Louis Rousselet a parcouru l'Inde de 1863 à 1868, rapportant de son voyage un récit très documenté et de magnifiques photographies.
Cent cinquante ans plus tard, le réalisateur Lionel Baillemont décide de partir à son tour en Inde pour faire revivre les écrits
de Louis Rousselet dans les lieux mêmes où celui-ci les avait rédigés. Ce qui se révèlera beaucoup plus compliqué qu'il ne l'avait imaginer au départ !
Lors de ce périple, il écrivit un journal de bord dont il nous fait le récit ici.
04:58 Delhi
11:19 Agra
14:34 Gwalior
15:59 Datia
18:05 Orchha
19:17 Khajuraho
21:54 Agra suite
23:00 Fathepur
23:53 Barathpur
25:32 Deeg
27:14 Alwar
28:18 Jaipur
31:30 Pushkar
33:06 Delhi suite
Narration : Lionel Baillemont
Musique : Ravi Shankar.
© 2020 - contact@opheliafilm.com
https://opheliafilm.com/
Autres vidéos consacrées à Louis Rousselet et à l'Inde :
https://www.youtube.com/watch?v=8pwUF8twEC8
https://www.youtube.com/watch?v=El5F6czHf9M&t=8s
https://www.youtube.com/watch?v=s6_GdEWbK4c&t=375s
https://www.youtube.com/watch?v=BdyBUbN1Hf0&t=606s
https://www.youtube.com/watch?v=Z5dallxq9Ks&t=912s
Cent cinquante ans plus tard, le réalisateur Lionel Baillemont décide de partir à son tour en Inde pour faire revivre les écrits
de Louis Rousselet dans les lieux mêmes où celui-ci les avait rédigés. Ce qui se révèlera beaucoup plus compliqué qu'il ne l'avait imaginer au départ !
Lors de ce périple, il écrivit un journal de bord dont il nous fait le récit ici.
04:58 Delhi
11:19 Agra
14:34 Gwalior
15:59 Datia
18:05 Orchha
19:17 Khajuraho
21:54 Agra suite
23:00 Fathepur
23:53 Barathpur
25:32 Deeg
27:14 Alwar
28:18 Jaipur
31:30 Pushkar
33:06 Delhi suite
Narration : Lionel Baillemont
Musique : Ravi Shankar.
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Autres vidéos consacrées à Louis Rousselet et à l'Inde :
https://www.youtube.com/watch?v=8pwUF8twEC8
https://www.youtube.com/watch?v=El5F6czHf9M&t=8s
https://www.youtube.com/watch?v=s6_GdEWbK4c&t=375s
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00:00 Journal Inde, 13 décembre.
00:15 Après huit années passées sans avoir foulé le continent indien, me voici à nouveau à
00:22 Delhi, ville tentaculaire, bruyante, empaquetée dans un nuage de brume polluée qui m'oblige à
00:31 circuler dans ces rues munies d'un masque antipoussière sur le nez. Après avoir tenté
00:38 de rejoindre seul mon hôtel en sortant du métro, je suis bien obligé d'utiliser les services d'un
00:44 vieux pousseur de vélo pour retrouver la rue Asaf Ali, dans laquelle mon guide papier me l'assure,
00:51 se trouve l'auberge de jeunesse que j'ai réservé de France. Cette avenue sans fin,
00:58 aux façades délabrées, offre au regard d'un étranger comme moi une suite d'officines et
01:05 de magasins à la fonction indéterminée, sans numérotation précise et sans repère véritable.
01:12 Après vingt minutes de zigzag entre les véhicules de toutes sortes qui tentent d'avancer sans se
01:20 heurter les uns les autres, j'aperçois le mot "stop" écrit en lettres de couleur au milieu
01:26 de milliers d'autres enseignes en hindi. Une fois le cycliste payé, je rentre sans
01:35 certitude dans un long couloir où trônent sur le carrelage trois chiens aux pelages luisants,
01:41 chacun sur son coussin. Vision surréaliste dans une Inde où les chiens errants sont faméliques,
01:49 et survivent dans l'indifférence générale. Un gardien m'assure que c'est bien là un hostel,
01:57 et me dirige aimablement vers l'accueil, puis vers une chambre à quatre lits superposés,
02:02 sans vraiment d'aération mais propre, et offrant au luxe une vraie salle d'eau d'où
02:10 sort un mince filet d'eau tiède. Deux de mes voisins de chambré sont indiens,
02:15 et s'empressent de me questionner sur mon métier, les raisons de mon voyage, etc. Mais,
02:23 dommage pour eux, la tête encore farcie du décalage horaire et de la fatigue dans l'avion,
02:27 je suis incapable d'articuler trois mots, d'autant que leur anglais, pourtant parfait,
02:34 me semble trop teinté d'accent indien pour moi. Après avoir rangé mes affaires dans le placard
02:41 prévu à cet effet, je pars le 2h avec un français en voyage, puis décide d'aller seul et courageusement
02:48 trouver un endroit pour manger. Il est 17h30. A peine sorti de l'hostel, la nuit noire et
02:59 grouillante de la ville me revient en pleine face. Sans attendre, je revets mon masque,
03:06 d'autant que les phares des voitures éclairent une poussière fine et grise qui s'élève constamment
03:12 du sol. Et toujours, c'est un supportable concert de klaxons entremêlés. A nouveau,
03:19 j'ai recours à mon kit de survie des rues indiennes, les bouchons d'oreilles. Mais aucun
03:26 restaurant digne de l'idée que je m'en fais par avance ne semble trouver grâce à mes yeux.
03:31 Je tente alors ma chance dans une autre rue grouillante de petites échoppes improvisées
03:38 au milieu de la rue. Des bananes m'attirent, mais j'en ignore le prix et cela suffit pour
03:46 me faire renoncer à leur achat. Des sodas et des mini paquets de Chipster par millier sont
03:53 proposés en étal. Mais là aussi, la nuit noire, la foule des passants qui m'en servent, rien ne
04:01 m'incite à un achat tranquille. Je rentre donc bredouille à l'hostel, finir de faire un sort à
04:09 la plaque de chocolat ramenée de France. Puis je me couche à bout de force. Il est 18 heures.
04:16 Décalage horaire oblige, réveil à 23h30. Je décide de me lever de peur de tourner en rond dans
04:25 le lit. Dans la salle commune, de rares touristes ont les yeux rivés sur leur téléphone portable.
04:32 Le temps des échanges entre routards semble avoir vécu. Je me décide à écrire ces quelques
04:41 lignes sur mon micro-ordinateur poussif. Peut-être tiendrai-je un journal, peut-être pas si le
04:50 courage me manque. 14 décembre. Après une minutieuse préparation de mes affaires, je me décide à aller
05:00 vers la mosquée Jama'a Majid. Pourquoi ce choix ? Seule une station de métro m'en sépare. Arguments
05:10 non négligeables au vu de l'immensité de la ville et des sempiternelles négociations tarifaires
05:15 avec les taxis. Mais lorsqu'il s'agit de sortir du métro, aucun plan de quartier, aucune indication
05:23 n'est précisée, si bien que l'on se retrouve projeté dans une rue inconnue, cernée de véhicules
05:29 pétaradins. Un taxi s'approche pour me proposer de m'emmener à la mosquée qui n'est en réalité
05:35 qu'à deux minutes à pied. Encore faut-il savoir dans quelle direction tourner ses pas. Le plus
05:42 frappant en arrivant aux alentours de l'édifice, c'est de découvrir l'incroyable enchevêtrement
05:47 de boutiques qui le cernent aux quatre coins. D'autant plus que les photos de 1865 nous
05:55 présentent cette mosquée quasi au milieu des champs. D'entrée, les incontournables marchands
06:02 du temple me taxent 300 roupies à cause de mon appareil photo bien visible, à quoi s'ajoutent
06:09 100 roupies pour monter dans l'une des tours afin d'y contempler la vue. Comme je sais que
06:15 j'ai toute la journée devant moi, j'en profite pour découvrir tranquillement cette grande mosquée.
06:20 Mais je ne saurais dire si c'est le fait d'être incroyant ou infidèle selon Mahomet qui me fait
06:26 penser cela, mais les rituels musulmans m'apparaissent complètement inutiles et saugrenues.
06:32 De plus, il existe une notion d'appartenance à une même croyance dans cette religion qui
06:38 m'est inimaginable. Tous en file alien, à faire les mêmes gestes au même moment tout en
06:46 psalmodiant les mêmes paroles, cela est inenvisageable pour moi. J'oserais même dire que c'est contre ma
06:53 religion. Une fois ce premier tour de mosquée terminé, restait à faire ce pourquoi j'étais
07:01 venu en Inde et ce pourquoi j'étais précisément dans ce lieu. Faire revivre les endroits que Louis
07:09 Rousselet décrit dans un livre relatant son voyage en Inde paru en 1875. Encore me fallait-il trouver
07:17 sur l'esplanade de cette mosquée un coin relativement calme et sans vent car c'est
07:25 étonnant comme les micros n'aiment pas le vent. Après quelques essais infructueux,
07:30 volume de l'enregistrement trop faible, lumière trop sombre, etc. Je finis par lire à voix haute
07:37 les impressions de Louis Rousselet sur cette mosquée sans trop bafouiller au vu de l'incongruité de la
07:44 démarche. Quelques pèlerins me regardaient bien bizarrement, un homme qui semble parler tout seul
07:50 à l'époque des téléphones cellulaires et somme toute assez banal. 15 décembre, de Delhi à Agra
08:05 par bus. Cherchez l'erreur dans cette courte phrase. Ne cherchez plus, c'est le bus. Je le
08:15 connaissais pourtant bien ce bus bondissant dans la circulation, se frayant un chemin entre les
08:21 tracteurs, les motos, les camions, les ânes, les singes et les crevasses dans la chaussée,
08:27 mais je l'avais oublié. Je m'en suis vite souvenu mais j'ai dû gagner en patience avec le temps,
08:35 car aujourd'hui il ne m'effraye plus. Et pourtant il y aurait de quoi. À la question,
08:43 les indiens roulent-ils à gauche comme les anglais ? Ni à gauche ni à droite je dirais,
08:49 plutôt au milieu, enfin là où il y a de l'asphalte et encore. En contresens souvent,
08:56 la nuit sans lumière parfois, au mépris total du code de la route sûrement. Un acheteur potentiel
09:04 de camions, de bus, de voitures ou de tout autre objet roulant ne demandera pas au vendeur si le
09:11 véhicule est équipé d'une climatisation, d'un feu de recul ou d'une radio. Non, non, non,
09:16 pas l'hiverne que tout cela. Le plus important c'est un klaxon puissant et tonitruant. L'Inde
09:24 n'existerait tout simplement pas sans ce petit accessoire. Et aucun bus, aucun rickshaw,
09:31 aucune voiture ne pourrait rouler dix mètres sans lui. Et cela s'entend.
09:35 Mon discours récurrent concernant le problème de la surpopulation mondiale résonne en Inde
09:53 d'un écho tout à fait particulier puisque ce pays compte plus d'un milliard d'habitants,
09:57 se croisant et s'entrechoquant à longueur de journée sans vraiment se regarder.
10:03 Chacun s'affaire plutôt à tenter de gagner trois sous pour manger et survivre jusqu'au
10:12 lendemain, le tout dans une agitation frénétique. Bien sûr, cette folie de déplacement et de
10:19 course en avant n'est qu'apparemment anarchique puisque chaque individu sait exactement qui il
10:25 est, ce qu'il fait et pourquoi il le fait. Mais hors du cadre familial, et encore, aucune place
10:34 pour l'écoute et la compréhension des problèmes d'autrui ne semble visible. Chacun a les siens
10:40 qu'il tente de régler au plus vite et au mieux de ses intérêts. Et peu importe l'environnement,
10:47 la nature sert si facilement de poubelle. Peu importe le faible, qu'il meurt s'il ne peut
10:53 survivre par lui-même. En Inde, personne ne semble avoir du temps à consacrer à de telles
10:59 questions de société et du mieux vivre ensemble. C'est du superflu tout cela, et non de l'essentiel,
11:05 puisque la société peut perdurer sans cela. Et le long terme dans tout ça ? Dieu y veillera.
11:22 17 décembre. Bus d'Agra à Gwalior. Ne cherchez pas, c'est le même trajet chaotique que le
11:30 précédent, mais en plus court puisque c'est moins loin. 16 décembre. Petit retour en arrière pour
11:38 évoquer Agra. D'abord achat le matin du billet pour le Taj Mahal, avec heureusement pour nous,
11:46 un guichet forainien. Étranger. Coût de l'entrée pour un Indien, 30 roupies. Pour un forainieur,
11:54 1000 roupies. Dommage pour nous. Mais je ne rentrais pas tout de suite dans le sanctuaire,
12:01 préférant commencer par visiter le Fort Rouge et garder le Taj pour le soleil couchant. Ce Fort
12:09 Rouge a été très bien décrit en son temps par Louis Rousselet, et il ne me semble pas avoir
12:15 grand chose de plus à dire. Si ce n'est que je confirme à mon tour que c'est un très bel
12:21 ensemble architectural. Bien rempli surtout de touristes indiens et autres. Je n'allais pas tarder
12:29 à le constater en pire un peu plus tard. Je tentais néanmoins d'enregistrer sur place le
12:36 texte de Louis Rousselet comme le veut ma mission. Un fort vent et aucun endroit réellement tranquille
12:42 me firent douter un moment de ne pas y arriver. Mais bon, je remplis au mieux le contrat passé
12:49 avec moi-même. Deux kilomètres en arrière, je revenais donc pour visiter le Taj. Une interminable
12:59 queue attendait devant le guichet indien. File que je coupais sans vergogne muni de mon billet
13:05 "Foreigners" à 1000 roupies. Je commençais à le rentabiliser. Une fois entré, après un contrôle
13:14 de sécurité à faire pleurer de rire le plus amateur des poseurs de bombes, j'entrevois pour
13:20 la seconde fois de ma vie ce mausolée unique au monde. Une merveille de savoir-faire et de bon
13:28 goût. Et comme à mon habitude, je commençais à repérer d'éventuels endroits pour faire mon speech
13:35 en toute tranquillité. Et là, catastrophe ! Plus de micro. Je l'avais laissé bêtement pendre à
13:44 ma veste au fort rouge, perdu pour toujours. Premier problème se présentant, impossible de
13:53 faire la voix en direct. J'ai alors l'idée de me filmer de dos, mes notes à la main. Pas terrible,
14:00 mais faute de mieux. La post-production fera des miracles, j'ai l'habitude. Mais second problème,
14:07 comment le remplacer au plus vite ? Je profite de la journée du 15 pour ailer un rickshaw et
14:13 lui demander de m'emmener dans un magasin "Iffy" ou "Sono". "Quoi monsieur ? Ne savez-vous pas que
14:21 nous sommes en Inde ici ? Pas la FNAC ? Un micro ? Cravate ? Et puis quoi encore ?" La mine déconfite
14:30 des vendeurs interrogés me confirme que cette perte est un coup dur pour moi. Et intérieurement,
14:35 j'ai peur de ce qui pourrait arriver si je perdais mes lunettes de vue, mon argent,
14:40 mon passeport. En voyage, une seule seconde d'inattention peut parfois coûter très cher.
14:47 18 décembre, visite de la forteresse de Gwalior qui compte parmi l'une des plus
14:57 impressionnantes de la région. Superbe construction, immense comme de coutume,
15:04 perchée sur 4 km de rochers. Mais l'éternel problème de la tranquillité récurrent dans
15:12 les villes indiennes ne tarde pas à se poser. J'ambitionnais depuis le départ de lire l'ouvrage
15:19 de Louis Rousselet dans le décor authentique de ses écrits, j'avais juste omis un détail,
15:25 le selfie, que les canadiens nomment fort justement "ego portrait". Il suffit aux
15:34 indiens d'un morceau de corniche un peu daté, d'une statuaire ancienne, pour qu'ils se lancent
15:40 dans une suite d'autoportraits en solo, entre amis ou en famille. Les fameux selfies. Les
15:48 groupes se suivent et se ressemblent, téléphone à la main. Je suis sûr que ce sont des milliards
15:53 de clichés qui sont pris chaque jour sur l'ensemble des sites touristiques et dans le monde. L'émotion
16:01 et l'admiration silencieuse que devraient engendrer ces monuments, parfois millénaires,
16:06 rien à faire. Moi, moi, moi. 19 décembre. De Gwalior à Orchha. Déjà, pour rejoindre
16:21 cette deuxième ville, il faut passer par Jhansi et prendre un autre bus pour Orchha. Mais en plus,
16:27 sur la route se trouve Datia, ville dans laquelle je suis censé m'arrêter pour visiter son fort.
16:33 Au départ de Gwalior, une fois dans le bus, je m'interroge longuement pour savoir s'il est
16:40 raisonnable de faire un stop en plein chemin pour visiter Datia. En fin de compte, je décide que
16:45 oui. La photo de 1865 que j'en avais vue de Louis Rousselet m'avait vraiment donné envie de le
16:52 visiter. Descente du bus, premier rickshaw, qui m'emmène à fond de train parmi de minuscules
17:00 ruelles jusqu'à l'édifice. Et là, seuls deux ou trois indiens traînent devant l'entrée,
17:05 guettant d'improbables touristes. L'un d'eux me saute littéralement dessus en me proposant ses
17:13 services de guide pour 100 roupies, soit 1,50 euro. Il m'assure par les français, ce qui se
17:20 révèle assez vrai, et me met en garde contre les 440 pièces que contient ce palais. Autant dire
17:27 un labyrinthe, avec tout pour s'y perdre. Un peu forcé par le temps, car après je dois rejoindre
17:35 Jhansi puis Hortcha, j'embarque avec le guide pour une visite au pas de charge. 7 étages quand même,
17:42 et une ambiance de vide et de mystère propre au palais indien. L'étonnement de mon guide fut
17:50 quand même mis en branle lorsque je sortis tout le matériel de prise de son et que je commençais
17:55 à narrer le texte de Louis Rousselet dans ce lieu désincarné. Une fois celui-ci mis en boîte,
18:03 retour au bus en stop. L'avantage du bus par rapport au train, c'est la flexibilité des
18:09 horaires. Il existe peut-être deux ou trois trains par jour pour Jhansi, mais un balai
18:15 incessant de bus font la même route jusque très tard dans la nuit. 20 décembre, Hortcha.
18:25 Une ville relativement petite par rapport à celle que j'ai déjà traversée, de beaux temples et
18:31 cénotaphes anciens dans lequel j'ai pu lire tranquillement les textes. Petite anecdote du
18:38 jour. Alors que je prenais tranquillement le soleil assis sur un banc, une vache commença
18:46 dangereusement à approcher son museau du mien. Me levant précipitamment, je laisse chloir mon guide
18:53 papier de voyage sur le sol. Ni une ni deux, la vache s'en empare d'un coup de langue et le mange,
18:59 avant même que j'aie eu le temps de faire quoi que cela soit. À part crier "oh la vache",
19:05 aucune réaction n'aurait été assez rapide au vu de la vitesse à laquelle le dit ouvrage a été
19:11 ingurgité. Heureusement que je prends soin, depuis plusieurs voyages, de fragmenter mon guide en
19:19 plusieurs morceaux afin d'en alléger le poids dans le sac. C'est donc seulement la partie
19:24 Orcha et Kajurao qui a fini en bouse. 23 décembre, visite des célèbres temples de Kajurao, inscrits
19:37 au patrimoine mondial et réputés pour leur sculpture dite érotique. En réalité il s'agit
19:44 d'êtres célestes, mais vu d'Europe c'est érotique. Pour les indiens hilares en détaillant ces
19:51 sculptures, certains ne semblaient pas loin de partager la même opinion. Bref, quoique l'on
19:57 en conclue, cela reste un travail artistique colossal et merveilleux à détailler.
20:02 24 décembre, je décide de rejoindre Udaipur, par le train pour une fois, dans la mesure où sur la
20:13 carte le trajet semble très long entre ces deux villes. Pour éviter toute galère, j'achète le
20:18 ticket dans une agence de voyage. En réalité d'agence, un homme dans un bureau défraîchi,
20:24 face à un ordinateur défraîchi. Mais le prix et la commission semblent raisonnables, alors j'achète.
20:31 Départ le lendemain matin à 9h25, arrivée à 6h30. Soit, dans mon esprit, 9 heures de voyage.
20:40 25 décembre, en route pour la gare, à 7 km du centre de Khajuraho. Train à l'heure et place
20:49 libre en sleeper clays. Traduction française, une banquette qui fait siège ou couchette une
20:56 fois étendue. Première heure, seul dans le train. Troisième heure, des voyageurs partout qui mangent
21:04 et bavardent à tout bout de champ. Au bout de 8 heures de train, nous n'étions encore qu'à
21:09 Gwalior, c'est-à-dire à peine à la moitié du trajet complet. Un doute m'assaille alors. Je
21:18 ressors mon billet, sur lequel il est bien marqué "arrivée 6h30". Je regarde la date,
21:24 26 décembre. Ce n'était pas le soir qu'il arrivait, ce train, mais seulement le lendemain matin,
21:30 après 22 heures de voyage. La confusion vient du fait qu'en anglais, les horaires sont suivis de
21:38 AM au PM, selon le soir ou le matin. Je ne m'imaginais pas une seconde de voir rester
21:44 encore 12 heures de nuit dans ce train. Car cela veut dire wagon plein de courants d'air,
21:49 éclairé par d'horribles néons, etc. La prochaine station étant Agra, je décide de stopper là et
21:57 de continuer mes futures étapes dans le sens inverse à celui que j'avais imaginé. 26 décembre.
22:07 Je profite de cette halte forcée à Agra pour aller sur les bords de la rivière afin de filmer
22:14 le tâche depuis ce point de vue. Pour rejoindre le bord de l'eau, il suffit de longer le mur est
22:19 du monument sur 500 mètres. Arrivé au bord de la rivière, je découvre un champ de plastique
22:26 et de cochonneries en tout genre. C'est le moment de le dire puisque des cochons patauge dans ce
22:33 cloac. Comment est-ce possible, pensais-je en moi-même, un tel bourbier à quelques mètres
22:39 du monument le plus visité de l'Inde est inscrit au patrimoine mondial ? Difficile dès lors de
22:46 placer la caméra sans attraper les détritus présents jusque dans la rivière. Heureusement
22:52 pour moi, une famille de singes égaye un peu ce paysage attristant, tandis que plus loin sur la
22:59 route des tailleurs de pierres d'un autre âge martèlent du gré rouge avec un marteau et un
23:05 petit burin. 27 décembre. La tentative que j'avais faite de m'arrêter en chemin, de visiter un lieu
23:19 puis de repartir ensuite vers une autre ville ayant plutôt bien fonctionné la première fois,
23:24 je renouvelle l'opération avec Fatpur Sikri qui n'est qu'à deux heures d'Agra. Site que j'avais
23:32 déjà visité il y a un certain temps et que je renvoie avec plaisir tant il est unique. En deux
23:39 mots, l'empereur Akbar ayant flashé sur un saint homme, il construisit un palais entier afin de
23:47 pouvoir vivre à ses côtés. Une fois le saint décédé, il lui construisit un sanctuaire gigantesque
23:53 puis décida d'abandonner son palais qui resta vide pendant des siècles mais jouit pourtant
23:59 encore aujourd'hui d'un parfait état de conservation. 28 décembre. Bharatpur, ville que
24:08 j'avais déjà visitée en son temps, est surtout réputée pour son sanctuaire d'oiseaux mais je
24:15 préférais aller m'enquérir de l'ancien palais des rajahs encore debout dans le centre de la
24:19 vieille ville. Après avoir galéré de ruelle en ruelle afin d'en dénicher l'entrée, c'est un
24:27 vieux palais complètement défraîchi et oublié qui se présentait devant moi. En Inde, beaucoup
24:33 de ces bâtiments immenses ont été reconvertis en école comme à Khajuraho mais celui-ci semble
24:40 plutôt avoir tout simplement été abandonné au temps qui passe. Bizarrement, un gardien se tient
24:46 pourtant à l'entrée et m'indique que l'entrée est gratuite. Le contraire eût été surprenant dans
24:52 un lieu aussi oublié des responsables du patrimoine indien. Pour autant, du promontoire, j'aperçois
25:00 un autre palais à l'allure défraîchie à 100 mètres de celui-ci. Je décide aussi de m'y rendre.
25:05 Ce dernier n'a pas été reconverti en école mais en restaurant. Très aimablement, le propriétaire
25:12 m'invite à en faire le tour avec lui. Autant le rez-de-chaussée a été restauré, autant les
25:18 étages supérieurs sont restés à l'abandon. Mais quelle énorme surprise de découvrir au
25:26 milieu des gravats et dans une pièce sans fenêtre ni porte, des peintures murales extraordinaires de
25:32 beauté. Quel choc serait sûrement pour eux de découvrir dans quel état de destruction se
25:39 trouve maintenant leur beau palais. 29 décembre. Nouvelle arrêt visite mais à Diegue cette fois.
25:48 On pourrait croire que cette autre étape ne sera jamais que pour un palais Rashput de plus,
25:54 ce qui est faux, dans la mesure où ils sont évidemment tous différents, ne serait-ce qu'au
26:00 niveau de leur environnement. Celui de Diegue a l'une de ses façades qui plonge dans un immense
26:06 lac aux eaux verdâtres et franchement au premier coup d'œil la vue est saisissante.
26:12 Une fois à l'intérieur on redevient en butte au tracas de l'administration indienne. Tous les
26:21 bâtiments à visiter sont fermés. Pourquoi ? Soi-disant ce serait un jour spécial. En quoi ?
26:28 Impossible d'obtenir une réponse. Heureusement cet ensemble est peu fréquenté, ce qui me permet de
26:36 visiter tranquillement et de tenter quelques enregistrements de voix. Mais gare ! Après le
26:43 désagrément des selfies et celui des gardiens soupçonneux, plane un autre danger. Les singes.
26:50 Agressifs et sans peur, je les ai vus voler dans un restaurant un plastique contenant
26:58 heureusement que des épluchures à une rapidité déconcertante. Il faut alors imaginer ma situation.
27:05 Un œil pour vérifier le cadrage de la caméra, un pour vérifier le niveau du son, un autre pour
27:14 guetter les gardiens et un dernier pour prévenir les attaques des singes. Le tout en essayant
27:20 d'articuler au mieux le texte. Des vacances quoi ! Une fois la visite terminée, direction Alouard.
27:30 Quant au bâtiment principal, il était la propriété privée du Raja. Restait la façade
27:39 arrière du palais qui donne là aussi sur un lac. Mais une fois de plus, une vue a coupé le souffle.
27:46 Surtout lorsque je vis errer le long du lac un cerf en liberté. Il n'y a bien qu'en Inde que l'on
27:58 puisse voir un cerf se promener au beau milieu des gens sans que personne ne semble le remarquer
28:03 particulièrement. Ensuite, je décidai de parcourir tranquillement la vieille ville.
28:09 Je découvris qu'autour du palais principal, le Raja avait fait construire plein d'autres
28:15 bâtiments pour y accueillir très certainement ses hôtes et ses ministres. Mais ces bâtiments
28:22 sont aujourd'hui dans un état pitoyable qui aurait fait sûrement beaucoup de peine à Louis Rousselet.
28:28 31 décembre. Bus pour Jaipur.
28:35 A tout hasard, je choisis un hébergement très bien noté mais doté uniquement de dortoirs.
28:43 Dans cette ville très touristique, les hôtels dignes de ce nom sont très chers.
28:47 A la réception, j'y découvre un monsieur très aimable doté d'une moustache digne des Maharajas.
28:55 De fait, le lieu a été baptisé par lui The Big Moush, Grande Moustache.
29:00 Nous nous mettons à parler de tout et de rien, comme souvent à l'arrivée.
29:05 Lorsqu'il me demande d'évoquer les raisons de mon périple, il m'apprend que son grand-père a été au
29:11 service du Raja de Jaipur pendant toute sa vie et qu'il a tenu un journal représentant plus de
29:16 2000 pages. Lui et son fils sont donc de fins connaisseurs de toute la royauté indienne.
29:22 Et dire que l'on pourrait penser que j'ai choisi cet hôtel par hasard.
29:26 1er janvier, journée semi-break avec une longue promenade dans le central parc de Jaipur,
29:34 photos d'oiseaux au plumage vert et d'un immense drapeau indien flottant au vent.
29:41 2 janvier, visite du célèbre Palais des Vents à la façade photographiée des milliards de fois.
29:53 L'intérieur vide du bâtiment n'a pas réellement d'intérêt, si ce n'est qu'il abrite une belle
30:00 collection de statues anciennes. Mais dans les minces couloirs du palais,
30:04 le problème serait plutôt du genre métro parisien à 6 heures du soir.
30:09 Un monde fou selfies de partout, selon une tradition bien établie maintenant,
30:15 dans tous les monuments indiens. Puis direction du non moins célèbre
30:20 Jantar Mantar, l'observatoire astronomique que le Raja Ram Singh II s'était fait construire.
30:27 Un lieu étonnant, fait de structures immenses dédiées à l'observation du ciel.
30:34 Mais sans l'explication de l'utilité de chacune, la visite reste anecdotique.
30:39 Ensuite, direction le City Palace, à nouveau le métro,
30:45 mais avec des boutiques en plus. Tout ce que j'exècre.
30:49 Impossible de voir, quoi que cela soit, puisque tout est derrière des vitres
30:55 ou interdit de photographier avec un appareil comme le mien.
30:58 Trop professionnel, soit disant.
31:00 3 janvier. Suite des visites avec le très attendu pour moi Amber Fort,
31:08 un palais immense, accroché à la montagne à 5 km de la ville.
31:13 Mais là encore, la déception me guettait. Ce lieu, que j'avais déjà visité librement
31:22 deux fois en son temps, était maintenant sous clé, protégé par des barrières.
31:26 Tourisme de masse oblige. Restaient quelques beaux paysages environnants.
31:35 5, 6 et 7 janvier. Il est étonnant de constater que la courte distance,
31:47 qui sépare Pushkar d'Ajmer, amène pourtant le voyageur dans un tout autre monde.
31:52 Petite cité entourant un grand lac, au lieu de l'hindouisme,
31:58 Pushkar est une ville relativement agréable.
32:02 La présence de tous ces escaliers descendant vers le lac, de tous ces pèlerins, de tous ces
32:11 brahmans fait que l'on se croirait dans un petit Bénarès, avec coucher de soleil et musique en
32:17 garantie. Cette ville offre aussi la possibilité de réaliser de très belles prises de vue,
32:24 tant ces oiseaux volants, ces hommes se baignant et tous ces temples offrent de
32:30 belles images que l'on a envie d'immortaliser. Arrivé là, il me restait un dilemme à trancher.
32:40 Allais-je continuer à m'enfoncer plus avant encore dans le Rajasthan, ou considérais-je
32:46 avoir déjà rempli mon contrat et que prolonger plus avant n'apporterait rien de plus ? Car
32:52 Udaipur, ma prochaine destination, se trouvait à 8 heures de train encore plus au sud,
32:59 soit à presque 20 heures de train de Delhi. Je décide donc de m'arrêter là, d'autant qu'il
33:08 me reste encore Delhi, dont je n'ai rien visité à l'exception de la grande mosquée.
33:12 8 janvier. Retour à Delhi par le train. Arrivée cauchemardesque à la gare de
33:23 Hall City à la nuit tombée. Des véhicules partout, des voyageurs courant dans toutes
33:29 les directions. Aucun panneau, peu de lumière, l'enfer. À un moment tétalisé, je demande
33:36 conseil à un gentil vendeur de cigarettes qui m'indique qu'à 100 mètres de là se
33:40 trouve une entrée de métro. Un repère de civilisation que je maîtrise.
33:46 9 janvier. Changement de date pour mon retour anticipé auprès du guichet Air India. 180
33:58 euros de pénalité, rien que cela. Mais bon, la quille, cela n'a pas de prix. Enfin là si, mais...
34:05 Puis métro jusqu'à la station Kutumb Minar pour visiter un site très ancien,
34:11 contenant une tour élevée au XIe siècle. Le site de Kutumb Minar fait partie d'un
34:18 parc immense à la frontière sud de la ville. Je rentre d'abord dans celle-ci pour y découvrir
34:24 une roseraie. Cernée par les ordures et les cochons en liberté, il est certain que tout
34:31 cela a de quoi surprendre. Le parc abrite d'anciens cénotaphes musulmans, en partie
34:39 ruinés, mais dégageant un certain charme. De loin, j'entrevois la fameuse tour, dont la base
34:49 fait quand même 15 mètres de large. Mais arrivé devant le guichet, je n'ai plus envie de donner
34:54 encore 500 rupees. Je repars donc en métro vers un autre parc. Puis, en fin de journée,
35:02 retour à l'hôtel par un métro disons très très très bondé.
35:06 10 janvier. Visite du fort rouge de Delhi avec les incontournables barrières d'interdiction
35:18 d'entrée dans les monuments et les travaux pharaoniques avec échafaudage qui empêchent
35:23 la moindre photo. Le prix d'entrée, lui, par contre, reste le même. Mais envers qui se plaindre ?
35:30 Dans un hôtel ou ailleurs, on ne sait jamais vraiment qui est responsable tellement il y a
35:36 d'employés, tellement de mouvements de gens qui s'agitent en tous sens. Ensuite, visite en face
35:43 de l'incontournable Shandi Shops, le grand bazar de Old Delhi. Des centaines d'échoppes qui semblent
35:51 à mes yeux proposer les mêmes produits. Sarri, bimbloterie, vieille fausse statue, drapé en tout
35:59 genre, etc. 11 janvier. Métro jusqu'à l'aéroport de Delhi, attente pour le boarding pass, contrôle
36:13 passeport, contrôle bagage. Puis une heure de retard, nouveau contrôle, embarquement, nouveau
36:22 contrôle. Comme si une personne sans passeport ni carte d'embarquement aurait pu s'incimer jusqu'au
36:28 pied de l'avion sans se faire opérer. Mais bon, 8h30 de vol tranquille et débarquement à Paris
36:35 avec une température de 5 degrés. En guise de conclusion, je dirais, très certainement,
36:50 mon dernier voyage en Inde. Tout y est trop, trop de bruit, de pollution, d'agitation,
36:58 de laissé-aller, de fatalisme, et surtout d'êtres humains. Même posément, je n'imagine pas comment
37:07 un pays comme celui-ci peut sortir de la spirale dans laquelle il semble aspiré. Il faudrait faire
37:15 une pause, prendre un recul nécessaire qui semble impossible à mettre en œuvre tant la pression
37:21 sociale est énorme. L'Inde, en tant que démocratie, organise régulièrement des élections d'individus
37:29 censés gouverner le pays. Mais sur le terrain, toute autorité semble absente et totalement
37:35 inopérante. C'est prêcher dans le désert que de chercher ne serait-ce qu'à effleurer le sujet.
37:43 L'avenir nous encontera peut-être bien d'autres encore, et bien plus surprenants, sur cet étrange
37:50 continent indien.
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