps sur la décision de la Bank of England hier, 50 points de base,
00:32 alors que depuis plusieurs jours, plusieurs semaines, le marché semblait plutôt pricer une hausse de 50 points de base.
00:37 On a l'impression que cette Bank of England était un peu au pied du mur à la lumière des chiffres d'inflation publiés la veille
00:43 et qui montraient une inflation toujours persistante au Royaume-Uni.
00:47 Oui, vous avez tout à fait raison, c'est-à-dire qu'on tourne un peu en rond en fait depuis le début de l'année
00:52 où l'inflation refuse de baisser malgré les multiples hausses de taux, mais en même temps l'économie ne ralentit pas trop.
00:59 Donc en fait, les banques centrales doivent garder le rythme et continuer à maintenir ou préserver leur crédibilité.
01:07 Donc je pense qu'on avait un marché qui commençait à douter de la volonté des banques centrales à vraiment faire un effort significatif
01:13 pour reprendre la main sur l'inflation.
01:15 Et je pense que la Banque d'Avril hier a voulu faire repasser un message qui était qu'elle est prête à faire l'effort,
01:20 elle est prête à marquer le coup et du coup la Banque d'Angleterre a surpris le consensus.
01:26 Alors je ne pense pas que 50 points de base étaient vraiment un choc majeur parce que le marché était entre 25 et 50,
01:32 mais clairement le marché s'attendait à ce qu'on ait 25 points de base.
01:36 Donc voilà, on a un message qui est très clair et à notre avis, on devrait avoir la même chose qui soit annoncée cet été.
01:41 Donc on pense qu'il y a encore une hausse de 50 BP qui aura sûrement lieu cet été en Angleterre.
01:46 Après, en fonction de l'évolution des choses, il est fort possible qu'on ait encore une hausse de 25 BP sur la fin du troisième trimestre.
01:53 Donc clairement le message des banques centrales, c'est qu'elles n'ont pas terminé leur job
01:56 et qu'il y a encore un effort à faire pour reprendre la main sur l'inflation.
01:59 Le discours un peu dominant, que ce soit sur la Fed, la BCE, la BE ou sur les banques centrales de manière générale,
02:05 c'est qu'on arrive à la fin du processus de hausse de taux, comme si effectivement les futures hausses de taux,
02:12 la fin de la stratégie était plus ou moins anticipée par les marchés.
02:15 Cette décision de la Bank of England hier nous rappelle que le marché peut encore avoir des surprises, Emmanuel Coe.
02:21 Oui, c'est ça. Il s'agit de ça fait déjà quasiment 12 mois qu'on a une espèce de désaccord entre les banques centrales et puis les marchés.
02:31 Et c'est vrai que depuis quelques mois, je pense que la désinflation était un peu le mot à la mode
02:37 et le marché prenait en compte les signaux de désinflation qui sont très clairs dans certaines parties de l'économie.
02:44 Donc on voit les prix des matières premières qui ont beaucoup baissé, les prix du gaz, les prix de l'énergie.
02:48 Donc il y a quand même pas mal de signaux qui indiquent que l'inflation ralentit.
02:52 Mais en fait, le problème, c'est qu'en termes d'inflation core, on n'a pas encore de signaux très clairs.
02:58 Et c'est vrai que les banques centrales, elles, ce qu'elles regardent, c'est le marché du travail, c'est la hausse des salaires
03:03 et qui, pour l'instant, maintiennent les risques d'inflation core vers le haut.
03:08 Donc oui, là, ce qu'on voit, c'est que depuis quelques jours et clairement cette semaine, les banques centrales ont un peu repris la main sur ce débat-là
03:15 et forcent le marché, les marchés à les écouter et du coup à, on va dire, à anticiper une dynamique de tout qui est beaucoup plus proche
03:23 de celle qui va être opérée que ce que les marchés anticipaient au début.
03:28 Si on reste sur le sujet banque centrale, on élargit un petit peu le scope, que ce soit en zone euro ou aux États-Unis.
03:37 Faut-il s'attendre à rester dans un environnement de taux élevés, Emmanuel Coe ?
03:43 Oui, je pense que dans l'immédiat, il est très peu probable que les banques centrales couplent leurs taux.
03:48 Il faut encore savoir qu'il y a quelques semaines, le marché anticipait une baisse de taux assez rapide au second semestre.
03:55 Alors ça, c'est vrai que c'est moins le cas aujourd'hui. Les marchés, encore une fois, écoutent le message des banques centrales.
04:00 Donc les marchés anticipent une dynamique de taux beaucoup plus stable sur la fin du second semestre.
04:05 Et après, éventuellement, une baisse de taux en 2024. Mais vous savez qu'en état actuel des choses,
04:10 ça paraît quand même difficile de voir les banques centrales couper leurs taux début 2024, si jamais on a une inflation qui est autour de 3 à 4 %.
04:18 Donc la cible d'inflation, le fameux target d'inflation, ça reste 2 %.
04:23 Donc c'est vrai que si on pense que les banques centrales veulent vraiment faire l'effort de ramener l'inflation à ce niveau-là,
04:28 il y a encore beaucoup de travail à faire. Donc il est peu probable qu'on ait un niveau de taux qui baisse de façon significative.
04:34 Et c'est vrai qu'on marche sur un fil parce qu'on voit aussi quand même des signaux très clairs que l'économie commence à ralentir.
04:40 Alors ce n'est pas forcément le cas partout et dans tous les segments de l'économie.
04:43 Et vous l'avez rappelé en introduction, les PMI de la zone euro ont quand même pas mal baissé ce mois-ci.
04:48 Donc clairement, on commence à voir que la transmission monétaire fait son travail.
04:52 C'est-à-dire qu'on a une partie de l'économie qui commence à souffrir du tarissement du crédit.
04:59 Le crédit ralentit beaucoup et c'est vrai que l'activité des services est très liée au financement de l'économie.
05:05 Et on commence à voir que la hausse de taux a un impact concret sur l'économie.
05:11 Donc je pense que ça renforce un peu la conviction des banques centrales que le gros du travail est fait.
05:16 C'est-à-dire qu'elles ont peut-être un intérêt un peu plus patient pour voir ce qui va se passer et à quel rythme la transmission monétaire va avoir un impact sur l'inflation à venir.
05:26 Mais c'est vrai qu'en l'état actuel des choses, avec un taux de chômage extrêmement bas et une hausse de salaire assez élevée,
05:32 il est très peu probable que les banques centrales puissent rapidement couper leur taux comme ce qui était anticipé il y a encore quelques semaines.
05:38 Justement Emmanuel Coe, c'est vrai qu'on voit encore un marché du travail particulièrement sous tension si on reste en zone euro.
05:43 Mais la situation peut être similaire également aux États-Unis.
05:46 Ces indices PMI publiés ce matin qui montrent un ralentissement de l'économie en zone euro,
05:52 ou en tout cas de l'activité en zone euro, en lien avec les prévisions de la BCE la semaine dernière, revue à la baisse en matière de croissance pour la zone euro.
06:00 Donc ça montre que la politique monétaire de la BCE porte ses effets, même s'il reste encore beaucoup à faire, notamment face à un marché du travail très résistant.
06:09 Oui, c'est vrai qu'un des problèmes pour les banquiers centraux, mais aussi pour les investisseurs,
06:15 c'est qu'il y a déjà depuis quelques mois un certain décalage entre les indicateurs de sentiments qui sont assez mitigés et les données réelles qui sont plutôt solides.
06:26 Les indicateurs PMI ont pas mal ralenti déjà depuis 12 mois.
06:30 Même si c'était stabilisé en début d'année en grande partie à cause de la baisse des matières premières, etc.,
06:35 on a quand même une dynamique de croissance qui a pas mal ralenti depuis pas mal de temps
06:40 et qui semble être en forte baisse de vitesse par rapport à ce que disent les PMI.
06:45 Après, si vous regardez les données de consommation, d'investissement, de dépenses privées, elles restent quand même plutôt bien orientées.
06:51 Et donc c'est vrai qu'on a un peu de mal à savoir quels sont les chiffres pour les banques centrales.
06:58 Mais la réalité, c'est que tant que le taux de chômage reste très bas, que l'emploi continue à alimenter une hausse de salaire
07:06 qui est quand même assez élevé par rapport à ce qu'on a connu ces 10 ou 20 dernières années en zone euro,
07:10 et qu'en plus de ça on a quand même un niveau d'épargne qui reste assez élevé après tout l'argent qui a été distribué par les États pendant le Covid,
07:16 il est peu probable que le consommateur ne marque pas.
07:19 Donc je pense que la question est de savoir quel niveau de stress économique les banques centrales sont prêtes à engendrer,
07:29 à tolérer pour penser qu'elles ont repris la main sur l'inflation.
07:33 Pour l'instant on n'a pas vraiment de visibilité. Donc ça veut dire que d'un point de vue de marché, on est ce qu'on appelle "data-dépendants",
07:38 c'est-à-dire qu'on prend chaque donnée comme elle vient.
07:41 Et je pense que d'un égard même avec les banques centrales, elles sont peu à même de nous offrir une guidance très claire sur les mois qui arrivent.
07:47 Le message est qu'elles vont devoir en faire plus, mais je pense qu'elles seront aussi assez réactives.
07:51 Si jamais les chiffres indiquent qu'on a une perte de vitesse qui s'accélère au niveau de l'économie,
07:55 et qu'on commence à avoir des cracks au niveau des marchés de l'emploi,
07:58 c'est fort possible que d'ici là les banques centrales puissent ajuster aussi leurs communications
08:03 et peut-être mettre un point d'arrêt à cette hausse de taux qui est quand même sans précédent ces dernières années.
08:08 Justement Emmanuel Co du côté des marchés, comment est-ce qu'on navigue dans l'environnement monétaire et économique que l'on connaît actuellement ?
08:16 La logique voudrait que dans cette phase de cycle qui est quand même très mature,
08:20 avec encore une fois la volonté des banques centrales qui est de ralentir l'économie,
08:24 et de faire une exposition de risque qui soit plus basse que la moyenne.
08:28 Nous c'est ce qu'on a fait, on a recommandé à nos investisseurs de réduire leurs risques de façon ciblée,
08:32 parce qu'encore une fois il y a pas mal de thématiques au niveau global qui jouent toujours en faveur des marchés actions.
08:38 La principale c'est qu'aux Etats-Unis on a une économie qui continue de très bien performer.
08:42 Vous avez appris le boom de l'intelligence artificielle qui a aussi un effet très marqué sur la structure des marchés.
08:49 Donc tout va pas forcément très mal, mais c'est vrai qu'au niveau cyclique, on a quand même un second semestre qui devrait confirmer un ralentissement de l'économie.
08:55 Ça devrait aller de pair avec une dynamique bénéficiaire qui marque un peu le pas.
08:59 Donc oui, nous ce qu'on a fait déjà dès le début du deuxième trimestre, c'était réduire un peu la poche cyclique,
09:04 tout en conservant des thématiques qui peuvent être porteuses dans une économie qui continue encore à tourner plutôt bien.
09:11 Mais c'est vrai qu'on a quand même un intérêt à réduire un peu la voilure.
09:15 Après, c'est un peu ce qui se passe depuis déjà 12 mois, où on a un marché qui a été clairement pris à contre-pied
09:21 par le fait que l'économie est beaucoup mieux tenue que prévu,
09:25 et beaucoup d'investisseurs qui étaient en fait déjà positionnés pour une récession, pour une fin de cycle dès le milieu de 2022.
09:32 Donc ce qu'on a vu depuis déjà quelques mois, c'est des investisseurs qui étaient en majorité extrêmement négatifs,
09:39 remettre un peu de risque en portefeuille parce qu'ils ne pouvaient pas se permettre d'être aussi loin du benchmark,
09:44 et parce qu'en même temps, l'économie refusait de ralentir.
09:48 Donc voilà, je pense que pour l'instant, on a plutôt l'impression qu'en termes nominal, l'économie continue à délivrer.
09:53 Donc ça veut dire qu'on a quand même la dynamique bénéficiaire qui continue à rester un facteur de soutien,
09:59 mais qui va clairement ralentir sur les mois qui arrivent.
10:02 Donc ça, ça devrait quand même aller de pire avec des portefeuilles qui sont un peu plus défensifs,
10:05 et je pense une allocation géographique qui privilégie plutôt les US que l'Europe.
10:10 Après, il y a un gros point d'interrogation qui est la Chine, parce que la Chine, c'était clairement quelque chose qui a déçu au second trimestre,
10:18 et je pense que l'activité européenne, elle est en partie liée à ce qui se passe en Chine.
10:22 Donc on a vu en début d'année, la Chine est repartie, l'Europe a accéléré,
10:27 et ce qu'on voit pour l'instant ce mois-ci, le mois précédent, est assez logique.
10:32 C'est-à-dire que la Chine a ralenti beaucoup plus fort que prévu, ce qui semble avoir un impact plutôt négatif sur l'Europe.
10:38 Donc la grande question, c'est de savoir si la Chine va vraiment vouloir remédier à ce ralentissement et stimuler à nouveau son économie.
10:44 Alors nous, on y croit. On n'est pas à dire qu'on va avoir un bazooka fiscal ou monétaire ou un stimuli extrêmement agressif chinois,
10:51 mais on pense que par rapport aux autres régions, c'est plutôt la Chine qui va se démarquer en adoptant une politique monétaire un peu plus favorable
10:58 et qui viserait justement à essayer de relancer un peu la machine après un trimestre qui a été quand même très compliqué.
11:03 On peut jouer en faveur de certains segments de marché qui ont été vendus ces dernières semaines ou ces derniers mois,
11:08 mais d'une façon ou d'une autre, on est quand même sur une dynamique de croissance globale qui va ralentir au second semestre.
11:14 Rapidement, Emmanuel Co, vous nous parlez de la Chine. Si on regarde les indices internationaux émergents,
11:19 notamment, il y a le Nikkei qui performe particulièrement bien depuis le début de l'année.
11:22 On s'approche à près de 30% de performance depuis le 1er janvier.
11:26 Est-ce que c'est là aussi une thématique qu'on regarde de près en cette mi-année 2023 ?
11:31 Oui. Je pense que le marché n'a pas loupé l'histoire. Le marché japonais, c'est un des meilleurs performeurs sur l'année.
11:40 Et je pense que l'histoire est bien comprise. Le Japon, c'est un pays qui a tout fait pour avoir l'inflation depuis une trentaine d'années.
11:49 On a enfin de l'inflation là-bas. Donc l'inflation, ça ravive un peu la dynamique économique domestique.
11:55 On commence à voir la consommation qui repart, l'investissement qui repart, les salaires qui accélèrent.
11:59 Et on a en face de ça une banque du Japon qui continue à nier les risques de surinflation
12:07 et qui continue à alimenter l'économie avec beaucoup de liquidités.
12:10 Alors, il est fort possible que la politique monétaire évolue, comme on l'a vu dans les autres pays sur les mois qui arrivent.
12:17 C'est-à-dire qu'on pense que le contrôle de la courbe du taux devrait évoluer vers une dynamique un peu moins expansionniste, moins favorable.
12:27 Mais on est quand même sur un mix politique-monétaire-croissance qui est quand même très favorable au Japon.
12:35 Après, je pense que la thématique a été quand même bien comprise par le marché.
12:38 On a vu des flux assez importants. Mais ça reste un pays qui, par rapport à ce qu'on a dans les autres parties du monde,
12:43 offre effectivement une combinaison politique-monétaire-croissance qui est plutôt favorable, avec des valorisations qui sont toujours très faibles.
12:52 Et puis, l'air de rien, le marché japonais a un biais technologique qui est assez important.
12:58 Et comme on le sait, par le temps qui court, la technologie contribue fortement à la performance des marchés qui veulent en bénéficier.
13:06 Merci beaucoup, Emmanuel Coe, de nous avoir accompagné à la mi-journée dans Smart Bourse.
13:10 Je rappelle que vous êtes managing director et responsable de la stratégie Action chez Barclays.
13:14 Et quant à nous, on se retrouve tout de suite dans la deuxième partie de Smart Bourse.