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L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 5 Mai 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

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Transcription
00:00 *Musique*
00:04 Les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Et l'on va parler du cinéma populaire français.
00:09 Bonjour Daniel Thomson.
00:11 Bonjour.
00:12 De vos débuts de scénariste pour La Grande Vadrouille,
00:15 à vos débuts en tant que réalisatrice à la télévision pour la série Bardo
00:20 qui sera diffusée à partir de lundi, vous règnez en quelque sorte,
00:24 sur le cinéma populaire Bardo.
00:27 C'est donc une série qui sera diffusée,
00:30 qui évoque la première partie de la vie de Bardo
00:35 et qui débute par un casting.
00:37 On va entendre un extrait de cette série avec la découverte de Bardo.
00:42 Et sur cette photo, vous avez quel âge ?
00:48 14 ans et demi.
00:50 Maintenant, j'ai 15 ans.
00:52 C'est mon amie, Madame de la Vie Duchée.
00:53 Vous la connaissez ?
00:54 Bref, elle a servi d'intermédiaire.
00:57 Au début, nous avions dit non.
00:58 Ma fille, mannequin.
01:00 Mais elle n'a pas été payée.
01:01 Et c'est en tant que jeune fille du monde,
01:03 et avec son nom sur la photo, enfin sous la photo.
01:06 Bref, nous avons fini par accepter.
01:07 Mon mari était contre, mais Brigitte a tellement insisté.
01:11 Vous voulez barber, maman ?
01:13 C'est mon assistant, Vadim, qui m'a montré ces photos.
01:17 J'ai voulu vous rencontrer, Brigitte,
01:18 même si vous êtes un peu jeune pour le rôle.
01:21 Quel genre de rôle ?
01:22 Je recherche une jeune fille un peu particulière.
01:25 Jolie, mais avec quelque chose de plus...
01:30 Comment tu la décrirais, toi, Vadim ?
01:32 C'est Vadim qui a écrit le scénario.
01:33 Ah bon ?
01:34 Inattendue.
01:41 Imprévisible.
01:43 Une fausse candeur, peut-être.
01:46 Un peu femme-enfant.
01:48 Enfant, certes, mais femme, on en est encore loin.
01:51 Et puis Brigitte n'a aucune expérience.
01:54 C'est ça qui m'intéresse.
01:55 Un extrait de Bardot, cette série que vous avez réalisée
01:59 en compagnie de votre fils Christopher Thompson,
02:02 Daniel Thompson, Brigitte Bardot.
02:04 Dans cet extrait, à 15 ans, elle rencontre
02:06 Marc Allégret et un certain Roger Vadim.
02:09 Qu'est-ce qu'elle avait de plus que les autres, Bardot ?
02:13 Il est certain que dès ce très jeune âge,
02:16 elle intriguait les gens qui la rencontraient.
02:21 D'abord, elle était ravissante,
02:22 mais il y avait effectivement quelque chose de plus.
02:25 Parce que ce n'est pas une beauté classique,
02:27 et pourtant, c'est une beauté fracassante.
02:29 Et donc, je pense que ce qu'on a essayé de montrer,
02:34 justement, dans cette rencontre,
02:35 et puis plus tard aussi dans la rencontre avec son futur agent,
02:38 Olga Oerstig, les gens sont fascinés
02:41 devant cette espèce de présence, un petit peu comme un chat.
02:46 Et il y a quelque chose de très sensuel et de mystérieux
02:51 chez cette petite fille à l'époque déjà,
02:53 puisque c'est encore une petite fille.
02:55 C'est ça qui nous a beaucoup intéressés
02:56 dans le début de cette aventure.
03:00 Et voilà, il y a quelque chose déjà qui est un mystère.
03:05 Il faut pas le rester.
03:06 Quelque chose d'étonnant entre à la fois
03:08 la pression du milieu bourgeois très contraint dont elle vient
03:11 et cette forme de liberté, d'audace, de culot
03:15 et dont elle fait preuve.
03:18 Oui, il y a cette éducation d'une famille bourgeoise
03:22 des beaux quartiers de Paris,
03:25 avec une éducation très stricte
03:27 qui d'ailleurs ressemble quand même beaucoup à l'éducation de l'époque.
03:30 Parce que j'entends beaucoup dire que ça se passe dans les années 60.
03:33 Pas du tout, ça se passe dans les années 50.
03:35 Et c'est très important parce que c'est justement dans les années 60,
03:39 le monde entier va un petit peu exploser,
03:42 notamment tous ces principes d'éducation.
03:45 Mais pas dans les années 50.
03:46 Dans les années 50, on est encore dans le...
03:49 Oui, enfin, les parents ont une autorité absolue.
03:53 Il y a des punitions corporelles qui sont totalement admises.
03:58 Et d'ailleurs, Brigitte Bardot raconte que...
04:02 C'est pas une enfant martyr du tout,
04:04 mais elle a effectivement été la victime, si j'ose dire,
04:10 de l'éducation de l'époque.
04:12 Et on a l'impression en tous les cas qu'elle a filé doux
04:18 pendant très longtemps et que tout à coup,
04:21 la rencontre avec ce jeune homme de 21 ans
04:25 et cette passion amoureuse qui se déclenche
04:30 comme à 15 ans quand on...
04:32 D'ailleurs, on tombe amoureux d'une vedette du cinéma
04:35 et on met les photos partout.
04:36 Mais là, il est bien réel
04:39 et ça se concrétise très, très, très vite.
04:42 Et ça, c'est quand même effectivement très audacieux
04:45 pour l'époque et pour ce milieu.
04:46 - Vous avez décidé, donc, dans cette série,
04:49 d'évoquer la vie de Bardot jusque dans les années 1960.
04:53 Pourquoi avoir pris cette période, Daniel Thomson ?
04:56 - Ça s'est fait de manière un peu instinctive.
05:02 C'est-à-dire qu'au départ, cette idée étant
05:04 l'idée de notre producteur, Pascal Breton.
05:07 On en a parlé donc tous les deux et Christopher,
05:10 avec lequel je travaille sur mes scénarios
05:12 depuis de nombreuses années.
05:14 Et on était un petit peu perplexes.
05:18 Et en fait, la vraie question, c'était,
05:21 est-ce que c'est passionnant ?
05:23 Parce que c'est ça le nerf de la guerre
05:26 d'une histoire comme celle-ci.
05:28 Est-ce que tout à coup, c'est une petite musique
05:31 avec effectivement le côté un petit peu feuilletonnesque
05:35 ou est-ce qu'il y a à l'intérieur de ça
05:38 quelque chose de tout à fait différent
05:40 de ce qu'on sait, en fait ?
05:43 Parce que c'est un personnage très célèbre
05:45 dans le monde entier.
05:47 Peut-être moins avec la jeune génération,
05:48 mais justement, j'espère qu'ils vont découvrir
05:51 ce phénomène incroyable qui est très intéressant
05:55 à raconter justement aujourd'hui,
05:56 parce qu'aujourd'hui, tout le monde est célèbre en un clic.
06:00 Et qu'à l'époque, elle a été la seule
06:02 qui a à la fois provoqué et subi
06:07 cet efferlement mondial.
06:09 Justement, parce que ça aussi, il faut le rappeler.
06:12 Cette série le rappelle.
06:13 Bardot, c'est à la fois une popularité,
06:16 une célébrité dans la France tout entière
06:19 et aussi une célébrité parmi les intellectuels.
06:23 Elle donne un pensée.
06:24 On écoute un second extrait de cette série.
06:26 - Cher Brigitte, d'abord, merci de m'accorder une interview
06:30 pendant vos vacances tropésiennes.
06:32 Savez-vous que vous êtes devenue un personnage très littéraire ?
06:34 - Ah bon ? - Oui.
06:35 - Je savais pas.
06:36 - Si, Marguerite Duras parle de vous.
06:38 - Marguerite Duras parle de moi ?
06:40 - Elle dit que vous êtes l'incarnation de la femme française,
06:42 que vous êtes la plus grande célébrité cinématographique du monde.
06:46 - C'est gentil.
06:48 - Elle dit aussi que vous êtes une dangereuse femme enfant
06:50 qui menace tous les mariages.
06:51 D'autres disent de vous que vous êtes indécente.
06:53 - Je ne suis pas indécente.
06:55 Je suis comme toutes les filles qu'on croise dans la rue.
06:57 - Parce que toutes les filles qu'on croise dans la rue
06:58 veulent vous ressembler.
06:59 - Les autres actrices portent des bijoux,
07:01 des tenues magnifiques.
07:03 Elles se déguisent en femmes fatales.
07:05 Moi, il suffit de mettre une robe toute simple,
07:07 de marcher pieds nus et de se coiffer n'importe comment
07:10 pour me ressembler.
07:12 - Roland Barthes dit de vous,
07:13 elle n'est pas licencieuse, elle est indécente.
07:15 Qu'en pensez-vous ?
07:17 - Libérée, oui.
07:18 Mais libre, non.
07:19 Je ne peux plus aller au cinéma, ni au restaurant.
07:23 Les gens pensent que je leur appartiens.
07:25 La presse aussi.
07:26 Parfois, j'ai l'impression d'être
07:28 comme un livre ouvert, écrit par tous.
07:31 - Raoul Lévy dit que vous rapportez plus de devises à la France
07:34 que la régie Renaud.
07:35 - Ben ça, on va le demander au général de Gaulle.
07:38 - Daniel Thompson, un commentaire sur cette femme
07:42 qui a fasciné la France,
07:45 qui a fasciné les intellectuels,
07:47 bref, qui était une forme de totem pour,
07:50 précisément, cette France des années 50 et 60.
07:53 - Alors, c'est un...
07:57 J'aime bien cet extrait parce que ça montre aussi
08:00 une sorte de candeur et de naturel
08:03 qu'elle avait en elle et qui était très, très désarmant.
08:06 Quand elle parle des autres actrices et qu'elle dit
08:09 qu'elle se déguise en femme fatale,
08:11 eh bien, justement, elle, elle ne s'est pas déguisée.
08:13 Elle a...
08:15 Elle a...
08:17 Pour ce film, le fameux "Édio créa la femme"
08:20 de son mari, puisqu'elle se marie à 18 ans avec
08:24 ce grand amour qui est déjà dur depuis trois ans.
08:28 Donc, c'est déjà un vieux couple quand elle se marie avec Vadim.
08:32 Et il écrit ce film avec ce fameux Raoul Lévi,
08:35 dont nous parlerons plus tard et qui est un personnage fascinant.
08:38 Il écrit ce film "Édio créa la femme" et le personnage féminin
08:41 est complètement inspiré par sa propre femme.
08:44 C'est-à-dire qu'il se nourrit de cette liberté,
08:47 de cette légèreté, de cette...
08:51 de cette forme de...
08:55 de révolte, d'une certaine manière, justement, par rapport à cette éducation
08:59 et par rapport, d'ailleurs, à la France grise de l'après-guerre,
09:02 où elle affiche un coup de pied incroyable dans cette...
09:07 dans ces traditions encore très 19e siècle,
09:11 et notamment, d'ailleurs, la condition des femmes.
09:13 Donc, il est fasciné par elle.
09:14 Il est très amoureux d'elle et elle est très amoureuse de lui.
09:17 Et il écrit ce film qui, d'ailleurs, va être
09:20 une condamnation à mort de son couple.
09:22 Ça, ça fait partie de... - Pourquoi ?
09:24 - Bien parce qu'il y a cette situation incroyablement ambiguë
09:27 qu'il met en scène, ce jeune couple qui vont tomber amoureux l'un de l'autre
09:32 dans l'histoire qu'il a lui-même inventée.
09:37 Et puis, il est donc comme un metteur en scène sur un plateau.
09:40 C'est ce qu'on voit, d'ailleurs, dans cet épisode 2
09:43 qui a été tourné par Christopher Thompson.
09:46 Elle...
09:48 elle tombe amoureuse devant ses yeux et d'une certaine manière,
09:50 elle est obligée d'encourager cette manière de jouer
09:54 qui devient devant ses yeux une manière de ne plus jouer
09:58 et de devenir la réalité.
10:00 Et ça, c'est un moment incroyablement
10:06 bizarre, manifestement, et très triste pour lui.
10:08 En même temps, il est en train de faire un beau film.
10:10 - C'est une forme de tragique amoureux.
10:12 Et finalement, ce que vous racontez dans cette série,
10:14 c'est aussi la manière dont l'amour s'est décliné pour elle, Brigitte Bardot,
10:19 de manière tragique, avec d'autres personnages célèbres,
10:23 mais aussi avec une sorte de malheur presque systématique.
10:30 - Alors, je ne pense pas que c'est tragique non plus,
10:32 parce que c'est quand même une vie, un destin incroyable.
10:38 Et finalement, quand même, avec des grands moments joyeux
10:42 et une réussite, si on peut qualifier ce mot,
10:49 c'est toujours ambigu.
10:50 Mais en fait, il se passe une chose très étrange.
10:55 Elle a fait 17 films, elle a tourné 17 films avant "Dieu crée la femme",
10:59 des petits rôles et puis des rôles plus importants.
11:01 Elle a commencé d'ailleurs une jolie carrière en Angleterre avec Dirk Bogarde,
11:06 vous savez, le fameux acteur anglais qui tournait à l'époque des comédies
11:13 et dont elle était l'héroïne.
11:15 Donc, elle existe, elle est ce qu'on appelle une starlette.
11:19 Et ça pouvait très, très bien devenir une vie d'actrice qui réussit bien,
11:27 qui gagne bien sa vie, qui est connue.
11:29 Enfin, c'est le rêve de milliers de jeunes filles.
11:31 Et puis, ça ne se passe pas comme ça, parce que "Dieu crée la femme"
11:34 qui sort en France et qui d'ailleurs ne révolutionne pas les populations,
11:38 il y a de très mauvaises critiques.
11:39 Il y a un jeune critique qui dit que c'est formidable,
11:42 qui s'appelle François Truffaut.
11:44 Mais les autres, franchement, écrivent des choses très insultantes sur lui,
11:51 sur le fait que justement, c'est indécent de montrer sa propre femme
11:55 dans une vision comme ça, érotique.
12:02 Et puis, elle, vulgaire, inculte, ne sachant ni parler, ni jouer.
12:07 Enfin, vraiment des choses dures.
12:08 Et puis, le fameux Raoul Lévy prend ses bobines de film,
12:12 part pour les États-Unis, montre ça au fameux producteur
12:17 qui est la tête de la Columbia, qui s'appelle M. Arthur Ghosn.
12:21 Il lui montre des bobines du film et cet homme est fasciné, lui aussi,
12:27 à la vision de cette jeune fille incensée sur l'écran.
12:31 Et il va faire une chose qui n'avait jamais existé avant,
12:33 il va sortir ce film dans les grandes villes américaines.
12:36 Et là, vraiment pratiquement du jour au lendemain,
12:39 enfin, ça dure quelques semaines,
12:42 il y a une déferlante mondiale qui suit cette nouvelle projection.
12:48 Il y a des articles partout, les preachers dans toutes les églises
12:53 se révoltent contre le film, interdisent à leurs oies d'aller voir le film.
12:57 Évidemment, tout le monde y va quand même.
12:59 Ça devient une espèce de phénomène.
13:01 Il y a beaucoup, beaucoup d'archives là-dessus,
13:03 avec des queues immenses devant les cinémas.
13:06 Et puis, ça part dans le monde entier.
13:09 Et là, vraiment, la vie de cette femme va changer
13:13 parce que cette magnifique aventure va se transformer
13:16 quand même en une sorte de prison mondiale.
13:19 - Il faut qu'on parle de Raoul Lévy, personnage que j'ai découvert
13:22 grâce à votre série, joué par Yvan Attal, producteur de Bardot,
13:27 lui aussi doté d'un destin, je vais dire, là aussi tragique.
13:32 - Lui, vraiment tragique, parce que c'est un personnage qui,
13:37 dans l'avenir, nous n'allons pas jusque là puisqu'on s'arrête en 1960,
13:41 mais il finira effectivement par se suicider dans des conditions tragiques
13:45 à Saint-Tropez, d'ailleurs, encore une fois, on se retrouve
13:48 dans cette région dont on parlera plus tard.
13:51 Mais c'était quelqu'un que j'ai rencontré quand j'étais enfant,
13:55 puisque mon père a travaillé pour lui.
13:57 - Votre père Gérard Aury.
13:59 - Votre père Gérard Aury, qui était en train de changer un peu de métier
14:03 de comédien et de passer à l'écriture de scénarios,
14:07 puis plus tard à la réalisation.
14:09 Mais cet homme était un juif d'anvers,
14:15 personnage effectivement, comme vous le disiez, très romanesque, très séduisant.
14:21 Il était plus âgé que toute cette bande, parce que ce qu'il faut souligner,
14:24 c'est que notre série, c'est l'histoire de gens qui ont entre 20 et 23, 24 ans,
14:29 qui sont donc Brigitte et les hommes de sa vie.
14:33 Et puis, il y a les vieux, mais les vieux, ils ne sont pas si vieux que ça.
14:38 Ils ont 35, 40 ans.
14:39 Donc, c'est les parents et c'est Raoul Lévy et c'est son agent, etc.
14:43 Donc, Raoul Lévy est un véritable aventurier du cinéma,
14:48 comme d'ailleurs l'étaient les grands producteurs de l'époque,
14:51 parce qu'on est dans une autre histoire du cinéma,
14:56 qui est que ces gens-là risquaient leur vie, leur argent, leur peau.
15:00 Il n'y avait pas de financement comme il y a aujourd'hui.
15:03 Et les aventures des films, ils en ressortaient très souvent ruinées.
15:08 Et c'est ce qui est finalement arrivé à Raoul Lévy.
15:10 Mais lui aussi, il flash quand il voit cette fille.
15:15 Et il est intéressé par ce scénario qu'il va d'ailleurs finir par coécrire avec Vadim,
15:23 "Dieu crée à la femme".
15:24 Et il est fasciné par cette jeune fille, par ce qu'elle dégage.
15:31 Et il dit "Banco", et il va en effet produire ce premier film.
15:35 Puis ensuite, plusieurs films magnifiques, dont bien sûr "En cas de malheur".
15:43 - "En cas de malheur" avec Gabin, ça aussi c'est une rencontre étonnante.
15:48 Bardot et Gabin ?
15:50 - Alors Bardot-Gabin, elle est très intimidée.
15:54 Gabin, c'est un monument à l'époque.
15:57 Et puis la réputation de ne pas être un tendre non plus.
16:01 Et en fait, il y a une anecdote d'ailleurs magnifique,
16:07 qui est qu'elle est très intimidée sur le tournage avec lui,
16:12 et dans les premiers jours de tournage,
16:15 première prise, elle se met à bafouiller, deuxième prise, elle se met à bafouiller,
16:19 troisième prise, elle continue à bafouiller.
16:22 Donc elle est tétanisée.
16:23 Quatrième prise, c'est lui qui bafouille.
16:26 Et c'est lui qui, tout à coup, la met complètement à l'aise
16:31 en montrant qu'il a aussi ses faiblesses et qu'il est finalement au même niveau qu'elle.
16:35 Et ça, c'est quelque chose de...
16:37 C'est une très très jolie scène d'ailleurs que j'aurais bien voulu inclure dans la série.
16:42 Scène de liberté aussi où elle remonte sa robe.
16:45 Alors scène de liberté où elle remonte sa robe,
16:47 alors on lui fait dire que c'est son idée à elle, j'en suis pas sûr.
16:50 Mais en tous les cas, c'est une scène effectivement incroyablement...
16:55 stupéfiante, enfin c'est assez stupéfiant, c'est très audacieux
17:00 parce que la manière dont la caméra est positionnée derrière justement,
17:04 en se rendant derrière si j'ose dire,
17:07 et elle remonte sa jupe et on voit surtout dans le regard de cet homme
17:11 qui est du coup face à la caméra,
17:15 le trouble et le désir d'un homme plus âgé puisque c'est l'histoire en question
17:21 qui tombe éperdument amoureux de cette fille qui est un peu sans foi ni loi
17:26 et qui est en plus elle-même amoureuse d'un jeune garçon.
17:29 Enfin, elle le manipule.
17:31 Il est marié avec la merveilleuse comédienne Edwige Feuillet.
17:35 Et enfin, le film est magnifique.
17:37 Et produit par Raoul Lévy de nouveau.
17:40 Puis, Babette s'en va en guerre.
17:42 - Babette s'en va en guerre où votre père était également impliqué en tant que scénariste.
17:48 On se retrouve dans une vingtaine de minutes, Daniel Thompson,
17:51 pour évoquer cette histoire du cinéma français
17:55 et cette histoire également de Brigitte Bardot.
17:57 7h-9h, les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
18:05 - Nous sommes avec vous, Daniel Thompson, de vos débuts de scénariste
18:08 pour La Grande Vadrouille à vos débuts en tant que réalisatrice.
18:12 Vous signez en compagnie de votre fils Christopher Thompson
18:16 une série Bardot qui sera diffusée pour les premiers épisodes sur France 2 lundi prochain.
18:22 Et on va écouter justement un autre extrait de cette série
18:27 où Bardot se demande pourquoi on ne lui propose que de vieux réalisateurs.
18:33 - Tiens, voilà la nouvelle version de Babette.
18:35 Oury a tout changé, c'est le jour et la nuit.
18:37 - Il n'est pas acteur ?
18:39 - Maintenant, il écrit, il est très doué.
18:42 Tu lis vite, s'il te plaît.
18:44 - Il est mignon, celui-là.
18:46 Ah, c'est lui, Charié.
18:48 - C'est l'acteur qui monte.
18:50 T'as pas vu les tricheurs de carnets ?
18:51 - Pas encore.
18:53 - Celui-là est très intéressant.
18:57 - Une gueule, belle bouche.
19:00 Faut voir.
19:01 - Il tourne en ce moment avec un jeune, la même bande.
19:04 - Qui ?
19:05 - Jean-Luc Quelquechose, un premier film.
19:08 - Pourquoi vous me faites rencontrer que des vieux metteurs en scène ?
19:10 J'ai 24 ans.
19:12 Je suis déjà trop vieille pour les jeunes ?
19:14 - Tout le monde rêve de te rencontrer.
19:16 - Oui, bon, me rencontrer, me regarder comme un animal de foire.
19:21 - La nouvelle vague, c'est déjà au musée Grévin pour eux ?
19:25 - Les vagues, ça vient et ça repart.
19:27 Tiens, regarde Carnet.
19:29 Il a bientôt 60 ans et son film sur les jeunes fait un triomphe.
19:33 - Un extrait de votre série, Bardot.
19:35 Il est question d'un ouri, je crois que c'était votre père, Daniel Thompson.
19:39 - Oui, c'était mon père, effectivement.
19:41 On n'a pas pu résister.
19:43 On a eu envie quand même de faire ce petit clin d'œil à nous-mêmes, en fait,
19:47 parce qu'effectivement, Raoul Lévy, donc ce fameux Raoul Lévy,
19:51 dont on parlait tout à l'heure...
19:52 - Le producteur de Bardot.
19:54 - Qui est donc le producteur de Bardot, qui est donc le producteur de Dieu crée à la femme
19:59 et de ce film dont on vient de parler, En cas de malheur.
20:03 Et tout à coup, Brigitte a envie de faire un film
20:08 que enfin, les enfants auront le droit d'aller voir.
20:12 Et donc, ce scénario avait été écrit par Christian Jacques, le metteur en scène.
20:19 Et puis, ne plaisait pas à Brigitte.
20:21 Et en fait, c'est comme ça que mon père a fait la connaissance de ce fameux Raoul Lévy.
20:27 Alors, c'est intéressant, d'ailleurs, l'amitié qui a lié ces deux personnages,
20:31 puisque moi, donc, à l'époque, je suis enfant puis adolescente.
20:35 Et donc, j'ai rencontré Raoul Lévy souvent à la maison.
20:39 Vous savez, ce sont des hommes, Raoul Lévy et mon père, qui avaient 20 ans pendant la guerre.
20:45 Et donc, Raoul Lévy s'est engagé dans la Royal Air Force, d'ailleurs.
20:49 Il était belge.
20:51 Enfin, il y a toute une aventure. C'est un aventurier.
20:55 Mon père, lui, est parti en zone libre avec sa jeune compagne, ma mère,
21:00 sa mère et sa grand-mère qui l'avaient élevé.
21:02 Il était en charge de ces trois femmes et il a beaucoup regretté toute sa vie, d'ailleurs,
21:07 de ne pas avoir pris la décision de tout planter, de partir dans la résistance.
21:12 Ce sont des gens qui ont été très marqués par la guerre.
21:15 Et c'est vrai que, d'ailleurs, ça se voit dans les films de mon père,
21:19 dans beaucoup de films, bien sûr, "La Grande Vadrouille",
21:23 "L'As des As", "Les aventures de Rami Jacob",
21:25 tout ça, ce sont des films qui sont merveilleusement comiques
21:29 et qu'on ne remet plus tellement en question aujourd'hui,
21:32 parce que finalement, Dieu merci, ils sont rentrés un petit peu dans le patrimoine des Français.
21:37 Mais ce sont des films marqués par cette époque.
21:41 Et je pense que la complicité entre Raoul Lévy et mon père, c'est aussi ça.
21:47 Ce sont des gens qui ont vécu cette période, qui étaient l'un et l'autre juif,
21:52 qui ont eu peur, qui ont vécu finalement une grande partie de leur jeunesse
22:01 foutue en l'air, bien sûr, par la Deuxième Guerre mondiale.
22:05 Justement, je me suis toujours demandé comment ces gens qui,
22:08 a priori, n'avaient rien pour être légers, avaient vécu des périodes traumatiques,
22:13 avaient écrit une page du cinéma, autrement dit, un art qui est aussi lié à la distraction,
22:23 qui est lié à la légèreté.
22:25 Raoul Lévy, votre père, dont le nom est attaché à quelques-unes des plus célèbres comédies françaises.
22:33 Je crois que quand on a traversé des périodes comme ça,
22:39 si on n'a pas perdu sa joie de vivre, son enthousiasme et son humour,
22:43 ça donne justement...
22:46 On retourne les choses dans ce sens-là.
22:49 Et je pense que mon père était quelqu'un de très joyeux et de très drôle dans la vie,
22:55 et puis de très drôle surtout, bien sûr, dans ses films.
22:57 Donc je crois que c'est une réaction, effectivement.
23:03 Enfin, ils ont d'ailleurs eu l'un et l'autre de la chance.
23:05 Ils n'ont pas subi la déportation.
23:07 Ils font partie des gens qui ont eu un parcours chaotique à l'époque, mais très, très positif.
23:18 Mais lorsque votre père participe à "Babette s'en va tant guère",
23:22 donc ce film dont il écrit le scénario, "Bardo joue dedans".
23:26 C'est un film où il est question de la guerre.
23:28 On est très peu de temps après la guerre.
23:30 On est très peu de temps après la guerre et en fait, c'est une comédie.
23:32 Ça fait partie aussi des premières comédies.
23:35 Bon, le grand exemple est l'un de mes films préférés,
23:40 qui est en tout bis, en out to be, le chef d'oeuvre de Lou Beach,
23:43 qui a été, lui, alors que ce film a été tourné pendant la guerre,
23:47 mais justement avec une légèreté qui était due au fait qu'on n'avait pas conscience
23:54 de l'ampleur de l'horreur des camps.
23:56 Il y a le fameux personnage qui s'appelle Concentration Kemperhardt,
24:00 qui est un Allemand qu'on ridiculise et que le film est un chef d'oeuvre absolu.
24:05 Mais enfin, il y a justement une audace et une légèreté qui est due au fait qu'on ne savait pas.
24:09 Mais ensuite, dix ans plus tard, on sait ce qui s'est passé.
24:12 Et là, c'est vrai qu'il y a une fascination finalement et une audace, d'ailleurs,
24:20 à pouvoir transformer en comédie une époque atroce.
24:27 Et je n'ai pas revu, d'ailleurs, Babette sur la Tangare depuis très longtemps,
24:35 mais évidemment, La Grande Vadrouille, on le voit tout le temps,
24:38 et Les Aventures de Ravie Jacob aussi, et l'As des As aussi.
24:41 - Alors justement, La Grande Vadrouille, on a un extrait puisque vous en avez écrit
24:45 le scénario en 1966, Daniel Thompson. C'est probablement le film que les Français
24:52 ont le plus vu à la télévision. On en écoute un extrait.
24:55 - Alors, j'avais rendez-vous le 15 novembre avec le commandant Jean-Pierre,
24:58 qui en réalité est le sergent Henri, de son vrai nom, Maréchal.
25:02 - Ah, c'est un nom ! - Oui, c'est un nom.
25:05 - Non, il y a une petite erreur, Major Harbar.
25:09 Ce n'était pas un lundi. C'était un dimanche. - Oui, c'est vrai, oui.
25:14 - Et ce n'était pas en novembre, puisque c'était en janvier.
25:20 - Voilà. - Et le nommer Henri,
25:22 il ne s'appelait pas encore Maréchal ? - Non, mais moi je suis né en 1914.
25:25 - Oui, c'était la Grande Guerre. - Oui, c'était la Grande Guerre.
25:28 - La Grande Guerre. - Quatre ans.
25:30 - Quatre ans, oui. - Oh, terrible.
25:32 - Terrible. - Quatre ans.
25:34 - Quatre ans. - Quatre ans.
25:36 - Qui est ce Maréchal ? Je ne sais plus, parce qu'il m'interrompt tout le temps.
25:39 Ils tous, ils crachent sur le livre, et ils tous, ils crachent sur le livre. Voilà.
25:43 - Non, mais rappelez-vous, rappelez-vous.
25:46 - C'était Place des Victoires. - Oui.
25:49 - Juste en face de la statue de Louis XIV.
25:53 - Vous avez vu une statue de Louis XIV, vous ? - Oui.
25:55 - Mais ce n'est pas possible. - Pourquoi ?
25:57 - Parce qu'à cette époque-là, les Allemands avaient déjà enlevé toutes les statues.
26:00 - Comment, vous avez enlevé les statues ? - Oui, mais lui, c'est rien.
26:03 - Tu veux mes truffes donc, pour m'en faire un ?
26:05 - Rappelez-moi, vous osez vous foutre.
26:07 Je sais qu'il me manque deux aviateurs anglais.
26:09 - Combien ? - Deux.
26:11 - Ça fait pas tellement. - Je ne sais pas si j'ai besoin de vous dire
26:15 que c'est un extrait de La Grande Vadrouille.
26:17 Vous étiez très jeune, vous aviez 23 ans, lorsque vous avez écrit le scénario de ce film.
26:22 - Avec mon père et Marcel Julien,
26:25 qui étaient l'un et l'autre, d'ailleurs, aussi, des gens qui avaient vécu la guerre, et pas moi.
26:30 - Mais alors, c'était un film qui était quand même assez gonflé pour l'époque.
26:34 Faire un film drôle sur une période...
26:38 - Oui, alors c'était très intéressant, d'ailleurs, ce travail avec ces deux hommes, en effet,
26:43 qui avaient 20 ans de plus que moi, un petit peu plus que 20 ans de plus que moi,
26:47 et qui avaient donc vécu la guerre, et qui avaient, de temps en temps,
26:51 qui étaient frileux par rapport à, justement,
26:55 aborder des choses tellement graves avec cette légèreté.
27:00 Et moi, je pense que j'avais aussi un peu un rôle de...
27:03 Je les désinhibais parce que j'étais effectivement très jeune, j'avais 23 ans.
27:07 Moi, à la guerre, même si j'étais né pendant la guerre, j'avais pas souffert de quoi que ce soit.
27:13 Et j'étais trop jeune pour ça.
27:14 Et puis, je n'avais pas du tout, du tout, cette espèce de notion de tabou.
27:19 Et donc, c'est un souvenir très, très, très amusant et très, très merveilleux
27:25 de cette première grosse collaboration à ce film qui suivait le corneo,
27:31 donc qui était un film qui allait se faire.
27:35 On n'était pas en train de travailler sur quelque chose de...
27:40 On se disait, est-ce qu'on va réussir à monter ce film ?
27:42 C'était le deuxième Bourvil de Funès, il n'y avait aucun problème.
27:45 Et donc, on travaillait sur quelque chose de très, très, très concret.
27:48 Et voilà. Et je me souviens très bien de ces séances de travail nombreuses
27:54 où je posais des questions et je représentais la génération
27:59 qui ne savait pas beaucoup de choses et qui, finalement, s'en foutait un peu.
28:04 - Mais alors, justement, comment votre père vivait le fait que la France ait été partagée,
28:10 disons, le fait qu'il faille tourner en faisant un film qui était un film drôle sur des sujets tragiques ?
28:21 - Je pense que le film aussi avait cette qualité de déculpabiliser, finalement, les Français qui avaient été...
28:30 Alors, il y avait bien sûr, il y avait les résistants.
28:32 Il y avait bien sûr les collaborateurs, mais il y avait quand même l'immense quantité de gens en France
28:38 qui étaient des gens qui subissaient, en effet, l'occupation et qui n'étaient pas particulièrement courageux,
28:48 ni d'ailleurs lâches, mais qui survivaient.
28:50 Et là, on met justement les stars, les personnages en question qui sont incarnés par Bourvil et de Funès
28:59 et puis d'ailleurs beaucoup des autres, sont des gens qui se transforment en héros.
29:05 Et ça, c'est quelque chose, je crois, qui a été quelque chose de très apaisant parce qu'en effet,
29:10 La Grande Vadrouille, alors bien sûr, Babette, c'est encore beaucoup plus tôt,
29:13 mais La Grande Vadrouille, après tout, c'est 20 ans plus tard.
29:17 - Et le fait, justement, de travailler avec Bourvil, de Funès, autrement dit,
29:20 deux des noms les plus célèbres du cinéma français de l'époque ?
29:25 - Ça, c'était merveilleux parce que quand on imaginait les scènes, on les imaginait, eux.
29:33 Donc ça, c'est une grande source d'inspiration.
29:36 Alors, quelquefois, d'ailleurs, on écrit des choses qui vont se passer très bien sans savoir qui va interpréter.
29:41 - Il y avait des allers-retours avec Bourvil et de Funès ?
29:44 - Oui, mon père avait des allers-retours beaucoup avec eux.
29:48 Ils étaient très, très proches. C'était vraiment un trio.
29:51 Ce sont des gens qui adoraient travailler ensemble.
29:54 - Comment étaient-ils dans le travail ?
29:57 - Ils étaient très différents l'un de l'autre.
30:00 Mon père raconte que c'est vrai que Bourvil était quelqu'un qui était tout de suite, tout de suite
30:06 dans une énergie et dans une efficacité magnifique et qui s'épuisait au fil des prises.
30:14 Et de Funès, c'était le contraire.
30:16 Il commençait doucement et puis, petit à petit, il s'échauffait.
30:18 Il devenait génial au bout de 10, 15, 14 prises.
30:22 C'était très, très difficile d'équilibrer tout ça.
30:25 Mais puis, dans la vie aussi, c'était très, très différent.
30:29 Moi, j'ai des souvenirs de repas sur le tournage ou en dehors du tournage,
30:36 avec un Bourvil tellement drôle, ouvert, racontant des histoires, faisant des imitations, hurlant,
30:45 rirent, c'était quelqu'un de truculent et d'incroyablement facile.
30:54 Et en revanche, Louis était un homme très réservé, très silencieux, très drôle aussi,
31:03 mais dans un côté un peu pinçant rire.
31:07 C'était vraiment pas du tout le même genre de personnage.
31:09 Pas du tout.
31:10 - Et la place du scénariste dans l'actualité ?
31:13 En ce moment, il y a une grève des scénaristes à Hollywood.
31:16 Alors, je ne sais pas si les scénaristes sont moins bien considérés en France qu'aux Etats-Unis,
31:21 mais à l'époque, par exemple, être scénariste en France, qu'est-ce que ça voulait dire ?
31:26 Qu'est-ce qui a changé à cet égard, Daniel Thompson ?
31:30 - Les scénaristes sont quand même des gens de l'ombre.
31:33 Ils ont...
31:35 Moi, je me considère beaucoup, beaucoup plus scénariste que ce soit d'autres,
31:38 parce que c'est vraiment une grande partie de ma vie professionnelle.
31:42 Mais c'est vrai que c'est un film d'eux.
31:46 Et puis, le scénariste, il est derrière.
31:48 Et puis, en plus, il a eu un rôle,
31:52 il a eu un rôle intime dans la fabrication d'un film.
31:56 Il est scénariste, mais il est la base de tout.
32:00 Et c'est en ça qu'il y a cette frustration, j'imagine aussi,
32:02 qui, bien sûr, n'est qu'une petite partie de la grève.
32:06 Mais il y a toujours, je pense, quelque chose de très bizarre,
32:09 de travailler d'une manière tellement, tellement constante, méticuleuse, longue
32:14 sur raconter une histoire.
32:17 Et le nerf de la guerre, c'est raconter une histoire.
32:20 Et puis, tout à coup, on n'existe plus.
32:24 Et c'est très intéressant d'ailleurs,
32:26 quand on est scénariste, on arrive sur un plateau ou sur un tournage
32:30 parce qu'on vous invite gentiment à déjeuner.
32:33 Mais on est un petit peu... Personne ne sait qui vous êtes.
32:38 - C'est ça, vous avez tout inventé, mais vous n'êtes plus rien.
32:42 - Est-ce qu'il y a un problème de frustration,
32:43 puisque bien souvent, le scénariste est moins connu que les stars d'un côté,
32:48 le réalisateur, la réalisatrice de l'autre ?
32:52 - Il y a les stars, c'est les comédiens,
32:54 parce que c'est eux qu'on voit sur l'écran, c'est eux qui font rêver les gens.
32:58 C'est bien sûr à eux qu'on s'identifie.
33:04 Alors maintenant, il y a une plus grande connaissance, bien sûr,
33:07 grâce au fait que vous savez tout de suite qui est qui
33:12 en regardant les réseaux sociaux, en cliquant sur Wikipédia, etc.
33:18 Mais à l'époque, en tous les cas, on ne connaissait que les acteurs.
33:25 D'ailleurs, on continue à dire, par exemple, moi j'entends ça tout le temps,
33:29 un film de Belmondo, un film de Funès.
33:32 Mais bon, c'est un film avec, ce n'est pas un film de.
33:35 Mais donc, du coup, on est face, on est face les auteurs.
33:39 - Et le fait de faire du cinéma populaire, ça aussi,
33:42 c'est quelque chose, à mon avis, d'extrêmement important.
33:46 Le fait d'avoir fait la grande vadrouille, vous, on vous doit la bûche,
33:51 qui a été un formidable succès, la boum.
33:53 J'ai fait un sondage hier dans le bureau, alors que mes camarades de l'équipe,
33:57 dès matin, constituaient de gens plutôt de 25, 30 ans.
34:02 Eh bien, ces gens-là ont vu la boum.
34:05 Le fait, donc, d'avoir au début subi, comment dirais-je,
34:09 un certain mépris de la critique et aujourd'hui d'avoir un couronnement
34:13 parce que la grande vadrouille est aujourd'hui considérée
34:16 comme étant un monument du cinéma français.
34:19 La boum est regardée.
34:21 - Oui, parce que c'est toujours le problème,
34:25 le fameux problème de pire à tout le monde et à Jules Renard.
34:29 C'est la fameuse phrase.
34:31 C'est très compliqué, ça.
34:32 Donc, ça, c'est ce qu'on a toujours essayé de faire.
34:37 Enfin, quand je dis "on", c'est justement le travail que j'ai fait avec mon père
34:41 et avec d'autres, d'ailleurs, parce qu'on a tout de même très envie,
34:47 quel que soit le fond de l'écriture et de la conception d'un film,
34:54 on a quand même envie de plaire au public.
34:57 Même si on fait un cinéma, disons, plus intellectuel,
35:03 plus compliqué, plus intimiste,
35:06 on a quand même envie que les gens viennent.
35:08 Donc, il y a cette grande ambiguïté entre, en effet,
35:13 ce qu'on appelle le cinéma populaire et puis le cinéma d'auteur.
35:17 Alors, le cinéma d'auteur, c'est aussi cette formule,
35:19 elle est très étrange parce que même le cinéma populaire
35:23 ou même le cinéma ou même les mauvais films,
35:26 ils ont des auteurs aussi.
35:28 Donc, j'ai jamais très bien compris ce que veut dire cinéma d'auteur
35:33 et les grandes comédies,
35:37 que ce soit celles d'hier ou d'aujourd'hui,
35:40 qui sont effectivement, qui s'adressent à un public plus large.
35:43 Elles ont des auteurs et qui sont eux-mêmes des gens
35:46 qui sont pleins de doutes et ce n'est pas facile.
35:50 - Le cinéma populaire, il rejoint aussi certains grands thèmes.
35:54 Quand on revoit "La Boum" aujourd'hui, on se dit que "La Boum",
35:58 c'est aussi et d'abord peut-être un film sur le divorce.
36:02 Comment vous est venue l'idée de ce film ?
36:04 Vous étiez scénariste de ce film réalisé par Claude Pinotto.
36:09 Comment ça s'est passé, "La Boum" ?
36:11 - Ça s'est passé à un moment de ma vie où je me considérais très jeune.
36:16 J'avais les débuts de la trentaine et j'étais donc très jeune.
36:21 Et puis, j'avais une petite fille qui avait 12 ans et j'avais moi-même,
36:27 j'étais dans un moment de ma vie où je venais de me séparer du père de mes enfants.
36:34 J'avais rencontré un homme dont j'étais tombée perdument amoureuse
36:37 et avec lequel je vis toujours, qui s'appelle Albert Koski.
36:39 Et j'étais donc dans un moment de bouleversement de ma vie privée.
36:46 Et j'avais une petite fille qui me regardait comme si je ne comprenais rien à l'amour,
36:53 comme si je ne pouvais pas imaginer,
36:57 m'identifier à ses sentiments et à ce qui se passait en elle.
37:01 Et puis, tout ça s'est mêlé à un épisode où je suis rentrée chez moi un jour
37:07 et il était 5 heures de l'après-midi, les lumières étaient éteintes.
37:14 J'ai vu des petites silhouettes d'enfants qui étaient en train de danser un slow
37:20 et boire des jus d'orange et ils avaient 12 ans.
37:26 Mais là, je me suis dit mais c'est très tôt, qu'est-ce qui se passe ?
37:31 Moi, effectivement, je faisais partie de cette génération.
37:33 Alors là, on retourne de chez Bardot où il était hors de question à 15 ans, 16 ans,
37:38 de sortir seul avec un garçon.
37:39 On était encore très, très coincés, très, très, très surveillés par les parents.
37:45 Et donc, je ne m'attendais pas du tout à ça.
37:47 Et je pense que c'était juste ce moment, d'ailleurs, où c'était ce phénomène comme ça,
37:51 où finalement, des choses se passent très vite dans l'évolution des mœurs.
37:56 Et là, il y a eu ce moment où tout à coup, c'était plus que 16 ans, c'était 12 ans.
38:02 Et je me suis dit mais il se passe quelque chose.
38:04 Et là, il y a une comédie aussi bien dans ce que vit cette petite fille et la stupeur
38:14 des parents qui sont eux-mêmes dans cette époque de leur vie où tout est remis en
38:19 question et où personne ne comprend l'autre.
38:21 - Mais alors, rétrospectivement, lorsque l'on voit la liste de ses succès, il faudrait
38:26 parler aussi de Rabi Jacob, qui est là aussi un film que vous avez confectionné avec votre père,
38:34 Daniel Thompson.
38:35 Est-ce que ces succès vous surprennent ?
38:38 Leur permanence aussi, parce que quand on compare la permanence de ces films par rapport,
38:44 par exemple, à certains films de Bardot qui sont connus, dont le nom est connu, mais qui
38:48 sont probablement beaucoup moins regardés.
38:51 - Mais ça, encore une fois, on ne sait pas ce qui va se passer.
38:57 C'est le temps qui nous donne la réponse.
38:59 C'est vrai qu'il y a une espèce de sélection qui est faite avec le temps.
39:06 Et c'est vrai qu'on a eu la chance, enfin mon père avait cet osmose, je pense, avec
39:16 le public à un certain moment de sa vie, notamment quand on pense aux gros films de
39:26 mon père qui ont eu le plus de succès, c'est vrai qu'il y a eu quelque chose qui s'est
39:30 passé, une concordance des temps avec ce qu'avait envie de voir le public.
39:35 Mais ce qui est très agréable et passionnant et qui me fait un plaisir fou et qui me donne
39:39 toujours envie de lui téléphoner, malheureusement, je ne peux plus, c'est le succès que ces
39:44 films continuent à avoir aujourd'hui avec le public grâce à la télévision, puisque
39:48 les films passent et repassent.
39:49 Et il y a quelque chose de très surprenant et je pense qu'il vient beaucoup, beaucoup
39:56 de l'esthétique de ces films qui sont très beaux et qui du coup vieillissent bien.
40:00 Et tout le succès que l'on souhaite au Bardo, Daniel Thompson, puisque la série
40:06 que vous avez confectionnée avec votre fils Christopher sera diffusée pour les premiers
40:11 épisodes lundi prochain sur France 2.
40:14 Merci de nous avoir accompagné.
40:16 Et sur France.tv, évidemment les six épisodes seront disponibles à partir de lundi matin.

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