Dorothée Roch s'engage pour rétablir une parité dans les métiers et le secteur de la TECH : car peu de femmes se lancent dans ce secteur rémunérateur et d'avenir.
Lola Dubini se confie sur une réelle difficulté pour les femmes d'être considérées comme professionnelles dans le secteur des médias et de la musique.
Abonnez-vous et rendez-vous le dimanche, à 9h sur C8 pour plus d'envies d'agir !
https://becomtech.fr/
https://www.instagram.com/loladubini/
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00:00 [Musique]
00:08 Bonjour et bienvenue dans Envie d'agir, où vous allez découvrir aujourd'hui l'engagement de Dorothée Roch avec Becomtech.
00:15 Bonjour Dorothée.
00:16 Bonjour.
00:17 Merci d'être avec nous.
00:19 Donc vous êtes la cofondatrice de l'association Becomtech et vous en êtes aussi la directrice.
00:24 Expliquez-nous ce que fait Becomtech.
00:26 Alors Becomtech, c'est une association que j'ai cofondée en 2017 et qui a pour objectif d'oeuvrer à plus de mixité dans l'informatique et le numérique
00:36 à travers des programmes destinés aux adolescentes qui permettent de les sensibiliser, de les initier au numérique et de les accompagner dans le temps long.
00:44 C'est une association pour l'égalité des chances.
00:46 Et pourquoi le numérique ?
00:48 Alors si nous avons choisi le sujet du numérique, c'est parce que les femmes sont sous-représentées dans les métiers du numérique.
00:55 Elles ne sont que 33% à travailler dans les entreprises de numérique et elles ne sont que 15% quand il s'agit de regarder les métiers techniques du numérique.
01:04 Et est-ce que c'est grave ?
01:06 Alors pour nous, c'était un problème à plusieurs niveaux.
01:10 En fait, d'abord ces métiers sont des métiers qui sont porteurs de nombreuses opportunités.
01:14 Donc ce sont des opportunités professionnelles dont sont privées les femmes puisqu'il y a de nombreux emplois, de belles carrières, de belles rémunérations.
01:22 Ensuite, c'était aussi un enjeu en termes d'insertion professionnelle, quels que soient les métiers et les secteurs.
01:28 Puisqu'aujourd'hui, en fait, dans tous les domaines et dans tous les métiers, on a besoin de compétences numériques.
01:34 Et puis, en troisième lieu, c'était pour nous un enjeu d'égalité et plus politique.
01:39 Le numérique façonne le monde dans lequel on vit aujourd'hui, façonnera encore plus le monde dans lequel on vivra demain.
01:45 Et finalement, ce monde, si les femmes ne contribuent pas à le façonner, elles en sont exclues dans sa conception.
01:52 Et c'est à ce titre-là que ça nous paraissait essentiel d'œuvrer pour Plus de Mixité.
01:57 Plus de Mixité dans ces métiers de la tech ou dans les usages aussi, si je comprends bien, puisque vous dites que c'est indispensable aujourd'hui, on ne peut plus vraiment s'en passer.
02:07 Est-ce que vous avez une typologie ? En termes d'âge, est-ce que vous avez tout niveau d'âge qui vient jusqu'à vous ?
02:17 Alors, on travaille initialement avec des élèves de troisième et de seconde, parce que dans le système scolaire français, c'est vraiment des classes charnières pour l'orientation.
02:28 Donc, on commence dans ces classes-là, on fait de la sensibilisation. Ensuite, on fait des parcours plus longs et donc, on accompagne les filles dans la durée jusqu'à leur insertion professionnelle pour les plus âgées aujourd'hui.
02:40 Et c'est quoi Jumping Tech ?
02:42 Alors, Jumping Tech, c'est un programme qui commence par des sensibilisations dans les collèges et les lycées qui visent à faire connaître ce sujet, faire connaître aux élèves le fait que la mixité, ce n'est pas une réalité aujourd'hui dans de nombreux métiers,
02:55 que les filles et les femmes sont absentes ou très largement sous-représentées dans les métiers scientifiques et techniques et qu'il y a de l'intérêt dans les métiers du numérique.
03:04 Après, c'est un programme intensif de quatre semaines pendant l'été. Ce qu'il faut savoir, c'est que c'est totalement gratuit et c'est vraiment pour toutes les filles.
03:12 Il n'y a pas de critères de sélection, d'intérêt scolaire. Si une fille est curieuse et a envie, elle est la bienvenue dans ce programme.
03:20 Et ce programme, il dure quatre semaines et c'est à la fois de l'initiation au développement web, c'est aussi de la communication digitale, de la culture numérique, de la rencontre avec des entreprises et beaucoup de projets parce qu'on travaille en pédagogie active.
03:33 Alors, plein de questions me viennent. Vous dites école gratuite, ce qui est vraiment super, mais comment faites-vous pour vous financer ?
03:39 Alors, effectivement, puisque ce ne sont pas les participantes qui vont financer les programmes, on a besoin de soutien de mécènes.
03:46 Donc, on travaille avec des acteurs publics au niveau national et au niveau local qui nous octroient des subventions pour mener nos programmes et aussi avec des entreprises.
03:56 On a des entreprises qui ont des fondations d'entreprises qui vont nous donner du soutien financier, mais aussi à travers d'autres dispositifs.
04:04 Par exemple, la taxe d'apprentissage qui est un impôt que doivent payer toutes les entreprises et Bicomtech, en tant qu'acteur important de l'orientation, peut se voir reverser une partie de cette taxe d'apprentissage.
04:15 Ah oui, très bonne info. Donc, vous êtes éligible aux taxes d'apprentissage. Je crois que la période, c'est bientôt.
04:19 C'est en ce moment, donc n'hésitez pas.
04:20 Super. Et autre question de fond. Pourquoi, malgré les efforts, parce que néanmoins, il y en a, il y a vous et il y a d'autres acteurs qui œuvrent pour qu'il y ait plus de femmes et de jeunes filles dans les métiers dits de la taxe d'apprentissage ?
04:33 On va dire ça comme ça. Et pourtant, il ne me semble pas qu'on s'améliore énormément. Pourquoi ? Est-ce que vous pouvez, d'un point de vue sociétal, nous expliquer, d'après vous, pourquoi on en est là ?
04:44 Tout à fait. Alors d'abord, l'informatique et le numérique, ça appartient à la famille des métiers techniques, scientifiques, qui, historiquement, sont des métiers dans lesquels les femmes sont sous-représentées.
04:55 Après, il y a effectivement des spécificités avec l'informatique puisque, finalement, ces métiers-là n'étaient pas vraiment assimilés à des métiers d'ingénierie, mais plutôt du calcul, et qu'il y avait une proportion de femmes plus importante jusque dans les années 80.
05:09 Et en fait, dans les années 80, les ordinateurs sont arrivés dans les familles, dans les foyers, et il y a eu tout un marketing qui était dirigé vers les hommes.
05:18 Et puis, c'est à ce moment-là aussi qu'émerge la figure du geek, qu'on connaît bien maintenant à travers la pop culture, et qui est vraiment une figure masculine.
05:26 Et donc, tous ces stéréotypes donnent à penser que, finalement, les filles, les femmes ne sont pas les bienvenues, qu'elles ne sont pas légitimes à investir ces carrières-là.
05:35 C'est pas pour elles, alors que ça, c'est juste un gros stéréotype, on est d'accord. Votre conviction, c'est que c'est absolument pas ça.
05:41 Tout à fait.
05:42 Et en effet, ce combat contre les stéréotypes, forcément, dans les domaines dans lesquels vous intervenez, il faut les faire.
05:48 Mais il n'y a pas que ça. Il y a dans d'autres industries, comme par exemple des métiers comme chanteuse, où des stéréotypes ont la dent dure.
05:56 Je vous propose de regarder ensemble le message engagé de Lola Dubinou. On regarde.
06:01 Parmi toutes les photos du monde, j'ai choisi une photo de moi, parce que cette photo, elle symbolise beaucoup.
06:07 En réalité, ici, c'est la cabine dans laquelle j'ai enregistré tout mon album.
06:11 C'est moi qui, à 100%, produis l'album de A à Z, en choisissant les équipes avec qui je travaille.
06:16 C'était le rêve de ma vie de faire ça. Enfin, pas forcément dans ces conditions, mais par la force des choses, et vous le comprendrez, j'ai dû le faire.
06:23 Et je ne peux que me remercier, parce qu'il faut s'accrocher, en réalité. Il faut vraiment s'accrocher pour réaliser ses rêves.
06:31 En gros, j'avais eu des contacts avec des majors à cette époque, mais ils me demandaient de perdre 20 kilos à 16 ans.
06:37 Je ne correspondais pas à l'industrie musicale de l'époque, et encore maintenant, je pose plein de questions.
06:42 Ça a été un refus net de ma part et de la part de mes parents aussi, parce qu'ils ont dit, "En fait, la musique, c'est pour les oreilles, c'est pas pour les yeux."
06:49 Moi, j'ai eu des commentaires très rapidement sur mon physique, des "Lola, elle est pas baisable."
06:53 Des trucs que tu entends quand t'as 21 ans et qui font mal à l'ego, très clairement.
07:01 Et du coup, est-ce qu'on la garde sur la chaîne ? Est-ce que ça va fonctionner quand même ?
07:04 Et en fait, il y a un moment où ils ont vu que ça fonctionnait quand même, que les gens sont là pour écouter la musique.
07:10 Il n'y a pas de débat. Les gens ne sont pas débiles.
07:13 En fait, j'ai été confrontée à la misogynie très rapidement dans le secteur, puisque déjà, une femme qui chante, elle est juste interprète, elle ne peut pas faire ses chansons.
07:20 Ce serait trop simple. Donc moi, on me demandait qui écrivait avec moi, et à chaque fois que je répondais que c'était moi,
07:25 et les gens étaient genre, "Oui, mais qui t'aide ?"
07:27 Ben non, en fait, il n'y a pas de mec qui m'aide derrière, si c'est la question, et ça a toujours été la question.
07:31 Il a toujours été question de "Quel est l'homme qui t'a mis le pied à l'étrier ?"
07:34 Ben l'homme qui m'a mis le pied à l'étrier, c'est moi.
07:36 Si tu me demandes des conseils en guitare, j'ai les mêmes capacités qu'un homme à te dire qu'une guitare est mieux qu'une autre.
07:42 Et c'est très compliqué de se le dire et de se le mettre dans la tête.
07:46 C'est très compliqué de déconstruire la misogynie qu'on construit depuis qu'on est enfant, en fait.
07:51 Moi, c'était de rencontrer des femmes qui font la même chose que moi, de discuter avec elles, de confronter et d'en parler surtout de cette misogynie.
07:59 De voir qu'aussi, les hommes, il ne faut pas les diaboliser, parce qu'il y en a des super.
08:02 Moi, je pense à Pierre Laurent Fort, avec qui je fais mon album, que j'ai choisi.
08:06 Ce n'est pas d'avancer sans les hommes, mais c'est d'avancer avec les bons.
08:09 Merci beaucoup Lola Dubini pour ce message engagé. Qu'est-ce que vous en pensez ?
08:13 Ça résonne beaucoup avec le travail qu'on fait, en fait.
08:16 Quand elle parle notamment du regard des autres, moi, ça me fait penser à un podcast qui a été créé par les ambassadrices de l'association Become Tech.
08:24 C'est un podcast qui s'appelle "Suite à voix" et il y a justement un épisode qui s'appelle "Le reflet de tes yeux".
08:30 Et c'est comment est-ce que le regard des autres peut être un frein pour réaliser nos rêves.
08:35 Et le travail de l'association, c'est justement aussi de déconstruire ces stéréotypes qui font que l'entourage met des freins dans les ambitions des filles et des femmes.
08:45 Elle le dit très bien, on ne croit pas en fait que c'est elle qui va écrire les chansons.
08:49 C'est pareil quand il y a des filles qui nous racontent que quand elles expriment le souhait d'aller vers le numérique, on leur dit "T'es sûre ? Ça a l'air dur ? Tu vas y arriver ?"
08:58 C'est tous ces doutes qui, évidemment, sont très communicatifs.
09:02 Est-ce qu'on peut parler d'une forme de sexisme ou de machisme de la part des hommes envers les filles qui iraient dans ces métiers-là ?
09:11 Alors il y a du sexisme, ça c'est sûr. Il y a du sexisme dans les établissements dans lesquels elles vont faire leurs études par exemple.
09:19 Il y a beaucoup d'études malheureusement qui ont montré le sexisme et les violences aussi qui sont présentes dans le supérieur par exemple.
09:26 Et du coup du décrochage je crois.
09:28 Le décrochage qui est forcément plus important quand on subit des violences ou du sexisme au quotidien.
09:34 Après il y a aussi des stéréotypes qui ont la dent dure et qui sont pas mal intentionnés.
09:40 Oui, tu voulais dire une méconnaissance des sujets qui rendrait les gens intolérants ?
09:45 Oui, et puis les gens qui ne savent pas, qui sont porteurs de ces stéréotypes, ils ont un message qui est en réalité emprunt de sexisme.
09:54 Vous, personnellement, qu'est-ce qui vous a amené vers cet engagement-là ? La motivation profonde de nos invités nous intéresse beaucoup.
10:05 Je crois qu'en fait avant de créer Becomtech, j'ai beaucoup travaillé à l'accompagnement de personnes au chômage de longue durée.
10:15 Et il y avait plein de raisons en fait qui expliquaient cette situation dans laquelle ils étaient.
10:20 Parmi ces explications, il y en avait qui étaient en lien avec le numérique.
10:24 Certaines de ces personnes avaient perdu leur autonomie dans leur démarche de recherche d'emploi parce que tout se fait en ligne désormais,
10:32 et qu'ils ne maîtrisaient pas ces outils-là. Il y en avait d'autres qui avaient des métiers qui avaient beaucoup changé
10:36 et qui n'étaient plus en mesure d'exercer parce qu'ils avaient été transformés par le digital.
10:42 Et donc ça, ça m'a donné beaucoup de matière à penser et j'ai aussi eu envie d'agir plus en amont en fait.
10:47 Comment faire en sorte de prévenir, je dirais, ces difficultés potentielles futures ?
10:52 Et je trouve que Becomtech, ce qu'on y fait, c'est une très belle réponse parce qu'avec la pédagogie qu'on a,
10:57 on permet aux filles de développer leur curiosité, mais aussi leur capacité à apprendre en autonomie.
11:04 Et c'est vraiment cette dynamique qui est enclenchée avec elle, qui pour moi se traduit par finalement l'apprentissage tout au long de la vie,
11:10 et ce qu'on appelle la formation continue.
11:12 Et je crois que c'est vraiment indispensable aujourd'hui, vu que les métiers sont amenés à être transformés dans les années qui viennent.
11:17 Et combien de filles est-ce que vous accompagnez depuis le début ? Et ça représente quoi à l'échelle nationale ?
11:24 Alors, on a accompagné plus de 400 ambassadrices aujourd'hui qui forment notre communauté à travers le programme Jumping Tech
11:32 et les programmes qui suivent. Et puis on a impacté plus de 10 000 personnes, à la fois les élèves dans les établissements scolaires,
11:38 mais aussi le grand public. On est présents en Île-de-France, dans quatre départements.
11:43 On est aussi présents dans les Pays de la Loire, à Nantes, on est présents en Auvergne-Rhône-Alpes.
11:48 Et cette année, on va développer nos programmes pour la première fois dans la région Sud-Paka.
11:52 Et est-ce que dans ces jeunes filles que vous suivez, vous auriez vu des talents, des pépites, des futurs Steve Jobs dans vos effectifs ?
12:01 Alors oui, en fait, on en voit tous les jours.
12:04 Et ce qui est intéressant, c'est que comme nos programmes sont destinés à toutes les filles,
12:08 il y a des filles qui viennent et qui sont en difficulté pour manipuler un clavier et une souris.
12:13 Et puis il y a des filles qui, au contraire, sont déjà un peu mordues. Et c'est vraiment les programmes qu'elles attendaient pour s'épanouir.
12:18 Et donc la progression, et c'est tout l'objet d'une pédagogie inclusive, elle est à la mesure de chacune.
12:24 Il y a vraiment de la place pour toutes les filles, pour que le numérique soit une opportunité pour chacune d'entre elles.
12:28 Tout à fait. Et c'est quoi votre envie d'agir dans les cinq prochaines années, alors ?
12:31 Et bien, comme on le disait, je pense qu'il y a un enjeu culturel sur ces métiers-là.
12:35 Donc c'est des choses qui se transforment sur le long terme.
12:39 Donc je pense que mon envie, c'est de continuer ce qu'on fait aujourd'hui,
12:42 de permettre l'accès à nos programmes à plus de filles, donc dans plus de territoires.
12:46 Et puis aussi, c'est de porter des innovations.
12:48 On a plein de champs qu'on a envie d'explorer pour être encore plus impactants dans ce qu'on fait.
12:53 Donc là, on monte un nouveau projet qui s'appelle Together in Tech, qui va agir dans le supérieur.
12:58 Et donc, voilà, c'est aller plus loin et faire en sorte que demain,
13:01 la question des filles et des femmes dans le numérique ne se pose plus.
13:04 Vous pensez qu'on atteindra le 50-50 en quelle année ?
13:06 L'année prochaine ? Non, je dis qu'il faut être optimiste.
13:09 C'est très difficile à dire. On a reconnu des reculs sur les questions d'égalité,
13:13 notamment à l'occasion du Covid. En fait, l'égalité, c'est quelque chose qui n'est jamais acquis.
13:18 Donc le combat continue.
13:20 Exactement.
13:21 Alors, très bonne continuation à vous. Vous viendrez nous donner des nouvelles.
13:24 Merci beaucoup, Dorothée, avec Becom Tech.
13:26 Merci à vous.
13:27 Et quant à nous, on se retrouve aussi très vite sur C8 pour plus d'envie d'agir. Merci.
13:31 !