Retrouvez "Rétropop", de Camille Diao sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/retropop
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AmusantTranscription
00:00Bonjour Camille.
00:01Bonjour Mathieu.
00:02Camille, cette semaine dans Retropa, vous nous ramenez au tout début du disco.
00:05Oui, parce que 1975, c'est l'année où la température monte sur les dancefloors.
00:10Fait chaud non ? On vient de prendre quelques degrés.
00:19Love to love you baby.
00:20C'est donc le premier succès de celle qu'on surnommera bientôt la Reine du Disco.
00:24Un titre produit par le father of disco, l'italien Giorgio Moroder.
00:29Celui-là même auquel les Daft Punk ont rendu hommage sur leur album Random Access Memories.
00:34My name is Giovanni Giorgio, but everybody calls me Giorgio.
00:38C'est sa voix.
00:39Love to love you baby, c'est donc un titre qui marque les prémisses du disco.
00:43Les ingrédients sont là, comme cette grosse caisse, toute droite, qui marque les quatre
00:47temps.
00:48Écoutez.
00:49Boum, boum, boum, boum, ou encore les 16 longues minutes du morceau qui laissent le
00:56temps aux danseurs d'entrer en trance.
00:57Mais les synthétiseurs et les boîtes à rythme n'ont pas encore complètement remplacé
01:01les instruments acoustiques et le tempo est plus lent que celui des grands tubes disco
01:05à venir, comme par exemple en 1977.
01:08I feel love, c'est toujours du Donna Summer, mais écoutez, c'est devenu plus rapide et
01:14c'est aussi plus électronique.
01:16Mais revenons en 75.
01:17Parce que certes, Love to love you baby annonce cette grande vague disco, mais c'est aussi
01:21une chanson qui percute de plein fouet la révolution sexuelle entamée dans les années 60.
01:27Alors, simuler l'orgasme en chanson, Gainsbourg et Birkin l'avaient déjà fait quelques années
01:36auparavant, mais cette fois-ci, ça fait un petit peu moins scandale.
01:38Le titre est interdit en Italie, dans certains états américains, mais en France globalement
01:43ça passe.
01:44Et pourtant, la BBC a fait les comptes, 23 gémissements en 16 minutes de morceau, je
01:49vous laisse calculer le ratio.
01:50Ça fait un gémissement toutes les 41 secondes, si je compte bien.
01:52Merci Mathieu, je savais que vous pouviez compter sur vous.
01:54Heureusement que c'était écrit là en gros.
01:56Côté paroles, c'est tout aussi explicite.
01:58« Do it to me again and again, fais-le-moi encore et encore ».
02:05On est en 75, 7 ans ont passé depuis le « Jouir sans entrave » de mai 68.
02:11Tout ça a eu le temps d'infuser dans les sociétés occidentales, depuis quelques mois
02:15on l'a dit, les françaises ont le droit d'avorter, la pilule commence à être remboursée
02:19par la sécu, l'organisation mondiale de la santé vient même de reconnaître un droit
02:24au plaisir.
02:25Et cette chanson, elle incarne ce changement de paradigme.
02:28Je pourrais m'arrêter là, mais ce serait occulter une partie de la réalité.
02:31Mais j'en ai lu que c'était un peu plus compliqué que ça.
02:32Bah oui, la réalité c'est que Donna Summer, elle ne voulait pas de cette chanson.
02:36Le « Love to love you », il est bien d'elle, mais le reste c'est du Giorgio Moroder.
02:40En studio, elle n'est pas du tout à l'aise avec l'idée de gémir au micro.
02:43Plus tard, elle a raconté son refus, les cris qui ont suivi, l'insistance de Moroder
02:48devant laquelle elle a fini par céder.
02:50Et ce qu'elle craignait est arrivé, puisque d'interview en interview, la seule question
02:54qu'on lui pose, c'est « Why do you sing such sexy music, Donna ? ». Pourquoi chantez-vous
02:59de façon aussi sexy, Donna ? On lui demande aussi sur quoi elle fantasmait en studio si
03:04elle s'est touchée pendant l'enregistrement.
03:06La presse la surnomme « Aphrodite, la reine de l'amour, le meilleur coup du monde ».
03:10Il faut réaliser la violence de tout ça.
03:12En Italie, pendant un concert, elle est même pourchassée par les hommes du public.
03:16En fait, Donna Summer, elle est complètement objectifiée, sexualisée contre son gré.
03:20Ça, c'est un peu le revers de la médaille de la révolution sexuelle ?
03:22Oui, ce morceau raconte quand même cette révolution aussi faite aux dépens des femmes.
03:27En préparant cette chronique, j'ai lu dans le journal suisse « Le Temps », ce témoignage
03:30d'une femme qui avait 20 ans à l'époque et qui se souvient « On faisait l'amour
03:33à plusieurs, parce que c'était cool.
03:35Mais rétrospectivement, je ne suis pas sûre d'avoir aimé ça. »
03:43« Set me free, libère moi », chantait Donna Summer.
03:46Eh bien en 75, il reste encore un peu de chemin pour que la sexualité ne soit plus
03:50pour les femmes un terrain d'oppression.
03:52Merci beaucoup Camille Diaw et je crois que vous avez un petit bonus pour nous concernant ce Love to Love You Baby.
03:57Oui, on va écouter la version originale de Donna Summer dans un instant mais on aurait pu en choisir une autre
04:02parce que c'est un morceau qui a continué à vivre à travers le sample.
04:05Vous savez, c'est quand un artiste utilise un extrait d'une chanson existante pour en construire une nouvelle.
04:10Timbaland, l'un des plus grands producteurs de hip-hop américain, l'a samplé en 97.
04:15Beyoncé également en 2003 sur son titre Naughty Girl.
04:18Mais à mes yeux, à mes oreilles, rien ne vaut l'original.