Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution, auteur du blog "Le web grande conso", était le jeudi 2 février le Grand témoin de franceinfo. Il répondait aux questions de Marc Fauvelle.
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00:00 - Bonjour Olivier Dauvert. - Bonjour Marc Fauvel.
00:01 - Vous êtes journaliste, spécialiste de la grande distribution et auteur du blog "Le Web, Grande Conso".
00:06 Le constat est assez sévère contre les supermarchés. Est-ce qu'il est justifié ?
00:10 - Il est justifié si l'on regarde ce que font les distributeurs, c'est-à-dire visiblement pas assez.
00:15 Mais il est incomplet parce qu'on oublie de prendre la responsabilité du consommateur.
00:19 Parce que finalement, les distributeurs ne font que vendre ce que les consommateurs achètent.
00:23 Alors évidemment, ils peuvent avoir un effet pour modifier la consommation.
00:27 Mais je vais prendre l'exemple du bio par exemple, qui manifestement répondrait aux attentes d'action climat
00:33 et plus généralement de ce sujet de l'environnement.
00:35 Bon, les consommateurs depuis deux ans, ils achètent plutôt moins de bio que plus de bio.
00:39 - Parce qu'il est plus cher. - Oui bien sûr, mais le bio s'il est plus cher,
00:42 c'est parce qu'il y a une raison objective qu'il le soit.
00:44 Et là pour le coup, c'est ni le problème des distributeurs, ni des paysans, ni des transformateurs.
00:49 C'est une réalité, le bio sera toujours plus cher.
00:51 Donc imaginez un instant que demain, le bio puisse devenir la norme de notre consommation alimentaire.
00:57 C'est nier quelque chose que vous rappelez quasiment tous les jours sur votre antenne,
01:01 qui est l'attente sociale pour le discount en France.
01:03 Il y a des consommateurs qui voudraient, mais ne peuvent pas.
01:06 Et donc en fait, tous les maillons sont co-responsables.
01:09 La distribution elle l'est, il n'y a pas de problème.
01:11 - Mais nous aussi quand on fait nos courses. - Mais évidemment.
01:13 Évidemment, c'est par nos achats qu'on peut modifier ce qu'il y a dans les rayons,
01:16 et ensuite que les distributeurs modifient aussi ce qu'ils achètent.
01:19 Il y a une responsabilité totalement collégiale,
01:22 et on l'oublie souvent parce qu'on oublie notre responsabilité.
01:25 Elle est première.
01:25 - Alors l'un des reproches qui est fait, on l'a entendu au Grande Surface,
01:27 c'est de donner trop d'importance dans ces rayons à la viande d'origine industrielle.
01:31 C'est celle qui émêle plus de gaz à effet de serre.
01:33 Est-ce que ça bouge un peu aujourd'hui dans les Grandes Surfaces sur cette question-là ?
01:37 - Pas assez, je pense qu'Action Climat a raison,
01:39 mais j'en reviens encore une fois au sujet de notre responsabilité.
01:42 Ça fait déjà 20 ans qu'il y a de la viande bio dans à peu près tous les magasins.
01:45 Est-ce que les consommateurs en achètent ?
01:47 Pas assez, pourquoi ? Parce qu'elle est trop chère.
01:49 Le bio, c'est environ 50% plus cher.
01:51 - Si on en achetait plus, Olivier Devers, est-ce que ça ferait baisser les prix ?
01:54 Est-ce qu'il y aurait un effet de masse ?
01:55 - Un tout petit peu, mais il ne faut pas faire croire aux consommateurs
01:59 que si demain on achète tous bio, on arrivera à avoir en bio les prix du conventionnel.
02:04 Le bio porte en lui les germes d'un surcoût.
02:06 Un éleveur bio, il a des charges plus élevées qu'un éleveur conventionnel.
02:10 Donc si le consommateur en bout de chaîne n'accepte pas sa responsabilité de citoyen,
02:15 on aura du mal à aligner notre consommation avec les enjeux climatiques.
02:19 Ça, il faut quand même l'entendre, c'est le point de départ.
02:21 - Est-ce que les marges de la grande distribution sont plus importantes sur le bio que sur le reste ?
02:24 - Oui, elles sont plutôt plus importantes pour les distributeurs, pour les transformateurs,
02:28 parce qu'il y a un effet d'opportunisme sur le bio,
02:30 parce que les consommateurs bio sont moins sensibles aux prix que les autres.
02:33 Et donc un commerçant, comme un industriel, étant ce qu'il est,
02:35 c'est-à-dire pas une entreprise philanthropique, pas une organisation caritative,
02:39 eh bien lorsqu'il peut le vendre plutôt plus cher que moins cher, il le fait.
02:42 Mais c'est pas ça l'explication au surcoût du bio.
02:45 Le bio, à la base, c'est parce que ça coûtera toujours plus cher à produire,
02:49 pour une raison déjà toute simple, c'est que les rendements sont plus bas.
02:52 Qu'on le veuille ou non, c'est comme ça.
02:53 - Ce que disent aussi les ONG dans cette étude, c'est qu'on ne sait pas d'où vient la viande qu'on achète.
02:58 On a mis en place un système ces dernières années pour les œufs,
03:01 avec un petit chiffre sur la coquille, 0 quand c'est un œuf bio, 1 quand c'est un élevage en plein air, etc.
03:07 - Jusqu'aux œufs en batterie, on n'achète plus en batterie.
03:10 - Voilà exactement. Pourquoi est-ce qu'on ne fait pas la même chose sur la viande ?
03:13 - Eh bien sur la viande, le sujet, pour le coup, je vais vous surprendre,
03:16 n'est pas un sujet de grande distribution, mais d'industriel.
03:19 Quand vous achetez de la viande dans un rayon boucherie, dans une grande enseigne,
03:22 à peu près, sans me tromper, 95% de la viande est française.
03:25 La viande fraîche, celle que vous achetez en barquette, une côte de bœuf, une côte de porc,
03:29 ça, dans 95% des cas, c'est français.
03:32 Ce qui n'est pas souvent, et pas assez, c'est ce que l'on met dans les plats cuisinés.
03:36 Parce que là, la viande, elle devient anonyme.
03:38 Voilà pourquoi, il y a quelques années, j'ai lancé une campagne qui s'appelle "Balance ton origine",
03:42 qui consiste à obliger les industriels à mettre nommément le pays d'origine de la viande.
03:47 - Mais ça c'est l'origine, ça ne dit pas la qualité, ça ne dit pas si le bœuf a mangé de l'herbe pendant sa vie,
03:52 et s'il a vu le ciel bleu ou pas.
03:54 - Mais on va considérer que pour engager le consommateur, il y a quelque chose qui est très facile à comprendre.
03:57 Si le bœuf, il vient de loin, si le poulet, il vient de loin,
04:01 il est très probable que son empreinte carbone sera plus élevée que s'il vient du Gers.
04:05 On va être direct, ça se passe comme ça à la vie.
04:07 Il faut donner au consommateur des choses simples à comprendre.
04:10 L'origine, c'est probablement le sujet qui est le plus simple à comprendre, parce que ça parle à tout le monde.
04:15 - Oui, les ONG réclament justement la mise en place d'un éco-score sur l'ensemble des produits alimentaires,
04:19 sur le modèle du Nutri-score qui se fait aujourd'hui, mais uniquement sur la base du volontariat.
04:24 Est-ce que c'est une bonne idée ? Est-ce que c'est possible ?
04:26 - Ils ont raison, parce que chaque fois que l'on simplifie le message que l'on envoie au consommateur,
04:29 on a plus de chances de l'embarquer.
04:31 Il faut que les grands sachants de l'environnement acceptent que celui qui fait ses courses,
04:35 il consacre quelques secondes au moment où il choisit le produit.
04:38 Donc même si le message est simplificateur, et Nutri-score est très simplificateur,
04:43 il aide les consommateurs.
04:44 La meilleure preuve étant qu'on a vu une modification des ventes de produits mieux notées au Nutri-score,
04:49 comme on aura demain s'il y a l'éco-score ou le Planet-score,
04:52 parce qu'il y a deux scores qui sont en train de se livrer.
04:54 - Trop d'indicateurs, ça ne tue pas l'indicateur.
04:56 - Bien sûr, trop d'indicateurs peut tuer l'indicateur, mais pas d'indicateurs est encore pire,
05:00 parce que le conso n'a pas de repère.
05:01 On a besoin de repères.
05:03 Il vaut mieux avoir un peu trop de cartes routières pour se repérer qu'être seul dans la jungle.
05:07 - Qu'être seul sur le bord de la route.
05:07 - C'est que du bon sens de le dire comme ça.
05:09 - Merci beaucoup Olivier Dauvert, journaliste spécialiste de la grande distribution, auteur du blog
05:13 "Le Web, grande conso, grand témoin de France Info".