• l’année dernière
Aude de Thuin, toute sa vie, s'est engagée pour la place des femmes dans les milieux de pouvoir et de décision. Elle lance un réseau et forum SISTEMIC.

La chanteuse Suzane partage aussi sa conviction profonde : par l'entraide entre les femmes, le monde de demain sera plus juste pour toutes.

Retrouvez Jaleh Bradea tous les dimanches à 9h10 et les podcasts sur les plateformes partenaires.

https://sistemic.info/#

Category

📺
TV
Transcription
00:00 ...
00:08 -Bonjour et bienvenue dans "Envie d'agir",
00:10 où je suis très heureuse d'accueillir aujourd'hui
00:13 Aude de Thuyn pour "Systémique", mais pas que, vous allez voir.
00:17 Bonjour, Aude. -Bonjour, Jeannette.
00:19 -Un grand merci d'être avec nous.
00:21 Aude, donc, votre dernière aventure en date est systémique,
00:25 comme je le disais. C'est quoi, "systémique" ?
00:27 -Systémique, c'est tout un écosystème,
00:30 mais le premier est un forum
00:34 destiné au monde de demain,
00:37 et en particulier aux filles, aux jeunes filles et aux femmes,
00:41 parce qu'elles n'y vont pas.
00:42 Elles ne prennent pas conscience
00:45 que le monde se réécrit au masculin.
00:48 C'est un désastre.
00:49 -Comment est-ce qu'il se réécrit au masculin, alors, ce monde ?
00:53 -Il se réécrit au masculin parce que les nouvelles technologies
00:56 sont essentiellement entre les mains des garçons, des hommes,
01:00 que ça démarre déjà à l'école, bien sûr,
01:04 après, dans les études d'ingénieur,
01:06 et que plus ça va, plus on avance, et moins les filles ont envie d'y aller,
01:10 et elles ne sont pas encouragées par leurs parents.
01:13 Moi, je trouve que c'est un désastre,
01:15 parce que quand je dis que le monde se construit au masculin,
01:19 réellement, on voit des choses ahurissantes se passer.
01:22 -Est-ce que ça n'a pas toujours été ça ?
01:25 -Non, il y a eu des progrès.
01:27 Il y a eu des progrès qui ont été ou naturels ou forcés.
01:30 Dans le cadre de la France, il y a eu les quotas, déjà,
01:33 la loi RIC5 a beaucoup aidé à faire changer les choses,
01:37 et puis une génération de managers aussi plus jeunes
01:39 qui sont conscients, qui ont des femmes
01:42 qu'ils ont souvent rencontrées à l'école,
01:44 d'ailleurs, en faisant les mêmes études.
01:46 C'est souvent comme ça que les mariages se passent.
01:49 Et donc, ils sont conscients, et puis, eux-mêmes en défi,
01:53 et malheureusement, ce monde actuel est assez inquiétant,
01:57 et c'est probablement assez inconscient.
02:00 Les hommes ont peur pour leur job de demain,
02:03 et ils ne se rendent pas compte.
02:04 Quand on a peur, on se réfugie,
02:06 c'est comme dans la cour de récréation,
02:09 les garçons sont ensemble au milieu,
02:11 les filles sont éparpillées autour.
02:13 Aujourd'hui, on est en train de revivre
02:15 quelque chose comme ça.
02:17 Les garçons, quand ils ont besoin de recruter,
02:19 ils vont aller de façon assez coutumière,
02:22 au lieu de recruter un autre mec à côté de soi.
02:24 Ils ne vont pas aller chercher une fille.
02:27 -On dit souvent que pour des recrutements,
02:29 certaines boîtes mettent des binômes, hommes-femmes,
02:32 parce que souvent, quand il y a deux hommes,
02:35 encore plus, ils vont avoir tendance à recruter
02:37 quelqu'un qui leur ressemble, un homme à nouveau.
02:40 -Oui, c'est comme ça partout.
02:42 Au-dessous de trois femmes, les femmes ne se font pas entendre.
02:46 -Vous faites partie des personnes qui ont énormément agi
02:49 depuis de nombreuses années
02:51 et qui ont un rapport avec les femmes en général.
02:53 Je voudrais partager avec vous le message engagé d'une artiste.
02:57 On se retrouve après pour en parler.
02:59 -Sur cette photo, photo d'époque,
03:01 il y a deux femmes qui m'inspirent beaucoup,
03:04 qui sont importantes pour moi.
03:05 Il y a ma grand-mère et ma mère.
03:07 On est dans un village du sud de la France.
03:10 Chaque fois que je vois cette photo,
03:12 je me dis ce qui a évolué entre-temps.
03:14 Est-ce que moi, aujourd'hui, je vis ma vie de femme
03:17 d'une autre manière que celle de ma grand-mère
03:20 ou que celle de ma mère ?
03:22 Je pense que oui.
03:23 Nos ancêtres femmes ont combattu longtemps,
03:27 férocement, pour certaines libertés.
03:30 Et les libertés, aujourd'hui,
03:32 on les perd plus vite que ce qu'on les gagne.
03:34 On était déjà, il y a 50 ans, en train de demander
03:37 de disposer de nos corps librement.
03:40 50 ans après, on en est encore au même endroit,
03:42 dans le sens où l'avortement, on y a droit,
03:45 mais il y a encore plein de centres d'IVG
03:47 qui ferment chaque jour en France.
03:49 Toutes les femmes ne sont pas à égalité.
03:51 Il faut surtout un élan de sororité entre femmes.
03:54 On est dans une génération de femmes...
03:56 On est en colère, on ne gagne pas les mêmes salaires,
03:59 on se fait embêter dans la rue.
04:01 Tout ça continue, se perpétue dans le temps.
04:04 Sauf qu'aujourd'hui, je crois que ce n'est plus un tabou d'en parler.
04:08 Moi, je vois ma grand-mère qui me dit
04:11 "Si tu te fais embêter dans la rue, ma chérie,
04:13 "tu changes de trottoir.
04:14 "Mais aussi, comment tu étais habillée."
04:17 C'est triste, parce que je vois qu'elle s'est conditionnée,
04:21 dans sa vie, à faire attention.
04:23 Attention, les hommes, ils sont comme ça.
04:25 Déjà, les hommes ne sont pas tous comme ça.
04:27 Sur 10 hommes, il y en a peut-être un qui est comme ça
04:30 et qui abîme les 9 autres.
04:31 Donc, il faut faire attention à ne pas se conditionner
04:34 à ces comportements-là aussi.
04:36 Aujourd'hui, j'ai envie de dire "Battez-vous, les filles",
04:39 et qu'on montre qui on est, enfin,
04:42 parce que je crois qu'on s'est trop cachées
04:44 dans tous ces carcans de société.
04:46 Une femme doit être sexy comme ça, comme ça.
04:49 Une femme n'est pas que sexy,
04:51 elle peut l'être, mais plein d'autres choses.
04:53 Elle peut être intelligente, elle peut être patronne,
04:56 s'exprimer comme elle le souhaite,
04:59 sans prendre des pincettes et chuchoter
05:02 pour ne pas déranger.
05:03 On y croit.
05:04 -On y croit. -Oui, on y croit.
05:09 Mais elle a raison de dire
05:11 qu'on a vu ça.
05:14 On a une tendance à reproduire ce qu'on a vu.
05:16 Je parlais des garçons qui se retrouvaient
05:19 et qui recrutaient entre eux,
05:20 car dans la cour de récréation, ils allaient vers les garçons.
05:24 Tout ça est une réalité.
05:26 Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est l'éducation
05:29 qui peut apporter des changements,
05:31 c'est-à-dire le rôle des parents,
05:33 et pas seulement pour les filles,
05:35 mais c'est aussi élever les garçons
05:37 dans le respect des filles.
05:40 Et ça commence tout petit.
05:42 Et aujourd'hui, on a tendance à voir...
05:45 Il y a une étude qui a été établie
05:48 par le Haut conseil à l'égalité au moment de 8 mars.
05:52 25 % des garçons considèrent encore
05:56 que taper une femme, c'est normal.
05:57 Maintenant, il faut que nous, femmes, nous réagissions.
06:00 Il ne faut rien laisser passer, jamais.
06:03 Il ne faut jamais lâcher sur nos valeurs,
06:06 il ne faut jamais lâcher sur ce qu'on voit ailleurs.
06:10 Il faut oser rentrer dedans, faire des réflexions.
06:13 Il n'y a que comme ça qu'on y arrivera.
06:16 Et puis, une fois de plus,
06:18 je répète, l'éducation à la base,
06:20 une éducation égalitaire,
06:22 une éducation qui va faire que les maîtresses
06:25 ou les enseignants
06:28 encouragent les filles pour ce qu'elles sont,
06:31 et non pas pour ce qu'elles...
06:33 -Et peut-être les encourager à aller vers ces métiers
06:36 de technologie et digitales
06:38 sur lesquels vous vous battez.
06:39 Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple concret
06:43 de ce qui se construirait, par exemple,
06:46 avec l'intelligence artificielle,
06:48 si elle était 100 % ou quasi 100 % masculine,
06:51 comme elle est en train de se construire aujourd'hui ?
06:54 Qu'est-ce qui serait différent ?
06:56 -Il serait différent qu'il y aurait plus de...
06:59 On réfléchirait plus à l'éthique
07:01 à mettre derrière l'intelligence artificielle.
07:04 L'intelligence artificielle, c'est un outil.
07:07 Il faut le voir comme un outil.
07:08 Mais il y a, après, l'utilisation de cet outil.
07:11 Dans l'utilisation qu'on va faire de cet outil,
07:13 ce serait bien que, d'abord,
07:15 dans la réalisation de l'outil,
07:17 il y ait des femmes autant que des hommes.
07:19 Mais comme elles ne vont pas vers les métiers techniques,
07:23 on ne les trouve pas.
07:24 Il faut réfléchir ensemble à ce qu'on va faire
07:27 et comment on va exploiter cet outil.
07:29 Et l'exploiter en réfléchissant ensemble sur l'éthique,
07:32 la protection de l'individu,
07:34 sur des choses qu'on va partager.
07:36 Les choses plus éthiques.
07:37 Je serais incapable de dire une chose pareille.
07:40 Mais on va apporter une vision différente,
07:43 un monde différent et complémentaire.
07:45 C'est cette complémentarité qui n'existe pas
07:48 ou qui disparaît aujourd'hui.
07:49 Dans l'intelligence artificielle,
07:51 on le voit à peu près dans tout ce monde
07:54 en train de se créer aujourd'hui.
07:56 -Est-ce que ça veut dire que vous avez peur
07:58 que les stéréotypes,
08:00 les choses dont on entendait parler
08:02 dans le message engagé de Suzanne,
08:04 finalement, soient reproduits dans un monde
08:08 qui serait celui de l'intelligence artificielle
08:11 s'il est exclusivement fait par les hommes ?
08:13 -Oui et non.
08:15 Quand je vois le film que Suzanne montrait
08:18 avec sa mère et elle,
08:22 petite fille ou sa grand-mère avec sa maman,
08:24 je ne sais pas, mais je pense qu'on reverra moins
08:27 ce genre de scène, là où on a l'impression
08:30 que la femme est à la maison,
08:31 qu'elle s'occupe des enfants,
08:33 que le linge est en train de sécher à côté.
08:36 Aujourd'hui, les femmes sont dans la vie active
08:38 beaucoup plus qu'à cette époque-là.
08:41 C'est dans cette vie active qu'on les attend.
08:43 C'est là où elles ont un rôle à jouer.
08:45 Elles ne doivent pas rester derrière les garçons
08:48 ou derrière les hommes.
08:49 Elles doivent s'affirmer, oser dire
08:52 qu'elles ont des idées dans une entreprise.
08:54 Elles doivent oser contrarier quelque chose
08:57 qui est en train de se passer devant elles,
08:59 que ce soit sur un plan purement de technologie
09:02 ou sur un plan purement marketing ou commercial.
09:05 À un moment, les femmes doivent s'imposer.
09:08 -C'est ce que vous avez fait
09:10 il y a pas mal d'années, presque 20 ans, je crois,
09:14 en créant Women's Forum.
09:16 C'est parti d'un constat comme ça,
09:18 d'une nécessité de s'imposer.
09:20 Racontez-nous en quelques mots.
09:22 -Oui. Moi, j'étais déjà entrepreneur.
09:24 Je l'ai toujours été.
09:26 J'ai voulu aller au World Economic Forum de Davos.
09:30 A l'époque, il n'y avait pas Internet comme aujourd'hui.
09:33 On ne pouvait pas s'inscrire en ligne.
09:35 Je n'ai jamais eu de réponse.
09:37 Un jour, on me dit que j'étais une femme.
09:39 C'est une femme qui m'a dit ça.
09:41 "Tu es dans une entreprise qui est la tienne
09:44 "et tu n'as aucun intérêt pour Davos."
09:46 Or, on pensait que c'était le monde de demain.
09:49 Quand je me suis renseignée,
09:51 il y avait 4 % de femmes qui allaient à Davos.
09:53 Comment on ose penser le monde de demain
09:56 avec 4 % des femmes ?
09:58 De la moitié de l'humanité.
10:00 J'ai une colère sourde qui est montée en moi,
10:03 mais une colère de bretonne que je suis.
10:05 J'avais une autre entreprise
10:07 et une proposition de rachat de cette entreprise.
10:10 J'avais une directrice générale qui manageait cette boîte.
10:14 Je lui ai dit que je menerais la vente de la boîte
10:17 et que je inventerais quelque chose pour les femmes.
10:20 C'est comme ça qu'est né le Women's Forum,
10:23 d'une énorme colère.
10:24 Cette colère m'a permis de faire
10:26 que ce forum devienne...
10:28 -Celui qu'on connaît aujourd'hui,
10:31 qui est extrêmement connu à travers le monde.
10:33 -Un des plus puissants.
10:35 -Vous en avez fait un autre,
10:37 pas pour cette émission,
10:38 mais je voudrais le citer, Women in Africa.
10:41 -Oui, que j'ai toujours.
10:42 -Vous avez toujours cette colère saine
10:45 qui veut construire et continuer de construire.
10:47 -Vous savez, Women in Africa,
10:49 ce sont les femmes africaines qui me sont cherchées.
10:52 Quand je me suis demandé si j'étais légitime pour le faire,
10:56 je me suis allée... J'avais travaillé sur le concept,
10:59 sur la façon dont je pouvais monter ça,
11:01 et je suis allée en Afrique.
11:03 Beaucoup de femmes africaines venaient au Women's Forum.
11:06 J'ai réalisé une chose qui a été...
11:08 décisive dans ma décision,
11:11 c'est que les femmes africaines n'ont aucune envie de migrer
11:14 ni de voir leurs enfants migrer.
11:16 J'ai créé Women in Africa, qui existe encore.
11:19 C'est une magnifique entreprise
11:23 avec un soutien majeur aux femmes entrepreneuses
11:26 et c'est comme ça que l'Afrique peut se stabiliser.
11:29 -Revenons à Systémic.
11:30 Il y a un événement, le premier,
11:32 qui va avoir lieu le 12 mai. -Dans un mois pile.
11:35 C'est effrayant.
11:36 -Le 12 mai. -A Paris.
11:38 -Donc, à Paris.
11:39 Comment vous voulez agir ?
11:42 Comment vous voulez faire avec Systémic
11:45 pour, effectivement, comme au temps de Davos,
11:48 il y a une vingtaine d'années, il n'y avait que 4 % de femmes,
11:52 c'est la même chose dans les métiers de demain.
11:54 Comment vous voulez procéder ?
11:56 -C'est montrer aux jeunes femmes, mais aussi à leurs parents,
12:01 que d'abord, 80 % des métiers de demain n'existent pas.
12:04 Donc, si elles n'y vont pas, elles n'auront pas de job.
12:07 C'est le point 1.
12:09 Il n'y aura pas de job si on n'y va pas.
12:11 Donc, elles doivent y aller.
12:13 C'est la prise de conscience numéro 1.
12:15 8 métiers sur 10 n'existent pas
12:17 et sont en cours d'invention, de création.
12:21 Et il n'y a rien de tel, à mon avis,
12:24 que de faire parler d'autres femmes pour des femmes,
12:27 ce qu'on appelle des rôles modèles.
12:29 Des rôles modèles qui sont des filles jeunes ou moins jeunes,
12:32 mais des femmes qui sont heureuses dans les jobs qu'elles ont,
12:36 qui vont parler de ces jobs de demain et d'aujourd'hui.
12:39 Le monde de demain, on est dedans.
12:41 Et il avance, quand on voit le chat de GPT,
12:44 on voit à quel point ça avance vite, vite, vite.
12:47 Et donc, c'est essentiellement faire parler des rôles modèles.
12:51 Et puis, c'est aussi expliquer entre maintenant...
12:54 On a quelqu'un qui va venir expliquer
12:56 quel est le meilleur pipeline dans les études à suivre
12:59 entre pratiquement de la maternelle au premier emploi.
13:03 On va parler de ce monde de demain,
13:05 on va les faire rêver que c'est possible pour elles.
13:08 -Tout à fait.
13:09 C'est tout à fait possible pour elles, effectivement.
13:12 C'est ça, agir, leur donner envie d'agir.
13:15 C'est un peu dans cette émission. -Oui, absolument.
13:19 -J'aimerais bien, dans quelques temps,
13:21 vous nous donner des nouvelles.
13:23 J'invite ceux qui seraient de passage à Paris,
13:26 et celles aussi, surtout, à se rendre au Palais de Tokyo.
13:31 -Mais on veut les hommes aussi.
13:32 -Le monde se construira ensemble.
13:35 Rendez-vous le 12 mai au Palais de Tokyo.
13:38 Merci beaucoup, Aude Thurin.
13:40 -Merci de cette invitation.
13:42 C'est très important, c'est la première fois
13:45 que je vais parler de ce nouveau projet et de Systemic.
13:48 -Je suis sûre que ce sera une réussite Systemic.
13:52 Rendez-vous le 12 mai au Palais de Tokyo.
13:55 Si vous êtes de passage à Paris, venez pour l'occasion.
13:58 J'y serai, en tout cas.
14:00 Vous pouvez aussi, dorénavant,
14:02 retrouver nos podcasts d'envie d'agir
14:05 sur toutes vos plateformes préférées.
14:07 Je vous dis aussi à très vite sur C8 pour plus d'envie d'agir.

Recommandations