Christine Ockrent monte sur scène. L'ex-reine du 20 heures d'Antenne 2 replonge dans l’actualité des années 80 rythmée notamment par la guerre civile au Liban. Cette guerre que Wajdi Mouawad, son metteur en scène, a fui, enfant.
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
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00:00 Le 7 9 30 sur France Inter.
00:06 9h08, Sonia De Villers, votre invitée, a présenté le journal de 20h de 1981 à 1985.
00:13 La deuxième chaîne, Jérôme, réunissait alors 20 millions de Français par jour.
00:19 Cette femme, on l'appelait la Reine Christine.
00:22 Écoutez.
00:23 Bonjour Christine Ockrint.
00:35 J'allais dire Madame Monsieur Bonsoir parce que c'est devenu un tic.
00:39 Dès que j'entends le générique, vous savez, c'est Pavelevien.
00:42 C'est Pavelevien, 40 ans après, ça revient.
00:45 Vous êtes sur scène, Christine Ockrint.
00:48 Vous êtes sur scène au théâtre tous les soirs à Paris, au théâtre de la Colline.
00:52 Vous jouez votre propre rôle dans une pièce qui s'intitule "Mer".
00:56 Jusqu'au 4 juin, vous avez tourné en France, vous avez tourné en Belgique et cette pièce,
01:00 elle continuera de se promener, de traverser le pays.
01:05 On va brièvement expliquer ce dispositif qui paraît quand même très étonnant.
01:09 Vous avez fait beaucoup de choses dans votre carrière.
01:11 C'est la première fois que vous jouez votre propre rôle au théâtre.
01:14 Oui, et un rôle qui évolue parce que c'est tout le talent de Wajdi Mouawad, qui est donc
01:19 dramaturge, metteur en scène, acteur, puisqu'il joue aussi dans la pièce.
01:25 Et c'est en fait sa propre histoire, puisque c'est l'histoire d'une famille libanaise
01:32 qui fuit la guerre du Liban, donc une guerre qui ne s'est jamais arrêtée d'ailleurs.
01:38 Donc à la fin des années 70, années 80, lui est enfant.
01:44 Et d'ailleurs, quand je l'ai croisé ici, à la maison de la radio, dans un couloir
01:49 de France Culture, il s'est arrêté net.
01:52 Il y a trois ans à peu près, il s'est arrêté net et il m'a dit « vous ne pouvez pas savoir
01:55 le rôle que vous avez joué dans ma vie ». Alors aussitôt, il m'a dit « j'étais
01:59 en France », ce qui m'a aussitôt ramené en quelque sorte au siècle dernier.
02:03 Mais enfin, ça c'est un détail.
02:04 Il avait dix ans.
02:05 Il avait dix ans.
02:06 Moi pas.
02:07 Ça c'est sûr.
02:08 Et donc…
02:09 Il vivait dans un petit appartement du 15e arrondissement avec sa mère.
02:13 Il pensait vraiment être arrivé à Paris pour trois mois.
02:15 Ils vont rester trois ans.
02:17 Ils ne vont jamais revenir au Liban en réalité.
02:18 Ils ne vont jamais y retourner et ils restent hantés, à commencer par le personnage de
02:23 la mère qui est admirablement interprétée par une actrice d'origine libanaise qui s'appelle
02:28 Aïda Sabra.
02:29 Une famille hantée par la guerre, qui ne vit qu'à travers la guerre et la hantise
02:35 de la guerre.
02:36 Et c'est l'époque, évidemment, Sonia, où il n'y avait ni téléphone portable,
02:42 ni réseaux sociaux, ni chaîne d'information continue.
02:45 Et où les téléphones fixes fonctionnaient très très mal.
02:48 Et donc la seule source d'information pour cette famille, le père était resté à Béroud.
02:53 Donc c'était l'angoisse quotidienne.
02:56 C'était le 20h.
02:57 Extrait sonore, captation sonore sur scène donc de ce spectacle intitulé "Mère".
03:04 Au Vatican, le pape dans son homélie dominicale s'est dit bouleversé par la destruction
03:11 de la capitale libanaise.
03:12 Le pape s'est dit bouleversé ?
03:13 Le conseil des ministres serait bien...
03:15 Pardon Madame Ockrent ! Mais le Liban ? Quoi d'autre que le Liban ? Tu dois savoir si
03:24 mon mari est encore vivant !
03:26 Voilà, et ce dialogue absolument surréaliste qui s'instaure sur scène entre Christine
03:31 Ockrent qui présente son journal physiquement parce que finalement elle fait partie de la
03:35 vie des Français.
03:36 Vous avez fait partie de la vie des Français.
03:38 Vous étiez l'invité du dîner dans le salon tous les soirs de toute la France à cette
03:42 époque où il n'y avait que trois chaînes et où le 20h était si puissant.
03:46 Et la maman sur scène qui vous demande, qui vous supplie des nouvelles.
03:51 Il faut raconter ce qu'a été pour vous, journaliste français, la couverture de cette
03:57 guerre au Liban.
03:59 Il faut bien se rendre compte qu'à l'époque, on avait inventé l'électricité mais il
04:06 n'y avait pas autant de satellites.
04:08 Et donc les images nous parvenaient très tard, parfois avec une journée de retard
04:15 par rapport aux faits que nous apprenions par l'AFP.
04:18 Donc le contraste, si vous voulez, en 40 ans…
04:23 C'est-à-dire une journée de décalage entre l'arrivée de l'information et l'arrivée
04:28 de l'image.
04:29 Et puis dans le meilleur des cas parce que quand les images de reportages devaient être
04:36 expédiées… Alors là c'était plutôt la fin des années 70 quand on tournait encore
04:42 en film, c'était encore une autre histoire.
04:44 Mais il y avait ce décalage-là et donc d'une certaine manière on avait…
04:49 Et tout allait beaucoup moins vite.
04:51 Aujourd'hui on vit au temps numérique, on est tous là.
04:55 Et pour les journalistes aujourd'hui à qui on demande en reportage de tout faire
04:59 à la fois, de commenter, de filmer, de monter, de diffuser…
05:03 La technologie a pris le dessus en quelque sorte.
05:08 A l'époque ce n'était pas le cas.
05:10 Et donc en rédaction, quand on préparait le journal, on avait d'une certaine manière
05:15 davantage le temps d'essayer d'inscrire un fait dans un contexte.
05:20 Et s'agissant du Liban, qui est une scène très complexe à expliquer en termes…
05:27 disons simplifiés.
05:29 Et c'est toujours le cas.
05:31 On a essayé d'expliquer aujourd'hui ce qui se passe au Liban, où il n'y a pas
05:34 de gouvernement, où il y a M. Frangier qui lui est soutenu par le Hesbona, bref.
05:39 Et c'est toujours la même chose.
05:41 Donc ce décalage-là…
05:43 Regardez la mort tragique d'Armand Soldin en Ukraine pour l'AFP.
05:51 Il était coordinateur vidéo pour l'AFP.
05:55 Ce sont des métiers qui par définition n'existaient pas.
05:59 Et ce décalage-là était d'autant plus important pour nous à Antenne 2 à l'époque
06:07 qu'on a vécu plusieurs épisodes extrêmement douloureux avec des prises d'otages, dont
06:14 celle de Philippe Rochot, notre ami Rochot.
06:17 Alors tout au long du spectacle, vous faites vos lancements, vous êtes sur scène et vous
06:24 lancez les reportages de Philippe Rochot, le correspondant d'Antenne 2.
06:28 Et on entend les reportages de Philippe Rochot.
06:32 Et toute la famille Mouawad se fit familiariser tellement avec ce Philippe Rochot qu'au
06:38 fond c'est à Philippe Rochot qu'il demande des nouvelles de leur père.
06:42 Oui, et quand nous travaillons avec Wajdi sur cette partie-là du spectacle, il y a
06:49 un peu plus de deux ans maintenant, je me suis dit qu'il y a une voix qu'on a envie
06:54 d'entendre quand on parle du Liban de cette époque-là, c'est évidemment Philippe.
06:58 Et donc je l'ai appelé, il nous a fait tout de suite l'amitié d'accepter de faire
07:04 une voix off sur des infos qu'on a évidemment réécrites un peu, mais qui collent à l'actualité
07:13 de l'époque, y compris Sabra et Chatila par exemple.
07:17 Y compris Sabra et Chatila.
07:19 Il y a deux épisodes évidemment très marquants dans l'histoire de la couverture au Liban.
07:24 Vous vous présentiez à l'époque en alternance avec PPDA, avec Patrick Poivre-Darvore, le
07:30 journal Sur Antenne 2.
07:32 Et dans la pièce, c'est vous qui lancez le premier sujet sur Sabra et Chatila.
07:37 Dans la réalité, c'est Patrick Poivre-Darvore qui l'a lancé.
07:40 On a retrouvé son lancement de l'époque.
07:45 Mesdames, Messieurs, bonsoir.
07:47 Paroxysme de la furie des hommes, le Proche-Orient.
07:50 Cet épouvantable massacre dont l'horreur grandissait de minute en minute à mesure
07:54 que nous recevions les dépêches il y a quelques heures.
07:57 Des dizaines, sans doute même des centaines d'assassinats d'hommes, de femmes et d'enfants
08:02 dans deux camps de réfugiés palestiniens à Beyrouth-Ouest.
08:06 Les images que nous avons reçues il y a quelques minutes sont très dures.
08:10 Nous en avons ôté l'insoutenable, mais il fallait que vous soyez prévenus.
08:14 Voici donc le récit d'un massacre la nuit dernière.
08:17 C'était le 18 septembre 1982 sur Antenne 2.
08:21 Vous-même vous reprenez dans ce lancement imaginaire que vous faites sur scène
08:25 l'idée qu'il y a eu conférence de rédaction, que vous vous êtes posé la question
08:29 « est-ce que ces images, on les diffuse ou pas ? »
08:32 Bien sûr, mais ce sont des questions que toutes les rédactions se posent.
08:36 Et d'ailleurs il est intéressant que dans son lancement, Patrick emploie le mot « dépêche ».
08:43 On a reçu les « dépêches », on n'a pas reçu les « images ».
08:47 Aujourd'hui on reçoit d'abord les images.
08:50 Une image chasse l'autre, l'image crée l'émotion,
08:53 mais rend plus difficile d'une certaine manière cette mise en contexte
08:57 qui me semble toujours essentielle quand il s'agit d'essayer de rendre compte
09:04 de la réalité auprès d'un vaste public.
09:07 Et puis l'autre événement extrêmement traumatisant dont toute la France se souvient,
09:12 évidemment les journalistes, mais aussi les téléspectateurs,
09:18 c'était ça tous les soirs avant le JT de 20h.
09:22 « Aujourd'hui, samedi 29 mars 1986, les otages français détenus au Luban,
09:26 Marcel Carton, Marcel Fontaine, Michel Serra, Jean-Paul Kaufmann
09:29 et l'équipe d'antenne 2, Philippe Rochot, Georges Ancène, Jean-Louis Normandin,
09:33 Aurel Cornea, n'ont toujours pas été libérés. »
09:36 Les prises d'otages commencent en 82.
09:39 Et puis il y aura Fontaine et Carton.
09:43 Et puis il y aura Serra.
09:45 Et puis viendront les journalistes d'antenne 2.
09:48 Oui, et donc j'avais eu l'idée de faire figurer en bandeau sur l'image le nombre de jours.
10:01 J'avais assez longtemps travaillé pour la télévision américaine avant de rentrer en France.
10:07 Vous avez travaillé pour CBS.
10:09 Et notamment beaucoup pour Liban.
10:11 C'est un pays qui m'est cher à plus d'un titre.
10:14 Vous aviez été en reportage ?
10:16 J'avais été souvent en reportage.
10:19 Et puis c'était à l'époque, si j'ose dire, le Liban heureux.
10:23 Les années 70 n'avaient rien à voir, hélas, avec ce pays en lambeau
10:29 que l'on voit en pleine agonie aujourd'hui tous les jours.
10:33 Mais cette idée du décompte, c'est ce que les chaînes américaines avaient adopté à l'époque
10:39 pour les prisonniers américains au sein de leur ambassade à Teheran.
10:44 Ce qui nous renvoie encore à une époque plus lointaine.
10:48 Mais pour en revenir à Philippe Rochon, j'insiste sur lui
10:52 parce qu'avec une extraordinaire simplicité, qui est je crois la marque de son tempérament,
11:00 d'abord il a surmonté cette épreuve quand même épouvantable
11:04 et il a continué à faire son métier.
11:06 Il a continué à faire son métier et il sera récompensé d'un prix Albert Londres
11:12 pour l'ensemble de son travail au Liban.
11:15 Et on peut préciser aussi qu'il a été le correspondant de Radio France.
11:18 Il a travaillé pour France Inter avant de travailler pour Antenne 2 au Liban.
11:22 Ah ben c'est sûrement pour ça qu'il est remarquable.
11:26 Et ils seront progressivement, tous les otages français au Liban,
11:31 ils seront progressivement libérés en 88.
11:35 Donc c'est des prises d'otages qui se sont égrénées en 82 et 86
11:40 et progressivement libérées en 88.
11:42 Mais je crois que ce qu'il faut comprendre, et c'est tout le talent de Ouajdi Mouawad,
11:46 c'est qu'il arrive à reproduire sur scène,
11:50 avec cette friction entre l'époque d'alors et l'époque d'aujourd'hui
11:54 et cette espèce de continuité atroce s'agissant du Liban,
11:58 la manière dont la guerre, dont la violence transpercent la vie des gens.
12:03 Et les gens ne s'en débarrassent jamais.
12:07 Ils vont porter ça toute leur vie.
12:09 Y compris dans les relations au sein d'une famille,
12:12 où il y a une violence, une violence verbale, une violence physique
12:17 entre une mère qui adore ses enfants et qui les gifle.
12:20 Pourquoi ? Parce que la guerre s'exprime aussi dans le 15e arrondissement de Paris,
12:24 des milliers de kilomètres.
12:26 - Il est 9h20, vous écoutez France Inter.
12:28 Ouajdi Mouawad fait revivre en musique aussi sur scène Christine O'Krinte,
12:32 cette époque, avec Michel Fuguin, avec Joe Dassin.
12:34 Nous, on a choisi les Stranglers.
12:37 [Musique]
12:48 Golden brown, texture like sun
12:51 Lays me down, with my mind she runs
12:55 Throughout the night, no need to fight
12:59 Never a frown, with golden brown
13:03 [Musique]
13:07 Every time, just like the last
13:11 On her ship, tight to the mast
13:14 Two distant lands, takes both my hands
13:18 Never a frown, with golden brown
13:22 [Musique]
13:43 Golden brown, fine attemptress
13:47 Through the ages, she's heading west
13:50 From far away, stays for a day
13:54 Never a frown, with golden brown
13:58 [Musique]
14:27 [Musique]
14:56 [Musique]
15:24 Vous replongez dans les années 80, on a choisi avec Jean-Baptiste Audiber
15:27 les Stranglers, Golden Brown.
15:29 L'interview de 9h10, c'est l'équipe qui tue.
15:31 Lucie Lemarchand, Redouane Tella, Grégoire Nicolet et Elisabeth Rouvée.
15:35 Par ailleurs, vous avez entendu il y a quelques semaines à ce micro, un confrère,
15:39 Christophe Nobili, journaliste au Canard Enchaîné,
15:43 qui a dénoncé un emploi fictif qui a coûté fort cher,
15:46 qui a duré très longtemps.
15:48 Depuis, Christophe Nobili a été mis à pied et il a été privé de salaire
15:52 par le Canard Enchaîné.
15:54 Ce dimanche à Paris, à partir de 17h au Théâtre de Jazay,
15:57 il y a une Nuba avec plein d'humoristes, des écrivains très connus,
16:01 des acteurs non moins fameux pour le soutenir.
16:04 C'est totalement gratos, mais il faut prendre son billet
16:07 sur le site du Théâtre de Jazay.
16:10 "Coin coin" comme on dit.
16:12 [Musique]
16:18 - Christine Ockrent est mon invitée pour raconter à la fois ces années de 20h sur Antenne 2.
16:24 Ça a commencé en 1981, c'est des groupes, Christine Ockrent,
16:27 qui vous confient le 20h de Téléfins.
16:30 Vous êtes la première femme titulaire du 20h.
16:33 - Et rédactrice en chef.
16:34 - Et rédactrice en chef.
16:36 Vous faites un petit détour au milieu de vos années de 20h par RTL, par Téléfins.
16:40 Vous revenez au service public, vous revenez au service public
16:43 au moment justement où les otages au Liban sont libérés.
16:47 Ouachdimouad a été extrêmement marqué par votre présence au 20h.
16:51 Il vous remet sur scène pour jouer votre propre rôle.
16:54 On entend un autre extrait de "Mer",
16:57 cette pièce qui joue en ce moment au Théâtre de la Colline.
17:00 Vous en venez à prévenir vos téléspectateurs
17:05 qu'il va falloir parler d'autre chose que de la guerre au Liban.
17:08 - Retour en France.
17:11 Je vous préviens, on va encore parler de la sécurité sociale.
17:15 - Encore ?
17:16 - Vous n'allez pas vous fâcher ?
17:17 - Alors il vaut mieux changer de chaîne.
17:19 - Les nouvelles françaises ne vous intéressent pas ?
17:22 - Pourquoi elles m'intéresseraient ? Je ne suis pas française.
17:25 - Mais enfin vous vivez en France.
17:27 - Et ça pose cette question, ce moment tragique, comique.
17:32 Ça pose une vraie question quand on est dans une rédaction,
17:35 quand on réfléchit au menu d'un 20h,
17:38 mais aussi d'un journal de 8h sur France Inter.
17:41 C'est "Est-ce qu'on parle de la guerre tous les jours ?"
17:44 Et quand la guerre est là, qu'elle se déroule à nos portes,
17:47 que les morts sont quotidiens, que les bombardements sont quotidiens,
17:50 comment fait-on pour passer à autre chose ?
17:53 - Oui, c'est très difficile.
17:55 Et j'imagine que c'est ici même, à France Inter,
18:00 que des questions se posent quotidiennement.
18:03 Mais on voit aussi avec maintenant l'installation
18:07 des chaînes d'information continue,
18:09 les choix rédactionnels qui sont faits.
18:11 Je crois que LCI ne fait que de l'Ukraine, du matin au soir.
18:15 Et s'ils le font, c'est aussi parce qu'en termes d'audience
18:19 et en termes de besoin d'une certaine strata de téléspectateurs,
18:26 ça correspond à... c'est utile et c'est payant.
18:31 D'autres chaînes ne font pas ce choix-là.
18:34 Et s'agissant de cette guerre d'Ukraine,
18:37 qui a été maintenant depuis... c'est hallucinant, depuis 14 mois,
18:42 faut-il en parler tous les jours ?
18:45 Oui, c'est difficile.
18:47 Mais à l'époque, encore une fois,
18:49 et s'agissant d'événements lointains
18:54 et qui nous parviennent, avec cette distanciation,
18:57 on n'a pas d'image.
18:58 À un moment donné, oui, 3 ans, 4 ans après,
19:02 et cette mère de famille libanaise
19:05 qui continue de vivre dans la hantise de la guerre
19:07 avec son mari qui reste à Beyrouth,
19:10 elle me dit "mais comment vous parlez tout le temps de la Pologne ?"
19:13 Bah oui, la Pologne, c'était Solier-Darnoche,
19:16 c'était Valéza, c'était ce qui nous préoccupait à l'époque.
19:20 Elle dit "mais encore la Pologne ?"
19:23 Et donc, il y a évidemment...
19:25 Et ça pose aussi la question de la place de l'international
19:28 et de la place de l'information étrangère
19:31 au sein de l'information française.
19:32 Et ça c'est une question qui reste posée, me semble-t-il,
19:35 dans les rédactions en France.
19:37 Absolument.
19:38 Absolument.
19:39 Enfin, comme j'ai la chance, moi, d'animer une émission sur France Culture
19:43 qui s'appelle "Affaires étrangères".
19:44 Tous les samedis !
19:45 Je ne voudrais pas te dévoiler la fin de la pièce
19:48 qui est extrêmement émouvante.
19:50 Et d'ailleurs, Ouachdimouad, en introduction, dira
19:53 "vous savez, je n'ai plus pleuré depuis la mort de ma mère, il y a 35 ans".
20:00 Et à la fin de la pièce, il fait dire à Christine Ockrend
20:04 quelques mots sur sa propre mère.
20:06 Je ne dis pas lesquels et je ne dis pas pourquoi.
20:08 Et il vous fait dire des phrases qui sont vraiment très belles.
20:12 Il vous fait dire "il suffit toujours de raconter,
20:15 aucune vie n'est anonyme".
20:17 Et je trouve ça très émouvant parce que ça nous fait réfléchir,
20:21 nous, spectateurs de théâtre et téléspectateurs de télévision,
20:24 à ce qu'on appelle les Libanais, les Palestiniens,
20:27 les réfugiés, les migrants, les morts, les Français, les blessés.
20:31 Il y a une forme de déshumanisation aussi.
20:34 Quand on raconte la vie de ces exilés,
20:37 de ces gens arrachés à leur pays ou meurtris par la guerre,
20:40 on les raconte en masse et on perd les destins individuels.
20:43 C'est ça aussi une question que se pose l'Info au 20h.
20:47 C'est juste et pas seulement au 20h,
20:49 mais regardez ce qui se passe avec l'Ukraine.
20:51 Il me semble que dans la manière dont on couvre cette guerre atroce,
20:55 on s'intéresse bien davantage qu'autrefois
21:00 justement au parcours des gens.
21:04 - Singulier.
21:05 - Au parcours singulier, ces histoires d'enfants.
21:08 Les reportages de Florence Aubinat pour Le Monde
21:12 sur la manière dont à Kherson,
21:15 ces enfants sont cachés par une petite équipe de...
21:20 Il me semble que l'individualisation existe aussi aujourd'hui
21:27 bien davantage dans la manière dont on couvre l'Info.
21:30 Et les reportages radio, souvent commencent par une voix,
21:35 une histoire, un destin.
21:38 - On aura compris que de l'Info, vous continuez d'en dévorer tous les jours.
21:42 Merci beaucoup Christine Ockrent.
21:44 La pièce Mère se joue au Théâtre de la Colline à Paris
21:47 dans le XXème arrondissement jusqu'au 4 juin
21:49 et ensuite elle continuera de se promener à travers la France.
21:52 On vous retrouve samedi à 11h pour Affaires étrangères sur France Culture.
21:57 Et puis si on veut vous lire, Christine Ockrent,
21:59 il y a L'Empereur et les milliardaires rouges,
22:02 L'Empereur et les milliardaires rouges,
22:04 votre dernier ouvrage qui est paru aux éditions de l'Observatoire.
22:07 - Oui, alors là c'est un tout autre univers.
22:09 - Absolument.
22:10 - Il s'agit de la Chine.
22:11 - Exactement.
22:12 - Merci à toutes les deux.
22:13 Merci Sonia De Villers.