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Me. Patrick Baudouin, président de la Ligue des Droits de l’Homme, était mercredi 22 mars l'invité de franceinfo. il répondait aux questions d'Aurélien Accart.

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Transcription
00:00 nouvelle soirée de manifestations éruptives à Grenoble, Rennes, Lille ou Nantes.
00:04 Manifestations parfois émaillées de tensions et de face à face tendues avec
00:07 les forces de l'ordre également dans les rues de Paris. Bonjour Maître Patrick
00:11 Baudoin. Bonjour. Vous êtes avocat et président de la Ligue des droits de
00:15 l'homme. Depuis quelques jours la situation s'est fortement tendue. Des
00:18 manifestants qui jouent au chat et à la souris avec la police. Des manifestations
00:22 non déclarées, des poubelles parfois érigées en barricades, des poubelles
00:25 incendiées qui font parfois peser un risque pour la sécurité des commerces
00:29 et des immeubles. Est-ce que ces images d'abord d'un mouvement social qui est
00:33 clairement en train de déborder, ces images vous inquiètent ? D'une part
00:37 c'était pleinement prévisible face à la surdité et à l'aveuglement du pouvoir et
00:43 d'autre part c'est effectivement extrêmement inquiétant parce qu'on a
00:46 le sentiment que c'est incontrôlé, incontrôlable et on ne sait pas vers
00:52 où l'on va. Et la Ligue des droits de l'homme a pris hier d'ailleurs un
00:54 communiqué pour dire qu'on est dans une situation particulièrement alarmante
00:59 pour la démocratie et en présence de violences policières puisque
01:06 c'est le sujet aussi qu'il faut aborder, qui ne peuvent que faire dégénérer la
01:12 situation. Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, lui dénonce ce qu'il
01:15 appelle la bordélisation des manifestations non organisées.
01:18 Il demande aux policiers de ne pas répondre aux provocations de l'extrême
01:22 gauche. Il renvoie la balle en quelque sorte à ces manifestations en disant que
01:27 tant qu'elles ne sont pas déclarées, le préfet de police ne laissera pas faire
01:29 le désordre. Oui mais alors ça donne un peu l'impression du pyromane qui
01:37 ensuite a un peu du mal à éteindre l'incendie.
01:40 Il faut quand même pas oublier quelle est la cause de ces manifestations et la
01:44 cause de ces manifestations c'est encore une fois l'entêtement du pouvoir.
01:48 Alors vous parlez de manifestations non autorisées mais ce ne sont pas des
01:54 manifestations interdites. Il faut faire la différence.
01:57 Ce sont des rassemblements spontanés, des rassemblements qui d'ailleurs se tiennent
02:03 en général à peu près paisiblement jusqu'au moment où interviennent les
02:06 forces de l'ordre. Et ces interventions des forces de l'ordre sont actuellement, à
02:12 nouveau, comme cela a été le cas au moment de la crise des gilets jaunes,
02:16 disproportionnées. Pourquoi ? Parce que l'on voit d'abord, et ça vient d'être
02:21 dénoncé hier par la défenseur des droits, des interpellations abusives
02:27 préventives, c'est à dire de manifestants qu'on va essayer d'empêcher d'accéder au
02:34 lieu d'un rassemblement. Donc c'est une première atteinte à la liberté de
02:37 manifestation. Les autres éléments que l'on a pu constater dans les jours
02:41 écoulés, c'est tout de même à nouveau un comportement excessivement violent de
02:47 la part des forces de l'ordre. Alors un exemple, on retourne à ce qu'on
02:52 appelle la technique de la NASS, qui pourtant a été interdite par le
02:57 Conseil d'État puisque c'était prévu dans le plan du maintien de l'ordre et
03:02 le Conseil d'État a annulé cette disposition. - C'est le Nassage indiscriminé
03:07 très précisément qui est jugé illégal par le Conseil d'État. - Oui, c'est le
03:10 Nassage indiscriminé mais c'est forcément un peu indiscriminé lors d'une
03:13 manifestation. C'est-à-dire qu'on va prendre dans la NASS, pas seulement parce
03:17 que c'est vrai qu'il y a des éléments violents, il s'agit pas de le nier.
03:20 - Gérald Darmanin a mis en avant les policiers qui ont été blessés, 300 policiers
03:25 blessés depuis le début du mouvement contre la réforme des retraites, dont deux
03:28 gravement, essentiellement ces derniers jours. Ça c'est pas des
03:31 arguments que vous entendez ? Vous dites qu'il y a un problème plus large
03:35 de politique, de maintien de l'ordre en fait ? - J'entends l'argument, si vous
03:41 voulez, il ne s'agit pas, moi je suis pas là du tout et c'est pas du tout la
03:44 position de la Ligue pour en quelque sorte taper sur la police.
03:47 C'est pas ça. Je ne conteste pas ni la difficulté du métier, ni le fait qu'il
03:53 n'est pas normal évidemment que des policiers puissent être blessés. Ce n'est
03:56 pas cela. Le problème c'est la réponse qui est apportée au niveau du pouvoir
04:01 dans la technique du maintien de l'ordre. Et ce que nous disons c'est que cette
04:05 technique du maintien de l'ordre aujourd'hui est une technique à nouveau
04:08 de provocation et de violence qui elle-même va générer inévitablement
04:14 une réaction qui va se reporter sur les policiers eux-mêmes.
04:21 Donc il faut revenir à une véritable déontologie des forces de l'ordre. Je
04:26 vais citer un autre exemple. À nouveau on constate, la Ligue est assez vigilante
04:30 là-dessus, que les policiers on ne voit pas, ils ont un numéro d'identification
04:35 parce qu'il y a des abus, il y a des bavures, c'est incontestable. Le numéro Rio.
04:39 Eh bien à nouveau on ne le voit pas pour beaucoup de policiers. Or c'est
04:44 élémentaire en termes aussi de déontologie. Donc c'est cela que nous
04:49 reprochons aujourd'hui. Bon il y a aussi le recours au matraquage qui est quand
04:55 même assez systématique. - Notamment les braves M, ces brigades policières à
04:59 moto créées à l'occasion du mouvement des gilets jaunes qui sont à nouveau très
05:02 critiquées. - Oui tout à fait mais pourquoi critiquer ? Parce qu'elles sortent un peu
05:08 du cadre du maintien de l'ordre normal. Ce sont des brigades de répression de la
05:15 violence et qui agissent elles-mêmes d'une façon qui est immédiatement
05:20 ressentie comme violente. Donc ça provoque forcément une étincelle.
05:25 - Emmanuel Macron estime devant les députés de la majorité que la foule n'a pas de
05:28 légitimité face au peuple qui s'exprime à travers ses élus.
05:31 Ça risque pas tellement de calmer les choses ? - Certainement pas. Alors on
05:36 rappellera quand même qu'il faut distinguer la légalité et la légitimité.
05:40 Il y a des périodes de notre histoire où on a eu des lois qui ont été adoptées
05:44 en pleine conformité avec les dispositions légales et constitutionnelles.
05:47 Et pour autant elles étaient illégitimes. Donc ce qu'oublie monsieur Macron c'est
05:51 qu'aujourd'hui il y a une légitimité dans la réaction de la rue car
05:54 manifestement il y a un mouvement populaire de grande ampleur qui est un
05:57 mouvement populaire qui est majoritairement et très largement hostile
06:01 à cette réforme des retraites et à la façon dont ça s'est passé au Parlement.
06:05 Donc de venir nous dire aujourd'hui qu'il n'y a pas de légitimité à cette action
06:10 je crois que c'est extrêmement provocateur et en plus c'est
06:13 historiquement erroné. C'est à nouveau mettre de l'huile sur le feu.
06:17 - Patrick Baudoin président de la Ligue des droits de l'homme, invité ce matin du
06:20 5/7 de France Info. Merci beaucoup.

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