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Juge des libertés et de la détention, Béatrice Penaud-Ducournau raconte son métier et son parcours dans « Une justice à visage humain » (Éditions du Rocher). Elle est l’invitée de 9H10.

Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
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Transcription
00:00 Il est 9h09, Sonia De Vilaire, votre invitée aujourd'hui est juge des libertés et de la détention.
00:04 Bonjour Madame la Présidente !
00:06 Bonjour Sonia De Vilaire !
00:08 Car c'est comme ça qu'il faut dire Madame la Présidente !
00:10 Bonjour Béatrice Peuneau-Ducournau !
00:12 J'aimerais que vous nous racontiez en quelques mots ce que c'est qu'un juge des libertés et de la détention.
00:17 C'est pas pour rien que le mot « liberté » est avant le mot « détention ».
00:21 Alors un juge des libertés et de la détention, c'est un juge expérimenté d'un tribunal judiciaire
00:26 qui statue avant le procès.
00:28 Alors son rôle principal, c'est effectivement de décider ou pas de la détention provisoire,
00:34 d'un mis en examen, mais il a aussi tout un panel de compétences,
00:39 un éventail qui s'est d'ailleurs élargi au fil du temps.
00:41 Qui n'arrête pas de s'élargir.
00:43 Qui n'arrête pas de s'élargir.
00:45 Il statue notamment en ce qui concerne les requêtes du parquet,
00:52 les écoutes téléphoniques, les géolocalisations, les sonorisations,
00:56 tous ces actes d'investigation demandés par la police ou la gendarmerie.
01:00 Et puis il a d'autres compétences, comme le statuer sur les hospitalisations psychiatriques sous contrainte.
01:06 Oui, voire par exemple les étrangers en centre de rétention.
01:14 Exactement.
01:15 Voilà, donc un prévenu doit-il attendre son procès en prison ou non ?
01:21 C'est l'une de vos principales fonctions.
01:24 On revient en l'an 2000 au journal de TF1, au moment où on avait créé cette nouvelle fonction de juge.
01:31 Parce que pendant très longtemps, la justice française a fonctionné sans.
01:34 Dès le 1er janvier, le juge d'instruction devra s'en remettre au nouveau juge de la détention
01:39 qui décidera seul d'envoyer ou non un suspect en prison.
01:43 Les juges d'instruction s'interrogent sur l'efficacité du juge de la détention.
01:48 Il n'est pas le juge de l'enquête, donc il ne connaîtra pas le dossier.
01:51 Face à des procédures très importantes, très volumineuses, ce sera pour lui particulièrement difficile.
01:57 Voilà, à l'époque, ça avait suscité des rebuffades.
02:01 Effectivement.
02:02 C'est une création de l'an 2000, avec l'arrivée dans le XXIe siècle.
02:07 Et créer cette fonction qui permet un double regard sur l'instruction.
02:12 Il y a le juge de l'instruction et il y a le juge de la liberté de la détention qui
02:17 statue lui sur la détention.
02:19 Mais nous connaissons le dossier.
02:21 Nous le lisons attentivement avant de statuer.
02:24 Et par ailleurs, avant de statuer, il y a un débat contradictoire face à vous.
02:28 Et c'est ça que vous devez décrire.
02:29 Vous l'avez décrit dans le livre que vous publiez aux éditions du Rocher, Madame la
02:33 Juge, une justice à visage humain, une juge de liberté de la détention témoigne.
02:37 On vous entend assez rarement.
02:39 Donc c'est intéressant de vous avoir à ce micro.
02:43 Je précise que vous titrez votre livre "Une justice à visage humain".
02:46 Ça n'est pas un plaidoyer pour une justice à visage humain.
02:49 C'est que vous estimez que la justice française est à visage humain et que vous voulez faire
02:52 connaître ce visage.
02:55 Donc on vous écoute.
02:56 Qu'est-ce qui se passe dans votre bureau ? Il y a un débat contradictoire.
02:59 Ce que je voulais dire d'abord, c'est que c'est une première, effectivement.
03:02 C'est la première fois qu'un juge de liberté de la détention s'exprime dans un livre,
03:06 témoigne de son quotidien.
03:07 C'est donc un témoignage au plus près de la réalité de terrain que je vis en Val-d'Oise.
03:13 C'est ça.
03:14 Une cinquantaine de dossiers par semaine.
03:15 En forte augmentation chaque année.
03:18 Tout à fait.
03:19 Effectivement, une activité très intense, lourde parfois, avec des horaires tardifs,
03:25 avec des contraintes.
03:26 Voilà.
03:27 On sait que les magistrats sont mal dotés et écrasés par le travail.
03:32 Ça a été beaucoup médiatisé.
03:33 Donc un débat contradictoire.
03:35 L'essentiel de la justice, c'est le débat, finalement.
03:37 La justice est une expérience humaine.
03:41 Je suis un être humain face à d'autres êtres humains, avec leur parcours singulier.
03:46 C'est donc une expérience à la fois intellectuelle et émotionnelle.
03:51 J'ai voulu restituer, si vous voulez, dans ce livre aussi la part émotionnelle de la
03:56 justice.
03:57 Alors, vous vous dites dans ce livre « je ne rédige pas mes décisions avant le débat ».
04:01 Tout à fait.
04:03 Encore heureux.
04:04 Non mais encore heureux.
04:05 Oui, mais vous savez, vu la cadence, vu le flot des dossiers, certains pourraient être
04:12 tentés de le faire.
04:13 Ou certains le font.
04:14 Peut-être.
04:15 C'est pas mon cas.
04:16 Ça n'a jamais été mon cas parce que je crois qu'il faut se laisser surprendre
04:19 par le débat.
04:20 C'est l'essence même de la justice.
04:23 C'est entendre des arguments.
04:24 Vous ne voyez pas les victimes.
04:25 Vous voyez un accusé.
04:27 Vous voyez ce qu'on appelle un prévenu.
04:28 Vous voyez son avocat.
04:30 Et vous voyez celui qui requiert sa mise en décision.
04:34 C'est-à-dire le substitut du procureur de la République.
04:36 C'est une mini-audience, donc dans un grand bureau, là, en Val-d'Oise.
04:40 Donc il y a le procureur de la République, représenté par son substitut, l'avocat,
04:44 et donc le justiciaire devant moi, et à ma gauche, le greffier.
04:47 Voilà.
04:48 Évidemment, je vais vous passer à une archive très récente, l'affaire Palmade, avec ses
04:53 rebondissements.
04:54 Pierre Palmade, doit-il ou non attendre son procès en prison ? Ça a fait les gorges
04:57 chaudes de BFMTV.
04:58 "Pendant plusieurs heures, Pierre Palmade a donc eu affaire à ce qu'on appelle un
05:04 juge des libertés et de la détention.
05:07 Une audience durant laquelle, eh bien, le procureur, les avocats de Pierre Palmade,
05:11 le juge des libertés et de la détention, ont donc débattu du sort judiciaire de l'humoriste
05:16 de 54 ans.
05:17 Soit Pierre Palmade était placé en détention provisoire, c'est ce qu'avait réclamé le
05:22 procureur, soit il était remis en liberté sous contrôle judiciaire.
05:25 Et c'est donc cette décision qui a été retenue par le JLD à l'issue de plusieurs
05:30 heures d'audience."
05:31 Et puis ensuite, il y a eu beaucoup de rebondissements.
05:34 C'est-à-dire que le parquet a fait appel en disant "non, non, non, on veut Pierre Palmade
05:38 en prison en attendant", et puis Pierre Palmade a fait un AVC.
05:41 Donc on a ressorti Pierre Palmade de prison et puis on a refait appel.
05:45 Et puis finalement, la Chambre d'instruction a décidé qu'il serait en liberté surveillée.
05:49 Mais ça signifie bien que le juge des libertés et des détentions ne va pas toujours dans
05:53 le sens du parquet.
05:54 "Alors le juge des libertés et des détentions n'est pas un béni, oui, oui.
05:57 Il doit conserver son indépendance, son impartialité.
06:00 Pour moi, l'impartialité, c'est vraiment la vertu cardinale de la justice et spécifiquement
06:05 celle du JLD.
06:07 L'affaire Palmade montre effectivement l'importance, le caractère stratégique de la fonction
06:14 du JLD.
06:15 - Du juge des libertés et de la détention ?
06:17 - Du juge des libertés et de la détention, voilà, en abrégé, donc JLD.
06:20 Donc c'est une procédure, ce qui s'est passé a été parfaitement régulier et conforme
06:25 à la loi.
06:26 On voit que juger, c'est une chose complexe.
06:28 Le juge des libertés et de la détention ne décide pas d'une pré-peine.
06:33 C'est ce que peut-être certains ont du mal à comprendre.
06:37 Il statue par rapport à des critères posés par la loi, à savoir l'article 144 du code
06:42 de procédure pénale.
06:43 Donc il s'agissait de savoir si le fait de remettre en liberté ou placer en détention
06:51 M. Palmade…
06:52 - Ou n'importe quel autre prévenu.
06:54 - Ou n'importe quel autre prévenu, parce qu'il a été considéré comme n'importe
06:57 quel autre prévenu, était nécessaire ou non, face par rapport à ces critères posés
07:04 par la loi, notamment le risque de réitération de l'infraction, le risque de fuite, le
07:10 risque de pression sur des témoins, le risque de concertation éventuellement.
07:14 Donc il y a toute une série de risques qui sont pointés par cet article 144 du code
07:19 de procédure pénale.
07:20 Donc la procédure a été parfaitement régulière.
07:23 - Mais on voit bien dans cette affaire Palmade et dans toutes les affaires médiatisées,
07:27 on voit bien l'énorme pression médiatique qui pèse sur les épaules du parquet.
07:33 On voit bien que là le parquet ne voulait absolument placer Palmade en détention, mais
07:38 ça va dans bien d'autres affaires médiatisées.
07:40 On voit l'énorme pression médiatique.
07:43 Donc en fait le juge des libertés et des détentions, il a une responsabilité énorme.
07:47 C'est-à-dire que si c'est lui qui dit « non mais enfin vous rigolez, il n'y a aucun risque
07:51 de réitération, il n'y a aucun… » et au contraire l'accusé, le prévenu, se
07:58 trouve en danger si on le met en prison et ça ne sert à rien à part à surpeupler les
08:01 prisons, il prend un risque énorme parce que s'il y a récidive, s'il se passe
08:04 quoi que ce soit, c'est lui qui va servir de bouc émissaire.
08:07 - Effectivement, il y a un risque de la décision nécessairement, mais il faut assumer ce risque.
08:13 Voilà, on est magistrat pour ça, pour assumer ce risque.
08:16 - Et vous vous estimez que vous le prenez ce risque ?
08:20 - Je le prends, oui.
08:23 Enfin je serai jugé comme tel en quelque sorte par l'opinion publique.
08:27 Mais juger c'est une affaire complexe.
08:29 Il faut peser des intérêts, des critères, des notions, parfois en opposition les unes
08:35 entre les autres.
08:36 - Alors il y a un critère qui est devenu vraiment… on ne peut pas faire sans, c'est
08:41 l'état des maisons d'arrêt, c'est la surpopulation carcérale.
08:44 C'est devenu un critère majeur et d'ailleurs vous en parlez dans votre livre.
08:49 - Oui, alors on dit que la justice est laxiste, on fait un peu ce procès d'intention, on
08:53 l'entend souvent et pourtant jamais les prisons n'ont été aussi pleines, de record en
08:58 record.
08:59 Alors moi ce que je décris en valdoise, c'est une maison d'arrêt à Oigny que
09:04 je visite donc tous les ans et qui est dans un état qui n'est pas déplorable.
09:12 Je n'ai pas voulu faire non plus de catastrophisme, tout dépend des maisons d'arrêt.
09:16 Mais il y a une surpopulation qui fait que la prise en charge des détenus est nécessairement
09:21 dégradée.
09:22 Il y a aussi un risque de violence qui a sorti cette surpopulation carcérale.
09:26 Dans la plupart des cas, le justiciable n'a pas droit à une cellule individuelle.
09:33 Il vit à deux voire trois dans une cellule et on est obligé de poser à terre des matelas
09:39 pour accueillir un quatrième individu.
09:42 - Alors évidemment, ça, ça va être au cœur de vos décisions et on va en reparler
09:46 ensemble la maison d'arrêt à Oigny mais d'autres en France qui ont fait l'objet
09:52 de dénonciations, de batailles, de recours judiciaires.
09:55 Quand on voit l'état de certaines prisons françaises.
09:58 Il est 9h19, vous écoutez France Inter.
10:00 Une juge au micro de cette interview de 9h10, Béatrice Peineau-Ducournau.
10:05 (Musique)
10:07 (Musique)
10:09 (Musique)
10:11 de disgrâce dans le champ de bataille !
10:15 Allez tous les amis, comment allez-vous ?
10:19,
10:22 Vous connaissez très bien,
10:23 c'est moi qui-
10:25 Tink Tink Tink Tink Tink Pink,
10:27 et ça me fait출er le visage.
10:29 Shoutout
10:30 de Sawley.
10:31 *Musique*
10:49 *Musique*
11:09 *Musique*
11:37 *Musique*
12:05 *Musique*
12:25 Ça, Elza, elle chante Kill Bill.
12:27 *Musique*
12:29 France Inter, le 7 9 30,
12:31 l'interview de Sonia De Villers.
12:33 *Musique*
12:41 Depuis le début de l'année, 12 surveillants ont été victimes d'agressions.
12:44 *Musique*
12:52 Un peu plus tôt dans l'après-midi, 200 détenus ont refusé de regagner leurs cellules à l'issue de la promenade
12:57 pour réclamer de meilleures conditions de détention.
13:00 *Musique*
13:04 Voilà, c'était une série d'extraits de reportages tournés à la maison d'arrêt,
13:09 là où vous placez les détenus, sur lesquels vous avez des décisions à prendre, Madame la Présidente.
13:16 Je rappelle que vous êtes Béatrice Pénaud-Ducournau,
13:18 que vous venez de publier "Une justice à visage humain" aux éditions du Rocher,
13:22 que c'est la première fois qu'un juge des libertés de la détention témoigne
13:26 que l'une de vos principales tâches consiste à décider si on place en détention provisoire ou non un citoyen qui attend son procès.
13:36 Et globalement, c'est plutôt par là que vous allez ? Comment est-ce que vous répartissez vos décisions ?
13:44 Alors, je rends une dizaine de décisions par jour.
13:48 Et disons dans 80% des cas, c'est la détention provisoire que j'ordonne.
13:54 Parce qu'elle répond à des nécessités.
13:56 C'est l'écrasante majorité de vos décisions ?
13:58 Oui, à 80%. Alors, ça dépend, je statue à la fois sur les mineurs et les majeurs.
14:03 C'est vrai qu'en ce qui concerne le cas des mineurs, il y a des considérations prioritaires,
14:09 qui sont celles de l'éducation, de la poursuite de l'enseignement, de la formation.
14:12 Mais pour les majeurs, oui, c'est à 80% la détention provisoire.
14:16 Parce qu'elle répond à des nécessités, encore une fois, fixées par le code de procédure pénale.
14:20 Je suis saisi d'affaires graves, par définition.
14:24 Le juge de la liberté de la détention ne le saisit pas pour un banal petit délit.
14:28 Non. Alors, dans les affaires graves, il y a toutes les affaires, par exemple, de drogue,
14:35 de deal de drogue, de circulation d'armes.
14:38 C'est-à-dire que ce qu'il faut bien voir, c'est le champ immense des affaires que vous avez à juger.
14:44 C'est-à-dire que ça va d'un dealer de quartier qui vend du shit à des crimes pédophiles extrêmement graves.
14:53 C'est-à-dire que vous n'avez pas de spécialité.
14:55 Alors, je statue sur des crimes et des délits.
14:58 Les délits, effectivement, sont d'importance très variable.
15:01 Certains ne justifient pas la détention, l'incarcération.
15:05 Alors, je peux voir, la plupart du temps, ce que je vois, ce sont des violences familiales.
15:11 Alors, l'écrasante majorité des cas, ce sont des violences familiales ou sexuelles.
15:16 Je statue, en moyenne, sur trois ou quatre affaires de violences conjugales par jour.
15:23 Par jour ?
15:24 C'est un contentieux massif. C'est le plus massif des contentieux en justice.
15:29 Je statue, effectivement, sur des trafics de drogue, cannabis,
15:34 trafics qui sont très banalisés, mais aussi cocaïne,
15:39 des règlements de comptes, beaucoup de règlements de comptes, de rixes,
15:42 entre bandes rivales, entre groupes rivaux, en Val-d'Oise, donc en région parisienne.
15:48 Il m'arrive de statuer aussi sur des meurtres, des tentatives de meurtre,
15:52 des cambriolages violents, toute une série d'infractions.
15:56 Mais ce que je constate, c'est la montée de l'ultra-violence,
16:00 y compris dans des cambriolages, par exemple.
16:03 Et puis, tout un phénomène lié à notre société cyber-connectée,
16:08 donc une ubérisation, des trafics de drogue, des trafics d'armes,
16:12 et de la prostitution, notamment des jeunes filles mineures.
16:16 C'est un phénomène nouveau, particulièrement dramatique.
16:18 Et pour ce qui est des violences conjugales, vous constatez également une hausse des plaintes.
16:23 C'est-à-dire pas forcément une hausse de la violence, mais une hausse des dépôts de plaintes.
16:26 Oui, je crois qu'on vit un mouvement historique, celui de la libération de la parole des femmes,
16:32 y compris des femmes de milieux défavorisés, qui se décident à porter plainte.
16:38 C'est un enjeu de civilisation, et c'est un moment historique que nous vivons.
16:43 C'est en cela que nous faisons face à un nombre accru de plaintes
16:50 et de dossiers de violence familiale, qui sont souvent d'une extrême violence.
16:58 Deux mots sur... On a beaucoup parlé de...
17:02 On l'a dit aussi, il y a la question des étrangers en situation illégale,
17:07 avec la question du placement en centre de rétention.
17:10 Vous savez que le meurtre de la jeune Lola récemment a relancé la polémique sur les OQTF,
17:16 et puis que la classe politique a réclamé des procédures simplifiées,
17:23 une possibilité de maintenir plus longtemps des étrangers en centre de rétention.
17:27 Tout ça, ça arrive dans votre bureau ?
17:30 Alors, en Val-d'Oise, je ne statue pas sur la question des étrangers en situation irrégulière en centre de rétention,
17:36 parce qu'il n'y a pas de centre de rétention en Val-d'Oise.
17:38 Mais je l'ai pratiqué pendant deux ans, lorsque j'étais juge des libertés et de la détention à Mau.
17:43 C'est un contentieux, je dirais aussi juridiquement pointilleux qu'humainement pénible.
17:50 J'ai même été agressée d'ailleurs par une personne expulsée, qui allait être expulsée et qui a tenté de m'étrangler.
18:01 Violence qui montre le désespoir, qui sous-tend la tension.
18:07 Mais une violence qui surgit parfois dans votre bureau ?
18:09 La violence, effectivement, peut surgir dans mon bureau. C'est un métier à risque, on peut dire.
18:14 C'est un métier à risque, on peut dire. Vous, en général, vous faites démenoter les prévenus,
18:19 sauf cas exceptionnels. Il faut bien dire que nous avons quand même des cas psychiatriques de plus en plus nombreux.
18:24 Je rappellerai qu'environ 80% des condamnés souffrent de troubles psychiatriques, de moins un trouble psychiatrique.
18:33 Alors là aussi, sur l'hospitalisation sous contrainte, là aussi vous agissez.
18:40 Vous savez que récemment, par exemple, à Paris, les avocats et même le conseil de l'ordre s'est ému.
18:47 C'est-à-dire qu'on s'est rendu compte qu'il y avait des patients hospitalisés sous contrainte qui n'étaient pas accompagnés d'avocats.
18:54 Là, on est vraiment dans quelque chose de très humain.
19:00 Vous êtes au contact du médical. Ce sont des mesures qui ont été prises assez récemment.
19:04 Pendant très longtemps, l'hospitalisation sous contrainte était hors de contrôle d'un juge.
19:09 La vraie question aujourd'hui, c'est le pouvoir de ce juge.
19:12 Il y avait des contrôles d'un juge, des libertés d'attention, mais très limitées.
19:15 Ça a beaucoup changé.
19:17 Nous nous rendons dans les hôpitaux psychiatriques, plusieurs jours de la semaine.
19:22 Nous sommes au contact de ces personnes en grande souffrance, que sont les patients.
19:29 Et donc, nous devons, en tant que juge de liberté de la détention, évaluer si la personne est victime ou non d'un internement abusif.
19:38 Avec la possibilité pour elle de se défendre ou d'être défendue.
19:43 Il y a forcément, nécessairement, à nos audiences, un avocat qui les défend.
19:48 Y compris si le patient n'est pas en état lui-même de faire appel à un avocat.
19:53 Si le patient n'est pas auditionnable, il faut que le médecin psychiatre me fasse un certificat médical m'expliquant en quoi il n'est pas auditionnable.
20:04 Merci Madame la Présidente. Une justice à visage humain paraît aux éditions du Rocher.
20:09 Merci Sonia.

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