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Près d’un an après son échec aux élections législatives 2022, Manuel Valls fait son retour médiatique avec la parution de son nouveau livre baptisé « Le courage guidait leur pas » (éditions Tallandier). Dans ce recueil, il raconte les personnalités qui l’inspirent comme Georges Clemenceau, Winston Churchill, mais aussi Albert Camus, Louise Michel ou Charb. « Ils nous guident. Le courage, c’est la lucidité, la lucidité d’observer la situation du monde et de notre pays. C’est un devoir de vérité que nous devons aux Français. C’est un sursaut nécessaire quand on est dans une situation de crise démocratique profonde que nous vivons avec l’effondrement des deux grands partis qui ont gouverné pendant des années », explique Manuel Valls, invité des 4 Vérités, mercredi 22 mars, sur France 2. L’ancien Premier ministre appelle à « réagir ». « Le courage, c’est aussi de réformer », estime-t-il.


Depuis l’adoption du projet de réforme des retraites via le 49.3 par le gouvernement, le pays est sous tension et la colère se radicalise. Mardi 21 mars dans la soirée, des manifestations sauvages se sont tenues partout en France, notamment place de la République à Paris où des heurts ont éclaté avec les forces de l’ordre. Sur le sujet, Manuel Valls estime que le projet de réforme a « été très mal expliqué ». « Il ne faut jamais renoncer à convaincre et à entraîner les Français. Les Français ne comprennent pas vraiment ce qu’il se passe. Ils ont du mal à trouver le lien avec ce président qui est légitime », souligne-t-il.


Retraites : tenir ou reculer ?


Mardi 21 mars, Emmanuel Macron s’est exprimé devant ses soutiens, affirmant que « la foule » n’a « pas de légitimité » face « au peuple qui s’exprime à travers ses élus ». Des propos relayés par les médias qui ont immédiatement mis le feu aux poudres, bien que le président ait également appelé à l’apaisement. « Au fond, on s’habitue à la violence dans la rue, à la violence des mots à l’Assemblée nationale, à une confrontation des populismes de droite et de gauche qui apparaissent comme, demain, les seules alternatives. De ce point de vue là, le Président a raison de rappeler la légitimité démocratique », assure l’ancien ministre de l’Intérieur. « Mais attention à la rupture avec des gens qui ont manifesté de façon responsable avec les syndicats qui peuvent se sentir mis en cause. Il faut renouer avec le pays, il faut renouer avec les corps intermédiaires, avec la CFDT… », nuance-t-il, appelant au « dialogue social ».


Le président de la République doit s’exprimer devant les Français à 13 heures sur le plateau du JT de TF1. « Je supplie le président de la République d’avoir la lucidité indispensable pour apporter les réponses nécessaires, le sursaut. Il faut qu’il redonne du sens, un cap au pays, qu’il entraîne les Français dans ce mouvement », précise Manuel Valls. Il l'affirme : « Je ne suis candidat à rien ». « Mon rôle avec mon expérience est de m’exprimer avec de la hauteur de vue et un esprit de responsabilité », conclut-il.

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Transcription
00:00 Bonjour et bienvenue dans les 4V, Manuel Valls.
00:04 Ça fait longtemps qu'on ne vous avait pas vu, pas entendu.
00:06 Et vous revenez avec ce livre, "Le courage, guidez leur pas, 12 destins face à l'histoire"
00:10 qui sortira demain chez les Thaïlandiers et qui est un livre absolument passionnant.
00:13 Ce courage dont vous écrivez, je vous lis, qu'il s'élève au-dessus de tous les clivages.
00:18 Il n'est, dites-vous, ni de droite ni de gauche.
00:21 Il n'est pas plus l'apanage des hommes que des femmes.
00:23 Vertu fondatrice, il reste la plus précieuse des boussoles.
00:27 Eh bien la boussole, on a l'impression que le monde politique l'a un peu perdue.
00:29 C'est ainsi, comment sortir de cette crise et de la réforme des retraites, Manuel Valls ?
00:33 Je vois le lien.
00:34 L'avantage de peu parler, de ne plus être aux responsabilités, de réfléchir et d'écrire,
00:39 c'est qu'on prend de la distance par rapport à l'actualité.
00:42 Et ces personnages qui nous rendent évidemment très modestes,
00:46 il faut de l'humilité face à un Clemenceau, un Churchill, un De Gaulle, un Camus.
00:51 Mais ils nous guident.
00:53 Et au fond, le courage, c'est la lucidité.
00:55 C'est la facilité d'observer la situation aujourd'hui du monde et de notre pays.
01:00 C'est un devoir de vérité aussi que nous devons aux Français.
01:05 Et puis c'est évidemment le sursaut nécessaire quand on est dans une situation de crise démocratique profonde.
01:11 C'est ce que nous vivons aujourd'hui ?
01:12 Oui, partout, dans toutes les démocraties.
01:14 Évidemment, dans la nôtre peut-être encore plus avantage.
01:17 Regardez l'abstention massive aux élections locales, aux élections législatives,
01:21 l'explosion du champ politique avec l'effondrement des deux grands partis
01:25 qui ont gouverné pendant des années, les républicains et les socialistes.
01:30 Une crise morale, semble-t-il, et donc aussi une crise sociale,
01:34 ce qui est un paradoxe parce que nous sommes dans une situation économique plutôt favorable
01:37 avec un chômage très bas, ce que nous n'avons pas connu.
01:40 Ma génération a grandi avec le chômage de masse.
01:43 Donc face à cela, il faut incontestablement réagir et s'inspirer de ces exemples.
01:48 Est-ce que le courage n'est pas un moment de savoir dire "oui, je me suis trompé"
01:51 ou "non, je n'ai pas été compris" et de revenir en arrière ?
01:54 Je vois où est-ce que vous voulez m'amener Thomas Sotho.
01:57 Le courage c'est aussi de réformer.
02:00 Vous voyez, ce qui me frappe, moi, c'est le décalage assez profond entre,
02:04 on vient d'en parler, les grands enjeux du moment, la guerre,
02:08 la guerre en Ukraine qui nous oblige à mettre le paquet en matière de défense,
02:14 le retour des grands empires, les accords inquiétants entre la Russie et la Chine,
02:19 bien sûr le réchauffement climatique.
02:22 Vous avez ces enjeux et de l'autre côté, les aspirations, bien sûr légitimes,
02:26 je ne donne pas de leçons à mes compatriotes,
02:29 mais où les Français manifestent, c'est normal, pour le pouvoir d'achat
02:33 et pour ne pas travailler deux ans de plus.
02:35 Et puis il n'y a pas de petits, de gros sujets ?
02:37 Non, bien sûr, mais c'est ce décalage entre les grands enjeux,
02:41 les défis qu'il faut mieux expliquer aux Français et leurs aspirations,
02:45 c'est dans ce décalage que s'engouffrent après tous les populismes,
02:49 toutes les fractures qui peuvent conduire à mettre en cause,
02:53 comme dans les années 30 d'ailleurs, la démocratie.
02:56 Et dans ce moment-là, le courage, c'est la vérité,
02:58 c'est-à-dire qu'il faut mieux expliquer à nos compatriotes quels sont les enjeux du moment.
03:03 Et l'enjeu principal de mon point de vue, c'est l'effort, c'est l'effort nécessaire.
03:08 Je vais vous répondre, cette réforme des retraites, sans doute nécessaire,
03:13 a été très mal expliquée par ailleurs et donc les Français n'ont pas compris.
03:18 Et face à cela, il faut renouer le lien avec eux parce que sinon...
03:24 Ce n'est pas trop tard sur cette réforme-là ?
03:26 Sur la réforme elle-même, c'est à la fois trop tard parce qu'il y a une opposition forte
03:31 et aussi parce qu'elle va être adoptée grâce à la procédure du 49-3.
03:36 Mais il ne faut jamais renoncer à convaincre, à prendre de la hauteur de vue bien sûr,
03:40 mais à convaincre et à entraîner les Français.
03:43 Parce qu'au fond, depuis un an, la réélection d'Emmanuel Macron,
03:49 et je l'avais appelé à voter évidemment pour lui,
03:51 les Français ne comprennent pas très bien ce qui se passe.
03:53 Au fond, comme si le président de la République n'avait pas compris le message,
03:58 marqué notamment par le fait qu'il n'y a pas de majorité absolue à l'Assemblée nationale,
04:02 ils ont du mal à trouver le lien avec ce président qui est légitime
04:06 et qui est là encore pour quatre ans, et quatre ans c'est beaucoup.
04:09 Vous parlez de l'importance des mots,
04:11 c'est la plupart de ces grands leaders dont vous parlez, de ces douze destins face à l'histoire.
04:16 J'ai juste encore quelques mots utilisés par Emmanuel Macron hier.
04:19 "La foule qui manifeste contre la réforme des retraites n'a pas de légitimité face au peuple
04:23 qui s'exprime souverain à travers ses élus."
04:26 Il a raison de dire ça ou il met de l'huile sur le feu ?
04:28 Le président de la République est un lettré.
04:29 Il avait sans doute en tête cette idée de Victor Hugo,
04:34 "la foule trahit le peuple".
04:36 Le peuple est en haut, mais la foule est en bas.
04:39 C'est un magnifique poème de 1870 de Victor Hugo.
04:43 Ce n'est pas un peu perché par rapport à la situation d'aujourd'hui,
04:45 d'aller chercher Victor Hugo ?
04:47 Non, précisément parce que c'est un de nos grands poètes,
04:50 un de nos grands hommes et quelqu'un qui a fait beaucoup pour la République
04:54 en se battant contre Napoléon III.
04:55 Mais nous ne sommes pas dans une émission historique et littéraire,
04:58 je suis conscient de l'actualité.
05:00 Il a raison sur la légitimité démocratique.
05:03 Parce que moi je veux vous dire,
05:05 en plus de la situation difficile au plan international,
05:08 mon inquiétude, parce qu'au fond on s'habitue à la violence dans la rue,
05:14 on s'habitue à la violence des mots à l'Assemblée nationale,
05:18 à une confrontation entre les populismes de droite et de gauche
05:22 qui apparaissent comme demain les seules alternatives
05:27 au fond aux politiques modérées, réformistes des républicains
05:31 qui viennent de la gauche ou de la droite.
05:32 Et attention, parce que là on est en train de nourrir
05:35 quelque chose de très dangereux pour la démocratie.
05:37 Donc de ce point de vue-là, le président de la République
05:40 a raison de rappeler la légitimité démocratique.
05:42 Mais attention aussi à la rupture, à la cassure
05:46 avec des gens qui ont manifesté grâce aux syndicats,
05:50 qui ont été particulièrement responsables
05:52 et qui peuvent parfois se sentir mis en cause
05:54 alors qu'eux ont été respectueux de la démocratie politique et sociale.
05:58 Bref, ce que je veux dire c'est qu'il faut renouer avec le pays,
06:01 il faut renouer avec les causes intermédiaires,
06:03 il faut renouer avec la CFDT.
06:04 On ne peut pas, dans un pays comme le nôtre,
06:07 marqué par l'abstention, une majorité relative,
06:10 la crise démocratique et morale que j'évoquais,
06:13 passer des mois et des mois sans un véritable dialogue
06:16 marqué par une rupture aujourd'hui avec des gens qui veulent le bien du pays.
06:20 On évoquait les mots qui, quand ils sont justes,
06:22 quand ils tombent bien, ont parfois changé le cours de l'histoire
06:25 avec leur capacité à faire bouger tout un peuple,
06:27 que ce soit avec Churchill, avec le manifeste des 343,
06:29 dont vous parlez avec Jean-Marie Dibahou, avec Camus, avec Zelensky aussi.
06:32 Quant au déclenchement de la guerre,
06:33 les Américains lui proposent de l'exfiltrer d'Ukraine.
06:36 Il répond "j'ai pas besoin d'un taxi, mais j'ai besoin de munitions",
06:39 même si vous précisez que vous ne prenez pas non plus Zelensky
06:42 pour un héros immaculé.
06:43 Il n'y a pas d'héros immaculé, ce sont des hommes et des femmes
06:47 avec leurs qualités et leurs défauts.
06:48 Mais s'il y a quelqu'un aujourd'hui qui représente le sursaut
06:52 de ce que doit être notre civilisation européenne,
06:54 c'est-à-dire la démocratie face au totalitarisme, c'est Zelensky.
06:59 C'est pour ça que nous devons soutenir jusqu'au bout ces Ukrainiens
07:04 qui meurent pour leur pays, mais qui meurent pour nous, pour nos libertés.
07:09 C'est pour ça qu'il faut sortir aussi du confort
07:11 et qu'il faut dire à nos compatriotes "regardez les enjeux".
07:14 La retraite c'est important, l'inflation,
07:16 il y a beaucoup de nos compatriotes qui ont peur pour leur fin du mois.
07:19 Mais il y a des enjeux majeurs et c'est ce qu'avaient compris Churchill ou De Gaulle
07:24 pendant que d'autres pensaient qu'il suffisait de signer avec Hitler et Mussolini
07:27 pour avoir la paix.
07:28 À Zelensky, je vais vous répondre par Camus,
07:29 toujours en vous citant à propos de la guerre d'Algérie
07:31 et on peut se demander si ça ne s'applique pas un peu à la guerre en Ukraine.
07:34 Lorsque la violence répond à la violence,
07:36 le rôle des intellectuels ne peut être d'excuser de loin l'une des violences
07:39 et de condamner l'autre, ce qui a pour double effet d'indigner jusqu'à la fureur
07:43 le violent condamné et d'encourager à plus de violence le violent innocent.
07:47 Autrement dit, on réussit l'exploit de verser de l'huile sur le feu dans les deux camps à la fois.
07:51 Est-ce qu'on n'est pas un peu monobloc ?
07:53 Non, je ne crois pas parce que là il y a incontestablement un agresseur.
07:56 Il faut écouter ce que dit Poutine qui considère que l'Ukraine c'est le peuple russe,
08:00 que le gouvernement de Zelensky est juif, ce sont des nazis.
08:05 Non, il faut s'engager.
08:06 Regardez ce que fait par exemple Bernard-Henri Lévy avec ses films formidables
08:10 et courageux sur l'Ukraine.
08:12 Il faut s'engager, mais toujours avec l'idée de la modération, de l'écoute de l'autre.
08:17 C'est ce que nous enseigne Camus.
08:20 Dans le chapitre consacré à Clémenceau, qui est un de vos idoles, vous écrivez ceci
08:24 "C'est là la beauté de la politique, rien n'est joué jusqu'à l'ultime étincelle de vie".
08:29 Elle veut dire quoi cette phrase adaptée à Manuel Valls ?
08:33 Il y a toujours un espoir en politique.
08:35 Non, vous me posiez la question tout à l'heure, est-ce que ce n'est déjà pas trop tard
08:38 pour le président de la République ?
08:40 Non, ça veut dire que la parole dans une démocratie est essentielle.
08:44 Pour entraîner, Clémenceau devient président du Conseil en 1917,
08:49 alors que la France est en train de perdre la guerre.
08:51 Donc c'est un enjeu important ce qui va se passer à 13h aujourd'hui pour Emmanuel Macron ?
08:55 Une seule émission ne règle pas les problèmes.
08:57 Mais moi je supplie le président de la République de comprendre, je crois qu'il le sait,
09:02 d'avoir la lucidité indispensable pour apporter progressivement les réponses nécessaires,
09:09 le sursaut, les questions de défense, l'énergie nucléaire,
09:15 la lutte contre le réchauffement climatique, la souveraineté de la France.
09:17 Là on l'attend surtout sur les retraites là ?
09:19 Oui bien sûr, mais surtout les sujets.
09:21 Il faut qu'il redonne du sens, un cap au pays qu'il entraîne,
09:25 c'est ça qu'il a perdu depuis un an, qu'il entraîne les Français dans ce mouvement.
09:31 Clémenceau est un exemple encore pour nous tous,
09:34 il ne s'est jamais trompé sur l'essentiel.
09:37 Vous êtes toujours macroniste Manuel Valls ?
09:38 Je n'ai jamais été macroniste parce que je…
09:40 Vous l'avez soutenu ?
09:41 Bien sûr, je l'ai soutenu malgré lui en 2017 et évidemment en 2022,
09:47 il n'y avait pas d'autre solution.
09:48 Puis nous avons eu la chance d'avoir un candidat, un président,
09:51 non seulement jeune mais européen, progressiste et réformiste.
09:55 Mais parce qu'il est président de la République, il a une sacrée responsabilité.
09:59 Et la responsabilité c'est la lucidité, la vérité.
10:02 C'est ça le courage, de réentraîner les Français, de les unir.
10:07 C'était quoi sa promesse ?
10:09 C'est pour ça que nous l'avons soutenue,
10:10 c'était de réconcilier les Français avec eux-mêmes.
10:13 Cette promesse n'a pas été tenue, il reste quatre ans pour la tenir.
10:17 Manuel Valls, les campagnes, les candidatures, les élections, les postes de ministre,
10:19 c'est terminé pour vous ou vous n'excluez rien aujourd'hui ?
10:22 Sans aucun doute, moi je ne suis candidat rien,
10:23 puis vous savez l'âge passant, il y a d'autres générations.
10:26 Oui mais c'est un cap.
10:29 Et puis aussi dans ma vie personnelle, privée,
10:33 des belles choses qui sont arrivées, parfois aussi des inquiétudes.
10:37 Là, la maladie d'un ami, l'accident d'un fils, qui vous font prendre du recul.
10:42 Mon rôle, avec mon expérience, c'est de m'exprimer,
10:46 avec de la hauteur de vue, je l'espère, un esprit de responsabilité.
10:50 Vous savez, c'est déjà pas mal.
10:52 On va terminer avec ces quelques mots de Charb, une des victimes de Charlie Hebdo.
10:55 C'était au moment de la première publication de caricature en 2005 ou 2006 de mémoire.
10:59 C'est peut-être pour peu ce que je vais dire,
11:01 mais je préfère mourir debout que vivre à genoux.
11:04 Merci beaucoup Manuel Valls d'être venu dans les 4V.
11:05 Votre livre sortira demain aux éditions Thaïlandiennes.
11:07 Il s'appelle "Le courage, guidez leurs pas, 12 destins face à l'histoire".
11:10 Clémenceau, Louise Michel, Malraux, Castellion, De Gaulle, Djibout et d'autres.
11:13 C'est absolument passionnant. Merci. Bonne journée à vous.
11:15 Merci à vous Thomas.

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