Depuis son voyage en Chine et ses propos sur Taïwan, Macron fait l’objet d’un tir de barrage d’ampleur. Pourtant, même aux États-Unis, on commence à douter de cette politique qui conduit à un affrontement inéluctable avec la Chine, la Russie, l’Iran…
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00:00 [Musique]
00:03 Comme souvent, nos élites médiatico-politiques ont un train de retard.
00:07 Elles se veulent plus atlantistes que jamais
00:09 et sont prêtes à mourir, ou plutôt à faire mourir d'autres,
00:12 pour Kiev ou pour Taipé.
00:13 La Russie, la Chine et tous ceux qui les soutiennent,
00:16 ou ne les condamnent pas, sont peu ou prou nos ennemis.
00:19 Et ceux qui, en Occident, en France, se posent des questions sur cette croisade
00:23 sont au mieux des idiots utiles, au pire des traîtres.
00:27 Ainsi, Emmanuel Macron, depuis son voyage en Chine
00:30 et ses propos sans ambiguïté sur Taïwan et le rôle des Américains,
00:34 fait l'objet d'un tir de barrage
00:35 comme rarement un président en exercice en a connu.
00:38 Et pourtant, Emmanuel Macron, sur ce chapitre-là, a raison.
00:42 Il a raison de ne pas vouloir être entraîné dans une confrontation sur Taïwan.
00:46 Il a raison de plaider le statu quo de l'île,
00:49 dont il faut rappeler qu'au regard de l'ONU,
00:51 elle fait toujours partie intégrante de la Chine.
00:54 Il a raison de ne pas vouloir mettre de l'huile sur le feu.
00:57 Il a raison de chercher à tout faire pour mettre fin à cette guerre en Ukraine
01:01 qui ruine les deux belligérants, affaiblit l'Europe et menace la paix mondiale.
01:06 Emmanuel Macron a juste commis deux petites erreurs tactiques.
01:09 Amener dans ses bagages Ursula von der Leyen,
01:12 qui est précisément la représentante de cet hyper-atlantisme bien présent en Europe.
01:18 Seconde erreur, parler au nom de l'Europe,
01:20 car précisément, il n'y a pas en Europe de position commune
01:24 sur ces questions des géopolitiques.
01:26 Il aurait dû parler au nom de la France,
01:28 qui a toujours eu une politique étrangère originale au sein de l'Union européenne.
01:32 La Pologne, l'Europe de l'Est, l'Europe du Nord,
01:35 ont, de par leur histoire souvent sanglante,
01:38 une hostilité viscérale à l'égard de la Russie.
01:41 Pour eux, les États-Unis sont leurs seuls protecteurs contre les ambitions de Moscou.
01:45 Emmanuel Macron a fait à Pékin de la géopolitique.
01:49 Il a tenu compte de l'état du monde et de ses évolutions.
01:52 Oui, c'est vrai, la Chine a de grandes ambitions.
01:55 Elle veut retrouver la place qui était la sienne au 18ème siècle,
01:59 avant que l'Occident ne mette le pays en coups préglés.
02:02 Oui, c'est vrai, Pékin, allié pour la circonstance avec Moscou,
02:06 entend redéfinir les équilibres mondiaux,
02:08 ou plutôt les rééquilibrer au détriment des États-Unis.
02:12 Et dans ce combat, les Chinois, la diplomatie chinoise,
02:16 ont obtenu d'incontestables succès.
02:18 En fait, ils surfent sur une vague d'anti-américanisme de par le monde.
02:22 L'hyperpuissance pêla des décennies où elle a imposé ses normes,
02:26 son idéologie et l'American way of life,
02:29 en s'appuyant, si besoin était, sur des interventions militaires,
02:32 son soft power, l'extraterritorialité du droit américain
02:36 et la puissance et l'omniprésence du dollar.
02:39 Les rancœurs se sont accumulés en Amérique du Sud,
02:42 au Moyen-Orient et même en Afrique.
02:44 Et la Chine capitalise aujourd'hui sur ce rejet.
02:47 Clairement, elle est le leader des BRICS.
02:50 Elle commerce avec l'Iran, qu'elle réconcilie avec l'Arabie Saoudite.
02:54 Elle mène une politique habile de dé-dollarisation.
02:57 Tout cela, ce sont des faits, des réalités.
03:00 Et il ne sert à rien de dénoncer les méchants, les autocrates,
03:04 des régimes qui ne respectent pas nos valeurs occidentales.
03:07 D'autant que parmi ceux qui rallient désormais le front anti-américain,
03:10 il y a des démocraties comme le Brésil ou l'Inde,
03:13 même si on peut avoir quelques réserves sur le régime de Modi.
03:16 En fait, ce que les trois quarts du monde supportent de moins en moins,
03:20 c'est cette espèce de messianisme teinté d'arrogance,
03:23 de l'occidentalisme, de l'anglosphère.
03:26 La France est elle-même victime de ce mouvement,
03:29 lorsque les ONG instrumentalisées par les Américains
03:32 partent en guerre contre notre modèle laïque
03:35 au nom de la défense des droits individuels.
03:38 Si la France a pu pendant des décennies
03:40 occuper une position sur l'échiquier mondial plus importante que son poids réel,
03:45 c'est bien parce qu'elle a eu une politique étrangère originale,
03:49 alliée certes des États-Unis dans les moments cruciaux,
03:52 mais non-vassale, non-inféodée, autonome.
03:56 C'est bien cela qu'il faut préserver.
03:59 D'autant plus que sur le plan économique, nous nous sommes affaiblis.
04:02 Nous ne pouvons pas nous couper du reste du monde.
04:05 Or, c'est bien ce qu'il va advenir
04:08 si ce reste du monde nous considère comme la dernière roue du carrosse américain.
04:13 D'autant qu'aux États-Unis, certains commencent à douter de la pertinence de cette politique
04:18 qui conduit à un affrontement inéluctable avec la Chine
04:21 et bien sûr avec la Russie, l'Iran et d'autres.
04:24 Chez les démocrates, l'ancien secrétaire au Trésor,
04:26 Lawrence Summers, tire la sonnette d'alarme.
04:28 Il s'inquiète d'une politique qui isole les États-Unis.
04:31 Des craintes reprises par des éditorialistes renommés et influents du New York Times.
04:36 Thomas Friedman, qui revient de Chine, a décortiqué les relations entre les deux pays.
04:41 Pour lui, les deux économies sont tellement imbriquées
04:44 qu'une rupture totale, une guerre, serait autodestructrice pour les deux.
04:48 La Chine et les États-Unis, ces deux super-pouvoirs,
04:51 doivent maintenant, dit-il, apprendre à se refaire confiance.
04:55 Une confiance rompue, il est vrai, par la politique de Xi Jinping,
04:59 mais aussi par celle de la classe politique américaine
05:02 qui a fait de la Chine un bouc émissaire
05:05 pour masquer leurs erreurs et l'appauvrissement de la classe moyenne outre-Atlantique.
05:09 Pour Pékin, cette politique d'endigrement de la Chine par les Américains
05:13 est allée de pair avec la promotion de Taïwan comme un contre-modèle.
05:17 Or, c'est un sujet éminemment sensible pour les dirigeants chinois.
05:21 Lors de son entretien avec Joe Biden à Bali en novembre,
05:24 Xi Jinping aurait été très clair.
05:26 "Je ne serai pas le président d'une Chine qui a perdu Taïwan.
05:30 Si vous me forcez la main, il y aura une guerre.
05:33 Vous ne pouvez pas comprendre combien c'est important pour le peuple chinois
05:37 vous jouer avec le feu."
05:38 La Chine avait un agenda qu'en 2049,
05:41 pour le centenaire de la création de la République populaire,
05:45 Taïwan ait rejoint la mère patrie.
05:47 Non par une conquête militaire, mais par un rapprochement économique naturel
05:51 en misant sur les forces politiques,
05:53 et il y en a à Taïwan favorable à ce rapprochement.
05:56 En attendant ce moment favorable politique, c'est le statu quo qui doit perdurer.
06:01 Or, les tenants de l'affrontement avec Pékin chez les démocrates
06:05 et les républicains américains
06:06 veulent faire de Taïwan un abcès de fixation
06:09 et rendre impossible tout rapprochement avec la Chine continentale.
06:14 Et c'est bien ce que l'on voit à l'œuvre,
06:16 avec le voyage de Nancy Pelosi l'été dernier à Taïwan,
06:19 la réception à Washington de l'actuelle présidente hostile à Pékin,
06:23 et ce destroyer américain qui navigue dans ce que Pékin estime être ses eaux territoriales.
06:27 Les partisans de la ligne dure verraient bien Taïwan jouer le rôle
06:30 que l'Ukraine a joué en Europe face à la Russie.
06:33 Celui de pousser l'adversaire à la faute en l'amenant à engager les hostilités.
06:38 C'est clairement l'avertissement que Xi Jinping a fait à Joe Biden
06:41 et c'est cette escalade qui inquiète Emmanuel Macron
06:44 et sème le trouble au sein de la classe politique américaine.