L'édito de Mathieu Bock-Côté : «Profs/Universitaires : La loi du bâillon ?»

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Dans son édito du 09/05/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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Transcript
00:00 l'histoire assez intéressante qui touche deux personnes, René Chiche et Franklin Niyamsi.
00:04 J'espère ne pas avoir mal prononcé son nom.
00:06 Qu'est-ce qu'on leur reproche?
00:07 Au premier, le plus connu, je crois, c'est René Chiche,
00:09 qui est très présent sur les réseaux sociaux
00:12 et qui faisait partie au moment de la pandémie,
00:16 des gens qui étaient très sceptiques sur les mesures sanitaires
00:19 et qui les dénonçaient avec une vigueur peut-être exagérée
00:21 dans les comparaisons historiques qu'ils proposaient.
00:24 Je ne donne pas de détails, vous allez vous comprendre pourquoi.
00:26 Ensuite, dans le cadre de Franklin Niyamsi, il se prononce beaucoup
00:30 sur la question de la France d'Afrique, la politique étrangère de la France, etc.
00:33 Vous me direz, mais quels propos ont-ils tenus?
00:36 Et je distinguerais tout de suite deux questions.
00:38 Nous sommes ici devant deux professeurs, des professeurs qui, à ce qu'on en sait,
00:42 à ce qu'on en sait, n'ont pas tenu les propos qu'on leur reproche
00:45 dans leur salle de classe.
00:47 Donc lorsqu'ils sont en classe, lorsqu'ils sont devant leurs élèves,
00:50 lorsqu'ils sont devant leurs étudiants, ils s'en tiennent à leur matière.
00:54 Lorsqu'ils sortent de leur salle de classe, ils redeviennent, comme vous,
00:58 comme moi, des citoyens comme les autres.
01:00 Et on peut deviner que s'ils sont professeurs,
01:02 ils ont une vocation intellectuelle même plus affirmée.
01:04 Et là, parce que leurs propos outrepassent ce qu'on pourrait appeler
01:08 une forme de consensus médiatiquement acceptable à certains moments,
01:11 notamment sur la COVID ou là sur la politique étrangère.
01:14 Qu'est-ce qu'on leur reproche?
01:15 On dit vous avez outrepassé votre devoir de réserve.
01:18 Mais la question de savoir si lorsqu'on sort de sa salle de classe
01:22 et qu'on est enseignant, lorsqu'on sort de sa salle de classe,
01:24 est-ce qu'on doit continuer de se comporter comme si on était devant ses élèves
01:28 avec le vrai devoir de réserve qui s'applique?
01:30 Je déteste, quant à moi, si vous pouvez l'imaginer,
01:33 à quel point je déteste les professeurs qui profitent de leur fonction
01:36 pour endoctriner.
01:37 Quelle que soit la cause, je déteste ceux qui endoctrinent à l'école.
01:40 Mais lorsque vous sortez de votre salle de classe,
01:42 est-ce qu'on peut toujours vous reprocher d'endoctriner
01:45 ou est-ce que vous ne retrouvez pas votre liberté de citoyen?
01:47 Donc dans cette histoire, cette histoire toute simple,
01:50 la question qui se pose, ce n'est pas est-ce qu'on est d'accord ou non
01:52 avec les propos des deux professeurs.
01:54 C'est une question secondaire.
01:55 La question de savoir si un professeur peut ou non,
01:58 lorsqu'il sort de sa salle de classe, parler librement,
02:00 René Chiche et Franklin Yamsi ne sont pas dans cette possibilité.
02:04 Mais vous me permettrez de vous parler d'un troisième cas un peu différent,
02:07 mais qui nous touche d'une censure sous un autre visage.
02:10 Alors justement, ça nous intéresse, c'est quoi ça?
02:12 Quel est ce troisième cas?
02:13 On a déjà parlé ici de Florence Bergeau-Blacklare.
02:16 C'est une chercheure du CNRS, si je ne me trompe pas,
02:19 qui est spécialiste de l'islam, de l'islamisme
02:23 et qui vient de publier un livre majeur sur le frérisme.
02:25 Globalement, l'idéologie des frères musulmans et apparentés.
02:28 Pour ce livre, elle est régulièrement dénoncée en ce moment.
02:32 - On voit ici son livre.
02:34 - Ah oui, je l'ai lu, c'est un livre tout à fait remarquable.
02:36 Pour ce livre, elle est régulièrement dénoncée.
02:39 Il y a une campagne de diffamation dans la presse,
02:41 où on attaque sa crédibilité,
02:44 où on attaque la légitimité de ses recherches,
02:46 où on la présente comme une polémique sans envergure,
02:48 où on cherche finalement à la tuer socialement.
02:51 Elle reçoit aussi des menaces, des menaces de mort.
02:54 C'est plutôt désagréable quand les islamistes font des menaces de mort.
02:56 Normalement, ça peut mal se finir.
02:57 Donc, elle reçoit de telles menaces.
02:59 Elle était invitée par la Sorbonne à faire une conférence
03:03 autour de son livre, autour de ses thèmes.
03:05 Elle publie le tweet suivant.
03:07 "On m'informe que la doyenne de la faculté de lettres de la Sorbonne
03:10 a demandé la suspension de ma conférence sur le frérisme,
03:14 qui devait se tenir le 12 mai, pour des raisons de sécurité.
03:17 Elle ne m'a pas contacté.
03:19 Il n'y a pourtant eu aucune manifestation contre l'événement."
03:22 Et là, c'est absolument fondamental, ce qui se passe ici.
03:24 Parce que c'est la nouvelle méthode utilisée pour la censure.
03:27 Qu'est-ce qu'on dit?
03:29 On voudrait bien vous accueillir, mais la sécurité, on ne peut pas vous l'assurer.
03:32 Donc, puisqu'on ne peut pas vous assurer la sécurité,
03:34 et que ça remet en question la sécurité de l'ensemble des gens
03:36 qui fréquentent cet établissement,
03:39 nous devons vous annuler.
03:41 C'est arrivé, si je ne me trompe pas, à Geoffroy Lejeune,
03:43 à Sciences Po Nice, si je ne me trompe pas,
03:45 ou à l'Île, pardon.
03:46 Donc, on dit qu'on ne peut pas assurer votre sécurité.
03:48 Il y a deux choses qui sont présentes ici.
03:50 Soit c'est vrai, il y a des menaces.
03:52 Et dans ce cas-là, c'est le rôle,
03:53 à moins qu'on ne soit plus dans une société libérale,
03:56 ou dans une république,
03:57 c'est le rôle des autorités d'assurer la sécurité de chacun,
04:01 et de ne pas laisser les intimidateurs,
04:02 de ne pas laisser ceux qui menacent,
04:04 être capables de faire une telle pression sur l'institution
04:07 qu'elle se couche parce qu'elle a peur.
04:09 Ou alors, ces menaces sont plus ou moins fantasmées,
04:11 et l'institution en profite parce qu'elle ne veut pas de controverses,
04:14 pas de vagues, comme on dit,
04:15 parce qu'elle ne veut pas s'associer à une figure
04:18 que les médias de gauche ont jugé controversée.
04:20 Les médias de gauche, dès que vous n'êtes pas d'accord avec eux,
04:22 vous êtes controversés.
04:23 Quelquefois, vous êtes controversés sans même le savoir.
04:25 Ils vous le disent comme ça,
04:25 c'est une manière de vous coller une étiquette d'infréquentabilité.
04:28 Ils sont spécialistes là-dedans.
04:29 On l'a vu aussi dans l'Ibé.
04:30 Alors, quoi qu'il en soit,
04:31 c'est la nouvelle manière de censurer quelqu'un.
04:33 Et là, on dit, on ne peut pas vous éviter.
04:36 Question de sécurité.
04:37 Moi, j'ai une question toute simple.
04:38 C'est accordé, si je peux me permettre, en un dernier mot,
04:40 un pouvoir de censure immense aux intimidateurs,
04:43 aux violents, aux radicaux,
04:44 qu'il suffit qu'ils fassent une menace
04:46 pour que finalement l'institution se couche
04:48 et annule les conférences controversées.
04:50 Quant à moi, je ferais un appel.
04:51 C'est à mon tour de faire un appel.
04:52 Un appel à Papandyaï.
04:54 J'espère que Papandyaï,
04:55 qui est un homme qui tient à la liberté d'expression,
04:56 je n'en doute pas,
04:57 qui tient à la liberté d'expression de ses chercheurs,
04:59 je n'en doute pas,
05:00 qu'il va se porter à la défense de Florence Bergeau-Blacklare
05:02 en disant, je me porte à votre défense,
05:04 votre conférence sera assurée,
05:06 votre sécurité sera assurée.
05:07 Et ceux qui cherchent à vous faire taire,
05:09 c'est à eux de craindre pour leur situation
05:11 parce que ce sont des intimidateurs.
05:13 On n'accepte pas la loi de l'intimidation.
05:15 En République, je suis persuadé que Papandyaï
05:17 entendra cet appel et se portera à la défense
05:19 de cette chercheure qui pourra, je l'espère,
05:20 faire sa conférence en Sorbonne.
05:22 [Musique]
05:26 [SILENCE]

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